Chapitre 23. D'Arkho
La salle de sport m'accueille dans un joyeux brouhaha. L'odeur de transpiration, d'efforts sains et d'amicale compétition détend instantanément les muscles de mon cou noués par la contrariété.
Que ça fait du bien de retrouver mes frères d'armes. Mon regard se porte sur chacun de mes huit partenaires. Nous sommes une communauté typique de neuf Gargouilles, comme les anges ont un béguin pour ce chiffre. Une histoire mystique venant de leur propre origine, ils vont toujours par cercle de neuf, eux aussi.
Comme moi, ils ont sont issus d'ancêtres démons. J'ai un dragon pour arrière-grand-père. Certains sont mes cousins et partagent mon ascendance à écailles, d'autres sont issus d'une chimère ou une quelconque monstruosité échappée tout droit de l'enfer.
Notre chef, O'kyel est au fond de la pièce en train de parler avec Raze et Roga les deux autres lieutenants qui comme moi le secondent dans son travail de commandement. Leur discussion semble sérieuse, leur visage est lisse, sans expression, ce qui me fait comprendre que le sujet est important, mais qu'ils ne veulent pas inquiéter les autres.
Des rires me détournent d'eux, Bakr'a et Kr'ayn sont en pleine compétition. Ils soulèvent des haltères et se défient pour savoir qui tiendra le plus longtemps les bras tendus avec autant de poids. Les trois restant sont juste des spectateurs hilares. Ils parient en se moquant, en se chambrant. Ils aiment balancer des vannes bon enfant. Ces cinq balèzes sont les guerriers qui complètent notre cercle.
Vencyr ajoute dix kilos par côtés de façon peu délicate, les muscles du premier tremblent et Bakr'a serre les mâchoires pour tenir.
— Allez mauviette ! Tiens bon, crie R'ykstomb en riant, ne me fais pas perdre mon fric.
— Il n'y arrivera pas, se marre Cr'ywel en lui tapant sur l'épaule. C'est Kr'ayn qui va gagner.
J'aime cette ambiance, ils ne s'en font pas, ne cogitent pas, prennent la vie comme elle vient.
— Hey, D'Arkho ! Viens mon pote, m'interpelle Venc'yr qui m'aperçoit sur le pas de la porte.
Je m'avance en souriant. C'est tout ce qu'il me faut pour être heureux. Ne pas penser, rire et me détendre.
— On ne t'a plus vu depuis hier, mais Roga et Raze ont dit que tu étais promu gardien de l'Equill. Veinard !
— Pourquoi veinard ?
C'est vrai quoi ! Je pourrais être toujours impulsif et m'amuser si je n'avais pas eu la joie d'être désigné volontaire par O'Kyel. Cassie est géniale, belle, courageuse et je dois me retenir de retourner auprès d'elle, mais je suis également sous l'effet de mon serment. Avant je n'aurais jamais prêté autant d'attentions et aussi longtemps à une femelle humaine. J'étais insouciant.
— Il paraît qu'elle est bonne, souligne ce petit con de Venc'yr. Qu'elle a un cul à tomber et des yeux de biche. Et que dire de sa bouche...
Cette réflexion met out mon esprit, mes muscles se tétanisent et je vois rouge. Il ne la connaît pas, il n'a aucun droit de penser à elle, de parler d'elle, de son corps, de ses formes. S'il y pense, il doit aussi fantasmer, ce coureur de jupons. Après quoi, il voudra la draguer, lui faire des avances ? Et si Cassie le préférait à moi ?
— D'Arkho ! Arrête ! Putain, lâche-le !
De multiples injonctions venant de différents endroits de la pièce résonnent, mais ne me font pas dévier de mon objectif.
— Tu ne la touches pas, tu ne la regardes pas, tu n'y penses même pas.
Je craque complètement, des bras m'encerclent, des mains tirent sur mes biceps pour me décrocher de mon cousin. Sa bouche saigne, ses yeux surpris me fixent sans comprendre le pourquoi de ma colère.
