✸ | 2 | Dancin' around the lies we tell
Où Alina est survoltée, Aleksander très satisfait de lui-même, et Nikolai fatigué par ces idiots. Le Modern!AU que personne n'attendait mais que je suis là pour servir tout de même ~
Σ>―(〃°ω°〃)♡→
Lycée privé Sankt Ilya
Os Alta, Ravka
Lundi 6 mars, 10 h 30
Il y avait quelque chose dans la salle de pause des professeurs, ce matin là, qui rendait Alina particulièrement tendue.
Peut-être que son manque de sommeil la rattrapait finalement, mais un mauvais pressentiment l'envahissait. Elle venait de terminer ses deux premières heures de cours et si ses étudiants étaient en général décemment concentrés, il se faisait en ce début de semaine proche des vacances de plus en plus difficile de captiver leur attention, la laissant déjà fatiguée d'avoir dû hausser la voix et gesticuler plus que la normale. Sans parler de cet élève qui s'était brûlé avec le pistolet à colle faute de l'avoir prise au sérieux.
Le brouhaha des autres enseignants, pour la plupart tous regroupés près de la machine à café, ne faisait qu'aggraver sa migraine naissante et elle sentait plus qu'elle ne voyait que quelqu'un la fixait très attentivement. Trop attentivement.
Elle supprima un sourire et corrigea sa posture pour se tenir plus droite.
Se retournant, elle croisa le regard sombre du Ô combien célèbre Aleksander Morozova. Impeccable dans sa veste de costume noire, tout en angles, il la salua d'un mouvement de tête, négligeant la pile de feuilles devant lui. Il jouait avec la bague passée à son majeur, et Alina fut tentée de copier le geste avec son propre bijou, sous la tension que se sentir ainsi surveillée lui faisait ressentir. Elle lui rendit, crispée, la politesse, mais pris bien soin de l'ignorer en allant ouvrir son casier pour voir si on lui avait transmis des documents.
Pas qu'il soit haïssable, non au contraire, il pouvait se montrer charmant et tous s'accordaient en règle générale pour dire qu'il méritait ses prix de géopolitique; il avait donc toute sa place parmi le corps enseignant de l'établissement Sankt Ilya. Quand elle avait commencé à travailler ici, cinq ou six mois auparavant, il passait même pour le meilleur professeur que le prestigieux établissement ait eu depuis un bon nombre d'années.
Mais voila, l'homme avait la fâcheuse tendance de désorganiser son espace de travail, ses cours programmés avant les siens, et elle ne pouvait décemment approuver ses méthodes pédagogiques qui manquaient cruellement d'humanité. Il recherchait la performance chez ses élèves, et si son enseignement payait, elle récupérait suffisamment régulièrement les pauvres adolescents en larmes pour savoir que cette attitude n'était pas la bonne.
Et pour couronner le tout, il avait l'arrogance de lui sourire aimablement comme si elle ne venait pas juste de retrouver un tiroir de son bureau rempli de ses copies à corriger, quand elle avait réservé cet espace spécialement pour l'utiliser avec ses évaluations en retard. Elle choisissait consciemment d'ignorer qu'ils partageaient la même classe une matinée sur l'autre et qu'il pouvait par conséquent utiliser ce tiroir en toute légitimité.
Ce n'était pas la première fois qu'il cherchait à la pousser à bout, leur relation hostile était de notoriété publique. Le vidéoprojecteur n'était toujours pas réparé depuis la dernière fois où une clé USB remplie de photos sur les différents salaires pour ceux qui avaient fait le choix d'un parcours artistique s'était mystérieusement retrouvée soudée à l'appareil.
Il avait marqué bien trop de points dans ce conflit, ses propres répliques étaient trop faibles... Jusqu'à présent. Après une moitié d'année à l'observer, elle avait enfin répertorié tous ses points faibles.
Alina s'avança courageusement jusqu'à la machine à café, ravala l'impulsion d'étrangler quelques uns de ses collègues les plus enthousiastes qui accaparaient son attention, et se concentra sur sa tâche d'absorber sa dose de caféine.
