Jisung avait bien entendu expliqué sa situation à ses amis et ces derniers lui avaient apporté le soutien dont il avait besoin. Ils ne pouvaient pas l'héberger, mais ils avaient tenu à prendre quelques affaires lui appartenant, le temps que les réparations soient faites afin que rien ne prenne trop l'eau. Ils s'étaient aussi montrés assez curieux quant à l'appartement dans lequel il avait élu domicile et Jisung n'avait pas manqué de leur partager à quel point tout était luxueux. Cependant, il se sentait seul et aussi mal à l'aise dans ce lieu bien trop grand pour lui. Dayoung lui avait téléphoné et lui avait assuré qu'il pouvait se sentir comme chez lui. Mais ce n'était pas si facile, même si l'endroit était un peu impersonnel finalement. Il n'y avait aucune photo du couple, rien qui montrait qu'ils vivaient là tous les deux. Et Jisung trouvait ça franchement étrange. Il avait déjà des doutes quant aux sentiments de Minho envers sa demi-sœur, là il était presque certain que cette union n'était pas le fruit de l'amour. 

Heureusement qu'il n'allait pas rester là trop longtemps. Il avait dit à Dayoung que les travaux devaient être bientôt terminés et qu'il partirait sans doute avant leur retour de voyage. Cet après-midi, il devait téléphoner à la concierge de sa résidence pour savoir où tout cela en était et il espérait obtenir une bonne nouvelle. Réparer des canalisations, ça ne devait pas prendre une éternité. Il avait hâte de retrouver son studio et ses habitudes.

— Alors, ça dit quoi chez ton beau-frère ? demanda Jeongin alors qu'ils s'installaient à la cafétéria.

Jisung haussa les épaules. Il ne savait pas quoi répondre, cela faisait deux jours qu'il était là-bas et il n'avait rien fait de spécial. Certes, il avait pu profiter d'un écran de télévision immense et d'un lit on ne peut plus confortable, mais ce n'était pas chez lui.

— J'aime pas être là-bas.

— Pourtant ça doit être génial, non ? Tu dois avoir l'impression d'être blindé de thunes.

La remarque de Felix le fit grimacer. Il savait ce que c'était d'avoir de l'argent avec sa famille, il n'avait jamais manqué de rien, bien au contraire, il avait toujours eu plus que ce dont il avait besoin. Mais il devait admettre que chez Minho et Dayoung, c'était encore plus somptueux que chez ses parents.

— Il est déjà blindé de thunes, le reprit Ryujin. Enfin, pas lui personnellement mais vous avez compris. Et puis ça change rien au fait qu'il se sente pas bien hors de son studio.

— Hm, pas faux, admit Felix.

Jisung soupira et attrapa son sandwich pour croquer dedans. Il se cala contre le dossier de sa chaise, la tête rentrée dans les épaules comme s'il avait envie de disparaître. Il n'aimait pas qu'on lui pose trop de questions et surtout pas sur Minho. Enfin, ce n'était pas directement à ce sujet, mais il savait que ses amis attendaient avec impatience la suite de ses aventures trépidantes. Ryujin essayait toujours de tempérer les choses, elle était curieuse mais préférait garder ses interrogations pour elle afin de ne pas le mettre mal à l'aise. Elle savait ô combien la situation était stressante pour son ami et elle n'avait pas envie de faire empirer son état. Jisung lui en était reconnaissant. Elle pouvait parfois se montrer bourrue, mais elle était toujours prête à l'écouter. Ce n'était pas pour rien qu'il avait apprécié passer de longues minutes avec elle au téléphone ces deux derniers jours. Ainsi, il avait l'impression d'être moins seul, elle était compatissante et rassurante.

— J'espère que ça va vite s'arranger cette histoire, lança tout de même Jeongin pour lui montrer son soutien.

— Ouais, ça serait cool pour toi. Sinon on peut toujours chercher un nouvel appart avec toi.

— C'est gentil de proposer mais je pense que la concierge va me donner de bonnes nouvelles après.

