Chapitre 22 Un voyage, une traque, une discussion
Après quelques heures de route, ils arrivent enfin à Poudre Feu. La grande cité leur coupe le souffle. Ils avaient entendu parler de cet endroit évidemment, mais le voir de leurs propres yeux est très différent.
Derrière les hauts murs du rempart surmontés de créneaux et les maisons habituelles, dans un coin de la ville, on aperçoit quelques cheminées crachant une fumée noire. Les épais nuages noirs de soufre et de poussière de charbon cachent même parfois le soleil. La cité de l'industrie, la seule possédant des ateliers à vapeur des royaumes humains. Ce sont ces ateliers qui fabriquent la poudre militaire pour la majeure partie des royaumes humains.
En déambulant dans les rues, ils ne voient pourtant aucune différence avec les autres grandes cités humaines. Des échoppes, des maisons, des forges et des tavernes identiques à toutes, sans aucune trace d'ingénierie. Les pavés gris et sales sont semblables à ceux de toutes les cités humaines.
Ils s'arrêtent d'ailleurs dans un quartier regroupant plusieurs tavernes et échoppes de matériels. Ils y passent une journée où ils achètent des provisions et quelques fournitures. Souhaitant être un peu tranquilles, Rion et Louen envoient Lionel à la prochaine grande ville, Baldor. Mais bien vite, ils reprennent leur route.
Après deux longues semaines de marche à travers les champs et la forêt de l'Empire, ils arrivent près de la grande cité de l'Empire. Ils n'ont aucune peine à trouver le dragon de Lionel non loin de la ville.
Ce dernier vient vers eux, l'air inquiet.
- Ah, vous voilà enfin, je craignais le pire. Je n'ai aucun moyen de savoir si tout va bien lorsque nous nous séparons ainsi.
Ils sentent la critique dans sa voix.
- Nous sommes à pied, il nous faut du temps, mais effectivement, je vais voir si je peux faire quelque chose avec ma magie. Enchanter des objets par exemple, pour que l'on puisse rester en contact.
En disant cela, elle se rend compte qu'elle n'a en réalité aucune idée de comment communiquer à distance sans utiliser la télépathie.
Lionel n'a pas l'air convaincu. Il se contente d'hocher la tête et de demander.
- Que faisons-nous ? Quelle est notre prochaine destination ?
- Je propose de nous restaurer un peu, je vous avoue que bien que j'aie l'habitude de marcher, me poser serait avec plaisir.
- Alors je vous propose de me suivre, en vous attendant j'ai travaillé dans une auberge, nous pouvons y manger et y passer la nuit.
Rion est agréablement surprise.
- Bien pensé, Lionel.
Il les guide donc dans une auberge à la sortie de la ville. Ils y sont très bien accueillis et le tavernier leur offre le repas et la nuit, il leur propose même trois chambres pour que tous y soient tranquilles. Après avoir beaucoup remercié le tavernier, Rion lui indique qu'ils ne prendront que deux chambres.
Lionel tique à nouveau mais ne fait pas de remarque.
Après le repas, Louen ne monte pas immédiatement dans une chambre, préférant prendre une bière et rester à table encore un petit moment. Rion décide de prendre un triple whisky. Le tavernier le lui amène puis, avant de retourner derrière le comptoir, glisse un mot à l'oreille de Lionel. Une fois posée, elle interroge Louen du regard. Il ne semble même pas la remarquer. Celui-ci a le regard dans le vague et regarde par la fenêtre au dehors, sa bière à la main.
- Louen ?
Celui-ci cligne des yeux et se tourne vers elle.
- Oui ?
Il est interrompu par Lionel.
- Le tavernier me fait savoir qu'une grande bassine d'eau est installée dans les chambres pour que vous puissiez vous laver.
Il a l'air gêné.
- C'est vrai que votre voyage vous a quelque peu...
Il ne finit pas sa phrase.
- Parfait merci, Lionel. Deux semaines de marche sont deux semaines de marche, que dire de plus ?
Le jeune homme écarquille les yeux, surpris et déçu de la sécheresse de la voix de Rion.
- Excusez-moi, madame, je ne voulais pas.
Il baisse les yeux.
- Je dois aller aider en cuisine, veuillez m'excuser.
Il se lève et part. Elle a à peine le temps d'ouvrir la bouche pour répondre qu'il est parti. Elle soupire, elle ne voulait pas paraître sèche et le blesser. Louen soupire.
-Il faut avouer que nous devons sentir fort.
Il a finalement replongé son regard dans sa bière. Rion finit par vider cul sec son triple whisky. Elle finit par se lever.
-Je pars me reposer.
Louen lève la tête vers elle.
-Très bien, Rion, je vous rejoins bientôt.
Un petit sourire étire ses lèvres.
-Ainsi je pourrais me laver aussi.
Elle sourit faiblement et monte dans l'une des chambres à leur disposition. Une fois que Rion est partie, celui-ci se lève en soupirant.
Avant de monter, il part voir Lionel pour excuser Rion et lui raconter pourquoi ils lui ont dit de partir devant, sans néanmoins préciser l'impact possible des elfes. Puis il lui demande en souriant un peu si tout va bien pour lui.
Une fois Rion dans sa chambre, elle se dirige rapidement vers la salle d'eau pour se doucher. L'eau chaude coulant sur sa peau nue lui apporte délice et calme, elle soulage aussi ses membres endoloris et fatigués par tant de marche. Elle cligne des yeux pour débarrasser ses cils de l'eau s'y accrochant, là, au milieu de cette pièce remplie de vapeur chaude, l'eau ruisselant sur ses jambes, elle se sent apaisée, peut-être qu'une simple maison où elle vivrait avec son amour lui apporterait tout ce qu'elle veut...
-Je vous remercie, sire Louen, mais j'aurais préféré que Dame Rion le fasse elle-même.
Louen peut toujours sentir de la déception dans la voix de Lionel. Il hoche gravement la tête lorsque Louen lui explique le pourquoi du comment.
-Nous devrons toujours voyager ainsi ?
Il hoche la tête.
-C'est ainsi. Je ne pense pas que ce soit une bonne idée finalement non. Tu n'as aucun moyen de rester en contact avec nous.
Il marque une pause.
-Comment vas-tu? Je pense que notre voyage ne correspond pas vraiment à l'idée que tu t'en faisais.
Il lui donne un petit coup amical et se fend d'un sourire qui semble un peu forcé.
-D'autant que de ce que j'ai compris tu as laissé une fille derrière toi à l'académie.
Il hoche simplement la tête. Lionel lui, ne répond pas tout de suite.
-Disons que... je m'attendais à plus d'aventures...
Il semble rougir un peu et reste silencieux.
Le chevalier lui tape sur l'épaule.
-Je te comprends. Ne t'en fais pas, si nous nous entêtons dans cette voie tu auras ton lot d'aventures.
Il sourit.
-Très bien, très bien je n'insiste pas. Dors bien, Lionel." Il tourne des talons pour s'en aller.
-J'espère.
Lorsque Louen tourne les talons, Lionel le rappelle.
-Sire Louen, pourriez-vous me parler un peu de Dame Rion ? Je ne connais rien ni de vous ni d'elle, mais je ne peux lui demander des informations, de peur qu'elle ne se prête pas à mes questions...
Il se retourne, un sourcil levé, l'air surpris.
-Eh bien oui, viens et ramène-nous une autre bière.
Une fois les deux hommes attablés, Louen lui parle rapidement de leur rencontre et de leur voyage en enfer, omettant volontairement leur amour. Il vide ensuite sa bière.
-As-tu des questions précises sinon ?
-Je... Pourquoi dormez-vous dans la même chambre ?
Il semble fixer la réaction de Louen, prêt à tout instant à s'excuser pour ses questions indiscrètes. Louen sourit et prend une voix calme.
-C'est ce que je t'ai dit, l'habitude. Nous n'avions pas assez d'argent pour nous payer tout le temps deux chambres. Nous nous connaissons depuis maintenant un moment et avons vécu une grande aventure, cela ne nous dérange donc pas.
Lui-même peu satisfait de sa demi-vérité, il reste néanmoins neutre dans sa réaction.
-Certes mais... tout de même. Et puis elle vous tutoie.
Louen écarte son propos d'une main.
-L'habitude.
Il sourit et rigole d'un air qui démontre le début d'une fatigue et de l'alcool.
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-Cela semble beaucoup t'intéresser, dis-moi.
Il est très vite gêné mais il continue sur sa lancée.
-C'est que... Je vous trouve très proches tous les deux alors je me demande...
-Cela ne répond pas à ma question, pourquoi cela t'intéresse autant ?
Il marque une pause.
-En réalité, nous sommes amis, c'est pour cela que nous sommes peut-être plus familiers.
-C'est vis-à-vis de notre code, sire Louen.
Lionel n'a clairement pas l'air convaincu de son explication. Le visage de Louen devient étonnamment hautain.
-Tu ne te permettrais tout de même pas de juger un chevalier étant toi-même une novice ?
Sa voix se radoucit même s'il conserve un air supérieur.
-J'ai défait maints adversaires, rempli mon lot de missions, aujourd'hui je sers une cause qui me semble juste à moi, je ne fais plus totalement partie de la confrérie, je n'ai pourtant pas oublié mes serments, n'aie crainte. Souhaites-tu savoir autre chose ? Ou bien seul ce sujet t'intéressait ?
Il termine sa phrase d'un clin d'œil et d'un sourire forcé.
-Non, bien sûr que non !
Louen peut voir que le doute passe tout de même dans ses yeux.
-C'est que... J'avoue que les agissements de Dame Rion m'étonnent parfois.
-Lesquels, autres que nous dormons dans la même chambre ?
-Elle est parfois très sèche, je trouve, et parfois hautaine.
Ça semble venir assez naturellement et il se rend compte qu'il a dit ça après coup et est de suite gêné.
-Enfin, parfois...
Louen est amusé.
-C'est parfois le cas... Mais ça n'a rien à voir avec moi ou toi.
-Comment cela ?
-C'est son caractère, rien de plus, ne lui en veux pas trop.
-Elle pourrait faire des efforts peut-être ?
La fatigue et la discussion avancée font que Lionel a de moins en moins de filtres. Sans animosité, ses pensées s'écoulent juste sans toutes les barrières qu'il érige pour ne pas froisser ses supérieurs. Louen le fixe dans les yeux durant un moment conscient que cette disparition de filtre n'est pas si anodine. Lionel finit par baisser finalement les yeux.
Louen lui répond alors.
-Je vais essayer de lui en toucher deux mots, veux-tu savoir autre chose ?
Rassuré de ne pas être réprimandé par Louen, il relève les yeux, bien que pas complètement.
-Qu'est-il... arrivé à votre dragon ?
Louen, en entendant la question, lâche sa chope, heureusement déjà vide.
-Merde. Excuse-moi...
Il ramasse sa chope et met du temps à répondre.
-Durant notre voyage, le temps est passé plus vite. Lorsque je suis revenu, plus de 130 ans après, le lien qui nous unissait avait disparu, je... Je suppose qu'il...
Il secoue la tête et murmure.
-Je n'en sais pas plus.
La tristesse et la déception se lisent nettement dans ses yeux bruns. Il est pris d'une petite quinte de toux dont il se remet très vite.
-Je suis navré, sire Louen...
Lionel semble imaginer s'il était à sa place et comprend Louen.
-Tu n'y es pour rien, mais ne revenons pas sur ce sujet s'il te plaît.
-Bien sûr, désolé.
Il marque une pause.
-Je vais vous laisser vous reposer, sire Louen, merci de m'avoir répondu.
Il hoche la tête.
-Fort bien, dors bien, Lionel.
Lorsqu'il se lève, il paraît clair au jeune garçon que le chevalier est affecté, et pas uniquement par la fatigue et l'alcool.
Il sort et dégaine son arme. Tenant le fourreau de sa main libre, il reprend les enchaînements familiers. Avancer, couper, parer, tourner. Avancer à nouveau, en garde, taille, un pas en arrière, estoc. Bloquer, balancer, se fendre puis se reculer en garde levée. Il bouge sans y penser, l'esprit limpide et vide telle la mer un jour sans nuage et sans vent. Cet exercice lui fait du bien et apaise son esprit durant un temps. Il s'entraîne ainsi une dizaine de minutes.
Puis finalement, il range son arme et il monte lentement les marches avant d'arriver dans la chambre de Rion dans laquelle il entra sans bruit.
Il pousse doucement la porte, en faisant le moins de bruit possible, la porte de la chambre qu'il partage avec Rion. En entrant, il vérifie qu'elle dorme. Elle est en effet allongée, dos à lui. Sa respiration est calme mais il ne peut être certain de son sommeil ou non. Il se dirige lentement vers le lit et entreprit rapidement de se déshabiller de ses vêtements de voyage ; il est fatigué, le bain attendrait le lendemain. Il entre précautionneusement dans le lit et s'installe près d'elle. Celle-ci se tourne pour se rapprocher de lui. Elle ne dort pas mais n'est pas non plus vraiment réveillée. Il la serre alors dans ses bras puissants et se colle contre elle. Leur respiration se fait lente et tous deux s'endorment ainsi enlacés d'amour.
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