Mon cœur bat à tout rompre, mon souffle est rapide presque haletant. Mais qu'est-ce que je fais ? Je saute sur mon ami, mon frère d'armes juste pour des réflexions qui sont lancées sans arrière-pensées. On a fait ça toute notre vie, rire et se moquer, et évaluer la marchandise féminine. D'un coup, je desserre les doigts et me recule précipitamment.
— Merde ! Désolé, mon pote.
Le brouillard de fureur se dissipe et je reprends mes esprits.
— Tu peux, me répond-il en se frottant la bouche pour retirer le sang. Qu'est-ce que j'ai dit, cousin ?
— Rien, c'est moi qui ai un problème.
Un putain de gros soucis. Je secoue la tête. Des remords me plongent dans l'incertitude. Si je pète les plombs à la moindre occasion, je suis un vrai danger public.
— D'Arkho, il va falloir discuter de ton comportement.
La voix d'O'Kyel résonne derrière moi, froide, glaciale et porteuse de menaces.
Mon commandant n'a pas besoin de crier ou d'élever le ton pour faire passer un message. Sa présence est imposante, son aura de domination prouve qu'il est le plus fort et le plus à même de nous diriger. Il est aussi d'une intelligence affûtée et hors-norme. Et en cet instant, toute sa concentration est braquée sur moi. Je n'obéis pas souvent, mon caractère de chien fou qui s'amuse d'un rien et de mes bourdes à répétition lors de nos missions, dues pour l'essentiel à mon incapacité à me contrôler et à toujours être impatient, m'empêche de suivre les ordres. Malgré tout, je sais quand je dois la fermer et accepter les engueulades.
Ce moment est arrivé, je vais en prendre pour mon grade. Sauter à la gorge d'un partenaire pour une simple boutade est inacceptable. Je m'en rends compte même si juste d'y songer, j'ai de nouveau des envies de meurtres. S'il rouvre sa bouche pour parler des formes de Cassie, je l'étripe pour lui apprendre à se taire. Ou je lui fais avaler sa langue. Après le Repos, il sera guéri, mais la douleur sera une bonne leçon.
— Suffit !
L'ordre claque dans le chaos de mes pensées et je me retrouve pour la seconde fois en quelques minutes à étrangler mon ami.
Je suis emmené contre un mur par des bras puissants et ma tête frappe les briques dans un son net. Le visage d'O'Kyel s'immisce dans mon champ de vision et me bouche la vue.
— Faites sortir Venc'yr, exige-t-il sans détourner son regard du mien.
Ses pupilles se rétrécissent et ses iris deviennent iridescents. Le brun s'échauffe et se change en bronze. Leur effet calmant fait son office et la rage disparaît. La forte dominance qui se dégage de lui, coupe brutalement mes envies eurtrières et m'oblige à revenir sur terre.
— D'Arkho, qu'y a-t-il ? Pourquoi s'en aucune provocation tu lui sautes dessus ? Ce n'est pas ton genre. Une bagarre pour le fun oui, mais là c'est juste gratuit.
— Je... J'ai un problème avec Cassie. Il en a parlé...
Je serre les dents pour garder mon calme et ma lucidité. Je dois continuer mon explication :
— J'ai prêté serment et je suis envoûté. Je suis comme... sous le charme de l'Equill. Dès qu'il en a parlé, avec des termes plus qu'irrespectueux, j'ai ressenti de la rage.
— Un serment ? D'allégeance et de protection ?
— Oui. Dam dit qu'on est attiré l'un par l'autre à cause de ça.
— Physiquement ? Tu sais que...
— Oui, je sais, je le coupe hargneux.
Connaître la Règle de ne pas toucher Cassie est une chose, la suivre en sera une autre. J'ai besoin d'elle. Viscéralement.
— Tu as reçu un tatouage quand tu as juré ? Montre-le-moi.
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