Il restait optimiste, c'était important pour lui de voir le positif en toutes circonstances, même si parfois il pouvait avoir quelques coups de mou. Il avait appris à se débrouiller, même s'il savait que ses parents seraient toujours derrière lui pour le rattraper s'il lui arrivait quelque chose. Quand il avait eu envie de se payer une guitare, ses piercings ou son tatouage, il était allé travailler et avait économisé. Sa collection de médiators n'avait pas non plus été financée par de l'argent de poche qu'il avait reçu de la part de sa famille, c'était ce qu'il avait durement gagné en faisant des petits boulots par-ci par-là. Il n'en était pas peu fier. Il avait peut-être des parents qui pouvaient tout se permettre, il n'avait pas pour but d'en profiter en se tournant les pouces. Il voulait être indépendant, suivre son propre chemin et créer sa propre vie.

Bien sûr, il n'allait pas cracher sur les facilités qu'il avait eues étant enfant et adolescent, et encore maintenant. Il avait pu entrer dans cette école sans se soucier de son prix, il avait un studio que ses parents lui payaient et il ne se souciait pas de savoir s'il lui resterait assez d'argent jusqu'à la fin du mois pour se nourrir. Mais cela ne l'empêchait pas de rester humble, de garder les pieds sur terre.

Ils terminèrent leur déjeuner et rejoignirent leur dernier cours de la journée qui passa en un éclair. La semaine touchait presque à sa fin, le week-end arrivait à grands pas et Jisung ne tenait plus en place. Dès qu'il mit un pied dehors, toujours accompagné de ses amis, il sortit son téléphone et s'éloigna un peu afin d'avoir l'intimité nécessaire pour passer son appel. Il fronça les sourcils lorsque les sonneries se succédèrent sans qu'il n'obtienne de réponse. Mais il ne s'avoua pas vaincu, il était tenace et ne baisserait pas les bras. Il décida de rappeler aussitôt et cette fois, le destinataire décrocha. La petite voix fatiguée de la concierge retentit.

— Oui bonjour, c'est Han Jisung, un des locataires du troisième étage.

Il ne put s'empêcher de sourire tant il avait hâte d'obtenir de bonnes nouvelles, mais la réponse se fit attendre.

— Ah…

Il déglutit, son expression joviale s'envola en un claquement de doigts. Ce n'était pas le genre de réaction qu'il avait prévu d'obtenir et il comprit sans aucun mal que quelque chose n'allait pas. Il ne s'était pourtant pas trompé de numéro, il en était certain.

— Je voulais savoir si les réparations étaient terminées ? Vous aviez dit que cela ne prendrait que quelques jours.

— En fait… comment vous dire…

Ses doigts se crispèrent sur le téléphone. La femme lui parut hésitante et il ressentit une pointe d'inquiétude grandir en lui. Il attendit qu'elle se décide à lui fournir des explications , il se demandait ce qui pouvait bien se passer. Finalement, elle inspira et reprit la parole.

— En fait, il y a eu quelques complications imprévues. Les travaux ne sont pas encore terminés, et nous avons rencontré des problèmes plus importants que ce qui avait été constaté.

Jisung sentit son estomac se nouer alors qu'un frisson lui parcourait l'échine. Il avait espéré des nouvelles positives, mais voilà que la situation était encore une fois en train de lui échapper. Malgré l'agitation, il tenta de garder son calme.

— Combien de temps cela va-t-il prendre ?

— Je l'ignore. La fuite d'eau était plus importante que nous ne le pensions et une partie de la structure de l'immeuble a été endommagée. Je ne peux pas vous donner une estimation précise, cela pourrait prendre quelques semaines, voire plusieurs mois.

Plusieurs mois ? Non, ce n'était pas envisageable. Il n'avait déjà pas imaginé devoir rester un jour de plus chez Minho et Dayoung alors il était incapable de se projeter durant autant de temps. Il ne pouvait pas se permettre de vivre chez eux, c'était bien au-dessus de ses forces. Il ne pourrait pas supporter de voir son beau-frère tous les jours, de le croiser le matin avant d'aller en cours et de dîner avec lui le soir. Se retrouver quotidiennement confronté à cet homme qui lui plaisait d'une façon démesurée était tout simplement impensable. Il y laisserait sa santé mentale.