Un soupir de soulagement lui échappa quand elle sentit la vitalité lui revenir. Elle voulait être en pleine possession de ses sens pour ce qui allait suivre.
Se craquant le cou dans un effort pour délasser les nœuds de ses cervicales, la jeune femme lança sa tasse en carton dans la poubelle prévue à cet effet, et se tourna vers Morozova. Il ne daigna pas lever les yeux vers elle malgré le mouvement soudain, et elle combattit l'instinct qui lui commandait de frapper du poing sur la table.
Ouvrant à la place sa besace, elle posa devant lui tous ses porte-documents laissés sur le bureau en prétextant les lui rendre après un oubli, involontaire elle en était certaine, de sa part puisqu'il devait évidemment être au courant qu'elle avait réservé la salle pour l'après-midi. Elle fut satisfaite du tremblement dans sa mâchoire que son sourire angélique réussit à provoquer.
Ils pouvaient être deux à jouer à ce jeu.
Alina ne vit pas Aleksander se lever pour s'accaparer amphithéâtre de l'établissement pour les prochains jours, rictus parfaitement suffisant scotché aux lèvres, mais après avoir par accident laissé ses copies près de la déchiqueteuse, elle serait celle à remporter ce round.
Elle le savait.
Alina sortit de la salle bien plus alerte qu'elle n'y était rentrée, résistant avec peine à l'envie de sautiller jusqu'à sa classe.
(งಠ_ಠ)ง
Lycée privé Sankt Ilya
Os Alta, Ravka
Jeudi 23 novembre, 18 h 00
— Zoya, regarde-moi. Tu vois ces cernes ? Elles ne devraient pas être là, je dors sept heures par nuit, je m'hydrate, je mets de la crème. Ce n'est pas pour avoir mon teint de pêche ruiné par deux insupportable têtes de mules !
Nikolai gémissait plus qu'il ne râlait, gesticulant avec de grands gestes de bras exaspérés qui manquaient de renverser les dossiers et bibelots étalés sur son bureau. La vice-proviseure de l'établissement, assise à la chaise qu'il occupait normalement, le fixait, tout dans son attitude indiquant un désespoir évident. Elle le jugeait fortement, roulant des yeux quand il se lança dans une tirade sur la fortune que leurs permanents problèmes, Aleksander Morozova et Alina Starkov, lui faisait dépenser en aspirines.
S'ils étaient régulièrement à deux doigts de se sauter à la gorge et responsables de la plupart des épisodes de mal être et de tension parmi les professeurs, rien ne pouvait vraiment être dit sur leur comportement immature puisqu'ils étaient deux des enseignants les plus prestigieux que l'établissement aie eu depuis un moment. Ils apportaient des élèves de riches familles, et l'argent était bien utile au vu des rénovations incessantes que nécessitait le lycée.
Zoya finit tout de même par se hausser du siège roulant pour tirer d'un des tiroirs une bouteille de whisky accompagnée de deux verres. Elle les remplit sans un mot et en tendit un au jeune homme, qui l'accepta sans protester, interrompant son monologue pour prendre une gorgée du liquide ambré. La brune profita du silence momentané pour offrir son point de vue sur la question.
— Je suis d'accord que si on doit gérer leurs querelles d'enfants de primaire pour une année de plus, je me dédouane de toute responsabilité en cas d'homicide, lâcha t-elle, ignorant le rire soudain de Nikolai qui, pris par surprise par la violence des paroles débitées sur un ton neutre, faillit s'étouffer avec sa boisson.
Il parvint à garder sa dignité intacte en déguisant cela comme un quinte de toux, due au rhume qui passait entre le corps enseignant ces derniers mois. Les élèves commençaient à tomber malade, et le tout se propageait jusque dans l'administration.
