• chapitre 4
Jisung avait passé le reste de la journée à ruminer. Il avait essayé de penser à autre chose, de s'occuper en traînant sur son portable pour regarder des vidéos, mais le dîner de ce soir ne cessait de le tourmenter. Il avait beau tenter de relativiser, de se dire qu'il n'y avait rien de spécial et qu'il s'agissait juste d'un repas en famille, il savait bien au fond de lui que ce n'était pas le cas. Il avait rêvé de Minho, dans une situation plus que suggestive, et il s'en voulait énormément. Il ne devait pas fantasmer sur lui, ce n'était pas normal, ce n'était pas sain. Il ne l'avait vu qu'une fois, il ne le connaissait pas et savait d'ores et déjà qu'ils ne seraient pas proches à cause de toutes leurs différences, alors pourquoi se sentait-il horriblement attiré par lui ?
Assis sur le bord du lit, il soupira et ses épaules s'affaissèrent. Il était vraiment temps qu'il retrouve son studio paisible au risque de perdre le peu de raison qu'il lui restait. Son père avait bien accepté de le raccompagner chez lui après le dîner, alors il était tout de même rassuré. Il avait hâte de rentrer et d'être enfin débarrassé de la soudaine obsession qu'il avait développée en une journée à peine, et pour un presque inconnu. Il ne se comprenait même pas, c'était ridicule et complètement irraisonné. Heureusement que ça ne durerait pas. Une fois que Minho serait loin de lui et qu'il reprendrait le cours de sa vie, il passerait facilement à autre chose. De toute façon, ce n'était pas comme s'il allait souvent le voir, il ne voyait déjà pas Dayoung à cause de son emploi du temps chargé, ce n'était pas maintenant que ça allait changer.
Il se laissa tomber en arrière sur son lit, les bras écartés et les yeux rivés sur le plafond quand la sonnette retentit. Il se redressa aussitôt et replaça ses cheveux d'un geste précipité, animé par une certaine appréhension. Il déglutit, son cœur s'était mis à battre la chamade et il sentit même son pouls dans ses tempes et dans sa gorge. Sa demi-sœur et son mari étaient arrivés, c'était sûr. Et Jisung avait autant hâte que peur de revoir Minho. En réalité, il était au beau milieu d'une guerre qui se jouait dans son esprit et il ne savait plus pour quel camp il était. Il dut se résoudre à se lever et il inspira à pleins poumons pour se donner le courage nécessaire afin de quitter sa chambre. Il traversa le couloir et descendit les marches d'un pas lent, presque apathique. S'il avait pu aller à reculons, il l'aurait fait.
Une fois en bas des escaliers, son regard croisa aussitôt celui de Minho et son souffle se coupa. Il était toujours aussi beau, et toujours aussi fermé. Pourtant, quand ils s'observaient de cette manière, il sentait une irrépressible chaleur l'envahir et lui brûler les joues et les oreilles.
— Jisung ! s'exclama Dayoung. Je suis contente que tu sois resté pour le dîner.
Il se détourna de Minho et força un sourire. Sa demi-sœur l'attrapa par les épaules et le regarda de bas en haut avec attention. Il avait presque oublié que son style d'aujourd'hui dénotait totalement avec celui de la veille. Là, il avait enfilé ses habits habituels ; un jean troué et un t-shirt large portant le nom d'un groupe de métal qu'il appréciait. Il avait également plusieurs bracelets en argent et en pierres au poignet gauche, et ses cheveux derrière une oreille laissaient entrevoir ses nombreux piercings.
— Depuis quand tu as tout ça ? s'étonna Dayoung en montrant les différents bijoux qui ornaient ses lobes. Je ne les avais pas vus avec tes cheveux longs.
Elle semblait étonnée, mais pas dans le jugement, ce qui lui fit plaisir. Il avait toujours peur des réactions que cela pouvait provoquer, surtout chez des membres de sa famille. Et puisqu'il appréciait Dayoung, il n'aurait pas souhaité qu'elle le critique pour ses choix. Même s'il ne voulait pas être esclave du regard des autres, il avait envie d'être accepté par ses proches, et ce même s'ils pouvaient ne pas toujours être d'accord sur tout. Tant qu'ils le respectaient et n'essayaient pas de le changer, ça lui allait. Pour il ne sut quelle raison, il tourna la tête vers Minho. Peut-être voulait-il avoir une idée de ce que lui pouvait penser de son style ? Comme si c'était important… Il n'avait pas à lui plaire après tout et, de toute façon, ils ne jouaient pas dans la même cour. Minho était un homme d'affaires, un homme accompli et qui avait autre chose à faire que de s'occuper du style d'un jeune homme comme lui. À ses yeux, il devait n'être qu'un gamin qui jouait les rebelles à coups de jean déchiré et de piercings.
— Allez-y, avancez ! intervint Madame Han. On va s'installer dans la salle à manger.
Dayoung la suivit et Minho fit signe à Jisung de passer devant lui. Il hésita un instant, clignant des yeux à plusieurs reprises comme s'il n'avait pas saisi où il voulait en venir.
— Vas-y, je t'en prie.
Minho se décala et Jisung sembla revenir à lui. Il acquiesça et se hâta pour rejoindre les autres, Minho sur ses talons. Il sentait son regard peser dans son dos, son aura était tellement puissante qu'il avait l'impression de suffoquer à chaque pas supplémentaire.
— Où doit-on se mettre ? demanda Dayoung.
Madame Han leur indiqua des places et Jisung se retrouva face au mari de sa demi-sœur. Il n'en avait aucune envie tant il avait peur des réactions que son corps et son esprit pouvaient avoir, mais n'allait pas protester, il paraîtrait impoli. Alors il s'installa bien sagement sur sa chaise, cherchant par tous les moyens à regarder ailleurs que droit devant lui. Il savait que s'il posait les yeux sur Minho, une nuée de papillons lui ravagerait l'estomac. Il resta figé sur Dayoung qui discutait avec leur père tandis que ce dernier débouchait une bouteille de vin rouge.
— Du coup, nous allons partir dans une semaine pour notre voyage de noces, dit-elle.
Elle posa une main sur celle de Minho, Jisung détailla ce geste avec attention et surtout avec beaucoup de doutes. Sa demi-sœur semblait naturelle, mais quelque chose lui disait qu'elle tentait désespérément des rapprochements car Minho n'avait pas l'air très réceptif. Jisung se détourna aussitôt de lui, embêté d'avoir succombé. Il l'avait regardé, et il avait envie de se donner deux bonnes claques pour se faire passer l'envie de recommencer. Il ne devait pas s'attarder sur lui. Il ne devait pas lui accorder d'importance. Mais c'était plus compliqué que prévu.
— J'ai tellement hâte d'aller à New-York, ça va être merveilleux. J'y suis déjà allée pour des photos, mais là ce sera particulier.
Elle jeta un coup d'œil vers son époux pour l'interroger silencieusement, il se contenta d'acquiescer d'un hochement de tête. Il n'était pas emballé, cela se devinait aisément, mais Jisung avait l'impression d'être le seul à le remarquer dans cette pièce. Comment pouvaient-ils tous être aussi naïfs ? Minho n'avait pas envie d'être là, il n'avait pas non plus envie d'être marié à Dayoung et de partir en voyage de noces, mais tout le monde agissait comme si son comportement était tout à fait normal.
Durant le dîner, Jisung resta silencieux, mais il fut incapable de ne pas regarder l'homme en face de lui. Il était attiré par lui, par sa prestance et sa froideur. Il ne parlait que très peu, mais chaque mot venait caresser son tympan comme une douce mélodie. Et lorsqu'il avait le malheur de le regarder dans les yeux, Jisung sentait son cœur s'emballer et son bas-ventre réagir. Chaque coup d'œil ressemblait à une promesse interdite et avait un agréable goût de séduction. Il essayait de se convaincre qu'il était en train de se faire des films, que son esprit lui jouait des tours pour mieux le torturer. Un homme comme Minho n'en avait que faire de quelqu'un comme lui, ils n'avaient absolument rien en commun. Pourtant, il avait bel et bien la sensation qu'il le cherchait du regard, qu'il essayait d'instaurer un contact visuel dès qu'il en avait l'occasion. Cela passait inaperçu pour les autres autour de la table, mais pour Jisung qui y était attentif et réceptif, ça ne faisait aucun doute.