— Vous devez bien avoir un moyen de nous reloger, non ?

Un silence s'installa, sans réponse. Jisung la relança, lui demandant une nouvelle fois s'ils comptaient trouver une solution pour les étudiants qui se retrouvaient de ce fait à la rue en plein milieu de leur année.

— Je vais voir ce que nous pouvons faire, mais je ne vous promets rien. Je vous recontacte dès que j'ai plus d'informations.

Jisung serra les dents mais la remercia tout de même avant de raccrocher. Il se voyait déjà quitter l'appartement de sa demi-sœur pour retrouver son cocon réconfortant mais, visiblement, le destin en avait décidé autrement. Il avait envie de le torturer encore un peu, de le mettre à l'épreuve, et il ignorait s'il était en mesure d'en sortir indemne. La nouvelle était difficile à encaisser. Les perspectives de devoir rester chez Minho pendant plusieurs mois le rendaient nerveux et inconfortable. Mais fallait-il encore que le couple accepte de l'héberger. Il était tiraillé entre le désir de fuir et celui de rester, de pouvoir voir Minho, de partager un morceau de sa vie, d'apprendre à le connaître.

Il retourna vers ses amis, le visage soucieux, et ces derniers s'empressèrent de venir à sa rencontre.

— Alors ? demanda Felix, impatient. Tu tires une de ces têtes !

Jisung esquissa un sourire qui se voulait rassurant, mais c'était loin de fonctionner. Il n'arrivait pas à faire semblant.

— Oh merde… souffla Ryujin qui semblait avoir compris la situation.

— Y'a un souci et ils parlent de plusieurs mois de réparation.

Ses amis se figèrent et il se mordit la lèvre inférieure. Sa camarade vint poser une main réconfortante sur son épaule, mais ce ne fut pas suffisant pour le détendre. Le ciel lui tombait sur la tête et dans le fond, il savait qu'il n'avait pas d'autre choix que de rester où il était. Ses parents allaient forcément lui proposer de revenir, mais ce n'était pas pratique et surtout, ce n'était pas ce qu'il désirait. Ce qu'il souhaitait, il ne pouvait pas l'obtenir. Il ne pouvait pas retourner dans son studio, alors ça ne servait à rien d'espérer qu'un miracle se produise.

— Sache qu'on est là si tu as besoin de quoi que ce soit. Certes on peut pas t'héberger, mais si tu as besoin de parler, tu sais où nous trouver.

Il hocha la tête et Felix lui proposa même de chercher des annonces de logements, au cas où la concierge ne trouvait pas de solution. Il les remercia, heureux de pouvoir compter sur eux, de voir qu'ils pouvaient toujours compter les uns sur les autres. Ils étaient solidaires, ils faisaient ce qu'ils pouvaient à leur échelle et leur amitié était précieuse. Jisung était profondément touché par le soutien sans faille qu'ils lui offraient, ils le comprenaient mieux que personne. Il était reconnaissant d'avoir des amis comme eux à ses côtés. Il savait que la période à venir serait difficile, qu'il aurait beaucoup de choses à gérer, mais il était déterminé à rester fort et à surmonter ces obstacles. Il s'était toujours efforcé d'être indépendant, et il ne comptait pas abandonner maintenant.

Ils quittèrent le campus et se séparèrent à la station de métro. Jisung retrouva l'appartement silencieux au dernier étage de l'immeuble et après s'être déchaussé, il traîna les pieds jusqu'au canapé pour s'y affaler. Il lâcha un lourd soupir et jeta un coup d'œil à son téléphone. Il décida de contacter son père en premier lieu pour lui faire part de la situation. Ses parents seraient préoccupés et il voulait les tenir informés de la dernière conversation qu'il avait eue avec la concierge. L'homme décrocha après quelques secondes et Jisung lui expliqua les complications qu'il y avait quant aux réparations dans son immeuble. Bien qu'inquiet, il se montra compréhensif et rassurant. Il lui proposa une nouvelle fois de revenir à la maison, mais Jisung réitéra son refus. Il préférait d'abord avoir l'avis de sa demi-sœur. Peut-être qu'au fond de lui, il ne voulait pas quitter cet endroit car même s'il avait peur de ce qu'il ressentait pour Minho, il n'était pas prêt à s'en défaire. Il avait l'impression d'être indécis dans ses sentiments, mais l'homme le rendait à la fois nerveux et curieux. Il avait autant envie de le fuir que de rester à ses côtés.

Après avoir raccroché avec son père, il se prépara mentalement à appeler Dayoung. Il savait que ce serait difficile, car il n'était pas à l'aise pour partager ses préoccupations avec la jeune femme. Cependant, il avait besoin de savoir ce qu'il devait faire. Il appuya sur l'icône d'appel, non pas sans appréhension. Son cœur battait à tout rompre et ses mains devinrent moites. Il se demandait comment elle réagirait à la nouvelle. Dayoung était toujours gentille, mais cette situation exceptionnelle pouvait la mettre dans une position délicate, surtout avec son époux.

Enfin, elle décrocha, et une voix éreintée mais chaleureuse se fit entendre.

— Jisung ! Comment ça se passe chez nous ?

Il hésita un instant avant de répondre, préoccupé par la manière dont il allait lui annoncer la prolongation de son séjour.

— Ça va, c'est tranquille.

— Oui c'est vrai que là-haut on n'est pas embêtés ! J'espère que tu prends tes marques et que tu te mets à l'aise.

— Oui, en plus le lit est hyper confortable, ça me change.

Dayoung avait l'air très enthousiaste et quand elle lui répondait, il pouvait facilement deviner qu'elle souriait.

— Et alors ça avance les travaux à ton studio ?

— Hm, je voulais t'en parler justement… Il y a eu des petits problèmes.

Il expliqua brièvement la situation pour la énième fois, mentionnant les fuites d'eau et les complications qui prolongeraient les travaux pendant plusieurs semaines — ou plusieurs mois. Dayoung écoutait attentivement, émettant de temps à autre des petits sons de gorge pour acquiescer.

— Je suis tellement désolée, ça ne doit pas être facile tout ça, dit-elle d'une voix peinée. Mais ne t'inquiète pas, on va trouver une solution.

— Je veux pas vous embêter avec ça, c'est déjà très gentil de m'héberger pendant votre voyage.

— Ne t'en fais pas, tu ne nous embêtes pas et tu peux rester là autant de temps que tu veux.

Il ravala sa salive, ému par la gentillesse de Dayoung. Mais il ne savait pas ce que Minho en pensait. Il s'agissait tout de même de son appartement, de sa vie, il ne pouvait pas s'y immiscer comme ça.

— Et… et Minho ? Enfin, je veux pas m'imposer, c'est quand même délicat.

Un petit silence prit place et Jisung crut un instant que la communication avait été interrompue. Mais ce n'était pas le cas, la réponse se faisait juste attendre.

— Ça ne me dérange pas.

Un puissant frisson lui parcourut l'échine lorsque la voix de l'homme se glissa dans son oreille. Elle était légèrement rauque, basse, et terriblement séduisante. Il se figea, le cœur battant un peu plus fort, le souffle coupé. Il avait donc entendu sa conversation avec Dayoung ? Il secoua la tête pour essayer de se reprendre, mais il avait l'impression de se consumer de l'intérieur. Il était partagé entre le soulagement de savoir qu'il aurait encore un toit au-dessus de la tête et l'angoisse de devoir passer plus de temps avec Minho.

— D'accord, euh… merci.

— Je t'en prie.

Il déglutit difficilement et un silence prit place avant que Dayoung ne reprenne la parole.

— On rentre dans deux jours, annonça-t-elle. En attendant, on te confie notre appartement, on se retrouve bientôt.

Jisung lâcha un petit rire nerveux, mais il essaya de les remercier sans paraître trop embarrassé par la situation. Après s'être salués, il raccrocha et laissa tomber son portable sur le canapé. Une main au niveau de son cœur, il garda les yeux rivés sur l'écran éteint de la télévision. Bientôt ils seraient trois. Et ça n'allait certainement pas être facile à gérer.

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Petite prolongation du séjour, ce qui signifie cohabitation bien sympathique en prévision... J'ai trop hâte de ces moments 🔥👀