— Oui ça ne peut plus durer, renchérit-il finalement en cessant enfin de faire les cents pas. Le coût matériel de leurs conneries commence à devenir conséquent, la semaine dernière Starkov a trafiqué le tableau numérique qui est resté bloqué sur un GIF pendant trois jours, s'exaspéra t-il ensuite en vidant d'un trait son verre d'alcool.
Zoya s'assit sur le bureau face à lui, grimaçant de concert. Il était impensable de les virer, mais ils devaient être pénalisés pour leur attitude d'une manière ou d'une autre. On ne pouvait cependant pas non plus causer de la mauvaise publicité à l'établissement en faisant publiquement sanctionner leurs deux enseignants phares.
— Si on commençait par arrêter de leur faire partager la même salle de classe, ils défonceraient probablement moins les outils mis à disposition, suggéra t-elle finalement après quelques secondes de silence.
Mais Nikolai ne répondit pas, ayant l'air plongé dans une profonde réflexion. Il se mit à fouiller dans ses tiroirs, cherchant parmi les dossiers, et ce faisant il demanda :
— Est-ce qu'on sait seulement pourquoi il y a une telle animosité entre eux ? Je veux dire, la rentrée de l'année dernière était calme, il a dû se passer quelque chose entre temps, réfléchit le jeune homme, à présent à genoux sur le sol pour mieux fouiller son bureau. Ça n'a pas commencé avant la remise des prix académiques de pédagogie que Starkov a remporté ?
La brune haussa les épaules. Elle avait mieux à faire que de se préoccuper des racontars dans la salle des profs, et se fichait bien de la cause de l'attitude puérile de leurs deux problèmes. L'important était de trouver une manière d'y mettre fin. Elle se versa un nouveau verre comme si l'alcool avait pu faire disparaître sa lassitude naissante.
Le blond sortit enfin les documents qu'il cherchait et les posa avec grand fracas sur le bureau. Proviseur depuis deux ans seulement il peinait encore avec beaucoup des tâches administratives, mais se renseigner sur son personnel avait toujours été un de ses points forts. Il ouvrit sans un mot le dossier d'Alina Starkov, à la recherche de quelque chose dans son CV ou ses précédentes expériences qui puisse expliquer la situation actuelle entre les deux enseignants.
Avec un soupir, Zoya se pencha par-dessus son épaule, tournant parfois les pages tandis qu'il lisait à voix haute. Elle avait peu d'espoir qu'ils trouvent une explication rationnelle, elle avait assez d'expérience dans la matière pour savoir que parfois les gens ne pouvaient simplement pas se supporter. Le problème selon elle était qu'ils laissent cela influer sur leur professionnalisme, mais Nikolai, toujours optimiste, tenait à essayer de régler l'affaire discrètement avant d'employer les grands moyens.
Ils passèrent une demi-heure penchés sur les feuilles, et comme pressenti ne trouvèrent rien.
La jeune femme lança un regard lourd de sens à son compagnon d'infortune, qui pour toute réponse s'enfonça un peu plus dans sa chaise.
— On essaye ta méthode, mais si ça donne les résultats que je sens venir, on prend des mesures, compris ? La bonne réputation de l'établissement souffrira bien plus si on les laisse faire ce qu'ils veulent que si des sanctions disciplinaires sont envisagées, dit finalement Zoya, montrant bien qu'elle acceptait de ne pas faire monter l'affaire directement par confiance en Nikolai.
Il l'avait souvent surprise durant leurs années de collaboration, et elle devait aussi s'avouer, en étant honnête, que son plan se profilait au moins drôle si peut-être pas couronné de succès.
Le jeune homme hocha la tête en guise d'assentiment, et se leva, attrapant sa veste ôtée un peu plus tôt. Il grimaça en regardant l'heure.
— On verra l'exécution du plan demain, il est beaucoup trop tard pour encore parler de travail, déclara t-il en déverrouillant l'entrée sans se laisser l'option de rester, qu'il aurait sûrement prise eut-il été seul. Je conduis ?
— Tu me dois au moins ça pour me faire passer toutes ces heures à me torturer l'esprit quand je pourrais être dans le canapé, répliqua la brune un peu hautainement en passant la porte qu'il maintenait ouverte, avant d'ajouter avec un semblant de sourire : Et puis j'ai bu deux verres, ce ne serait pas prudent.
Nikolai roula des yeux mais lui offrit le siège passager sans protester, et s'ils n'allèrent pas plus loin que son appartement ce soir-là, personne n'était sur place pour commenter.
(≖ ͜ʖ≖)
Lycée privé Sankt Ilya
Os Alta, Ravka
Vendredi 24 novembre, 17 h 50
Aleksander rangea sa trousse dans son cartable, satisfait. Il venait de terminer sa dernière évaluation du mois, et son planning de correction des copies était déjà effectué. Contemplant avec satisfaction son espace de travail immaculé, il se leva, prêt à partir, et vérifia une dernière fois qu'il avait bien en poche sa carte de train. Tout était en ordre, il pouvait enfin terminer sa journée.
Une silhouette dans l'entrée de sa classe l'en empêcha cependant. Il leva les sourcils, surpris, alors qu'elle croisait les bras.
— Alina ? Qu'est ce que tu fais ici, tu ne devais pas finir plus tôt ? interrogea t-il en reposant son sac sur le bureau, cherchant à comprendre la situation.
La jeune femme fit deux pas dans la salle de classe, avant de poser les mains sur les hanches, décidément contrariée. Pas envers lui pourtant, fait rare, car son regard sombre se braquait sur les sièges vides comme si elle avait pu y faire apparaître quelqu'un. Enfin, elle fit volte-face, et pointa un doigt vers son torse. Son ton aurait pu être plus aimable, mais elle paraissait plus fatiguée que réellement irritée, et ça devait en être la cause :
— Qu'est ce que toi tu fais ici ? Nazayalenski m'a prévenue d'une réunion de dernière minute dans cette salle pour parler des fournitures d'art que j'ai demandé, mais elle n'est jamais en retard et je ne me suis pas trompée de classe, exigea t-elle de savoir, clairement contrariée, l'air confus.
Le trentenaire ravala la remarque mordante qu'il préparait pour considérer la situation, tout aussi perplexe, voire plus. Il n'était en mesure de lui fournir aucune explication, cela au moins était clair, et il le lui fit savoir.
Alina jeta les mains en l'air, visiblement à bout de nerfs. Il était tard, cette réunion restait la seule chose se tenant entre elle et son week-end, et pour couronner le tout il fallait que ce soit Morozova qui soit là pour l'accueillir. Elle refusait de chercher du réconfort auprès de lui, pas quand ils étaient dans l'enceinte de l'établissement. Ici elle tenait le rôle de Mademoiselle Starkov, professeure d'art, et elle avait la responsabilité de défendre ses élèves. Ou au moins de ne pas s'engager avec l'ennemi.
Peu importait à quel point Alina pouvait désirer un peu de compassion et de compréhension de la part d'un collègue qui était soumis aux mêmes pressions et aux mêmes dilemmes.
Aleksander lui avança la chaise du bureau avec un mouvement de tête, sourcils légèrement froncés mais expression loin de l'arrogance malicieuse ou du stoïcisme irritant auxquels la jeune femme avait souvent le droit de sa part. Reconnaissant ce changement de comportement, elle accepta le geste, grognant en prenant place sur le siège.
Attrapant de nouveau son sac et fouillant dedans, le brun en tira une aspirine qu'il lui tendit, non sans un haussement de sourcils :
— J'ai l'impression que ça te seras plus utile qu'à moi ce soir, ajouta t-il pour qu'elle accepte, comme s'il avait senti que son premier instinct avait été de nier son mal de crâne, pourtant évident quand on l'observait quelques secondes.
Elle ne cessait de se masser le front, et sujet aux mêmes complication causées par huit heures de brouhaha quasi-incessant chaque jour de la semaine Aleksander semblait compatir. Ou peut-être était-ce de la pitié. Qu'importe, Alina l'accepta avec un bref sourire.
Une trêve momentanée pouvait éventuellement être conclue. C'était la fin de la semaine après tout, qui traînait dans les couloirs après la fin des cours ? Et qui irait rapporter qu'ils avaient aperçu les terribles professeurs Starkov et Morozova engagés dans une conversation civile ?
Qui croirait cela de toute manière ? Ils avaient une réputation bien établie.
Alina regarda son téléphone, sentant l'irritation monter quand elle constata que Zoya ne lui avait pas envoyé un sms, n'avait pas même essayé de l'appeler. Rangeant la chaise sous le bureau, fulminant, elle réussit à annoncer entre ses dents avant de se diriger vers la porte :
— Je pense que je ferais mieux d'y aller, tu devrais être parti depuis longtemps et j'ai quelqu'un avec qui je dois parler.
Ses talons claquaient sur le parquet massif au rythme de ses enjambées déterminées, et elle poussa la poignée avec agacement. Alors qu'après une demi-seconde d'hésitation le trentenaire s'élançait pour la retenir et lui proposer de remettre à plus tard ses plans, au vu de son état de fatigue, la jeune femme s'arrêta net.
Zoya se tenait de l'autre côté de la porte, manteau et écharpe encore sur le dos, bras croisés et un trousseau de clés en main. Tandis qu'Alina s'immobilisait, et avant qu'un mot n'eut pu être prononcé, la vice-proviseure leva l'index pour demander le silence. Les toisant de ses yeux d'un bleu phénoménal, du haut de son mètre soixante-dix surélevé de talons aiguilles, la jeune femme n'avait franchement pas l'air heureuse de se tenir là.
— Bonsoir, Starkov, Morozova, commença t-elle par saluer, sans grande chaleur. J'aurais dû vous enfermer dans cette salle de classe pour vous laisser vous éventrer, ou déballer votre haine, mais si Nikolai a un défaut c'est bien d'avoir lu trop de fanfictions, leur apprit-elle de but en blanc, sans tressaillir ni reprendre sa respiration.
— Pardon ? fut la seule chose qu'Alina trouva à dire, trop stupéfaite pour s'indigner.
Resté légèrement en retrait, Aleksander avait à peine commencé à comprendre le sens des mots prononcés par sa supérieure hiérarchique que Zoya revenait à l'assaut :
— Réglez vos différends en trouvant un moyen qui ne nécessite pas de détériorer du matériel de l'établissement, et ayez au moins la décence de ne pas empoisonner la vie de vos collègues avec des querelles d'enfants. Vous avez le week-end pour vous comporter comme des adultes, sinon je convoque le conseil disciplinaire, finit-elle calmement, quoique d'un ton sans appel, avant de tout simplement tourner les talons les laissant sur le seuil de la porte de leur salle de classe commune à essayer de comprendre ce qui venait de se passer.
Alina fit volte-face pour fixer le brun, sourcils encore tordus dans une expression confuse, et un rictus tressaillait sur les lèvres de l'enseignant de géopolitique.
Quelques secondes de silence passèrent.
Ils éclatèrent de rire.
w(°o°)w
Lycée privé Sankt Ilya
Os Alta, Ravka
Vendredi 24 novembre, 18 h 40
Le parking était vide, et leurs pas y résonnaient de manière intimidante. À cette heure là tout le personnel de l'établissement était rentré, personne n'aimait faire d'heures supplémentaires alors que le week-end approchait. Vu la tête que tirait Morozova, il ne devait pas non plus être ravi de se trouver encore sur son lieu de travail à cette horaire.
Ou peut-être que les paroles de Zoya lui tournaient encore en tête.
Seules deux voitures restaient garées, le cabriolet bleu du proviseur Lantsov, à côté des bâtiments de l'administration, et l'audi noire d'Alina, auprès du self où normalement le reste des véhicules des enseignants étaient aussi stationnés. La jeune femme en ouvrit le coffre sans un mot, y déposant son sac, et ce ne fut qu'une fois derrière le volant qu'elle réagit enfin, se tournant vers le siège passager :
— Une sanction disciplinaire, sérieusement Aleksander ? s'indigna t-elle en remuant les mains à l'italienne, pour appuyer son incrédulité.
Affairé à ôter sa veste en cuir, son interlocuteur ne lui répondit pas immédiatement, préférant à la place laisser échapper un petit rire. Une fois débarrassé de son manteau, cependant, il se redressa, et rétorqua, un sourcil haussé :
— Seulement une menace, et puis le coup du tableau numérique la dernière fois était peut-être pousser le chose un peu trop loin, offrit-il dans une tentative d'apaisement, sans remords pourtant.
Alina laissa échapper un grognement exaspéré, se frappant le crâne contre le siège. Fermant les yeux un instant, elle les rouvrit rapidement, se tournant vers le brun à son côté qui la fixait avec un amusement non dissimulé, et une pointe de tendresse.
— Quoi ? soupira t-elle en ne réussissant pourtant pas à réprimer le sourire qui lui venait. Ce n'est pas comme si on pouvait devenir meilleurs amis du jour au lendemain, chercha t-elle à rationaliser, expliquant son état d'inquiétude et de frustration.
Secouant la tête, comme pour dissiper ces dernières, Aleksander replaça une mèche de cheveux noirs tombés sur son visage, lui effleurant la joue au passage. Elle sourit un peu plus en laissant le contact la rassurer.
— Mais nous ne sommes pas meilleurs amis alors ça devrait aller, répliqua t-il avec un semblant de sourire charmeur qui lui valut une tape sur l'avant-bras et un rire, si faible, bien sincère.
— Les élèves vont avoir du mal à s'habituer, fléchit finalement la jeune femme, ajoutant ensuite avec une grimace : Je crois que Genya ne me pardonnera jamais d'avoir menti. Et le proviseur ne nous laissera jamais l'oublier. Par tous les saints, est-ce qu'on peut vraiment leur avouer sans être encore plus sévèrement pénalisés ? angoissa t-elle finalement, se redressant brusquement.
Il lui attrapa les mains, secouant la tête.
— Dans tous les cas, il n'y a pas de bonne manière de s'y prendre, dit-il en haussant les épaules, cherchant à détourner le regard du pli d'appréhension entre ses sourcils. Je pense qu'on n'aura pas de meilleur moment pour confesser, puisque dans tous les cas on aura des problèmes, poursuivit-il ensuite avec une logique implacable.
Alina grinça des dents, clairement peut satisfaite qu'il n'y ait pas de troisième option se présentant ne leur faisant pas risquer l'exclusion. Elle devait croire que leurs noms étaient assez gros pour les protéger de trop de répercussions, et elle n'aimait pas vraiment cela.
Dire que c'était justement pour une histoire de noms que tout avait commencé.
— Quand même, déplora t-elle, pourquoi on a pas pu juste faire comme tout le monde et demander différents établissements ?
— Parce que c'est le meilleur de la ville, que tu as ta place ici, et qu'il était impensable que ton succès dépende du mien, énuméra le brun avant d'ajouter : Et puis c'était juste vraiment drôle de tous les faire tourner en bourrique.
Alina le traita de sadique mais rit de concert.
— Au moins il y aura un côté positif à tout ça, reconnut finalement la jeune femme en triturant sa bague, la changeant de doigt.
— Lequel ? voulut savoir Aleksander qui la regardait faire avec une fascination mêlée d'affection, penché vers le siège conducteur autant que le corps humain et le frein à main voulaient bien lui permettre.
Elle le fixa dans les yeux avec une étincelle de malice au fond regard.
— On pourra dire au secrétariat qu'ils n'ont pas besoin de s'embêter avec les doubles plaques à accrocher devant les classes, et que Morozova suffira.
Ses lèvres étaient sur les siennes avant qu'elle n'ait finit de rire, mais on ne l'entendit pas se plaindre.
Il faisait nuit quand l'audi quitta finalement le parking.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro