Chapitre 22. D'Arkho
Damabiah déploie ses ailes, son aura augmente en intensité et je me détourne pour garder une vision opérationnelle.
Il est à ma place, à ses côtés. La colère gronde dans mes veines, mon cerveau est embrumé par des idées inédites jusqu'à ce jour. Heureusement, il ne fait rien de plus que de lui tenir la main. Cette jalousie me surprend. Je n'en ai rien à foutre d'habitude des nanas. Mais ici, même mon boss me met les nerfs. Qu'il me cogne, qu'il me secoue et me blesse passe encore, mais se mettre entre Cassie et moi. Ca... c'est dur à avaler. Et qu'il insinue que notre attraction est artificielle, que la trouver belle et courageuse n'est pas un sentiment naturel de ma part, que sa fragilité et ses peurs ne peuvent pas m'émouvoir. Sans doute pense-t-il à ma nature démoniaque. Mes ancêtres n'ont pas de sentiments positifs. Que tout ce que je ressens est induit par la magie née de mon serment inconsidéré m'énerve et je me retiens de lui dire ma façon de penser. Ce n'est pas le moment.
Cassie a besoin de repos et surtout de calme pour son premier voyage dans les Rêves. Je serre les poings pour m'empêcher de les rejoindre. La douleur dans le poignet permet le retour d'un semblant de plomb dans ma cervelle.
Respire mon gars... Tu ne vas pas lui sauter dessus, il ne fait rien. Il lui apporte la sérénité. Respire...
Lentement, mes muscles se détendent, je fais craquer mes vertèbres en roulant ma tête de gauche à droite et joue des épaules pour terminer le travail.
Dam me jette un regard d'avertissement puis tend la main et la pose sur le front de Cassie. Ses yeux papillonnent puis se ferment. Elle tente dans un sursaut étonnant de volonté de les rouvrir. Ses pupilles dilatées au maximum me cherchent. Je fais un pas dans sa direction avant de me stopper. L'effort est colossal ! Je suis poussé par un instinct plus fort que ma raison, il m'ordonne de rester auprès d'elle, de la prendre dans mes bras et même... de la border ! Moi, qui n'ai jamais été tendre avec une femme, j'ai des difficultés à rester où je suis et ne pas me précipiter vers elle.
Ce serment m'a foutu dans la merde !
Pour l'obliger à rejoindre les limbes des Rêves, Damabiah nimbé dans sa lumière céleste, commence à murmurer une prière. Je la connais, malgré cela les paroles font pour la première fois sens dans mon esprit. Ces versets représentent vraiment la situation actuelle.
"Eternel, prend-la sous ta protection !
Nous, Anges, la gardons !
Que ton œil soit sur elle !
Garde-la comme la prunelle de ton œil.
Protège son âme contre le glaive, sa vie contre le pouvoir des démons!
Eternel, accorde-lui un sommeil doux et paisible.
Qu'elle s'endorme en paix et qu'elle se réveille en vie et en bonne santé.
Couvre-la de l'ombre de ta main !
Que l'ennemi ne la surprenne pas, et que le mal ne l'opprime point.
Éternel, cache-la sous l'abri de mes ailes
Que je sois son bouclier et sa cuirasse.
Lance tes flèches et disperse ses ennemis !
Que toute arme forgée contre elle soit sans effet.
Cette nuit, elle ne mourra pas.
A son réveil, son âme brillera !"
Cassie soupire et s'enfonce dans un sommeil induit par la voix hypnotique de l'Ange, sa bénédiction ayant fait son oeuvre. Sans m'en apercevoir, je me retrouve en train de caresser les cheveux de ma protégée. Leur douceur coule entre mes doigts. Ma fascination s'étend à bien plus qu'à son physique. Je me connais, j'aime les femmes et elle est belle, magnifique même. Bien avant que ce serment nous lie, j'étais déjà attiré, comme aimanté par elle. Son caractère fort qui masque une fragilité sous-jacente est pour moi aussi sexy que sa chevelure ondulée aux couleurs de chêne clair ou ses yeux gris comme la pierre de nos statues.
J'ai quasiment commis une catastrophe dans ce lit. J'ai manqué à ma parole, j'avais annoncé, sur de moi, que je résisterai à ses attraits, que je ne ferai que la masser. J'ai oublié de compter sur le grain de sa peau, sur la texture veloutée de son corps sous le mien, tendre et doux à la fois et son parfum grisant. Ivre d'elle, j'ai manqué de jugement.
Et je recommence sans réfléchir. Je suis debout, la contemplant dans son sommeil, tel un pervers, et je ne peux reculer, je ne sais pas si je saurai me détacher d'elle. Mes doigts se perdent le long de son cou et sont déjà presque au niveau de sa clavicule. Mon cerveau est aux abonnés absents, black out total.
— Ça suffit D'Arkho !
L'injonction sèche me frappe, me percute. Il a utilisé la force mystique de sa voix pour me secouer, me ramener à la réalité.
Je me redresse, secoue la tête et recule. Je cale mes mains dans le dos pour éviter tout débordements.
— Je ne faisais rien de mal, je réplique, totalement de mauvaise foi.
— Non, bien entendu.
Le sarcasme est évident. Bien qu'il ne me regarde pas, il est conscient de tout ce qu'il se passe dans la pièce.
— Je vais m'occuper de Cassie, lui apprendre les bases et pour ça j'ai besoin de concentration. Donc... tu vas sortir et nous laisser.
— Mais...
Je veux d'ors et déjà désobéir, m'éloigner me semble insurmontable et même cruel.
— Cette pulsion qui te pousse à rester est dangereuse. Tu dois t'éloigner pour quelques heures. Va t'entrainer avec tes frères dans la salle de sport. Te dépenser te fera le plus grand bien.
Je serre les mâchoires au point que mes dents grincent. Puis une étincelle de lucidité interrompt mes désirs de révolte. Comment pourrais-je la laisser seule ? Non ! Rien que l'idée me vrille le cerveau.
En réalité, c'est possible, car elle n'est pas vraiment isolée, si Dam est près d'elle aucun mal ne peut lui arriver. Et si je reste dans le Manoir, je peux être en quelques secondes à ses côtés.
— Oui... , je ne permettrai jamais qu'elle soit blessée, me confirme-t-il, lisant clairement dans mes pensées.
Il se redresse et finit par croiser mon regard. Il secoue ses ailes et le bruissement de ses plumes imitent le vent dans les arbres. Ce son apaisant calme mes ardeurs, mes muscles se relâchent et j'abaisse mes barrières, lui permettant de voir et ressentir mes sentiments.
— Je te promets qu'elle ne craint rien. Va retrouver O'Kyel et tes compagnons, passe du temps avec eux, dépense-toi. Dès que j'ai terminé ici, nous parlerons de l'incident de la forêt. Nous sommes suffisamment nombreux dans l'enceinte pour faire reculer une tentative cette nuit. Ces lâches ne viendront pas.
J'accepte ses ordres et me force à me détourner de cette chambre. La compulsion qui me pousse vers elle tiraille mes instincts. Un pas, deux pas... plus je mets de la distance, moins elle est forte. Pour le moment Damabiah a raison sur ce sort d'attraction. Mais qu'en sera-t-il dans quelques heures, jours ? Ne serais-je pas complètement envoûté par Cassie ? Et voudrais-je seulement retrouver ma liberté de penser ?
Sur le pas de la porte, j'hésite à la regarder dans son sommeil encore une fois. Puis respirant un bon coup, je pars sans me retourner malgré le noeud qui se fixe au niveau de ma poitrine. Je ne l'abandonne pas, non, elle est saine et se repose.
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