Il lutta jusqu'au dessert, jusqu'à ce qu'il ne soit plus en mesure de supporter l'irrésistible tension entre eux. Il se leva et s'inclina doucement pour s'excuser. Ses parents froncèrent les sourcils, surpris par son attitude.
— Désolé j'ai oublié de préparer quelque chose pour repartir ce soir, je préfère le faire tant que j'y pense si ça ne vous dérange pas. Je reviens dès que j'ai fini.
Son père acquiesça et lui fit signe d'y aller. Sans même porter une quelconque attention à Minho, Jisung tourna les talons pour s'éclipser le plus vite possible. Il grimpa les marches deux par deux, impatient se retrouver sa chambre même s'il ne s'y était pas senti à l'aise depuis son retour. Mais là, c'était sa seule échappatoire. Il referma la porte derrière lui et s'y adossa, une main posée sur son cœur qui tambourinait avec force. C'était insupportable. Il en avait assez et voulait que cette soirée se termine rapidement. S'il restait plus longtemps face à Minho, il allait perdre la raison. Il se mit à marcher un instant dans la pièce jusqu'à retrouver son paquet de cigarettes pour en fumer une. Penché sur le rebord de la fenêtre, il crut pouvoir se détendre et penser à autre chose, mais il n'y parvint pas. Rien à faire, le mari de Dayoung hantait son esprit.
Il passa quelques minutes dans sa chambre avant de décider qu'il était temps de redescendre. Il ne voulait pas non plus s'absenter trop longtemps et mettre ses parents mal à l'aise à cause de son impolitesse. Tout en cherchant à relativiser, il emprunta les escaliers et se retrouva dans le hall mais, au même instant, Minho sortit de la salle de bain. Jisung se figea sur place. Il n'arrivait plus à bouger, comme paralysé par une force contre laquelle il était incapable de lutter. L'homme s'était lui aussi arrêté et il le regardait, droit dans les yeux.
— Ça y est, tu as fini ce que tu avais à faire ?
Jisung cligna des yeux, cherchant où il voulait en venir, et il se souvint qu'il avait dit avoir oublié quelque chose.
— Ah, euh… oui ! J'ai fini ! Et vous ?
Minho eut un mouvement de recul avant de tourner la tête vers la porte qui menait à la salle de bain. Il fronça les sourcils et pouffa de rire ensuite.
— J'imagine que oui, dit-il.
— Non, je… je voulais pas parler de ça, marmonna Jisung.
Il secoua la tête alors qu'une désagréable bouffée de chaleur l'enveloppa tout entier. Il était certain d'avoir les joues écarlates tant il était gêné. Il devait avoir l'air idiot ainsi, mais il n'avait jamais voulu parler des éventuels besoins de Minho. S'il sortait de la salle de bain, ce n'était probablement pas parce qu'il venait de prendre une douche. Sans un mot et couvert de honte, Jisung passa devant lui d'un pas hâtif, comme s'il n'existait pas. Il rejoignit sa famille dans la salle à manger et Minho arriva juste après. Il ne le regarda pas, parce qu'il n'y parvint pas. Il venait de se ridiculiser, il avait bafouillé et avait vraiment dû passer pour un nul.
Il passa la fin du repas dans le silence, la tête renfrognée dans ses épaules à écouter les conversations qu'il jugea inintéressantes. Dayoung parlait de ses voyages, des défilés, des contrats qu'elle avait décrochés et des opportunités qu'elle avait eues pour l'année à venir. Son emploi du temps allait être bien rempli et Jisung se demanda encore une fois pourquoi elle s'était mariée si elle n'avait pas de temps à consacrer à une relation. Minho ne parlait pas, et de toute façon il n'avait pas vraiment l'occasion d'en placer une. Finalement, quand Dayoung consulta l'heure, elle se rendit compte qu'il était temps pour eux de repartir. Jisung eut envie de soupirer de soulagement, mais il ne pouvait décemment pas agir de la sorte.
— Au fait, déclara son père, Minho et Dayoung vont te raccompagner à ton studio, c'est sur leur route.
Jisung se redressa sur sa chaise et écarquilla les yeux, incapable de réagir autrement. Non, il ne pouvait pas monter dans la même voiture qu'eux. Il ne pouvait pas se retrouver plus longtemps avec Minho, même si sa demi-sœur était présente.
— Mais… je veux pas vous déranger, essaya-t-il.
— Non ne t'en fais pas, c'est sur notre chemin et c'est vraiment pas loin de notre quartier, le rassura Dayoung. Je ne savais même pas que ton studio était si proche de notre appartement.
Jisung se contenta d'un sourire gêné. Il n'aimait franchement pas la tournure que prenaient les évènements. Il voulait seulement rentrer chez lui, pas se retrouver dans la même voiture que l'homme qui le perturbait depuis une journée. Ce n'était rien en termes de durée, une journée, mais c'était intense. Trop intense. Comment pouvait-il être aussi obsédé par une personne qu'il ne connaissait pas ? Comment un simple regard avait pu le faire plonger si profondément ? Il espérait que l'euphorie redescendrait aussi vite qu'elle était montée.
Il n'eut d'autres choix que d'accepter s'il voulait retrouver son cocon. Après avoir salué ses parents avec des accolades chaleureuses et que sa mère lui ait demandé de l'appeler plus souvent, il traîna sa valise jusqu'à la voiture de Minho. Il reconnut qu'il s'agissait d'une Mercedes, mais il n'était pas assez calé sur le sujet pour connaître le modèle exact. Cependant, il était certain qu'elle valait une petite fortune et que Minho en prenait grand soin. À l'intérieur, les sièges en cuir étaient confortables à souhait et le tableau de bord semblait tout droit sorti d'un film futuriste. Un parfum agréable régnait dans l'habitacle, mélange de neuf et d'autre chose de plus corsé. Peut-être une fragrance que Minho utilisait.
Il se laissa porter jusque chez lui tout en répondant aux questions de Dayoung. Elle était curieuse au sujet de ses études, de son quotidien, de ses amis. Il voyait bien qu'elle tentait d'en apprendre plus sur lui, car elle se rendait compte que son demi-frère avait grandi et qu'il avait désormais une vie bien à lui, hors du domicile familial. C'était comme si elle essayait de rattraper le temps perdu, mais ça ne serait jamais le cas. Leurs vies étaient diamétralement opposées, elle avait un quotidien à cent à l'heure, une carrière et une renommée mondiale tandis que lui avait juste intégré l'école de ses rêves. C'était simple, mais ça lui plaisait, il était heureux ainsi.
Arrivés à proximité de sa petite résidence, Minho se gara.
— Tu as besoin d'aide ? demanda Dayoung.
— Non ça ira, merci. C'est déjà bien gentil de m'avoir raccompagné.
— Si un jour tu veux passer à l'appartement quand je suis là… Je sais que c'est difficile de se voir mais dès que je rentre, je t'enverrai un message.
Jisung acquiesça, mais il n'avait pas très envie d'aller chez le couple. Il n'était pas à l'aise vis-à-vis de Minho, mais aussi vis-à-vis de sa demi-sœur à cause de l'attirance qu'il ressentait pour son époux.
— Je vais sortir ta valise du coffre.
Minho quitta le véhicule et Jisung suivit après avoir salué Dayoung, la gorge nouée. Il rejoignit l'homme derrière et récupéra son bagage. Ils restèrent un instant l'un en face de l'autre à se fixer, comme s'ils avaient envie de s'exprimer mais que quelque chose les en empêchait. Finalement, Minho inspira en relevant légèrement le menton.
— Bonne nuit, dit-il.
— Hm, merci. À vous aussi.
Les lèvres de Minho s'étirèrent en un léger sourire avant qu'il rejoigne la voiture. Jisung resta immobile, sonné par son expression qui s'était métamorphosée en une fraction de seconde. Il avait souri. Et il avait souri pour lui.
•••
Heyooo !
« Petite » tension qui s'installe... J'ai hâte de vous poster la suite ahah
J'essaye de tenir un chapitre par semaine et de prendre de l'avance 👀 J'espère que ça vous plaît pour le moment !
À bientôt, prenez soin de vous 💜
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