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Chapitre 9 - Chair et siamois


« Connaissez-vous
Ce sentiment d'abandon ?
Ce sentiment de trahison ?
Le connaissez-vous réellement ? »

Baekhyun avait les paupières qui tombaient. Ce n'était pas par fatigue, il se laissait simplement à cette ambiance de doute et de réflexion qui occupait l'habitacle. Il avait relâché son corps et s'était appuyé sur la portière, le visage presque contre la vitre. Il avait mal au crâne et était de nouveau pris par des sueurs froides. La fièvre était revenue et il avait le cœur serré malgré tout. Il lui semblait que le silence devenait trop long, que le silence de Chanyeol n'était là que pour éviter de parler de ces choses, de ces « évènements ». Pouvait-on encore appeler cela des évènements ? Baekhyun n'en était plus sûr.

Ils passèrent le long d'un bois, celui qui s'étendait jusqu'au village où ils habitaient. Baekhyun ne regardait pas Chanyeol, il regardait à travers la fenêtre le paysage qui passait comme un film à sa droite. Les pensées l'assaillaient. Le bruit de ses vêtements s'étouffa dans l'intérieur de la voiture lorsqu'il se tourna afin de regarder devant lui. Il se racla la gorge.

- Je t'aime, Chanyeol, dit-il après un long moment.

La main de Chanyeol glissa sur le volant, l'autre sur le frein à main et le clignoteur tiqua.

- Je sais, Baekhyun.

Le regard de Chanyeol était resté concentré sur la route, mais Baekhyun remarqua la tristesse qui dessinait son visage dans le rétroviseur.
Il s'en voulait terriblement d'agir ainsi avec lui. Il s'en voulait de l'emmener dans tout cela. Il lui semblait que si Chanyeol n'avait pas été à ses côtés, il aurait au moins été le seul à souffrir. Mais c'était déchirant, c'était comme si leur chair était reliée, et que plus il souffrait, plus elle se resserrait, et plus ils en souffraient à deux. C'était comme une partie d'eux attachée l'une à l'autre, comme si au final, ils étaient constitués d'un seul et unique corps. Baekhyun songea à des siamois, et il s'en voulait de se rendre compte d'une chose pareille aussi tardivement. Huit ans qu'ils étaient ensemble et ils avaient eu le temps de fondre ensemble, de fusionner à tel point qu'ils vivaient chaque chose comme si elle leur arrivait personnellement. Si Chanyeol souffrait, Baekhyun aussi. Si Baekhyun, souffrait, Chanyeol aussi.

Baekhyun n'avait pas l'expérience de l'amour. Jamais il n'avait vécu auparavant ce sentiment, ces émotions que l'on ressentait lorsqu'on était amoureux. Jamais il n'avait pu avoir une petite idée de comment il fallait agir avec l'être aimé, alors il le faisait à sa manière, comme il l'apprenait doucement. Et avoir vécu dans ce monde obscur n'y avait rien arrangé, cela avait détruit ses bons sentiments, cela les avaient réduit en cendres. Il était passé par la haine, la peur, le dégoût, la honte, la tristesse, mais pas par la joie, l'amour, la sécurité. Alors il avait l'impression qu'il était comme un accidenté à qui on réapprenait petit à petit à marcher. Baekhyun vivait en couple depuis huit ans sans avoir pu goûté à une amourette adolescente. Cela signifiait passer de rien à une relation sérieuse sans base, sans rien. C'était compliqué, c'était complexe.

Chanyeol était son premier amour et il lui semblait aussi le dernier. Baekhyun savait au fond de lui que si un jour Chanyeol et lui n'étaient plus amoureux, il ne saurait plus jamais aimer quelqu'un. Il ne trouverait pas quelqu'un d'aussi patient et compréhensif, d'aussi attentionné et généreux. Il savait que personne ne pourrait le remplacer et qu'une rupture le détruirait. Ce côté-là de lui était fragile, c'était son côté sensible.

Alors c'était vrai, il s'en voulait de ne pas prendre soin de Chanyeol comme il le fallait, de ne pas savoir comment agir dans ces moments-là. Il savait répondre à son amour quand il le lui demandait, par un baiser, un geste, un regard, un sourire, mais quand arrivait le moment où rien ne le guidait à part sa tristesse, il était perdu. Avant, quand il était au plus mal, personne n'avait pris soin de lui, personne ne lui avait montré indirectement comment il devrait faire à l'avenir. Si quelqu'un était venu, alors qu'il avait seize ans et qu'il venait de perdre ses parents, qu'il venait de perdre sa vie toute entière, si cette personne lui avait pris la main lorsqu'il pleurait intérieurement, il aurait su le perpétrer. Il aurait su, en plus de reconnaître la tristesse, la soigner ou la panser. Il aurait su qu'il fallait regarder Chanyeol dans les yeux, le prendre dans ses bras et lui dire que tout irait mieux. Il aurait su que caresser doucement sa main l'aurait réchauffé, que lui sourire sincèrement aurait guéri un peu cette douleur qui l'accablait.
Mais Baekhyun ne savait pas. Il était maladroit, ne faisait que reconnaître la peur et la tristesse sans pouvoir y remédier. Il ne pouvait pas dire que tout irait mieux, peu importe à quel point cette phrase encourageait, car il se résignait à se faire de faux espoirs. Il préférait s'attendre aux mauvaises choses, les appréhender, les reconnaître et les refouler ensuite.

Il s'en voulait d'être impuissant et par conséquent égoïste quand il s'agissait des sentiments des autres, ceux qu'il ne connaissait que vaguement. Mais il n'y pouvait rien. Il mettait réellement beaucoup d'efforts pour y remédier, mais c'était d'une manière un peu gauche et les choses qui se passaient récemment ne faisaient que freiner cet apprentissage.

