Chào các bạn! Vì nhiều lý do từ nay Truyen2U chính thức đổi tên là Truyen247.Pro. Mong các bạn tiếp tục ủng hộ truy cập tên miền mới này nhé! Mãi yêu... ♥

Chapitre 12 (partie 1) - Montre tes mains

(Poème de Baudelaire, "Tu mettrais l'univers entier dans ta ruelle", que j'ai légèrement modifié pour qu'il s'adresse à un garçon et non pas une femme.)

---

« Tu mettrais l'univers entier dans ta ruelle.
Garçon impur ! L'ennui rend ton âme cruelle.
Pour exercer tes dents à ce jeu singulier,
Il te faut chaque jour un cœur au râtelier.
Tes yeux, illuminés ainsi que des boutiques
Et des ifs flamboyants dans les fêtes publiques,
Usent insolemment d'un pouvoir emprunté,
Sans connaître jamais la loi de leur beauté. »

{ Trois mois plus tard. }

Les rayons de soleil étaient faibles et la brume matinale épaisse. Il entendait des bruits, incessants, le bruit des vagues ou peut-être celui de la foule. Assis sur le bord de son lit, habillé et immobile, les yeux fermés, il écoutait. La pièce était silencieuse, dénuée de paroles et de regards. Des regards, il n'y en avait plus. Il regardait le sol, le bout de ses chaussures. Il n'y en avait plus car c'était devenu trop fatiguant. La fatigue, seul mot qui lui traversait l'esprit depuis quelque temps maintenant. Seul mot qui lui semblait adapté à la situation. Ni plus, ni moins.
Le bruit devint soudainement plus clair, les voix, les très nombreuses voix. La porte de la chambre se referma, on avança calmement vers lui, puis prit son crâne entre les mains et le posa avec douceur contre un torse. Il se laissa faire. Il s'était calmé, entre-temps. Après avoir usé de ses rares forces à crier et à jeter les objets dans la pièce, il s'était calmé. La silhouette ne le regardait pas, ne faisait que garder sa tête contre son torse, debout. Et lui, il ne bougeait pas. Contre son oreille, il entendait le battement régulier de son cœur, calme et apaisant, venant remplacer le bruit des voix qui résonnait, en bas de l'immeuble, dans le couloir. Un cœur qui battait pour lui, avec sérénité, avec tendresse. Ses cordes vocales étaient immuables, pas moyen de sortir un son de sa gorge à présent, alors il se concentra sur cette pulsation sourde, comme recouverte de velours. Il compta dans sa tête. La main sur son crâne était chaude.

- Tu es prêt ?

Il ne répondit pas. Chanyeol s'accroupit. Il ne le regardait pas, il ne l'y força pas. Il prit le foulard plié sur sa droite et l'entoura délicatement autour du cou de Baekhyun. Les traces de mains et de doigts à présent orangées disparurent derrière le tissu. Les blessures à son visage avaient presque complètement cicatrisé. Ses lèvres étaient sèches et gercées. Il lui posa un baiser sur la commissure, faisant attention de ne pas lui faire mal. Il s'empara ensuite du masque en tissu posé sur la gauche et le lui mit convenablement sur le visage. Sur la table de chevet étaient disposées les cartes lui souhaitant bon rétablissement. Des inconnus, mais pas que. Les fleurs avaient été remises en place après avoir été valsées à travers la chambre d'hôpital. Chanyeol ne lui en voulait pas. Il l'aida à mettre la capuche de son pull, laissant ses yeux à peine visibles. Sur lui, le pull paraissait bien trop grand et le pantalon flottait autour de ses cuisses. Il fixait ses chaussures. Chanyeol se leva, Baekhyun saisit sa main, presque par réflexe.

- On nous attend en bas, dit Chanyeol.

Il serra sa main en retour, remonta son col et frappa une fois contre la porte, indiquant à l'agent de police devant la porte qu'ils étaient prêts. La porte s'ouvrit et ils s'avancèrent aussitôt vers l'ascenseur. Ils se serraient la main comme jamais. Le policier appuya sur le bouton pour le rez-de-chaussée et les bruits s'amplifièrent considérablement. Le cœur de Baekhyun se mit à battre la chamade. Dans un sac Chanyeol gardait tout le matériel médical dont il avait besoin. D'une main, il tenait son col pour camoufler son visage, de l'autre il tenait fermement sa main. La porte de l'ascenseur s'ouvrit et les flashs les éblouirent sur-le-champ. Les voix devinrent bruyantes, hectiques, intenses. Baekhyun chancela brièvement, la main de Chanyeol lâcha la sienne pour passer son bras autour de sa taille. Les voix étaient assourdissantes. Une foule de journalistes inondait la réception de l'hôpital jusqu'au trottoir. Des agents de police les aidèrent à se frayer un chemin à travers la masse et le chaos des questions. L'endroit était noir de monde. Les appareils photo les immortalisèrent, les micros se tournèrent vers eux. Baekhyun leva le regard, le visage livide à peine visible sous la capuche et le masque. Il avait l'impression que tout s'arrêtait autour de lui. Il sentait le bras de Chanyeol serré fermement autour de sa taille, qui le soutenait, l'incitait à avancer, et le son des voix, sourd, à peine audible. Il regardait autour de lui, au ralenti. Il rencontrait les regards, les hommes, les femmes qui parlaient à toute allure, le regard figé sur lui, lui tendant un micro que les agents s'empressaient de repousser. Il cligna des yeux, une fois, deux fois. Les voix, les flashs, les mouvements, les regards, tous sur lui, comme mis à nu malgré la capuche, le masque, le foulard, le pull, tout ce qu'il portait. Par réflexe, il porta les mains au visage. Ils furent brièvement bousculés, puis la portière de la voiture de police fut ouverte, ils s'assirent, la portière fut claquée derrière eux et le son s'atténua. Les gens s'attroupèrent autour, tentèrent de percer ce mur de silence qui entourait Baekhyun. Les vitres étaient teintées, il les observa. La voiture démarra et la foule s'écarta. Des motos s'ajoutèrent à celles de la police, devant et derrière la voiture. Chanyeol ne l'avait pas lâché. Ils roulèrent calmement.

- Il y aura beaucoup de monde, Baekhyun.

Baekhyun regardait toujours par la fenêtre. Il savait ce qu'il voulait dire par là.

- Il y aura des témoins, mais pas que, d'accord ? Des journalistes ont été autorisés. L'avocate s'assoira à côté de toi, moi je serai assis au premier rang.

- Est-ce qu'il y en aura du réseau ? murmura Baekhyun.

- Quelques uns que tu as identifiés sur les photos que la police t'a montrées, oui.

Il se tut. Le silence fut bref.

- Tu n'auras pas grand-chose à dire, l'avocate s'occupera de la majorité des choses. On te demandera parfois de répéter certaines choses. Sois sincère, Baekhyun, c'est tout ce qu'on te demande. Tu n'as absolument rien à te reprocher, c'est compris ?

Il acquiesça.

- Tout va bien se passer.

La moto d'un journaliste les dépassa par la gauche. Baekhyun la suivit du regard. Leur voiture continua comme si rien n'était. Désormais c'était cette sensation, dans le creux de son ventre, qui le démangeait. L'appréhension.

- Qu'est-ce qu'ils me veulent tous ?

La question lui brûlait la langue depuis un certain moment. Chanyeol lui fit signe de se reposer contre son épaule. Il hésita.

- Dis-le moi, Chan.

- Ça dépend.

- Ça dépend quoi ?

Il jeta un regard par la vitre.

- Ça dépend le genre de journaliste. Ça dépend s'ils sont là pour l'information, la compassion, le soutien, la sensibilisation ou s'ils sont là simplement pour le buzz, les complots, le malheur à l'état brut, la compétition, le scoop, comme des vautours, à la chasse du premier faux pas, de la première... chose à détourner comme bon leur semble. Pour eux... tu n'es...-

Il s'interrompit. Baekhyun hocha à peine la tête, sans quitter la moto des yeux.

- Et celui-ci, c'est quel genre ?

Chanyeol soupira discrètement.

- Un vautour.

Baekhyun fit passer son doigt sur la vitre, légèrement embuée, puis se tourna vers lui.

- Et toi, dans tout ça ?

Chanyeol plissa les lèvres.

- Moi ? Je n'en sais rien, Baekhyun. À vrai dire je me fiche de ce qu'ils peuvent bien penser.

Baekhyun cherchait quelque chose dans son regard, au fond de ses pupilles. Ses yeux sombres brillaient. Il avait baissé son masque.

- Tu as déjà lu, n'est-ce pas ? Tu sais ce qu'ils disent.

Chanyeol baissa le regard. Sa lèvre se mit à trembler, il porta une main à son visage et expira difficilement. La voix de Baekhyun était si douce, si abîmée. Il secoua la tête.

- Ils ne savent rien... chuchota-t-il. Rien du tout, de ce que tu as vécu, de ce qu'on a vécu...

Baekhyun se laissa aller contre son épaule. Chanyeol passa une main sur ses cheveux rêches. Leurs racines étaient blanches. Son corps aussi avait réagi face aux événements. Le médecin lui avait expliqué que c'était normal, après ce qui s'était passé. Il avait beaucoup maigri. Il clôt les paupières. Quatrième stade du sida. La pneumocystose avait été soignée, in extremis, mais il n'y avait pas d'autre stade. Il ne voulait pas l'entendre. Il avait toujours su, dans un sens.

- Qu'est-ce qu'on va faire, après ?

- On va profiter de la vie.

Baekhyun sourit légèrement. Cela lui coûtait beaucoup d'efforts.

- On ira manger des glaces ?

Il embrassa sa chevelure.

- On fera ce que tu voudras et on ira où tu voudras.

- J'ai combien de temps, encore ?

Le cœur de Chanyeol se serra. Il savait de quoi il parlait.

- Ne pense pas au temps qui te reste, mais à ce que tu vas en faire. On ne va pas que manger des glaces, hm ? Tu veux quoi d'autres ?

Ses yeux se mirent à briller.

- J'ai pleins de choses que je veux faire. Je veux aller à la mer, je veux aller à la fête foraine, je veux faire des courses avec toi et faire un repas à deux, je veux courir dans la forêt sans me soucier de ce qui peut bien m'arriver, je veux prendre l'avion, je veux voir au moins une fois dans ma vie des lions, ou même des koalas, je n'en ai jamais vus. Tu en as vu, toi, Chan ?

Chanyeol déglutit. Ses yeux piquaient. Il songea aux mots du médecin, et maintenant il comprenait mieux. Il s'en était toujours douté, au fond. Parfois Baekhyun pouvait passer d'un état angoissé à un état complément paisible.

- On pourra les découvrir ensemble alors.

- C'est super.

- Baekhyun... Tu sais qu'on doit quand même y aller ? On ne passera pas à côté du procès.

- Hm, oui.

C'était comme ça qu'il réussissait à s'en sortir. Son corps se protégeait. Ils se regardèrent. Les cernes sur le visage de Baekhyun étaient d'un bleu mauve foncé.

- Dis, Chan, tu pourras m'apprendre des choses que tout le monde apprend ? Je veux dire... une culture générale, c'est bien ça ?

- Bien sûr.

- J'ai envie de me sentir normal. D'être comme les autres. En savoir autant qu'eux.

- Comment te sens-tu, Baekhyun ?

- Je me sens à part.

- Tu es unique.

Il sourit puis baissa le regard. Ils se turent. Ils n'allaient pas tarder.

.



.



.

Une horde de journalistes attendait déjà devant le bâtiment du tribunal, tous munis de leur caméra et microphone. Quand ils aperçurent le véhicule aux vitres teintées dans lequel se trouvaient Baekhyun et Chanyeol, il y eut un mouvement de foule et tous s'amenèrent dans leur direction. Deux voitures de police les escortaient, des agents sortirent en premier afin d'assurer leur sécurité et de leur créer un chemin à travers la masse. Chanyeol prit la main de Baekhyun et la serra fortement avant de sortir en premier et de l'aider ensuite à se dégager du siège arrière. Baekhyun avait remis son masque et sa capuche, ainsi son visage était à peine discernable. À peine eut-il posé un pied sur le pavé que la cacophonie de voix et le chaos des flashs recommença, les éblouissant et les prenant au dépourvu. Chanyeol le guida, tout en suivant les agents tout autour d'eux, qui ne cessaient de repousser des reporters qui venaient trop près. Les voix se superposaient, les questions se mélangeaient. Baekhyun gardait le regard rivé sur les gens, il n'était pas sûr de comprendre ce qui se passait réellement. Il n'était pas sûr de comprendre pourquoi il était l'objet de tant d'attention et cela avait tendance à le rendre confus et perdu. À travers le son assourdissant des voix, il entendait sa propre respiration, bruyante mais régulière, et le battement de son cœur, comme au ralenti, comme un métronome. Il avait du mal à placer ses pieds l'un devant l'autre, s'accrocha un peu plus au bras de Chanyeol, se laissa guider jusqu'aux escaliers où l'avocate les attendait, après avoir donné de brèves réponses aux journalistes avant leur arrivée. Il cligna une énième fois les yeux face à un flash particulièrement agressif, leva les mains à son visage pour se protéger d'autres semblables. La policière derrière lui posa une main légère dans son dos pour le prévenir des marches, il baissa les yeux, leva un pied sur la première marche, puis un autre, alors qu'il était constamment bousculé. Tout passait tellement vite en réalité mais tout allait si lentement devant ses yeux. Il sursauta devant un microphone soudainement apparu devant son nez. Il n'entendit pas la question venant de celui qui le tenait. Ils arrivèrent en haut des marches, ralentirent brièvement alors que les portes s'ouvraient et ils se glissèrent dans le hall du bâtiment. Le bruit s'estompa et Baekhyun se remit à respirer normalement. Il y avait toujours beaucoup de journalistes mais beaucoup moins qu'à l'extérieur. Il avait oublié à quel point il serait violemment la main de Chanyeol et desserra un peu son emprise.

On les amena vers le fond du hall, ils prirent un couloir à droite qui menait à un endroit interdit aux journalistes, ils passèrent plusieurs portes avant d'arriver dans une aile où ils trouvèrent enfin du silence. Il ne restait plus que deux agents et l'avocate à leurs côtés, tous les autres étaient restés au début du couloir pour empêcher le passage. L'avocate les emmena dans un bureau isolé. Finalement, la porte se ferma et les deux agents restèrent devant. La femme les invita à s'asseoir face à elle pour discuter les derniers détails. Ils étaient attendus devant l'audience dans une dizaine de minutes. Baekhyun écoutait un peu distraitement, il avait retenu le déroulement, quand et comment il devrait parler, ce qu'il était censé dire. Les détails étaient surtout de quoi s'assurer que tout était en ordre. Ce genre d'affaire nécessitait des années avant d'être clôturée : ce premier jour de procès n'était rien par rapport à ce qui allait suivre. Mais il était tout de même le plus important, car il requérait la présence de Baekhyun, comme témoin principal, et comme la personne ayant mis fin aux jours de l'homme le plus recherché du pays. Baekhyun était la personne du moment, dans les journaux, à la télévision, devant la justice. Il n'était décidément pas habitué à toute cette attention, cette hectisie à son égard. Il était habitué à rester dans l'ombre. Il tourna le regard vers Chanyeol, qui acquiesçait aux paroles de l'avocate, puis de nouveau vers elle. Baekhyun n'arrivait pas à assimiler tout ce qui c'était passé en si peu de temps. Il se sentait spectateur de sa propre vie. C'était à peine s'il avait véritablement compris ce qu'il avait fait ce jour-là, qu'il avait tué un homme de ses « propres mains ». Même si théoriquement parlant cela n'était pas correct, il l'avait tué avec une arme à feu – mais pour lui il n'y avait pas grande différence. Il ne se rappelait pas vraiment son hospitalisation. Quand il essayait d'y repenser, il remarquait que les deux premiers mois étaient flous, que cette période apparaissait comme un trou noir dans sa mémoire. Il n'en avait pas beaucoup parlé avec Chanyeol. Il avait avant tout passé la semaine à être constamment irrité, impossible à approcher. Chanyeol avait tenté de le calmer mais il n'avait fait que jeter les objets à travers la chambre. Cela l'avait lui-même surpris, la force qu'il pouvait mettre dans sa voix, dans ses pleurs et dans ses bras. Il savait également qu'il n'était pas du genre à s'énerver facilement, et encore moins sur n'importe qui pour aucune raison visible. On ne lui avait pas beaucoup parlé des effets secondaires de ses médicaments – il n'en connaissait même pas l'entièreté à vrai dire, il n'avait aucune idée de ce qu'on lui administrait ou de ce qu'on lui avait prescrit – mais il était presque sûr qu'on lui avait mentionné la probabilité de sautes d'humeur. Il se rassura avec cette idée.

Chanyeol posa une main dans son dos, lui faisant signe de se lever et l'avocate lui offrit un sourire se voulant rassurant.

- Ne vous en faites pas, Baekhyun, dans toute cette histoire, rien ne fait de vous un criminel, mais bien une victime, et d'après ce que j'ai pu discuté avec mes collègues, je ne suis pas à la seule à émettre cette assomption. Une fois cette première partie du procès fini, vous pourrez vous reposer l'esprit tranquille.

Baekhyun hocha faiblement la tête. Ils sortirent de la pièce. Comme il devait encore arranger un peu son apparence avant de se présenter, Chanyeol l'accompagna aux sanitaires, à peu plus loin dans le couloir, tandis que l'avocate resta devant la pièce à les attendre en feuilletant le dossier. Quand la porte se referma derrière eux, Baekhyun se permit d'émettre un long soupir et de clore les paupières. Chanyeol ne fit aucun commentaire, s'appuya contre un évier avant de retirer le sac de son dos et d'en sortir le contenu.

- Tu as la permission de garder le masque, comme tu viens de sortir de l'hôpital. C'est un peu un prétexte mais c'est déjà ça, sourit-il. Tu n'auras pas à découvrir ton visage entièrement.

Il lui tendit un peigne et Baekhyun arrangea ses mèches devant le miroir, en évitant de se concentrer trop sur les traits de son visage.

- Pourquoi est-ce que je dois faire tout ça...? murmura-t-il en baissant les yeux, le mouvement de sa main en suspens. Montrer mes mains, montrer ce que je suis...

La question était rhétorique alors Chanyeol ne fit que plisser les lèvres. La réponse franchit ses lèvres malgré tout, comme pour s'en assurer lui-même.

- Pour que la vérité soit établie et que tous soient punis pour leurs crimes. Tout repose entre ces mains, Baekhyun, entre tes mains.

Baekhyun releva lentement le regard et lui rendit le peigne sans se retourner. Puis il retira le pull à capuche, dénudant entièrement son torse maigre. Chanyeol lui donna le pull à col montant plié dans le fond du sac. Bleu foncé, de couvrir la couleur orangée des hématomes sur son cou. Il passa ses doigts dessus, légèrement, tout en observant leur forme. L'endroit où « Silence » avait laissé ses marques, inexorablement. Ce genre de blessure prenait beaucoup de temps à disparaître, en fonction de la pression exercée et de la taille des mains, du nombre de secondes. Les yeux de Chanyeol se posèrent sur ses vertèbres et ses omoplates saillantes, prêtes à trancher la peau de son dos. Il enfila le pull, mis le col en place et réarrangea sa frange une dernière fois, essayant de cacher les endroits où la repousse était grise. Son cœur battait fort. Chanyeol se posta à ses côtés et Baekhyun se logea dans ses bras, inspira profondément son odeur. Il se laissa bercer par ses bras.

- Je suis là, Baekhyun, je serai toujours là.

Il passa une main sur son crâne. On annonça le début de l'audience dans cinq minutes. Ils sortirent et rejoignirent l'avocate. Tout le monde se dirigea vers la salle, tout le monde prit place. Baekhyun scruta toute la salle. Il aperçut trois jeunes personnes dans les premiers rangs, des témoins. Des copies de lui étant plus jeune. Vers la droite, surélevés, derrière des vitres, quelques hommes, une femme, incriminés dans l'affaire, des avocats, des policiers. Vers l'arrière, des stagiaires, des élèves avocats, des étudiants en droit, des journalistes. Il alla s'installer à son tour, à l'avant. On fit l'appel. On prononça son nom.

- Présent en demande, répéta-t-il de manière claire, les mots exacts de l'avocate, un peu plus tôt.

- Retenu, conclut le Juge.

La roue tournait.

.

.

.



Il faisait sombre dans l'appartement. Un crépuscule doux et silencieux. Baekhyun s'était allongé dans le canapé, mains croisées sur le ventre, le regard fixé sur le plafond. La fenêtre du salon était légèrement ouverte, la brise du soir faisait onduler le voile. Elle donnait sur une ruelle, déserte à cette heure-ci. Quelques jours étaient passés depuis le début du procès. Chanyeol avait loué l'appartement pour les jours où il ne pouvait pas rester aux côtés de Baekhyun, à l'hôpital, et le temps que les choses s'arrangent, un peu, si cela était encore possible. Ainsi ils n'étaient pas loin de l'hôpital et du psychiatre de Baekhyun, et cette proximité était indispensable avec l'état de sa santé. Ils n'avaient pas encore parler de ce qu'ils feraient de la maison, n'avaient pas encore aborder ce sujet délicat. Chanyeol avait peur de raviver les souvenirs de ce qui s'était passé et de réveiller une possible douleur que cela pouvait représenter pour Baekhyun. Il prendrait son temps, ils avaient tout leur temps, à présent.

Baekhyun était perdu ainsi dans ses pensées, le regard perdu dans la blancheur assombrie du plafond. Les pas doux de Chanyeol résonnèrent, il avait mis les mains dans les poches. Il alla s'appuyer contre le dossier du canapé et croisa les bras sur son torse, le regard vague. Il inspira puis expira doucement, laissa le silence de Baekhyun s'imprégner dans sa mémoire. Puis il se retourna et se pencha légèrement au dessus du canapé afin de pouvoir le voir, laissa son regard longer sa silhouette allongée. Ses yeux se posèrent sur le bas de son ventre, là où le pull en maille de Baekhyun avait remonté, qui laissait découvrir un morceau de peau blanche. Ses jambes paraissaient plus fines que jamais. Même si son séjour à l'hôpital était temporairement fini, son poids n'avait pas énormément changé. Il continuait d'en perdre, indéniablement.

Chanyeol hésita brièvement puis posa une main douce sur ses mains croisées, en caressa le dos de son pouce. Baekhyun ne quitta pas le plafond des yeux. Chanyeol s'était habitué à ses longs silences, ses absences. Parfois cela durait quelques minutes, parfois des jours. C'est pourquoi il ne dit rien, sachant de toute manière que Baekhyun ne lui répondrait pas. Cela avait été une belle journée, à premier coup d'œil. Le soleil avait brillé toute la journée, haut dans le ciel, avait laissé une odeur de début d'été dans l'air et des rayons de chaleur sur la peau. Puis, il avait disparu pour laisser place à l'obscurité de la nuit.

Ce silence entre eux était loin d'être inhabituel. Pourtant, le beau temps, ce silence trop familier, tout cela ne semblait pas concorder avec tout ce qu'ils ressentaient, profondément en eux et il n'y avait pas de mot pour décrire cet ouragan de sentiment. Après la veille, tous deux avaient évité d'aborder le sujet du procès. Ce qui devait être dit avait été dit et Chanyeol savait que Baekhyun avait absolument besoin de se changer les idées. Il était encore trop tôt pour retourner chez eux, ne fut-ce que pour chercher des dernières affaires ou pour partir quelque part. Baekhyun n'avait toujours fait aucun mouvement, ne clignait pas des yeux.

Chanyeol avait désespérément besoin qu'il s'exprime, qu'il dise quelque chose, n'importe quoi, pour qu'il sache s'il vivait bien encore ou si ce n'était qu'une illusion que lui jouait son cerveau, ou s'il faisait semblant de vivre, si au fond plus rien de se mouvait en lui et que chaque respiration n'était que pur réflexe que lui infligeait son corps toujours un peu plus, respirer, vivre, alors que peut-être que tout ce qu'il voulait, c'était arrêter de sentir le sang couler encore et encore de la plaie que lui avait laissé son passé et qui ne faisait que s'aggraver avec le temps. Chanyeol avait terriblement besoin de savoir s'il n'allait pas le retrouver, un jour ou l'autre, irrémédiablement, tôt ou tard, trop tôt ou trop tard peut-être, n'importe quand – après tout, peu importait – le corps las, inanimé, au sol, les veines ouvertes, et le sang, tout le sang autour de lui, voilà ce dont il cauchemardait, chaque nuit, depuis qu'il avait retrouvé dans leur salon, sans vie, de retrouver un jour Baekhyun dans la baignoire, n'importe où, parce qu'il ne pouvait pas vivre avec toute cette peine, parce qu'au final il avait véritablement vécu trop longtemps pour son propre bien, parce que la douleur de se souvenir était trop dure à supporter, les images trop terrifiantes, les cauchemars trop horribles, son reflet dans la glace impossible à soutenir plus longtemps, et puis le sang, le sang, ou bien la boîte de médicaments, vides, comme un signe d'adieu et dans ces moments de doutes, ces moments des peur, Baekhyun, doucement, prenait sa main tremblante, la portait à ses lèvres et laissait un baiser comme pour lui rappeler que lui aussi était là et que lui aussi serai là aussi longtemps que la maladie lui permettrait. Parce qu'au final, même si Baekhyun n'avait jamais été particulièrement bon avec les mots, il savait quand Chanyeol se perdait dans l'obscurité de ses pensées et quand il pensait à lui et quand il fallait qu'il le ramène au moment présent.

Chanyeol baissa brièvement le regard, le reporta devant lui, à travers la fenêtre, déglutit. Sa main tremblait entre les doigts de Baekhyun, qui le regardait intensément, avec ces yeux si tristes, si noirs.

- Moi aussi, Chanyeol, j'ai montré mes mains, parla-t-il doucement. À ton tour de me les montrer entièrement.

Et Chanyeol n'avait pas besoin d'être philosophe ou psychologue pour comprendre qu'il ne parlait pas des mains.

- Pardonne-moi... murmura-t-il.

- Pour quoi ?

Chanyeol le regarda, baissa le regard. Il ne sut quoi répondre. Baekhyun caressait le dos de sa main à présent, de la pulpe de son pouce.

- Je sais que si j'avais voulu mettre fin à mes jours, je l'aurais fait depuis bien longtemps, bien avant toi, bien avant que l'on se rencontre, et maintenant je sais ce qui a poussé mes parents à agir ainsi. Je n'avais pas d'importance à leurs yeux, mais toi, Chanyeol, tu es ce qu'il y a de plus important dans ma vie.

Puis, Baekhyun prit sa main, l'incita à toucher la peau de ses poignets et Chanyeol toucha, sentit la peau lisse.

- Et c'est tout ce qu'il me faut.

Les yeux de Chanyeol brillèrent. Il ferma les yeux, pour éviter de se laisser aller devant lui. Baekhyun sembla réfléchir, hésita puis finalement se tut. Un nouveau silence s'installa entre eux. Une sorte de silence de paroles retenues. Chanyeol ne faisait pas confiance à sa voix alors il demeura immobile et muet, les yeux clos, parce que Baekhyun avait ce pouvoir sur lui et qu'il en usait sans même s'en rendre compte. Il n'arrivait pas à croire que Baekhyun était vraiment là, après tout ce qui était arrivé dans sa vie.

- Montrer qu'on est faible n'est pas forcément une mauvaise chose, c'est bon parfois de se sentir compris, parla Baekhyun après quelques minutes silencieuses.

Puis il baissa les yeux, serra sa main et en fit de même avec son cœur. Chanyeol n'avait toujours pas ouvert les yeux. Ses paupières tremblaient, elles aussi.

- Je me sens compris, quand tu me montres tes mains, Chanyeol.

Chanyeol ouvrit finalement les yeux, sans le regarder, et une larme s'échappa du coin de son œil et s'échoua sur sa commissure. Baekhyun le fixait, cherchait son regard en sachant qu'il ne le trouverait pas tout de suite, pas là, pas alors que Chanyeol sentait qu'il ne tiendrait pas face à son regard, qu'il était certain de ne pas être capable de le soutenir.

- S'il y a bien une chose que j'aurais appris dans ma vie, c'est qu'on ne peut que baisser sa garde devant ceux qu'on aime, ceux à qui on fait entièrement confiance. Et que tu baisses la tienne devant moi, Chan, c'est le plus beau compliment que tu puisses me faire.

Chanyeol fronça les sourcils face aux larmes qui menaçaient de couler, grimaça et Baekhyun serra sa main de toutes ses forces alors que son corps était pris de soubresauts. Il sentait que ses paroles rendaient Chanyeol plus triste encore – ou peut-être le contraire – mais il savait que c'était ce qu'il attendait de sa part alors il ne s'arrêta pas.

- Si j'avais eu quelqu'un à mes côtés à l'époque, j'aurais peut-être pu partager cette douleur qui pesait dans mon cœur... la rendre plus supportable. Maintenant je me rends compte qu'en parler me fait du bien, que plus j'essaie d'en parler, plus j'arrive à maîtriser cette peine.

Il serrait sa main avec les siennes, caressa son poignet finement musclé, entouré d'une montre, en caressa le métal, avant de se redresser légèrement et s'appuyer sur le dos du canapé, faisant face à Chanyeol.

- Regarde-moi.

Il amena la main de Chanyeol contre sa joue, Chanyeol la toucha délicatement, ses sanglots se calmèrent. Baekhyun ne pleurait pas, ne quittait pas ses yeux.

- Regarde-moi, Chan.

Ils se regardèrent.

- Je vais bien, murmura-t-il. Je ne me suis jamais senti aussi bien.

Il sourit tristement. Chanyeol baissa la tête mais Baekhyun la prit entre ses deux mains.

- C'est fini, maintenant, dit-il, toujours en souriant, comme pour s'en convaincre, cette fois-ci sans arriver à retenir ses larmes. Tout est fini...

Ils ne se quittèrent plus des yeux, se caressèrent la peau.

- Tout est fini... répéta-t-il.

Mais aucun d'eux n'était vraiment très sûr à quoi le tout faisait référence. Et Chanyeol avait bien trop peur de demander.

.

.

.

Il faisait nuit noire. Baekhyun avait fermé les yeux, s'était endormi sur le canapé après une demi-heure de silence et de musique douce. Sa respiration paraissait plus lente et régulière et son corps était complètement relâché. Sans faire de bruit, il se leva de la chaise de bureau et prit la couverture pliée sur un fauteuil et la déplia délicatement sur Baekhyun. Son visage était paisible mais ses nuits étaient loin d'être calmes. Il avait tendance à s'endormir n'importe quand et n'importe où ces derniers temps, pris d'étourdissements soudains, en grande partie à cause des effets secondaires de ses médicaments. Mais rares étaient les nuits qu'il passait sans cauchemars.

Chanyeol alla chercher un café dans la cuisine et revint s'asseoir au bureau, à peine plus loin du canapé. Il était déjà presque minuit, mais il devait rester éveillé, ou en tout cas être alerte au moindre signe d'un cauchemar. Il choisit la première option, café aux lèvres, l'écran d'ordinateur illuminant son visage pâle et fatigué. La semaine avait été difficile, pour Baekhyun évidemment mais pour lui aussi. Il se sentait vidé de son énergie. Il ne cessait de repenser aux mots de Baekhyun. Il lui donnait tout ce qu'il pouvait, mais il agissait de manière très contradictoire depuis les évènements. Depuis qu'il avait quitté l'hôpital, il avait commencé à suivre une thérapie spéciale avec un psychiatre spécialisé dans les états de stress post-traumatique et en particulier chez les victimes d'abus sexuel. Chanyeol se doutait bien que Baekhyun serait un véritable challenge pour le médecin. Avec tout ce qu'il avait vécu, Baekhyun était presque un miraculé et peu de victimes comme lui arrivaient ne fusse qu'à l'étape de la survie. Baekhyun n'avait pas seulement été victime d'abus sexuel, sans vouloir minimiser la signification du terme, le mot était presque un euphémisme comparé à tout ce qu'il avait enduré.

Cependant, Chanyeol était soulagé de le voir accepter cette thérapie. Baekhyun avait été très réticent lorsqu'il le lui avait proposé, quelques années auparavant et le savoir maintenant entre de bonnes mains, qui sauraient s'occuper de ce dont Chanyeol ne saura jamais s'occuper, lui enlevait un poids du cœur. Le psychiatre avait été strict sur la régularité des séances ; Baekhyun nécessitait des séances quotidiennes d'une heure et la gravité de son cas prendrait bien plus que quelques mois. Baekhyun n'en avait pas encore parlé à Chanyeol, peut-être même qu'il ne le ferait jamais, mais il n'avait posé aucune question, se doutant que si Baekhyun avait voulu lui faire part de l'avancement, il l'aurait déjà fait. Il avait eu néanmoins l'occasion d'en parler de manière très floue avec le médecin, qui restait très positif malgré tout. Et il le fallait, de toute évidence, Baekhyun n'aurait sinon aucune utilité d'un psychiatre pessimiste. Un possible diagnostic qu'un psychiatre avait déjà eu l'occasion d'établir à partir de son maigre dossier médical – qui datait, en plus de cela – et en le gardant sous observation les premiers jours de son hospitalisation, était la possibilité de troubles bipolaires. Chanyeol devait avouer qu'il y avait souvent pensé, mais avait chassé l'idée, n'étant pas spécialiste en la matière. De nombreuses fois, Baekhyun s'était montré enthousiaste et heureux le temps d'un jour ou d'une semaine, avant de tomber dans un silence bien sombre pendant un temps tout aussi vaste. Chanyeol n'y avait pas prêté grande attention, en vue des événements, tout cela lui semblait des réactions parfaitement raisonnables. Jusqu'à ce jour. Cette forme de dépression était déjà très probablement apparue au moins une fois après le premier traumatisme. Le médecin qui s'était occupé d'urgence de lui à son arrivée à l'hôpital avait lui aussi discuté avec un psychiatre, la première semaine, à propose des blessures et de leurs conséquences. Encore aujourd'hui, Baekhyun gardait des séquelles d'une violente strangulation. Là où se trouvait la jugulaire, la peau était encore légèrement orange et on pouvait toujours voir les traces de doigts. Baekhyun portait des cols montants mais Chanyeol pouvait toujours les discerner, dépassant du tissu. Le jour de l'agression, il n'avait même pas remarqué qu'il y avait eu strangulation. Heureusement, c'était à peu près la seule lésion encore très visible sur son corps.

A part cela, durant les mois d'hospitalisation, Baekhyun avait perdu beaucoup de poids malgré l'effort des médecins de le garder constant. Ses joues étaient visiblement creuses, les vertèbres dans sa nuque saillants et ses vêtements bien trop grands pour lui. Même si Chanyeol n'aimait pas y repenser, il y avait eu une semaine où les médecins n'arrivaient plus à lui faire gagner des poids. Baekhyun lui avait rappelé un squelette et Chanyeol avait sentit un long frisson désagréable lui longer l'échine en le voyant à moitié nu cette semaine-là. C'était la semaine critique, celle où tout le monde pensait sérieusement qu'il n'allait pas réussir à battre la pneumocystose. Il toussait tellement fort qu'il lui arrivait de cracher du sang, Chanyeol n'avait presque jamais le droit de venir le voir, pour lui faire gagner du poids on le nourrissait même avec de l'eau sucrée par intraveineuse et chaque fois Chanyeol rencontrait les visages sombres des médecins qui sortaient de sa chambre. Cette semaine-là, Baekhyun ne parlait pas, ne mangeait pas, ne buvait pas, il ne semblait même pas réellement conscient. Seul son corps réagissait et continuait sans cesse de se battre contre la maladie. Cette semaine-là a été la pire semaine que Chanyeol n'ait jamais vécu, il avait été constamment dans la peur, la terreur de le perdre définitivement. Au moment où tous pensait qu'il allait lâcher, où on le surveillait toute la nuit en cas du moindre problème, il avait commencé à être plus réactif, il avait repris un peu de poids, il mangeait et buvait un peu, il avait recommencé à parler. Les médecins avaient attendu une autre semaine avant de sortir de sa chambre avec des visages plus lumineux. Baekhyun avait survécu à la pneumocystose.

Chanyeol a pu revenir le voir, lui serrer la main, pas encore l'embrasser mais c'était presque cela. Baekhyun avait du mal à sourire mais Chanyeol lui parlait tendrement, lui changeait les idées. Chanyeol avait beaucoup pleuré, les premières semaines. Sa plus grande peur avait toujours été la solitude. Se retrouver complètement seul, sans personne à qui se tourner quand il voulait tout à coup faire part d'une pensée, quelqu'un avec lequel pouvoir rire, partager des moments simples, avait toujours été quelque chose qui le terrifiait. Il l'avait toujours caché d'une certaine manière, mais avant de rencontrer Baekhyun, il était un jeune homme très seul et sa présence fortuite, ne fusse qu'à l'occasion de quelques heures dans sa librairie, avait véritablement tout changé.

Tous les après-midi, Chanyeol l'accompagnait chez le psychiatre avant d'aller de son côté donner des cours d'appui à des classes supérieures, seul travail à mi-temps qu'il avait eu le temps et la chance de trouver en si peu de temps. L'idée d'enseigner à des adolescents sa passion pour la littérature était quelque chose qu'il n'avait en soi jamais envisagé avant de rencontrer Baekhyun. Peut-être que Baekhyun avait eu le don de changer beaucoup de choses à sa vie, en fin de compte.

Il jeta un coup d'œil à l'écran en face de lui, cliqua sur les actualités. Le procès faisait la une des journaux, tout comme la mort de « Silence » des mains de Baekhyun l'avait fait, tout comme la révélation scandaleuse d'un vaste trafic sexuel impliquant des mineurs au sein même du pays l'avait fait. Les innombrables articles et reportages relayaient tous les mêmes détails, les mêmes interviews, les mêmes réponses de la police, les mêmes témoignages. Le regard de Chanyeol s'arrêta sur un titre en gras et majuscules.

« SCANDALE NATIONAL : UN SILENCE ACHETE ? »

Chanyeol survola l'article. Un diaporama de photos commentées servait d'entête. Il les fit défiler. Des photos des maisons du réseau, bouclées par la police, avec une voiture de patrouille en avant-plan, gyrophares allumés, puis une photo lors d'une arrestation, deux hommes, la capuche sur la tête et menottés, éblouis par les flashs. Une troisième photo, cette fois-ci leur maison, immortalisée d'une moyenne distance, signe qu'elle aussi avait bouclée par les forces de l'ordre. Il ne prit pas la peine de lire les commentaires, il savait bien ce que chaque photo rapportait. L'avant-dernier cliché les montraient, lui et Baekhyun, sur le chemin du tribunal, alors qu'ils se frayaient un chemin dans la foule. Seul le regard de Baekhyun était visible, sa silhouette entre les journalistes, et derrière lui Chanyeol, dont le visage était plus facilement reconnaissable. Il fut rassuré de voir qu'il n'y avait aucun moyen de voir le visage perdu de Baekhyun sur celle-là. Et enfin, le dernier cliché, lors du procès. La main de Chanyeol sur la souris était moite. Un sentiment étrange le fit frémir. Le photographe avait parfaitement bien saisi le côté émotionnel de toute l'histoire. À gauche sur la photo, en avant-plan, Baekhyun, dont on ne voyait que le buste, se tenait debout, de profil, la tête légèrement penchée. L'arrière-plan, flou, mettait particulièrement en avant l'image d'un jeune homme brisé debout malgré tout. Chanyeol fut très touché par cette photo et sourit tristement. L'esprit simpliste la rendait unique.

Il quitta le diaporama et se mit à lire l'article. Il commençait par parler du début du procès. La presse avait eu droit à plus détails maintenant que l'enquête était en majeure partie terminée et que le procès avait officiellement débuté. Baekhyun avait ainsi pu en apprendre plus sur le trafic. Le réseau durait depuis déjà un peu plus de cinq ans quand Minseok et lui ont été enlevés à leur tour. Il avait eu le temps de se propager pendant près de vingt ans, comme une araignée tisserait sa toile, avant que tout n'explose et ne remonte à la surface. Une affaire trop longtemps étouffé et noyé. Vingt ans de silence, et comme l'avait justement soupçonné Baekhyun, un silence acheté. Et maintenant, la presse ne faisait que confirmer leurs craintes. Le silence de la police concernant des suspicions, le manque d'effort fourni, le silence et le laxisme de figures importantes du gouvernement. Quelques centaines d'enfants et d'adolescents enlevés puis forcés à la prostitution. Des enfants sans famille comme Baekhyun, ou des enfants aux parents absents et irresponsables, dont les disparations n'inquiéteraient pas ou peu de personnes. Chaque enfant ou adolescent enlevé avait été scrupuleusement choisi de telle manière à éveiller le moins de soupçon possible. Quelques signalements de disparitions inquiétantes d'enfants avaient été signalés durant ces vingt années mais aucune n'avait pu être retracée : les parents ne savaient pas où leur enfant avait disparu, trop habitué à ce qu'il s'absente durant des heures voire des jours. La mère de Minseok n'avait par exemple jamais signalé sa disparition, d'autres parents, alcooliques, abusifs ou absents, l'avaient fait bien trop tard.

La police avait aussi annoncé que les emplacements de toutes les maisons utilisées pour le trafic avaient été découverts, toutes avaient été ratissées jusqu'aux moindres recoins. Baekhyun avait découvert un peu par hasard les adresses, des maisons souvent très solitaires, quelques unes en ville, dans des quartiers malfamés, des maisons supposées démolies. Il ne se souvenait pas trop de celle où il était ; il faisait nuit quand lui et Minseok se sont enfuis, mais il était absolument certain qu'elle se trouvait non loin d'une forêt tout en étant à plusieurs kilomètres d'une petite ville. On lui avait montré quelques photos et il avait hésité entre deux avant de se décider. Cela lui avait permis de se rappeler cette semaine de fuite avec Minseok, un des rares souvenirs qui ne lui causait pas trop de douleur. Jusqu'à ce qu'il se prostitue à nouveau. À l'époque c'était tout ce qu'il avait. Son corps. Et puis Minseok avait commencé à être violent et sa vie avait retrouvé son ton morbide. Heureusement tout n'avait encore duré qu'un an. Un an dans le réseau, un an entre les mains de Minseok. Deux ans de pure misère. Seulement, avait dit Baekhyun. Chanyeol avait senti le goût des larmes sur sa langue. Baekhyun lui répétait souvent qu'avec lui, il avait retrouvé la lumière. Puis Chanyeol lui racontait des choses à propos du symbolisme du papillon et sur son visage se peignait un joli sourire, doux et triste, comme à l'accoutumée.

Le papillon symbolise la transformation, la métamorphose personnelle, la sensibilité à la beauté de la vie, mais aussi la renaissance et le renouvellement, la capacité à prendre du recul. Lorsque le papillon vient dans la vie d'une personne comme animal protecteur ou totem, elle peut s'attendre à la venue de changements importants dans sa vie.

Chanyeol continua de lire à la va-vite avant d'apercevoir le nom de Baekhyun dans l'article. Il n'aimait pas particulièrement voir son nom dans la presse. Les médias ne connaissaient apparemment pas le terme de discrétion et de tact quand il s'agissait de victimes. Il avait pu le remarquer assez souvent, bien même avant de connaître Baekhyun, en lisant les faits divers. La façon de décrire ce que les gens avaient vécu semblait si froide, si théorique et distante émotionnellement. Comme on rapporterait n'importe quel autre fait. Peut-être qu'au fond, c'était la meilleure façon de le faire et Chanyeol était tout simplement trop impliqué dans tout cela pour pouvoir juger. Il fut soulagé en constatant que l'auteur n'allait pas trop dans les détails. Peut-être qu'au final, les journalistes ne savaient pas encore tout. Il lut « Byun Baekhyun n'a fait aucun commentaire publiquement jusqu'à maintenant sur les événements et son avocate a refusé de répondre à toute question en rapport avec son implication dans l'affaire. » Puis le journaliste citait et commentait les paroles prononcées par la police, le plus important, des explications claires mais qui n'allaient pas non plus dans les détails exacts de ce que Baekhyun avait en rapport avec tout cela, excepté qu'il avait lui aussi un jour été victime du réseau, mais plutôt dans les détails de l'organisation du réseau criminel. L'auteur se questionnait également quant à la raison pour laquelle l'homme le plus recherché du pays à l'origine du réseau s'était retrouvé au domicile de Byun Baekhyun et ce qui avait bien pu se passer pour qu'il en arrive à le tuer d'une balle. La police avait seulement parlé d'une agression à son domicile et l'avocate de légitime défense.

Personne d'autre que les personnes impliquées au premier degré dans l'affaire ne savaient pourquoi Baekhyun avait été la proie d'une obsession pareille de la part de « Silence », de son vrai nom Kim Jin-Sang. Lors de l'enquête, Baekhyun avait pu lire des rapports avant de les signer et d'en parler avec d'autres personnes – policiers, psychiatres, il ne savait plus – il avait dû remplir des questionnaires et répondre aux questions des policiers. Ainsi, il avait eu l'occasion de lire un rapport psychiatrique sur l'homme à présent décédé et lui-même. Il n'avait jamais connu son nom, alors il lui avait fallu quelques secondes avant de comprendre de quoi le rapport parlait. « Kim Jin-Sang ». Son cœur s'était mis à battre plus quand il avait vu leurs deux noms, ensemble, dans les mêmes phrases, comme si on l'avait mis de nouveau à côté de lui.

« Le passé similaire que Kim Jin-Sang partageait avec Byun Baekhyun faisait du jeune homme un miroir de son propre malheur. Cette douleur de son enfance refoulée ressortait alors sous forme de violence physique et psychologique sur son double, puis après sa fuite, en obsession de revanche et en désir irrépressible de le retrouver. Deux parties en lui se contredisent : la pulsion violente et le besoin de le garder en vie, ce qui fait de lui un individu mentalement très instable qui n'est plus capable de voir son miroir comme une personne à part entière. Il entretient alors cette relation entièrement malsaine qui pour lui est l'équivalent d'un conflit intérieur et qui implique une « partie de lui s'étant échappé de son corps ». »

Chanyeol s'étira sur sa chaise et soupira tout en secouant doucement la tête. La tasse dans sa main avait refroidi. Il la porta une nouvelle fois à sa bouche et but le contenu restant. Au même instant, il entendit Baekhyun bouger et gémir dans le canapé alors il se tourna vers lui. Il passa une main sur son visage puis dans ses cheveux pour faire disparaître le sommeil qui floutait sa conscience. Baekhyun dormait mais ses bras étaient tendus et ses sourcils froncés. Il fut rassuré qu'il ne faisait pas à nouveau une paralysie du sommeil. Alors qu'il allait retourner son attention à l'écran d'ordinateur, Baekhyun sursauta et repoussa soudainement la couverture de son corps avant de se lever, tremblant. Chanyeol se tut et l'observa faire, les sourcils froncés. Son visage était à peine visible dans l'obscurité.

- On a sonné...

Sa voix resta en suspens, en une légère respiration. Chanyeol faillit ne pas l'entendre murmurer. Il retint sa respiration sans le remarquer. Baekhyun fit quelques pas dans la pièce avant de longer le mur de ses mains, se dirigeant vers le couloir. Il s'arrêta au milieu du chemin en tressaillant une nouvelle fois.

- Il est là, il est là... ! sanglota Baekhyun.

Chanyeol comprit qu'il fallait qu'il essaie de s'immiscer dans le rêve. En fonction des nuits, le calmer pouvait prendre quelques minutes, tout comme cela pouvait prendre plusieurs heures. Baekhyun se laissa glisser contre le mur et se recroquevilla sur lui-même. Il tremblait de tous ses membres et son visage brillait à la faible lumière des lampadaires urbains. Chanyeol se leva doucement de sa chaise, prenant soin de ne pas racler le sol, au risque de l'effrayer encore plus, puis vint s'agenouiller en face de lui, sans le toucher. Même si cela paraissait tentant, il ne devait le toucher sous aucun prétexte, au risque que le contact soit exagéré par le rêve et considéré comme une agression. Ce n'était pas la première fois qu'il faisait une crise de somnambulisme. À l'hôpital déjà cela lui arrivait de réveiller Chanyeol, coucher dans un lit à ses côtés, alors qu'il était perdu dans un rêve éveillé. Il se rappela les conseils du médecin.

- Baekhyun, c'est moi, Chanyeol, parla-t-il d'une voix douce. Tout va bien.

Baekhyun continua de pleurer silencieusement. Il sursauta une énième fois, comme effrayé par un bruit seulement existant dans son esprit. Il se mit à geindre désespérément et porta les bras devant son visage, comme pour se protéger d'un coup.

- Baekhyun, tu es à l'abri et Chanyeol est là, tenta-il une nouvelle fois. Rien ne va t'arriver.

Baekhyun émit un cri de détresse et se retira dans un coin, s'étala sur le carrelage. Chanyeol tenta de trouver son regard.

- Baekhyun.

- Non ! Non !

Ses avant-bras se tendirent brusquement, comme retenus par une force inconnue. Son cri perça la chair de Chanyeol. Il s'avança de nouveau vers lui, avec douceur.

- Baekhyun, tout va bien, Baekhyun, regarde-moi.

- Non ! hurla-t-il. Laissez-moi !

- Baekhyun, c'est moi, Chanyeol, personne ne veut te faire du mal.

Sa voix était basse, calme et rassurante. Baekhyun devait absolument reconnaître sa familiarité pour se sentir apaiser. Sa voix devait s'immiscer doucement dans le rêve pour le ramener à la réalité. Sa lèvre supérieure tremblait, il s'était tu. Les larmes ne cessaient de couler de ses yeux vitreux, absents, mi-clos. Il avait le visage pâle, en sueur. Il pouvait voir les tendons de ses mains saillirent. Chanyeol n'abandonna pas, toujours en le fixant. Mais Baekhyun évitait son regard, ses pupilles bougeaient d'un point à l'autre. Il était complètement différent, ainsi. Ses yeux nerveux, vides, comme des perles grises, les larmes qui coulaient sans même s'en rendre compte, sa mâchoire serrée violemment, le corps tendu. Aucune lampe n'avait été allumée dans la pièce, le crépuscule les surplombait, bleu obscur et intense.

- J'ai mal, chuchota Baekhyun, et sa voix témoignait de cette douleur.

Son corps s'était paralysé, comme bloqué au sol.

- J'ai mal, répéta-t-il.

- Tout va bien, je suis près de toi.

Baekhyun redressa le dos, en position assise et leva soudainement la tête. Il semblait avoir aperçu quelque chose ou quelqu'un d'inexistant. Il se crispa entièrement. Il émettait des sons de peur démesurés, comme s'il n'avait aucune maîtrise sur sa voix. Son visage se déforma et il se mit à se balancer. Il tressauta une fois, puis une autre, avant que le pleur ne déchire le silence de la nuit. Il se mit à gratter frénétiquement la tranche de sa main, là où une longue cicatrice avait dépigmenté la peau. Chanyeol comprit et s'en voulut. Il revivait la scène, inéluctablement, vulnérable. Les pleurs n'étaient plus que de petits sons à peine audible.

- C'est fini, Baekhyun, parla-t-il. Tout est terminé.

Baekhyun cessa tout mouvement et s'affala doucement, toujours tremblant.

- Personne ne te fera de mal. Tu es en sécurité, maintenant, je te promets.

Chanyeol le prit délicatement dans ses bras et le souleva du sol. Sa tête retomba dans le creux de son cou, sa joue trempée frotta sa peau. Il s'était rendormi normalement à peine la crise finie. Il alla le déposer dans le canapé, le réinstalla convenablement. Il ne s'étonna plus de son poids plume. Du revers de sa manche, il sécha les larmes de son visage livide et s'assura que tout était en ordre, qu'il respirait normalement. En général, Baekhyun dormait longtemps une fois la crise terminée. Avec un peu de chance, ce jour-là il dormirait jusqu'à midi sans problème.

Chanyeol regarda autour de lui. Son regard tomba sur l'horloge au mur. Il était presque deux heures du matin. Il hésita, puis s'assit sur la chaise de bureau, frotta son visage de ses deux paumes et soupira. Il prit son téléphone, tapa un message. Puis, il se redressa soudainement et marcha vers le couloir, prit sa veste sur le porte-manteau, l'enfila, se saisit des clés puis sortit de l'appartement. Il referma la porte à double tour derrière lui et descendit les escaliers de l'immeuble. C'était dans ses moments-là que Chanyeol aurait voulu avoir un chien. Cela l'aurait au moins excuser de sortir à une heure pareille.

Il poussa la lourde porte de l'entrée d'immeuble et s'arrêta devant pour remonter son col. Une brise fraiche balaya sa chevelure. Son souffle s'évapora dans l'air. La ruelle était déserte, seul l'aboiement d'un chien brisait le silence nocturne. Il enfouit ses mains dans les poches de sa veste et inspira profondément l'air frais. Il traversa la rue et se mit à marcher calmement. Sa silhouette se pressa dans le jeu d'ombre des lampadaires. Chacune de ses crises avait le don de le bouleverser profondément. Parfois, il avait l'impression de ne pas être digne de Baekhyun, qu'il ne l'aidait pas assez, et presque toujours, il se sentait impuissant face à son malheur. Il avait peur de mal agir. Même s'il essayait de garder un visage calme, un visage rassurant devant Baekhyun, profondément en lui le doute s'était implanté, avait trouvé sa place et il le sentait, parfois brûler de l'intérieur, quand Baekhyun avait ce regard vide, tout simplement vide, et qu'il était conscient qu'il ne pourrait rien y changer. S'il refusait de pleurer devant Baekhyun, dans sa présence, c'était parce qu'il se sentait égoïste à pleurer face à lui qui restait si vivant, qui survivait à tout ce qui lui arrivait. Il avait besoin de temps pour se reprendre, pour se ressaisir, pour revenir assez stable et continuer de le supporter comme il en avait tant besoin. Le malheur avait pris fin, et même si la maladie le suivait toujours, tapie dans l'ombre, prête à mordre une nouvelle fois, mortellement, de ces dents acérées, ils vivraient cette vie paisible pour laquelle ils s'étaient tous les deux tant battus.

Son portable vibra soudainement et il s'immobilisa. Il renifla puis sortit l'appareil de sa poche. Une voiture descendit la rue, le dépassa avant de disparaître au loin. Il leva le regard, scruta les alentours, le mouvement de ses doigts en suspens. La ville était calme. Il pouvait apercevoir la route principale, un peu plus loin. Peu de voitures roulaient. Il tapa une réponse puis se remit à marcher, traversant la route afin d'atteindre l'autre côté. Il accéléra sa cadence et frotta son visage du revers de sa manche, effaça les larmes. On avait besoin de lui, quelque part d'autre.
.

.

.

« Machine aveugle et sourde, en cruautés féconde !
Salutaire instrument, buveur du sang du monde,
Comment n'as-tu pas honte et comment n'as-tu pas
Devant tous les miroirs vu pâlir tes appas ?
La grandeur de ce mal où tu te crois savant
Ne t'a donc jamais fait reculer d'épouvante,
Quand la nature, grande en ses desseins cachés,
De toi se sert, ô garçon, ô roi des péchés,
- De toi, vil animal, - pour pétrir un génie ? »

Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro