Iwona s'affale sur le fauteuil doré de sa chambre. Seule après cette longue journée, elle profite un peu de calme en se plaçant en face de la baie vitrée. Dehors, l'astre solaire de Qadar s'est couché, à présent remplacé par son satellite naturel aussi gros que l'étoile, ce qui permet un éclairement assez conséquent pour la nuit. N'ayant tiré que d'un côté le fin rideau à l'extrémité d'une vitre, les quelques rayons de lumière éclairent légèrement la pièce, aidé par plusieurs bougies disposées à chaque recoin. Cet atmosphère détend profondément la jeune princesse, en plus du vent frais du soir qui traverse la chambre par la baie vitrée semi-ouverte. Étant sur les nerfs depuis la proposition de la Tour, elle opte pour un petit moment de calme afin de s'apaiser et reprendre ses esprits pour réfléchir à une décision moins précipitée.

Elle apporte ses ongles à ses lèvres afin d'y ronger le bout. C'est une mauvaise manie qu'elle a lorsqu'elle est anxieuse, et dont elle n'arrive pas à s'en débarrasser. Reposant sa main sur sa cuisse pour éviter de gâcher sa manucure dont elle a prit tant de soin à faire, elle observe le paysage qu'elle connaît si bien.

Soudain, une personne toque à la porte de sa chambre. Les quelques frappements traversent l'immense chambre pour résonner jusqu'à la salle de bain. Se redressant brusquement, Iwona ne bouge pourtant pas mais tourne la tête vers l'entrée.

― Entrez, dit-elle à haut voix pour se faire entendre.

Aussitôt, la porte s'ouvre sur sa grande soeur, Sina, celle-ci tenant un plateau entre ses mains. Quelques gâteaux sont emballés d'un fin tissu à côté des deux petites tasses et de la théière posée sur le plat dont Sina fait attention de ne pas renverser en fermant la porte derrière elle.

― Tu veux du thé ? propose cette dernière.

― Tu sais toujours ce dont j'ai besoin...

― C'est normal, je suis ta grande soeur.

Sina lui fait un clin d'oeil avant de poser le plateau sur la petite table en verre. Elle vient ensuite s'asseoir aux côtés de sa soeur sur le second fauteuil doré de sa chambre, coinçant le bout de sa robe sous ses cuisses pour éviter qu'elle ne s'envole avec le courant d'air. Pendant ce temps, Iwona se penche sur la table pour servir les deux thés chauds dont l'odeur des plantes embaument la pièce d'un doux parfum qui apaise déjà la jeune princesse. Lorsqu'elle passe une des tasses à sa soeur, celle-ci aperçoit immédiatement sa main et le manque de vernis sur le bout des ongles, ce qui est très surprenant par la manière à laquelle Iwona prend soin de son apparence.

― Tu t'es encore rongé les ongles, toi, remarque Sina.

Iwona apporte rapidement ses mains jusqu'à devant son visage pour regarder à quel point sa manucure est dégradée. Grimaçant légèrement en voyant seulement un bout de vernis parti et un de ses ongles cassé, elle cache sa main en fermant le poing.

― Et alors ? Ce n'est pas si grave...

― Une future reine doit toujours être parfaite, ricane sa soeur.

― Je peux te dire la même chose. Je te rappelle que tu fais aussi partie de la famille royale !

Sina hausse les épaules en esquissant un léger sourire. Cependant, elle sait très bien quel sentiment se cache derrière la mauvaise manie de Iwona, c'est bien pour ça qu'elle la fixe du regard pour tenter de décrypter ses pensées. Pas besoin de leurs pouvoirs d'empathie pour deviner les émotions qui se dégagent d'elle.

― Tu es angoissée ? C'est à cause de la proposition, c'est ça ?

La blonde ne peut le cacher. Elle baisse doucement la tête avant d'acquiescer et relever les yeux vers Sina.

― Oui... Je me pose pleins de questions... Je t'avouerais que ne sais pas quoi faire.

― Dis moi tout, sourit sa soeur, apportant sa tasse à ses lèvres pour boire une gorgée.

Iwona se penche vers la plateau et prend un petit gâteau moelleux dont elle grignote les bouts. Essuyant du revers de sa main sa bouche, elle avale avant d'expliquer le fond de ses pensées pour ne pas être impolie.

― J'ai... j'ai peur de prendre la mauvaise décision. J'ai peur de décevoir les parents...

Sina, qui était prête à tout attendre pour lui donner de bons conseils, comme elle le fait depuis leur plus tendre enfance, écarquille les yeux avant de soupirer lourdement.

― Oh, râle Sina, je t'en pris, tu ne peux pas dire ça ! Tu sais tout aussi bien que moi que, même si tu commets l'irremplaçable, les parents seront toujours de ton côté ! Alors pour cette décision, ils vont te soutenir, quel que soit ton choix.

Elle pose délicatement la tasse sur la petite table pour se concentrer sur leur discussion. Elle sait très bien que leurs parents sont toujours à l'écoute, et c'est une qualité qu'elle retrouve chez sa soeur. Ils ont confiance en Iwona tout comme elle a confiance.

― Même si tu veux partir loin, ils vont être d'accord. C'est d'ailleurs pour ça qu'ils ont demandé à ce que les Jocastiens viennent ici, pour mieux étudier cette proposition. S'ils ne voulaient pas que tu partes avec eux, je peux te jurer qu'ils te l'aurait interdit depuis bien longtemps.

― Oui, c'est vrai... avoue Iwona dans un murmure.

― Et puis ne t'arrête pas à ce qu'ils pensent, eux. Après tout, c'est ta vie, c'est ton futur à toi et à personne d'autre.

― Tu dis ça, mais si je pars, Qadar sera touché, l'arrête Iwona. Je suis l'héritière, il est de mon rôle d'être présente pour la planète.

― Certes, vu ton titre, il y aura des conséquences sur Qadar. Cependant, ça ne t'empêche pas de quitter la planète. C'est bien pour cela que je suis là. Comme tu l'as dis, je fais partie de la famille royale, j'ai aussi mon mot à dire et j'ai une part de décision sur tout ce qu'il se passe ici.

Un silence s'impose dans la pièce. Iwona se retient de ne pas lui exprimer d'autres de ses hésitations car elle sait que Sina trouvera toujours le mot juste pour la rassurer, comme elle le fait si bien depuis vingt-cinq ans.

― On a toujours le choix. Ce n'est pas parce que tu es l'héritière du trône que tu ne peux pas partir travailler pour une juste cause hors de ta planète. Selon moi, c'est même une belle preuve de ton engagement en tant que femme politique. Le peuple aura encore plus confiance en toi.

Sina lâche un léger rire.

― Et puis tu es la princesse adorée du peuple. Eux non plus, tu ne peux pas les décevoir.

― Autant que toi, je te fais remarquer !

Depuis leurs naissances, les deux princesses ont fait autant le bonheur du roi et de la reine que le peuple entier. Leurs arrivées au monde ont été fêtées dignement par la population très proche de la famille royale, à tel point que Iwona se sent parfois comme une vraie famille avec eux.

― Prends ta décision en fonction de toi, de ce que tu veux pour ton avenir, affirme Sina en posant sa main sur celle de sa soeur. Suis ton coeur, ne te laisse pas guider par la raison, pas pour ça.

Les deux jeunes femmes s'échangent un sourire.

― Tu ne te trompes jamais, je sais que tu vas faire le bon choix. C'est bien pour ça que je te laisse le futur titre de reine.

― Tu aurais fait une très bonne reine, toi aussi, admet Iwona, non sans une pointe d'émotion dans la voix alors qu'elle sait à quel point c'est une marque d'honneur, de lui avoir laissé ce titre.

― Je préfère agir moi-même que de dire aux personnes comment agir.

Iwona sourit, sachant à quel point Sina adore donner des ordres. Elle n'est pas souvent présente quand il s'agit de la gestion économique de la planète, mais quand il s'agit de la partie militaire, diplomatique ou même sociale, elle est la première à se préoccuper de l'organisation. Sina est bien la personne qui va en première sur le terrain, ou qui rend visite à l'armée. C'est une femme d'action, prête à partir en guerre s'il le faut, au contraire de Iwona qui est pacifique, qui préfère réfléchir en long, en large et en travers avant de dire comment agir. Elle regrette parfois que sa soeur ne devienne pas reine, elle a toutes les qualités pour l'être.

La jeune femme finit de manger son biscuit avant de prendre sa tasse de thé.

― Sinon, tu peux m'expliquer pourquoi tu n'as pas lâcher du regard Adam pendant tout le repas ? questionne Iwona avec un sourire en coin.

― Rectification : pourquoi toi, tu ne l'as pas quitté des yeux.

― Pardon ?

―Allez, arrête, plaisante Sina. Il est vrai qu'il est mignon... Je sais que les gens de Qadar ne sont pas vraiment ton genre. Toi, tu as besoin d'exotisme.

Un léger rire s'échappe de la bouche d'Iwona alors qu'elle allait juste avaler une gorgée de thé. Elle repose la tasse encore chaude sur le plateau en attendant qu'il refroidisse un peu. La blonde a bien remarqué que le jeune homme intéressait sa soeur par la façon dont elle le regardait pendant le regard, longtemps et profondément, comme si elle tentait de percer la personne qu'il est au fond de lui avec un simple coup d'oeil - et son côté mystérieux capte aussi l'attention de la jeune héritière. Sina ne peut pas cacher qu'il l'intrigue beaucoup, premièrement par son comportement totalement différent des Jocastiens qu'elle a déjà pu rencontrer. Il est discret, très discret, bien au contraire de la population actuelle qui veut exposer leur vie entière à toute la galaxie. Ensuite, l'histoire de sa famille l'a beaucoup touché. Et puis ses yeux...

― Il est différent, c'est pas un Jocastien comme les autres... poursuit Sina. Ça se voit que c'est un Terrien, il ne se comporte pas comme les Jocastiens, ou comme ce Théodore. Il a besoin de... liberté.

Sina déteste ne pas tout savoir. Le mystère, elle a horreur de ça. Alors, c'est pour ça qu'elle tente de percer à jour le brun qui l'intrigue énormément. Personne, à part lui, n'est aussi attachée à cette planète sur laquelle personne ne s'est rendue depuis des centaines d'années. Même les historiens, qui connaissent tout sur tout sur la Terre, n'ont éprouvé une telle appartenance à la planète perdue.

Les deux jeunes femmes finissent de boire leur thé ainsi que de manger les spécialités de leur planète jusqu'à presque minuit, lorsque Sina ressent la fatigue. Elle embrasse sa petite soeur sur le front puis ramène le plateau en lui souhaitant bonne nuit. Cependant, bien que la longue journée lui a donné envie de dormir, Iwona ne part pas au lit tout de suite. Elle referme son fin gilet en croisant les bras avant de sortir quelques minutes sur son balcon, afin d'observer les étoiles dans le ciel qui scintillent. Tout comme elle ronge ses ongles, elle ne peut s'empêcher de jouer avec son médaillon doré qu'elle ne quitte jamais. Elle enroule la chaîne autour de son index puis le déroule jusqu'à arriver à la médaille ronde.

Levant les yeux vers le ciel, son regard est tout de même attiré vers le bas. Sa chambre se situe au dernier étage du palais, ce qui permet une vue sur les différents balcons inférieurs. Ainsi, elle remarque Théo, lui aussi sur son balcon alors que l'air extérieur reste tout de même chaud malgré le vent. Le garçon enlève enfin le pansement qui menaçait de se décoller tout seul sur sa gorge où une petite cicatrice, dû à l'implant respiratoire, est à présent visible - au grand malheur de Théo. Iwona ne peut s'empêcher de rire gentiment de lui. Elle déteste se moquer, pourtant elle doit bien avouer que ce Jocastien est un phénomène. Elle sent que, si jamais elle accepte de travailler pour la Tour, les aventures vont devenir amusantes avec lui. Accoudée au rebord de son balcon, elle le regarde rentrer dans sa chambre en baillant, celui-ci ne l'ayant pas remarqué. Tournant la tête vers la droite, la princesse aperçoit à son tour Adam qui retire sa veste par la chaleur qu'il fait. Celui-ci ne la voit pas non plus, il ne tourne la tête vers elle que lorsqu'il entend la porte de sa chambre se fermer quand elle rentre se reposer.

Le soleil se lève étonnement tôt selon Adam. L'astre solaire et le satellite naturel de la planète se croisent en créant un ensoleillement éblouissant pendant quelques minutes à huit heures du matin. Bien qu'il aurait voulu dormir un peu plus, le jeune homme se lève tout de même et part prendre une douche froide pour se préparer de cette journée qui s'annonce encore plus chaude qu'hier. Il ne fait pas la même erreur en enfilant une veste noire et opte plutôt pour un tee-shirt clair à manches courtes, restant tout de même sobre si jamais il doit croiser le roi et la reine pendant la journée.

N'ayant pas faim pour l'instant, Adam ne se dirige pas vers la salle à manger lorsqu'il sort de sa chambre - les servants ayant expliqué qu'ils sont toujours à disposition des invités pour quoi que ce soit. Il a simplement envie d'aller visiter un peu la ville, tant qu'il y a encore assez de vent pour ne pas suffoquer à cause de la chaleur. Les paysages lui coupent le souffle, en particulier ces déserts infinis, l'architecture, ce climat qu'il n'y a pas sur Jocaste, mais il n'a pas encore pu explorer au moins la capitale. Cependant, il faut déjà trouver la sortie du palais à cause de l'étendue de celui-ci. Heureusement pour lui, il croise Kayla en chemin qui lui explique les meilleurs endroits à voir et comment s'y rendre.

― Si vous le souhaitez, le marché de Hegrab est ouvert tous les jours. C'est le meilleur endroit pour prendre connaissance de la planète. Vous pouvez vous y rendre en suivant le chemin à l'entrée principal du palais, c'est sur la grande place juste en face, l'informe-t-elle.

Adam la remercie chaleureusement puis se dirige vers la porte principale que désigne la servante. L'extérieur du château est encore plus chaud que l'intérieur alors les pierres qui constituent le palais gardent un minimum de fraîcheur. Les rayons de soleil frappent le visage du jeune homme, dont les paupières se ferment pour ne pas être ébloui. À ce moment, il regrette de ne pas connaître aussi bien que Théo les planètes, s'il avait su que Qadar était une planète chaude, il aurait préparé son arrivée en ne prenant pas que des pulls ou des vestes noires.

Marchant donc vers la place principale de Hegrab par le chemin qu'a désigné Kayla, Adam s'étonne du parfum des fleurs qui embaume toute la capitale, et non pas seulement le palais comme il le pensait. C'est une odeur douce, légère mais toujours présente, celle qu'on a toujours envie de sentir. Il se rapproche de la bordure de l'allée où des centaines de fleurs rouges et vertes s'étendent jusqu'à l'autre bout de la ville, leur couleur représentant la royauté. Leur odeur acidulée et la vue de ces pétales sans défauts plaît aux sens du soldat, lui qui n'a dû voir que une ou deux fois dans sa vie de la verdure. La flore n'existe pas sur la station, tout est métallique, terne, insipide, loin de la beauté de cette planète qu'apprécie de plus en plus Adam. Pas un arbre, un buisson, de la pelouse, sur Jocaste, tout le contraire de Qadar qui a sa propre végétation malgré le climat et le sol ensablé.

Une musique atteint peu à peu l'oreille du Jocastien alors qu'il aperçoit au loin la place centrale, immense mais qui semble si petite. Elle fait bien la même taille du palais - qui est déjà vaste et étendu avec ses différentes tours et ses cours intérieurs petites ou grandes -, mais comme les nombreux marchands s'amassent, tout semble si tassé, en plus des piliers aux quatre coins du marché qui donnent une sensation de masse. La musique, typique de la planète par ses percussions, se mêle aux voix des vendeurs et acheteurs. Adam ne pensait pas voir un endroit aussi bondé que la section Centre de Jocaste, bien que cette foule lui fait bien moins peur que sur la station, comme si l'environnement l'apaise, le rend heureux ou lieu de la faire paniquer d'être enfermé parmi des centaines d'inconnus. Il ne pense même pas à sa légère agoraphobie qui pourrait surgir d'un moment à l'autre et avance entre les étalages.

Tous ses sens sont aux affûts. D'un côté, sa vue est attirée par ces féculents qui n'existent pas sur Jocaste, de l'autre, les odeurs qui se multiplient entre les épices et les poissons, mais il a toujours tout autour de lui les voix de plus en plus fortes des marchands qui veulent faire venir du monde à leurs étals. Il ne sait plus d'où donner de la tête avec toutes ces ressources qu'on ne trouve qu'ici. Vers les vendeurs de fruits et légumes ? Les musiciens ? Les étales de viande ? Ou alors ces bijoux faits main ? Ou même ces pierres précieuses ?

Adam se retourne brusquement quand une main vient se poser sur son épaule. Il ressent une montée d'adrénaline mais son coeur se calme lorsqu'il reconnaît la chevelure blonde de la princesse Iwona.

― Excusez-moi, s'empresse-t-elle de dire, je ne voulais pas te surprendre. Je t'ai appelé, mais tu n'as pas dû m'entendre.

― C'est moi qui suis désolé, j'étais attiré par la musique.

Iwona retire sa main. En la regardant, Adam devine qu'avec ses pouvoirs d'empathie, elle a dû ressentir l'adrénaline qui lui montait à la tête - ce pourquoi elle s'est excusée immédiatement, car il n'a pas vraiment montrer de signes extérieurs de surprise. La jeune femme penche légèrement la tête sur le côté, désolée d'avoir utilisé sans faire exprès ses pouvoirs sur lui.

― Tu n'es pas avec Théo ?

― Non, je ne l'ai pas vu ce matin, affirme Adam en secouant la tête. Je voulais visiter un peu la capitale.

― Ça ne doit pas trop te changer de Jocaste, cette foule.

― Pas vraiment. À moins que les personnes ici semblent être plus civilisés.

Un sourire apparaît sur les lèvres de la blonde.

― Et la ville te plaît ? Enfin, d'après ce que tu as déjà vu.

― Je dois dire que c'est magnifique.

Les deux jeunes gens se décalent pour laisser passer la foule qui déambule entre les dizaines d'allées. Tout le monde sourit à la princesse, mais personne s'arrête pour la déranger, ce qui montre leur respect profond, ce qu'il n'y aurait sûrement pas sur Jocaste. Là-bas, tout le monde se serait entassé autour d'elle juste parce qu'elle est une princesse.

― Sur Jocaste, on n'a pas de verdure ou de réel climat. Et puis vous, vous avez beaucoup de ressources, c'est impressionnant.

― Nous vivons dans la prospérité, et c'est une chance que d'autres peuples n'ont pas, affirme la jeune femme.

Cette dernière fait signe à Adam de continuer de marcher tous les deux, alors qu'elle ne veut pas le déranger dans sa promenade. Cependant, il semble intéressé par sa planète, elle se permet donc de rester à ces côtés, afin d'apprendre un peu plus à le connaître par ailleurs.

― C'est grâce à toutes nos ressources que mes ancêtres ont pu aider les rebelles pendant la guerre, et surtout à reconstruire Jocaste.

― Pourtant on ne parle pas beaucoup de l'implication de Qadar, remarque Adam, lui qui s'intéresse à cette guerre intergalactique depuis son adolescence.

― Oui c'est vrai. Nous avons beaucoup de peuples qui vivent en autarcie, bien qu'ils prêtent allégeance au roi et à la reine, et l'un d'entre eux se sont rebellés contre ma famille au plein milieu des hostilités. On a subi une guerre civile, donc les batailles restaient ici, on n'est pas entrés dans le coeur du conflit.

― Je comprends mieux...

À l'époque, le grand-père d'Iwona était au pouvoir. Étant beaucoup plus protectionniste que ses parents, il ne voulait pas que d'autres peuples touchent aux trésors de sa planète. Même si les aides financières pour reconstruire la nouvelle Jocaste étaient importantes, il ne donnait que le minimum afin de ne pas montrer l'immense richesse qu'offre la nature à son peuple.

Une bonne partie de l'argent non donnée à la station spatiale a été mit au profit de la création d'un Mémorial pour ne pas oublier toutes les victimes de Qadar. Iwona aurait bien aimé en faire une visite privée à Adam, mais ils n'ont pas le temps de s'y aventurer. Pourtant, le jeune homme aurait bien voulu voir cet endroit. Ne connaissant rien de tout ce qu'il y a sur Qadar, il prend conscience de la grandeur de Jocaste mais de la beauté infime qu'il rejette comparé à une planète qui a sa propre histoire et culture.

― Il y a tellement de différences entre ici et Jocaste, admet-il.

Iwona opine de la tête. Pour le peu de fois où elle s'est rendue sur Jocaste, elle a facilement repéré les qualités mais aussi les défauts de la station, aussi nombreux qu'ils soient.

― Jocaste est très bien sur le fait que toutes les espèces y vivent en communauté, ce qui permet d'en apprendre beaucoup sur eux et leurs savoirs, ainsi que d'ouvrir son esprit. Cependant... comme les Jocastiens ont tous - ou presque - à portée de main sur la station, ils n'y partent pas.

― Peu d'entre eux vont découvrir le monde et explorer tous les secrets qui s'y cachent. Et c'est bien dommage...

Adam baisse légèrement la tête. Iwona a raison, lui même n'est pas parti souvent de Jocaste, seulement pour son boulot de temps à autres.

― C'est exactement ça...

― Je préfère largement vivre ici, avoue-t-elle. Sur Qadar, j'ai un peuple, une culture, un environnement, c'est ma planète. Sur Jocaste, comme tout se mélange, on s'y perd, et on voit bien le nombre de cultures qui disparaissent par cette faute.

Ils continuent de marcher à travers le marché qui semble être de plus en plus grand pour Adam. Tournant la tête de droite à gauche entre les diverses étalages, il n'a pas le temps de regarder exactement les produits en vente bien qu'ils avancent lentement pour profiter de cette promenade sous le soleil. Les citoyens passent et repassent devant les articles, l'empêchant de voir plus d'une seconde ce que c'est, en plus de cette foule qui devient étouffante avec la chaleur. Même les toiles étirées au-dessus des présentoirs ne font pas assez d'ombre pour avoir un minimum de fraîcheur

― Et... tu as pris ta décision ? s'informe Adam en tournant la tête vers Iwona, ne voulant pas la brusquer à propos de son choix.

― J'hésite encore...

Elle se mord la lèvre inférieure. Même si elle dit hésiter encore, elle sait très bien quelle va être sa décision. Le seul problème est la réaction de ses parents qu'elle redoute, malgré les paroles réconfortantes de sa grande soeur.

― Je peux te poser une question, Adam ?

― Oui, bien sûr.

― Pourquoi as-tu accepté la proposition ?

― C'est pour le bien de tous. La Tour est venue jusqu'à nous parce qu'on est spéciales, selon eux, alors on se doit d'aider les autres.

Iwona sourit au jeune brun.

― Tu n'as pas l'air d'avoir de défauts, affirme la blonde.

― Crois-moi, j'en ai. Comme tout le monde.

Adam pourrait énumérer le nombre de défauts qui font la personne qu'il est. Alcoolique, solitaire, renfermé, agoraphobe, inculte, parfois impulsif et agressif. Tout le contraire de Iwona qui semble parfaite. Toujours droite, polie, douce, bienveillante, généreuse, respectueuse et belle. Elle serait une parfaite reine, un modèle pour tout le monde, songe-t-il.

― Toi, par contre, tu sembles n'en avoir aucun.

― Les apparences sont parfois trompeuses, répond-elle d'un sourire.

Ils arrivent au bout du marché où les musiciens changent de morceau. À cet endroit de la place, les voix sont moins fortes. Iwona s'arrête brusquement avec Adam qui se place à côté d'elle, ne sachant pas vers où se rendre à présent.

― Si j'accepte de venir avec vous, là, tu pourras savoir quels sont mes défauts, admet la jeune femme.

Un sourire se dessine sur les lèvres d'Adam. Serait-ce un aveu de son choix final ?