Baekhyun soupira doucement et posa sa main gauche sur celle de Chanyeol posée sur le frein à main. Sa paume chaude la réchauffa et il la caressa tendrement. Sans le savoir, il venait d'accélérer le battement du cœur de Chanyeol d'au moins deux coups.
.

.

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Quand il aperçut l'emblème médical posté devant une petite maison modeste du village, Chanyeol immobilisa le véhicule. Le moteur cessa de gronder et le silence se fit aussitôt beaucoup plus remarquable. Baekhyun fixa le panneau et Chanyeol laissa sa main posée sur le frein à main.

- Tu veux que je reste ici ?

Baekhyun ne détourna pas le regard et se frotta discrètement les doigts.

- Oui, s'il te plaît.

Puis il se détacha et ouvrit la portière. Il mit ses deux pieds dehors, se redressa lentement avant de se retourner. Ses yeux sombres se posèrent à peine sur Chanyeol.

- Merci, Chan.

Chanyeol le regarda sans rien répondre et plissa les lèvres. Il y avait des moments comme à l'instant qui lui semblaient confus. Il ne savait pas ce que ce merci signifiait. Il se doutait bien que ce n'était pas par rapport au fait qu'il reste dans la voiture. Dans ces moments-là, il était perdu. Baekhyun lui faisait perdre ses moyens et il ne savait plus compter les secondes ou bien même les minutes. Son cœur restait en suspens et son regard restait pendu dans le vide parce qu'entretemps, Baekhyun avait déserté.

- De rien, murmura-t-il alors que la silhouette frêle de Baekhyun avait déjà disparue.

Il reporta son regard devant lui. Sa main n'avait pas bougé. C'était comme si, l'espace d'un instant, son cœur avait cessé de battre. Ce n'était ni douloureux, ni agréable. C'était simplement étrangement vide, aspirant.

Baekhyun avait cessé ses pas juste en face de la porte. La main légèrement tremblante, il avait appuyé sur la sonnette et une voix féminine lui dit d'entrer. Il était cependant resté sur place, comme pétrifié. Baekhyun était loin d'être bête, il était presque sûr de ce qu'il allait entendre. Les mots s'étaient formés maintes fois dans sa tête, avaient résonné encore et encore dans son crâne. C'était un discours qu'il avait créé et que pourtant, il était certain d'entendre dans quelques minutes.
Alors il était immobile, la main sur la poignée, prêt enjamber le seuil de la porte et à s'asseoir sur une chaise, comme n'importe quel autre être humain le ferait. On lui dirait que ce n'était qu'une grippe, il recevrait une prescription et il devrait rester chez lui le temps qu'il guérisse. Une simple grippe, rien de bien grave, après tout. À un détail près, à savoir cette lettre, qu'il avait brûlée, il y a quelques années de cela.

La porte se referma derrière lui et il n'eut pas à attendre bien longtemps. Le médecin l'attendait. C'était une femme d'un certain âge, de sa blouse blanche ne dépassait que le bas de sa jupe pourpre. Son sourire était lumineux mais restait strictement professionnel. À peine maquillée, son visage ne laissait qu'apparaître quelques ridules et des cernes légers. Les médecins avaient en général tous cette odeur de propre, de produit médicamenteux, ce qui était sûrement logique en vue de leur métier. Baekhyun s'était toujours dit que le travail que l'on exerçait se voyait la plupart du temps aussi de l'extérieur. A force, il s'en était convaincu et en avait fait sa plus grande crainte. C'était entre autres pour cela qu'il n'avait jamais aimé sortir aux heures de pointe, quand tout le monde, tous les yeux se braquaient sur lui. Il en avait fait sa paranoïa.

Le médecin lui proposa une chaise en face de son bureau. Elle amena aussitôt ses mains sur la surface du bureau et les joignit en un croisement de doigts. Baekhyun avait du mal à regarder les gens dans les yeux. Donner son regard c'était permettre la personne de lire ses sentiments. Et seul Chanyeol pouvait le lire, tout entier. La pièce était claire, une salle simple de médecin généraliste, munie d'un bureau et d'une table d'auscultation.
Le médecin le regarda d'un air plus intrusif, mais resta très patiente.

- Dites-moi.

Baekhyun leva le regard sur la femme.

- Ça fait quelques jours que j'ai une toux sèche et de la fièvre.

Le médecin hocha la tête. C'était silencieux malgré la voix de Baekhyun.

- Combien de degrés ?

- Trente-neuf au début, maintenant ça va jusqu'à quarante et demi.

La femme se leva de sa chaise et alla jusqu'à la table d'auscultation.

- Vous pouvez enlever votre veste et votre haut et venir vous asseoir.

Baekhyun s'exécuta dans le silence. Il ne savait pas quand et comment il fallait qu'il le dise. Il découvrit le haut de son corps avec hésitation. Sa peau était garnie de bleus et de cicatrices. Le médecin ne le regardait pas et ne faisait qu'attendre. Il alla s'asseoir. La femme ne laissa rien remarquer au début. Elle posa le stéthoscope sur la cage thoracique de Baekhyun et écouta attentivement.

- Une toux sèche vous m'avez dit ?

Baekhyun hocha la tête et se racla la gorge.

- Inspirez profondément et expirez lentement. Des maux de gorge ?

- Pas vraiment, enfin, seulement une irritation à force de tousser.

Le palet métallique glissa sur sa peau, puis dans son dos. C'était froid. Baekhyun se tut.

- Ça arrive souvent ? demanda-t-elle.

Il sut immédiatement ce que cela signifiait mais il ne répondit pas d'emblée.

- Parfois. Enfin... ça m'arrivait, avant.

Le médecin s'immobilisa et le regarda.

- Si vous voulez de l'aide, vous savez qu'il-

- Oh non, non, ce n'est pas... ce n'est plus vraiment ça...

Baekhyun soupira mais ne la regarda toujours pas.

- C'est différent. Plus maintenant.

- Si quelqu'un vous bat, vous pouvez porter plainte, il n'y aucune honte à avoir. Je suis tenue au secret professionnel.

Baekhyun secoua vivement la tête.

- Je-

Il n'y avait aucun mot qui ne semblait convenir.

- Non... J'ai rencontré quelqu'un...qui prend soin de moi.

Le médecin sourit, et Baekhyun eut l'impression que ce sourire était différent des autres, qu'il était sincère.

- Mais ce n'était pas un cas unique, n'est-ce pas ? Ça arrive, enfin arrivait, régulièrement ?

Baekhyun ne sut comment expliquer sans trop en dire. Il ne savait pas s'il devait se confier à un médecin, si elle comprendrait.

- Je-... Ce n'est rien... C'était il y a longtemps.

Le médecin n'insista pas. Baekhyun était incapable de lui expliquer, de lui raconter comment Minseok avait l'habitude de le battre après avoir couché avec lui, comment il perpétrait les gestes de son père alcoolique quand lui-même était saoul. Il était incapable de lui raconter que malgré tout, il l'avait toujours laissé revenir, qu'il l'avait toujours laissé marquer son corps de nouvelles cicatrices et blessures. Baekhyun n'était pas en mesure de lui expliquer que des années après avoir fui, ils s'étaient revus et qu'il avait ravivé d'anciennes blessures. Comment expliquer qu'à l'époque, il se prostituait et que c'était courant de rentrer le corps souillé et abîmé ?

- La toux a empiré depuis ? demanda le médecin.

- Oui. C'est de plus en plus douloureux.

- Insuffisance respiratoire lors des efforts ? Une perte de poids ?

Les joues de Baekhyun se creusèrent. Ses cordes vocales étaient serrées.

- Légère.

- Un ou deux kilos ?

- Je dirais, oui.

Le médecin plissa les lèvres et le regarda brièvement.

- Les pertes de poids ne sont généralement jamais bon signe. Est-ce que vous avez eu des sueurs soudaines récemment ?

- Oui, une ou deux fois.

Baekhyun avait les mains moites. Il savait qu'il fallait qu'il le dise. Le médecin s'approcha de lui, ausculta sa gorge à l'aide d'une petite lampe puis mesura sa température.

- Le pharynx est rouge et la fièvre plutôt élevée. Vu la perte de poids et les sueurs occasionnées, c'est possible que cela soit causé par une forme de pneumonie. En général...

La femme sembla réfléchir puis passa de nouveau le stéthoscope.

- En fait, quand je passe par ici lorsque vous expirez, il semble y avoir une forte résistance. C'est probablement dû à une opacité dans vos poumons. C'est plutôt rare et plutôt grave. Ça entraine un mauvais échange d'oxygène et des dyspnées peuvent rapidement apparaître. Il faudrait faire une radiographie de vos poumons pour que je puisse faire un meilleur diagnostique. L'hôpital est assez loin d'ici, malheureusement. Je peux essayer de vous prendre rendez-vous pur dans trois jours. En attendant je vais devoir vous prescrire des antibiotiques. Vous devez avant tout ne pas vous empêcher de tousser.

La femme remit le stéthoscope autour de son cou.

- Est-ce que vous avez déjà eu des relations sexuelles non protégées ? Ou est-ce que vous avez été récemment transplantés ou traités ?

Baekhyun s'immobilisa et passa une main sur son bras bleu. Il soupira de manière à peine audible avant de lever le regard sur le médecin.

- Oui, j'ai eu des relations sexuelles non protégées... il y a longtemps...

Baekhyun avait l'impression de se répéter. Il trouvait cela tellement pathétique. La blouse blanche se redressa.

- Vous vous êtes fait dépisté ?

Baekhyun émit un son entre le rire et le soupir.

- Oui.

La femme devina la réponse dans son regard. Si tous les médecins n'étaient pas psychiatres, ils n'en restaient pas moins très observateurs. Il y avait quelque chose d'humain dans leur comportement et cela faisait du bien, parfois, d'être aidé de cette manière. Ils étaient responsables de leurs patients et ils en tenaient bien compte. Baekhyun, malgré ce qu'il allait dire, avait l'impression d'avoir été libéré d'un poids.

- Je suis séropositif...

Baekhyun secoua la tête, parce que son cœur se tordait et l'incitait à laisser couler des larmes. Mais il se sentait tellement pathétique qu'à ce point-là, il s'en fichait. Pour lui, il n'avait jamais été un homme. Il était toujours resté un jeune garçon. Alors qu'importait ce que cette femme pensait de lui.

- Je le suis et je n'y peux rien... dit-il.

Le médecin ne réagit pas immédiatement. Elle lui laissa le temps de se reprendre.

- Je ne sais même pas ce que ça veut réellement dire, ce que ca va changer... je le sais depuis huit ans et je ne sais pas ce que je vais devenir.

Baekhyun leva le regard au ciel puis secoua une nouvelle fois la tête.

- Ça change beaucoup de choses, commença-t-elle doucement. Si cela fait huit ans que vous savez que le VIH est là, dans votre corps, il aura eu le temps d'arriver au stade du sida. La séropositivité n'est que le premier stade, celle du virus de l'immunodéficience humaine, que l'on appelle VIH. Étant donné que cela fait huit ans... le virus a eu le temps d'infecter votre système immunitaire, et dans ce cas-ci, une pneumonie peut être très critique. Le VIH rend le corps vulnérable à la moindre maladie opportuniste.

Le médecin n'avait posé aucune main sur son épaule, aucun signe de réconfort. C'était mieux ainsi, plus facile.

- On évoque chez les patients séropositifs au stade de VIH plutôt une pneumocystose. C'est une forme plus grave de la pneumonie mais elle est très courante chez ces patients. Elle n'est pas facile à détecter ordinairement parce qu'elle s'apparente beaucoup à des maladies respiratoires moins rares. Perte de poids, sueurs nocturnes, toux progressive, fièvre, altération de l'état général, ça y ressemble fort chez vous.

Le médecin passa un main sur ses lèvres puis reporta son attention sur Baekhyun.

- On ne guérit pas du sida. On peut retarder son apparition chez les patients séropositifs, mais on ne peut l'empêcher de venir. Généralement, une fois que le sida fait son apparition, l'espérance de vie est raccourcie à quarante ans.

Baekhyun sentit ses membres se pétrifier. Son regard était nerveux et ne cessait de se balader dans la pièce.

- Ça peut être plus aussi, ça dépend de chacun. Si je vous dis ça, c'est parce que les maladies respiratoires sont la première cause de décès chez les malades atteints du sida. C'est quelque chose qu'il faut prendre au sérieux et soigner très rapidement. Ce sera beaucoup de thérapies, beaucoup de médicaments, mais vous pourrez mener une vie à peu près normale malgré tout.

Elle s'assit à son tour sur la table d'auscultation, tout en le regardant.

- Il faudra prendre une prise de sang, des radiographies, des tonnes et des tonnes de médicaments et rester à l'hôpital pendant quelque temps, mais vous pouvez y arriver.

Baekhyun émit un léger rire.

- S'il faut ca pour vivre...

La femme lui sourit et osa finalement prendre sa main.

- Malheureusement, je ne vous suis plus très utile à présent. Je n'ai pas les capacités nécessaires pour faire tout cela, mais je peux vous prescrire les antibiotiques en attendant le traitement prophylactique, qui augmentera votre nombre de lymphocytes.

Le médecin aperçut l'air perdu sur le visage de Baekhyun et lui sourit.

- Ne vous en faites pas, ça a l'air très technique mais en vérité c'est bien plus simple. C'est un traitement pour le système immunitaire. Les lymphocytes, ce sont les cellules qui le composent. Moins il y en a, plus vous êtes vulnérable. La normale chez l'être humain est de deux-cents lymphocytes par millimètre cube.

Baekhyun qui n'avait plus eu de cours de biologie depuis au moins dix ans se sentit légèrement dépassé. Mais il écoutait et essayait de comprendre, parce que cela le touchait lui, et non pas quelqu'un d'autre.

- Le virus infecte un type de lymphocyte particulier : les lymphocytes T4. Le VIH entraîne la mort de ces cellules immunitaires, ce qui crée une déficience du système immunitaire. Et donc vous êtes plus apte à attraper des maladies opportunistes : grippes, ou même des rhumes, des pneumonies, des pneumocystose et cetera.

Le médecin se releva.

- Dans trois jours, pas plus, vous devrez aller à l'hôpital vous faire traiter. Vous, vous n'aurez pas grand-chose à faire à part vous reposer. En attendant, ne faites pas trop d'efforts et prenez des antibiotiques. Cela empêchera la maladie respiratoire de se répandre.

Baekhyun se leva à son tour et prit ses vêtements pour se rhabiller.

- Merci, Docteur.

La femme se tourna vers lui et lui offrit un sourire d'encouragement.

- Bon courage, jeune homme. C'est difficile à accepter et je ne suis pas la meilleure placée pour dire que je sais à quel point. Mais tout de même.

Baekhyun lui tendit la main, qu'elle serra calmement, de sa main de femme. En même temps, elle le regarda fixement.

- Si vous voulez parler, vous savez qu'il existe des psychologues ou même des médecins psychiatres capables de vous aider à traverser ces moments. Que ce soit concernant votre maladie, ou concernant la cause de vos bleus...

Elle avait haussé un sourcil pour montrer à quel point elle était sérieuse et Baekhyun lui en était reconnaissant. Il ne répondit pas. Quand il prit la prescription entre ses doigts, il se sentit en même temps soulagé et en même temps accablé.

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.

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Quand Baekhyun sortit du cabinet, son visage était tout de même pâle. Il rejoignit Chanyeol sur le trottoir et s'immobilisa devant lui, las. Il allait devoir lui expliquer, et c'était stressant et angoissant. Il allait devoir lui expliquer ce qu'il lui avait caché pendant tout ce temps et lui dire ce que sa bêtise et son ignorance avaient entraîné. C'était tout ce dont à quoi il pensait.

Chanyeol leva le regard et le posa sur lui avant de pousser un soupir. Il prit sa main, croisa leurs doigts puis se mit à marcher doucement. Baekhyun le suivit sans rien dire, sans poser de questions, car c'était à lui de les poser. C'était désormais Chanyeol qui avait à poser des questions et Baekhyun avait à y répondre. Ils s'éloignèrent petit à petit de la voiture de location, silencieux, et marchèrent vers l'autre bout de la rue. De ce côté-là se trouvait le bord d'un fleuve et une route le longeait. Baekhyun avait le regard baissé en marchant, il réfléchissait à chaque manière de pouvoir sortir ce mensonge gardé trop longtemps hors de lui. Il savait qu'en l'emmenant au bord du fleuve, Chanyeol lui laissait une chance, il lui laissait le temps. Le temps de marcher, de s'asseoir à un banc et de regarder brièvement l'eau calme, le temps de réfléchir et de passer au-delà de ses craintes.

Baekhyun n'avait pas lâché sa main, et Chanyeol la tenait calmement. Ils arrivèrent sur un sentier de promenade, continuèrent de marcher de cette allure calme, presque lente. Leurs cheveux furent balayés par une légère brise, leurs vêtements aussi. Baekhyun frissonna. Les sueurs froides le reprenaient. Il serra sa veste un peu plus contre lui. Chanyeol lâcha sa main et posa sa paume sur la sa nuque découverte pour le réchauffer. C'était un geste qui signifiait beaucoup. Il aimait sa nuque, et c'était son côté fragile, son côté sensible. C'était un endroit vulnérable car il suffisait d'un coup violent à cet endroit pour éteindre toute une vie. Et Chanyeol en prenait soin.
Baekhyun s'arrêta au niveau d'un banc et ils s'assirent tous les deux. Chanyeol avait laissé la main sur son cou et remuait doucement son pouce sur sa peau.

- Je crois qu'il y a beaucoup de choses que tu dois me dire, Baekhyun, dit-il en le regardant.

Baekhyun passa la langue sur ses lèvres sèches et inspira. La paume de Chanyeol était chaude et contrastait avec la froideur de sa nuque. Il avait toujours le corps froid tandis que celui de Chanyeol était presque toujours chaud. C'était spécial, et Baekhyun y pensa. Au fond, ils se complétaient.
Il leva le regard sur le fleuve devant eux. L'eau était calme malgré le léger vent.

- Je...

Baekhyun avait eu le temps de réfléchir, pendant ces quelques minutes, pendant ces huit années et pourtant les mots lui manquaient, les mots ne voulaient pas franchir ses lèvres. Sa gorge était sèche et ses yeux aussi, son cœur aussi. Il était sec, épuisé, à bout. Il avait écoulé ses ressources, il avait épuisé sa substance. L'énergie n'était plus là. Marcher, parler, respirer devenaient désormais de plus en plus difficile. Il avait l'impression de suffoquer. Il avait l'impression d'avoir été amputé d'une partie entière de lui, qu'il lui manquait un poumon, un rein, une moitié de cœur pour pomper son sang et son énergie.
Était-ce donc pour cela que Chanyeol et lui ne formait qu'un ? Pour compenser ce qu'on lui avait enlevé ?

Baekhyun n'avait pas quitté l'eau des yeux. Le temps semblait s'être arrêté. Il avait l'impression de revivre une certaine scène. Le jour où Chanyeol l'avait recueilli, le jour où il avait de nouveau cauchemardé et que Chanyeol avait compris pour la première fois ce qu'il venait d'engendrer. À cette époque, ils étaient inconnus l'un pour l'autre, mais Chanyeol lui avait demandé ce qu'il faisait aussi tard la nuit et il lui avait répondu franchement, sans réfléchir. Il se prostituait.

- Chanyeol... Je suis séropositif.

Baekhyun ne baissa pas le regard. Il ne bougea pas non plus. Chanyeol non plus ne montra pas grande réaction. Il n'enleva pas la main de sa nuque, ni ne se leva ou se tourna vers lui. Non, il resta simplement assis et immobile, comme si Baekhyun n'avait rien dit.

- Tu m'as menti, pendant tout ce temps ?

Baekhyun cligna des yeux mais ne détourna pas le regard de ce liquide aussi immobile que s'il n'en était pas. Il eut soudainement un haut-le-cœur, un sentiment qui lui prit la gorge. Il se dégoûtait, et c'était ce sentiment qui remontait à la surface, ce sentiment qu'il avait eu, avant, et qui le prenait une nouvelle fois d'assaut.
Il prit sa tête entre ses mains et tenta de ravaler cette envie de vomir par dégoût de soi.

- Chan... Si tu savais le nombre de fois où j'ai menti... Si tu savais comment mon existence reposait là-dessus...

Chanyeol se tourna enfin vers lui et le regarda.

- Si je te disais que ce n'est rien, je te mentirais. Je suis blessé que tu ne me l'aies pas dit lorsque tu as reçu les résultats. Mais je suis avant tout triste que tu n'aies pas voulu t'y prendre plus tôt... Tu sais... si tu étais allé plus tôt, tu aurais pu prévenir ce genre de maladies et tu aurais pu éviter cette pneumocystose. Je sais...que tu n'aurais de toute manière jamais guéri... mais plus le dépistage est réalisé tôt, plus on peut espérer une espérance de vie normale. Aujourd'hui, on ne peut toujours pas en guérir, mais la science a avancé, si bien qu'il existe des thérapies et c'est pour ça que j'ai voulu que tu te fasses dépister... Je te l'ai demandé pour toi, pour ta santé, pour que tu vives comme n'importe quel autre humain...

Chanyeol marqua une pause, soupira, parce qu'il savait.

- Baekhyun... Tu sais ce que ça signifie... ?

Baekhyun hocha lentement la tête.

- Le médecin a dit quoi ? demanda Chanyeol.

- Elle ne sait pas vraiment, ça dépend de tout... Il faut que j'aille la semaine prochaine commencer un traitement à l'hôpital... Elle m'a expliqué que j'étais probablement déjà été infecté et que j'ai attrapé une sorte de pneunomie... Si c'est vrai... ça veut dire que-...

Baekhyun ravala la nausée qui se frayait un chemin dans sa gorge.

- ... je ne vais pas dépasser les quarante ans, Chanyeol.

Chanyeol baissa brièvement le regard. Cela faisait mal d'entendre la réalité, de la voir en face. Cela était d'autant plus douloureux qu'il se doutait que cela tournerait ainsi. Au fond, il avait toujours su que la présence de Baekhyun ne serait qu'éphémère. Il l'avait toujours secrètement craint, comme le monde noir était secrètement craint, contraste de son monde lumineux.

- Je ne veux pas... Baek, je ne peux pas... Tu sais que je ne peux pas, je ne pourrai pas l'accepter... Tout me dépasse en ce moment. J'essaie de te comprendre, je te laisse le temps, mais est venue cette limite où ce n'est juste plus possible, tu comprends ? Je ne peux pas y croire et je ne peux pas me l'imaginer...

Chanyeol avait planté son regard dans le sien. C'était le moment de sortir ce qu'il avait sur le cœur, le moment de dire à Baekhyun ce qu'il ressentait réellement derrière cette façade de conjoint compréhensif et amoureux.

- J'ai mal, Baekhyun, j'ai mal pour ça, pour tout, pour toi, et ça me tue.

Chanyeol secoua la tête.

- Pourquoi... pourquoi est-ce tout doit être si difficile... ? Ça fait tellement mal... Tout est si imprévisible...

Baekhyun suivit son regard, le soutint.

- Je sais ce que tu ressens, Chan...

Baekhyun le regardait avec un regard doux et triste. Il posa une main sur la sienne et la pressa délicatement.

- Je suis tellement désolé que tu aies à vivre ce genre de sentiment... Je n'ai rien d'autre à te dire, je n'ai pas d'autres mots pour m'exprimer... Je te suis tellement reconnaissant de m'avoir fait connaître le bonheur et l'amour, si je suis encore ici c'est grâce à toi. Je te suis reconnaissant d'avoir pris soin de moi avec autant de patience. Et puis, surtout, je t'aime, et c'est la chose la plus forte qui me relie à toi.

Baekhyun avait accentué la pression sur sa main sans s'en rendre compte.

- Avec...tout ce qui s'est passé dans ma vie... Je sais ce que tu ressens. Je comprends tes émotions, je les vois clairement... Mais je me sens impuissant face à ta tristesse. Je ne sais pas comment l'atténuer... Je ne sais pas comment te soutenir dans un moment pareil... Alors tout ce que j'ai à te dire, c'est que je sais parfaitement ce que tu éprouves... et j'espère que ça te soulage au moins de savoir que tu n'es pas seul...

Chanyeol secoua lentement la tête. Sa main n'avait pas quitté la nuque de Baekhyun. Il sourit légèrement. Il regarda Baekhyun et scruta son visage désormais conscient que chaque regard et chaque seconde comptait.

- Tu es quelqu'un de formidable, Baekhyun, murmura-t-il.

Baekhyun l'observa, légèrement surpris du changement de ton.

- Malgré tout ce que m'a engendré notre rencontre, je ne regrette rien. Je ne regrette pas les huit années qu'on a passées ensemble et les malheurs et obstacles qu'on a surmontés. Même si c'est dur, même si ça fait mal et que j'ai l'impression de mourir de douleur, je ne vais pas gâcher le temps précieux qui nous est compté à t'en vouloir.

Chanyeol rompit brièvement le contact visuel, incapable de le regarder plus longtemps en se disant que la personne qu'il aimait n'aurait pas la chance de vivre aussi longtemps que lui.

- Je sais le genre de personne que tu es, je sais comment tu agis et je sais ce que tes gestes et regards signifient... Je sais que... c'est difficile pour toi. Et je sais que tu n'es pas égoïste.

Les cheveux de Baekhyun furent balayés par un vent froid.

- Tu ne dois pas t'en faire en ce qui concerne ce que je pense de toi, continua Chanyeol. Tu m'as fait voir beaucoup de chose que j'aurais ignorées toute ma vie. Tu m'as changé, tu m'as ouvert les yeux sur ce qui m'entourent. Grâce à toi, je me suis rendu compte de la valeur des choses, même les plus banales. Même si je ne peux pas l'accepter, même si c'est juste au-dessus de mes forces de m'imaginer l'avenir, je ne veux pas t'en vouloir. Tout ce que j'aimerais, c'est que tu te soignes et que toute cette histoire de mail et de revanche prenne fin. J'aimerais une seule chose, c'est qu'on te laisse en paix combattre la maladie.

Baekhyun sourit doucement. Son cœur battait fort tout en se serrant dans sa poitrine.

- Je suis un vrai nul, dit-il entre le sourire et la gorge nouée.

Chanyeol passa un bras autour de lui et le serra contre lui. Baekhyun répondit à son étreinte.

- Tu viens de donner au mot nul une connotation laudative dans ce cas...

Baekhyun émit un rire doux et plongea le nez dans le creux de son cou. Il regarda le chemin qui longeait le fleuve dans le dos de Chanyeol et se demanda comment c'était possible que tout cela arrive. Comment cela se faisait qu'il n'avait pas baissé les bras.

- Chan... Tu sais pourquoi je n'ai pas mis fin à mes jours... ?

- Dis-moi...

Chanyeol sentait le battement régulier de Baekhyun contre son torse et il songea à quel point l'être humain était vulnérable.

- Pour ne pas devenir ceux que je hais depuis mes seize ans, pour ne pas devenir finalement comme mes parents. C'est inimaginable pour moi d'agir comme eux... Je me rappelle toutes les images et je suis parfaitement conscient que leur suicide est ce qui a tout engendré dans ma vie.

Le vent fit frissonner l'eau du fleuve et le branchage des arbres bruissa soudainement. Au loin, la forêt paraissait imposante. Le ciel était gris, le brouillard avait du mal à laisser sa place au soleil. Il n'était pas décidé à se laisser maîtriser.

- L'avenir est flou, et c'est ce qui est si terrifiant à son sujet. Mais je vais y arriver, Chanyeol, je vais y arriver.

Son visage se déforma en un sourire émotif, les yeux remplis de larmes mais convaincu qu'elles ne couleraient pas sur ses joues. Les cicatrices étaient là, et d'autres s'ajouteraient bientôt, mais Baekhyun depuis le moment où il avait commencé à se battre les premières années, avait commencé une guerre qu'il allait à présent terminer. Et avec un peu de chance, il la gagnerait.
.

.

.

La journée était calme. Les nuages gris avaient cédé leur place à un soleil doux de printemps. C'était la fin de l'après-midi et Baekhyun avait clôt les paupières, assis en tailleur sur la terrasse. Le jardin s'étendait devant lui, ouvert à la nature et à la forêt. Il n'y avait pas de clôture, c'était simplement un petit terrain d'herbes. A tout moment, un animal pouvait surgir du fin fond de la forêt et s'avancer vers lui. C'était ce qui était aussi impressionnant à cet endroit.
Les maisons étaient éloignées les unes des autres. C'était des parcelles privées, sur lesquelles chacun vivait sa vie. Ils avaient changé peu de choses au jardin. L'entretien était très onéreux et clôturer l'entièreté de leur terrain leur aurait coûté bien trop cher. Alors il n'était pas rare de voir, le soir, une biche ou un renard marcher devant la baie vitrée.

Baekhyun inspira une bouffée d'air et rouvrit les yeux. Le couché de soleil n'allait pas tarder. C'était un spectacle quotidien, qui ne coûtait rien, et qui ne perdait jamais en sa beauté. Quand il le pouvait, il venait s'asseoir sur le bois de la terrasse, à même le sol, faute de meubles de jardin, et regardait le ciel s'embraser. Chaque fois, cela l'apaisait et chaque fois cela l'aidait à penser et à réfléchir. Il lui fallait ses moments, ses instants bien à lui. Chanyeol savait qu'il fallait alors le laisser au calme, et s'il le rejoignait, il s'asseyait à côté de lui sans dire mot.

Baekhyun avait besoin de sentir le vent frôler sa peau. Il avait besoin de sentir l'air de la forêt et le soleil éclairer sa peau. Quand la vie prenait des tourments imprévisibles, il avait besoin de se remettre en question et de se laisser aller dans un état de repos total. Devant lui, la couleur du ciel avait tourné vers un orange doux. Alors il posa le regard sur Chanyeol qui s'était installé à sa gauche et lui sourit. Il n'y avait pas de mot, pas de contact tactile, seulement visuel, c'était un simple sourire. Ces choses faisaient partie de celles qui ne coûtaient rien, mais dont l'effet était incomparable. Le soleil, la forêt, les sourires, les regards, le vent. En fin de compte, il ne fallait pas grand-chose pour vivre heureux.

Le soleil s'endormit doucement. Avec lenteur et pourtant rapidité, sa rondeur disparaissait derrière les pointes des sapins et le branchage des chênes. Baekhyun s'était abandonné à ce spectacle. Son regard brillait face aux rayons lumineux, ses iris étaient devenus bruns, et ces moments-là, Chanyeol les connaissait. Il connaissait leur importance. Il les fallait pour affronter la suite, ce qui allait arriver à l'avenir. C'était la méthode de Baekhyun pour se donner de l'énergie, du courage, l'essence nécessaire pour combattre le passé et ceux qui le faisaient remonter.

Bientôt, l'horizon se restreignit à un ciel bleu foncé tirant vers le mauve, et Chanyeol se rapprocha de Baekhyun. Il passa un bras autour de son épaule et termina cet instant à ses côtés. Chaque fois, c'était lui qui revenait avec les mots.

- Luhan a appelé...

Baekhyun se tourna vers lui et se laissa aller contre son épaule.

- Je ne vais pas te demander pourquoi tu as encore contact avec lui, ne t'en fais pas... Chaque chose en son temps. J'ai eu assez de surprises aujourd'hui et... il y a déjà assez de choses qui t'accablent.

Baekhyun chercha sa main et croisa leurs doigts. Il recherchait son contact, sa peau et son odeur. Chanyeol passa une main le long de son cardigan et le lui referma un peu plus.

- Tu avais laissé ton portable sur la table et j'ai pensé bon de décrocher.

Baekhyun soupira et se logea un peu plus dans ses bras. La fatigue s'était soudainement abattue sur lui.

- Tu as bien fait... murmura-t-il.

Chanyeol passa son deuxième bras autour de lui.

- Je t'en parlerai demain... Tu as l'air fatigué, ça ne sert à rien que tu t'inquiètes avec ça pour le moment.

Chanyeol passa une main sur son front.

- De la fièvre ?

- J'ai juste envie de me coucher, tout à coup...

Chanyeol prit ses deux mains et les frotta légèrement. Baekhyun se sentit soudainement lourd et très fatigué. Il cligna lentement des yeux et se relâcha complètement sur les genoux de Chanyeol.

- Baekhyun, reste éveillé... Tu sais te lever ?

- Hm...

Chanyeol le repoussa légèrement afin de se lever et l'aida à se redresser. Baekhyun chancela et s'appuya sur ses épaules.

- Ça va...

Chanyeol soupira. Ce genre de malaise ne le rassurait pas. Il l'aida à marcher jusqu'à l'intérieur et à monter les escaliers. Quand ils atteignirent la chambre, Baekhyun se laissa tomber sur le lit et ferma aussitôt les paupières. Chanyeol secoua la tête et l'aida à s'installer convenablement. Il lui mit deux oreillers sous la tête et sous la nuque et tira la couverture jusqu'au niveau de son nombril.

- Ne t'endors pas, je reviens avec les médicaments que le médecin a prescrits.

Il hésita brièvement, puis se pencha sur lui pour lui laisser un baiser sur les lèvres. Au même instant Baekhyun rouvrit les yeux et inspira profondément.

- Je ne m'endormirai pas...

Chanyeol sourit puis quitta la pièce. Il descendit les escaliers, fit plusieurs pas dans le salon et remarqua la baie vitrée laissée ouverte. Lentement il se dirigea vers la fenêtre et posa une main sur la poignée pour la refermer. Le vent siffla et il posa brièvement son regard sur le fond du jardin. Le soleil avait laissé place à un ciel bleu foncé. Dehors, tout semblait calme. Tout semblait intouchable et immuable. C'était comme une peinture, dont les arbres étaient statiques et la nature presque surréaliste. Chanyeol resta immobile, les bras pendants le long de ses flancs. La lueur de la lumière du salon animait son regard et ombrait sa silhouette.
Il y eut soudainement un bruit, un violent claquement, comme si quelque chose était tombé au sol ou comme si quelque chose s'était brisé. Chanyeol songea aussitôt à aller voir Baekhyun, mais cela semblait venir du jardin, et non pas de l'étage.

- Baekhyun ? Tout va bien ?

Il n'y eut aucune réponse. Les murs étaient épais, et si Baekhyun s'était endormi, il ne l'entendrait sûrement pas. Chanyeol s'empara d'une lampe de poche, qui se trouvait en permanence sur la commode à sa droite, et enjamba la marche de la baie vitrée qui menait sur le jardin. Il alluma la lampe et s'avança prudemment dans le jardin. L'herbe se froissa sous ses pieds. Il regarda autour de lui, balança la lampe de gauche à droite. Comme il ne voyait rien, il rebroussa chemin et ferma la baie vitrée du salon. Il resta brièvement devant pour regarder une dernière fois dehors, puis partit chercher le sachet de médicaments. Le couloir était pratiquement plongé dans la pénombre, mais Chanyeol put apercevoir le sac en plastique laissé sur la commode de l'entrée. Il passa une main dans son cou avant de s'en emparer. Le plastique bruissa dans sa paume.

En montant les escaliers, il songea à cette journée. Cette journée trop étrange, trop bouleversante pour être réelle dans son entièreté. Il était encore comme sous anesthésie, comme une espèce de drogue qui ralentirait sa prise de conscience et faisait reculer l'aiguille de l'horloge de plusieurs heures. En l'occurrence, il avait l'impression d'être en retard de plusieurs années.

C'était tellement inattendu, cette vie. C'était tellement inattendu de tomber su un jeune homme avec autant de problèmes que Baekhyun, et d'en plus, en tomber amoureux. Tout ça l'avait dépassé depuis bien longtemps. Il était tombé sur Baekhyun comme il serait tombé sur un papillon en pleine nuit. Un insecte aux airs doux et volatiles, fragiles et dont les ailes étaient partiellement déchirées. Un papillon de nuit qui cherchait le réconfort de la lumière d'un lampadaire citadin. Comment, ou pourquoi il en était arrivé là, il ne savait pas. Chanyeol ne savait pas, n'avait jamais su, que dans un tel monde, un monde auquel, plus jeune, il n'avait vu aucun défaut, aucune égratignure, seulement un monde joyeux et amusant, dans lequel on jouait avec un ballon rouge en plastique jusqu'à s'en écorcher les genoux, dans lequel on mangeait des gâteaux d'anniversaire tous les ans, un monde de lumière et de magie, plein d'étoiles et de soleils : son monde, son monde à lui, dans lequel il avait passé toute sa vie à rire et à embrasser le bonheur dans les bras de parents aimants. Il avait toujours connu les fêtes, les soirées télévision à rire et à regarder de bons films, les amis, les bonnes notes et les remises de diplôme, les sorties en famille, tout ce qui avait de plus banal en apparence. Ce qui, jusqu'à présent, avait toujours alimenter son existence. Alors non, Chanyeol n'avait jamais su que dans un monde pareil, on pouvait encore laisser des enfants mourir de l'absence de leurs parents, que des jeunes êtres étaient battus, violés, tués, enlevés, manipulés ou adonnés à la prostitution, et que pendant des années cela restait ignoré. Il n'avait jamais su que dans ce monde qu'il croyait merveilleux, des enfants comme Baekhyun existaient, qu'ils étaient abandonnés à un enfer sur terre et que personne ne s'en souciait.
Forcément, en grandissant, Chanyeol avait su à moment donné que le malheur existait. En grandissant, il avait lui-même rencontré des obstacles, des moments où tout semblait contre lui, c'était certain. Mais qui lui aurait dit qu'il allait faire face à bien pire, qu'il allait lui-même, de ses propres pas, aller rencontrer cette tumeur qu'étaient le malheur et la misère ? Personne, et même jamais.

Si ce qui lui arrivait ce jour-là lui paraissait tant surréaliste, c'était pour tout cela, pour toutes ces raisons. Il avait l'impression d'avoir vécu sa vie entière dans le mensonge, que sa vie reposait entièrement sur la fausseté. Il apprenait que sa vie avait été toute faite pour qu'il ne se doute de rien, et c'était avant tout cela, qui semblait fictif, tout droit tiré d'un roman de science-fiction. Et pourtant, les baisers, la sensation des cheveux de Baekhyun, son toucher et ses larmes, son regard vide et mort, étaient bien réels. Toute la vie de Baekhyun témoignait pour l'existence de cette surréelle réalité.
Comme programmé pour, Chanyeol avait passé une vie joyeuse, avait obtenu son diplôme et ouvert une librairie comme bon lui semblait, loin de se douter que de proposer à ce jeune prostitué de l'aider l'emmènerait loin de tout cela.

Maintenant qu'il se trouvait là, en face de ce lit dans lequel reposait un insecte aux ailes émiettées, il se rendait compte que c'était lui qui les remplaçait à présent. Sans le savoir, il avait offert une partie de soi. Sans le savoir, n'ayant jamais rien su. Rien su de ce garçon de misère. À lui qui pourtant pourrait décrire le malheur et son envers en un long récit, on avait tout caché.

Baekhyun s'était endormi. De là où il se trouvait, Chanyeol apercevait ses traits doux mais épuisés enfouis dans l'oreiller. Il avait déposé le sachet avec les médicaments sur la table de chevet et puis s'était assis dans le fauteuil à côté du lit. Etrangement, Chanyeol, qui pourtant l'avait toujours pu, ne sut mettre aucun mot sur ce qu'il ressentait en cet instant. Parce que c'était comme un vide et ce vide lui enlevait cette capacité, et parce que de voir ce visage le remplissait à moitié, et cela non plus, il ne savait pas le décrire.

Dans la lueur de la lampe de nuit, les pupilles de Chanyeol semblaient de flammes alors qu'elles n'étaient faites que de vide. Comme si le feu avait voulu raviver l'animosité en lui, comme pour combler cet abîme qui grandissait en lui.
Finalement, il enfouit le visage dans ses paumes, parce qu'il venait de se rappeler que des années séparait la réalité de Baekhyun de la sienne. Et que surtout, ils étaient si proches et pourtant si loin.

« D'un jour à l'autre
De sequins et de roses
L'aube renverse l'autre
Et quoique morose
Rien ne s'y oppose. »

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Laissez-moi vos avis, comme toujours! Pour être motivée, je les relis toujours. ^^ À bientôt !

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