L’un d’eux me saute sur le dos visant les ailes, sachant que c’est notre point faible. Je me débats puis comprenant qu’il ne lâchera pas, me laisse tomber de tout mon poids sur lui. Il crie de douleur, je ne suis pas léger sous cette forme. Sans lui donner de répit, je me retourne, me mets à genoux pour le bloquer, lui tords le cou et le roue de coups.

— D’Arkho !

Une voix féminine derrière moi me stoppe dans ma rage meurtrière. C’est Cassie qui se trouve aux prises d’un Écorcheur. Putain ! Ce sont les pires, ils adorent retirer des lambeaux de chair à leurs victimes, vivantes et hurlantes de préférence. Il la retient entre ses bras, l’un deux enroulé autour de sa gorge, fragile et vulnérable. Son sourire sadique m’indique qu’il pense être aux commandes, qu’il gère cette situation merdique. Mais il est mort, il ne le sait pas encore, c’est tout. Je le fixe en me relevant lentement, mes mains en évidence pour lui montrer ma bonne foi.

— Relâche-la.

— Dans tes rêves, Essssclave.

C’est con, mais son chuintement le rend plus ridicule que menaçant. Sa langue bifide de serpent le dessert, lui retirant toute crédibilité.

— Allons, on ne va pas recommencer ce débat stérile. Je ne suis l’esclave de personne, j’épaule les envoyés du Ciel dans leur combat, je ne suis en aucun cas leur serviteur.

Je lui réponds avec un haussement de sourcils, ils me font chier à toujours me rebattre les oreilles avec leurs histoires. Oui, mes ancêtres étaient démoniaques ! Oui, les anges les ont capturés et asservis, mais ma génération est libre dans le choix de notre vie, blablabla... ils me gavent à essayer de nous retourner contre nos alliés.

— Minable petit ssserf. Nous arriverons à notre fin et tu seras écrasé sous la botte de notre commandant et de Ribal, notre maître.

— Tu vas vite retrouver ton chef Nox’fra et lui dire où il peut se carrer ses rêves de grandeur. Vous êtes les serviteurs rampants et puants de ce démon de Ribal, vous serez toujours sous son joug comme des chiens enchaînés.

— Pour le moment, on a l’Equill, Ribal va être content.

Sa satisfaction visible me fait rager, il est bien trop confiant. De son doigt griffu, il trace une ligne sanglante sur la joue de Cassie. Elle tressaille sous la douleur, mais refuse d’émettre le moindre bruit. Pas un gémissement, pas une larme. Juste un regard fixe sur moi, qui me supplie de la sauver.

Les autres s’approchent et m’encerclent, ceux qui le peuvent encore se relèvent. Il gagne du temps pour me prendre en tenaille. Je n’ai plus qu’une chose à faire. Je dois la libérer en tentant une manœuvre qui le surprendra et m’enfuir avec elle.

À ma gauche, je vois, du coin de l’œil, un de ces fils de rat pointer un poignard dans ma direction, je me dérobe et lui agrippe le poignet. Sentant un élancement au niveau de la poitrine, je constate ne pas avoir totalement dévié son coup. Faudra que je fasse avec, ça n’a pas l’air d’être mortel.

Lui retournant et pliant le bras dans une clé violente et douloureuse, j’entends son os se briser. Sous la souffrance, il ouvre la main et je récupère son arme, pour la lancer directement dans un geste fluide et précis. La dague s’enfonce entre les deux yeux du ravisseur de ma protégée. Il n’a rien vu venir et j’en profite pour courir vers eux. J’attrape Cassie, l’arrachant de ses doigts morts et la soulève contre mon torse et force le cercle des démons mineurs. Ayant besoin d’un minimum d’espace entre les arbres pour décoller, je fuis à toutes jambes et trouve enfin une clairière.

Je m’envole d’un bond et évite mes poursuivants, in extremis.
Prenant la direction du manoir, sous les rayons de la lune, j’envoie un message télépathique à O’kyel pour le prévenir de la présence ennemie dans les bois voisins. Réclamer un support ou même de l’aide. J’aurais dû le faire avant, mais j’ai négligé l’essentiel sous l’effet de l’adrénaline due au combat. Ça aurait pu mal tourner et ça aurait été complètement de ma faute. Partir sans arme, oublier ma mission pour agresser celle que je suis censé protéger et ne pas demander d’appui… Encore une nuit magnifique pour me faire taper sur les doigts par mon chef et par Dam.

Cassie tremble et s’agrippe à ce qui reste de mon T-shirt.

— Ne t’inquiète pas, on rentre et tu seras à l’abri. Je suis désolé pour tout.

Je prends une voix douce pour la rassurer, mais elle est rocailleuse et bien trop grave, tellement à l’opposé de Dam qui pourrait la détendre en deux secondes. Je suis nul pour les excuses et apaiser une nana. Elle me regarde comme si j’allais la manger, crispée au point qu’elle pourrait se briser si elle tombait.

Ah… Elle a peut-être le vertige ?