• chapitre 43
Jisung avait désormais une certitude : Minho avait des sentiments pour lui.
Ils n'en parlaient pas, ce n'était pas la peine, car les actions étaient bien plus importantes que les paroles. L'homme avait compris que lui prouver qu'il comptait pour lui était primordial, et Jisung notait ses efforts. Même s'il avait toujours du mal à exprimer ses émotions, qu'il gardait énormément de choses pour lui et qu'il pouvait sembler froid de prime abord, les regards de Minho ne trompaient pas. Même lorsque Dayoung était présente, il réussissait à lui adresser un sourire ou un mot gentil. Et quand elle était dans une autre pièce, il en profitait pour le toucher, discrètement, pour l'effleurer du bout des doigts comme s'ils risquaient de se brûler. Ses caresses signifiaient beaucoup pour Jisung, car il avait enfin l'impression d'exister pour autre chose que pour combler un manque sexuel. Ils ne trouvaient pas d'occasion pour faire l'amour, mais ce n'était pas grave, car ils n'en avaient pas besoin pour l'instant. Ce que Jisung voulait, c'était des étreintes, des baisers, des instants l'un contre l'autre, sans rien dire, sans rien faire. Juste entendre le cœur de Minho battre à l'unisson avec le sien.
Le menton logé dans le creux de sa main, il soupira longuement. Il était sur un petit nuage, et il n'avait pas envie d'en descendre de si tôt. C'était agréable et pour la première fois depuis longtemps, il se sentait bien et aimait sa vie. Il réussissait dans ses études, il avait des amis aidants et il entretenait une relation avec un homme qu'il n'aurait jamais pu espérer avoir. Mais il y avait tout de même une ombre au tableau — même plusieurs — et il faisait tout pour ne pas la voir. Minho était marié, avec sa demi-sœur, et bien que ce ne fut pas un élément à prendre à la légère, il n'avait pas envie de se focaliser sur ça. Pour l'instant, il voulait voir où tout cela allait le mener, profiter du présent et de ce qu'il lui offrait.
— Ça doit bien se passer avec ton beau-frère, s'amusa Felix.
— Franchement, oui. Mieux que je ne l'avais pensé.
Ryujin se pencha sur la table et posa la tête sur ses avant-bras.
— C'en est où entre vous ? Et avec… sa femme ?
Jisung déglutit, la réalité qui lui revenait en pleine figure s'avérait violente et sans pitié. Il grimaça et détourna les yeux.
— Avec Dayoung je sais pas, et de toute façon j'ai pas envie de savoir.
— Plus qu'à espérer qu'ils divorcent, lança Jeongin en roulant des yeux.
— Je suis pas sûr que ça arrivera.
Cette vérité lui arracha presque la gorge. Minho l'avait épousée pour une bonne raison, et s'il venait à la quitter pour assumer qui il était, il pouvait tout perdre. Il n'allait pas prendre ce risque, ça Jisung en était certain. Et dans le fond, ça lui faisait mal. Conscient de son abattement, Felix lui donna deux tapes sur le bras en guise d'encouragement.
— Allez, il va peut-être finir par en avoir marre et…
— Non, je pense vraiment pas, l'interrompit Jisung. Et même s'il la quittait, je peux pas me montrer au grand jour avec lui. Déjà parce que je veux pas lui causer des problèmes dans son travail ou dans sa vie en général, mais en plus parce que vous imaginez ce qui va se passer avec ma famille ?
Ryujin fit la moue et Jeongin acquiesça. Les épaules de Felix s'affaissèrent et il soupira lourdement.
— Des fois, c'est le prix à payer pour vivre la vie dont tu as envie.
— On parle pas de partir un an à l'étranger ou de quitter un travail merdique, lança Jeongin. On parle de se barrer avec son beau-frère richissime qui a une réputation à tenir.
Jisung hocha la tête, l'air désespéré. Il avait occulté cette réalité pour ne pas souffrir, mais il se devait d'y penser car, à long terme cette situation ne serait pas viable. Malgré les moments de bonheur qu'il partageait avec Minho, les obstacles deviendraient de plus en plus difficiles à ignorer. Il se demandait souvent s'il devait mettre fin à tout ça avant que les conséquences ne soient trop lourdes à porter. Mais pour l'instant, il choisissait de se perdre dans l'instant présent, dans les bras de Minho, et de repousser les décisions difficiles à plus tard.
Un silence s'était installé, l'ambiance était devenue pesante et le téléphone de Jisung vibra sur la table. Il s'empressa de le saisir, soucieux de ne pas déranger les autres étudiants qui révisaient autour de lui et il sortit du bâtiment en quatrième vitesse. Il n'avait pas eu le temps de décrocher et, puisqu'il s'agissait de la concierge de sa résidence, il rappela aussitôt. L'appréhension le submergea et ce ne fut que quelques sonneries plus tard que la femme répondit. Le cœur de Jisung fit un bond dans sa poitrine.
— Les travaux de rénovation sont sur le point d'être finalisés, dit-elle avec entrain. Vous pourrez retrouver votre logement dès la semaine prochaine.
Il déglutit, ça ne lui laissait pas le temps de se préparer psychologiquement. Quand il avait dû quitter son studio, il avait eu hâte d'y retourner mais, désormais, il aurait tout donné pour que les travaux s'éternisent. Cela signifiait qu'il devrait quitter cet appartement luxueux et confortable, qu'il devrait quitter un quotidien avec Minho.
— Semaine prochaine, répéta-t-il.
— Nous vous confirmerons par mail la date où il sera possible de venir vous réinstaller, mais ce sera avant les fêtes, ne vous en faites pas.
— Merci d'avoir prévenu.
— Je vous en prie, et encore désolée pour ce désagrément.
Jisung la remercia encore et la salua avant de raccrocher. Il resta un instant dehors dans le froid, à assimiler la discussion qu'ils venaient d'avoir. Il fallait digérer la nouvelle, et il n'était pas certain d'y arriver aussi facilement. Il inspira, puis expira lourdement tout l'air de ses poumons. Passer les fêtes dans son studio, ce n'était pas vraiment l'idée qu'il s'était fait des quelques jours de congés à venir. Certes, il allait retrouver son petit cocon, ses habitudes, sa solitude, tout ce qu'il appréciait dans sa vie tranquille. Mais comment allait-il gérer sa relation avec Minho ? Est-ce que cela marquerait la fin de ce qu'ils vivaient ? Il ne voulait pas que tout s'arrête ainsi. Il était persuadé qu'ils avaient encore des choses à partager tous les deux. Ça ne pouvait pas juste se finir de cette manière.
Il retourna dans la bibliothèque et retrouva ses amis. Il soupira encore et Ryujin fronça les sourcils.
— Un problème ?
— Je viens de recevoir un appel de la concierge, dit-il d'une petite voix.
— Oh…
Il regarda Felix et hocha la tête.
— Tu peux retourner dans ton studio ? devina Jeongin.
— Oui, c'est exactement ça.
Ils s'observèrent les uns les autres, attendant que l'un deux n'ose reprendre la parole. Jisung ne savait même plus quoi dire, tout était brouillé dans son esprit et il ne pouvait pas réfléchir. Il savait pertinemment qu'il n'avait pas le choix que de retourner dans son studio, et dans le fond il lui manquait, mais il y avait Minho en face et il pesait lourd dans la balance.
— Et t'as pas envie à cause de Minho ?
— Bien vu, déplora-t-il. En fait, je suis mitigé.
— Au pire… t'es pas obligé de le dire tout de suite. Tu peux peut-être omettre ce détail et rester plus longtemps chez lui.
Ce que disait Felix n'était pas bête, mais Jisung savait que cela pouvait lui causer des soucis si ses parents apprenaient qu'il pouvait retourner dans son studio. Ils payaient son loyer, ils le sauraient forcément et se poseraient des questions. Ce n'était pas une si bonne idée, il n'avait pas envie de mentir ou de ne rien dire.
— Je vais lui en parler et on avisera.
— T'as peur que ça coupe court à votre…
Ryujin s'arrêta et fronça les sourcils en détournant le regard, l'air pensive.
— Comment je peux qualifier ça ? marmonna-t-elle.
— Relation ? proposa Felix.
Jisung ferma les yeux un court instant, lui-même ne savait pas quel mot employer. Il était l'amant de Minho, le gars dans l'ombre, et rien d'autre. Son beau-frère peut-être, mais ce n'était plus vraiment ainsi qu'il avait envie d'être perçu par lui.
— Oui, on peut dire ça, dit Ryujin. Après tout, vous avez une relation. Mais ça veut pas dire que vous n'allez plus vous revoir. Et puis il peut toujours te retrouver chez toi, c'est un mal pour un bien.
— J'y ai pensé, mais pas sûr qu'il soit du genre à venir se terrer dans un studio étudiant. De toute façon, j'aurai pas le choix que d'en parler.
Il esquissa un sourire, mais un sourire résigné et empli de tristesse. Ils continuèrent à discuter un peu avant que Jisung annonce qu'il devait partir ; Minho l'attendait à la sortie du campus. Il remballa ses affaires, mit son sac sur une épaule et quitta la bibliothèque. Son blouson fermé jusqu'en haut et une écharpe sur le nez, il traversa la grande allée bordée d'arbres et de bancs qui menait à l'extérieur. Les températures étaient négatives depuis quelques jours et l'hiver se faisait de plus en plus rude. En marchant, il pensa aux vacances qui arrivaient, à ces quelques jours de détente. D'habitude, il partait en montagne avec ses parents pour Noël, mais il semblait que cette année, ce fut différent. Ils ne lui avaient rien dit, et ils ne lui avaient même pas demandé de rentrer à la maison pour le réveillon. Peut-être avaient-ils simplement oublié et s'en rendraient bientôt compte.
Au loin, il repéra la BMW blanche garée sur le côté et accéléra le rythme. Son cœur s'était emballé à l'idée de retrouver Minho, et un sourire étira ses lèvres. À cet instant, il se sentait vraiment heureux et impatient mais, une fois qu'il ouvrit la portière et qu'il croisa le regard de Minho, tout s'effondra. Il allait partir. Il ne le verrait plus le matin au réveil. Il ne lui souhaiterait plus bonne nuit avant de retrouver sa chambre. Ils ne se croiseraient plus dans le couloir en sortant de la salle de bain. Ils ne se retrouveraient plus sur la terrasse pour fumer côte à côte. Ces petits moments, aussi banals pouvaient-ils être, n'existeraient plus.
Sur le siège passager, Jisung garda les bras enroulés autour de son sac. Il avait simplement salué Minho d'une petite voix et s'était enfoncé dans ses pensées.
— Tu as passé une mauvaise journée ? demanda l'homme d'une voix teintée d'inquiétude.
— Non, pas vraiment, répondit Jisung, tentant de masquer ses tourments. Juste un peu fatigué.
Il détourna le regard par la fenêtre, fixant le paysage urbain qui défilait sans vraiment le voir. Les mots tournoyaient dans sa tête, mais il ne savait pas comment les exprimer. La vérité était trop lourde à porter et il craignait de briser l'équilibre fragile de leur relation en abordant le sujet de son appartement. Mais il ne pouvait pas garder cela pour lui. C'était trop envahissant et il avait l'impression que ne rien dire pouvait le faire exploser en sanglots d'une minute à l'autre. Il avait peur, mais faire l'autruche n'allait pas arranger la situation.
— En fait, j'ai eu un appel de la concierge.
Les mains de Minho se crispèrent sur le volant, il avait sans doute compris ce que cela signifiait, mais il s'efforça de rester concentré sur la route. Il y avait encore des embouteillages à cette heure, et ils avaient ainsi du temps devant eux pour discuter sérieusement.
— Donc ton studio est de nouveau habitable.
— C'est ça.
Un silence s'installa, l'homme inspira à pleins poumons pour le briser.
— Et tu veux y retourner quand ?
— J'attends la confirmation par mail mais ce serait pour la semaine prochaine.
Minho pinça ses lèvres entre elles. Jisung voyait bien qu'il était contrarié, l'atmosphère s'était alourdie et il peinait à dissimuler sa déception. Pour une fois, il parvenait à discerner le trouble qui l'envahissait. Minho ne jouait pas, il était vraiment embêté par ce qu'il venait de lui annoncer, et il ne savait pas si c'était très rassurant.
— Je ne vais pas te le cacher, ça m'emmerde beaucoup.
— Moi aussi, Minho.
Il posa une main sur la cuisse de Jisung pour la lui malaxer. Il ne disait plus rien, il semblait perdu dans ses pensées.
— J'ai pas envie de partir, tu sais. Mais en même temps, ça peut plus durer cette situation.
— Est-ce que… c'est une manière de me dire que c'est terminé ?
Jisung se redressa, les yeux écarquillés. Il attrapa la main de Minho dans la sienne pour la serrer très fort.
— Pas du tout ! s'indigna-t-il. Je veux pas que ça se termine !
L'homme souffla de soulagement et serra la main de Jisung en retour. Comment avait-il pu penser une seule seconde qu'il voudrait tout arrêter parce qu'il s'en allait ? Le jeune homme secoua la tête, lui-même avait eu ces craintes et il était finalement légitime que Minho y pense aussi. Mais cela signifiait qu'ils voulaient tous les deux continuer de se voir, de passer du temps ensemble et de construire cette relation même si elle avait ses limites.
— Je veux pas qu'on se quitte pour ça, dit Jisung.
Ils n'étaient pas ensemble, ils ne formaient pas un couple, mais il ne pouvait pas faire comme si rien ne les liait. Ce n'était plus que du sexe désormais, c'était du sexe et des sentiments.
— Moi non plus, vraiment pas.
— On pourra se retrouver ailleurs, je sais pas, où tu en as envie.
Minho hocha la tête.
— Je pourrai venir te voir, si tu me le permets.
— Tu… tu serais prêt à venir dans un pauvre petit studio sans grande baie vitrée et écran de télévision 4K ? Avec une machine à café pas très coopérative ?
— Oui, je n'ai pas peur de la simplicité.
Jisung pouffa de rire.
— À d'autres ! Tu détestes les choses fades, et mon studio est tout ce qu'il y a de plus banal. En plus tu exècres le café bas de gamme.
— Si je viens, ce n'est pas pour ta décoration ou quoi que ce soit, mais pour toi.
— Pour moi ?
Minho acquiesça, un léger sourire aux lèvres.
— Oui, pour toi.
Ces mots firent fondre le cœur de Jisung. Malgré les obstacles et les complications, il savait qu'il voulait continuer cette relation. Peut-être que ce n'était pas parfait et que c'était mal, mais c'était réel. Et c'était tout ce qui comptait.
— Et je t'apporterai du café de qualité, promis.
— Et du lubrifiant ?
Minho lâcha un rire.
— Et du lubrifiant.
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