• chapitre 32
Le lendemain matin, lorsque le réveil sonna, Jisung eut bien du mal à émerger. Il avait la bouche pâteuse et les yeux secs comme s'il avait pleuré une bonne partie de la nuit. Son téléphone ne cessait de sonner et alors qu'il le cherchait à tâtons sur la table de chevet, il sentit une présence dans son dos. Il grommela et se pencha, une plainte lui échappant, et il trouva son portable lâchement abandonné sur le sol. Avec bien du mal, il le ramassa pour éteindre la sonnerie qui ne cessait de lui hurler dans les oreilles. Ses yeux se refermèrent d'eux-mêmes, incapables de rester ouverts plus longtemps tant il avait mal à la tête. D'ailleurs, ce n'était pas le seul endroit où il avait mal. Ses bras, ses jambes, son dos, son bassin… La nuit qu'il avait passée n'avait pas été de tout repos, bien au contraire. Minho ne l'avait pas ménagé, parce qu'il n'avait pas voulu qu'il le ménage. Tout ce qui s'était passé dans cette chambre, dans ce lit, Jisung l'avait souhaité plus que tout. Ce n'était pas tant la pénétration qui l'avait épuisé ou qui lui avait fait mal, mais plutôt le plaisir qui avait tendu ses muscles, l'effort que son corps avait dû fournir pour encaisser ces longues minutes de bonheur intense que l'homme lui avait offertes. Et puis, quand tout était redescendu, il s'était senti si vide qu'il en avait pleuré. Toutes les tensions s'étaient évaporées et il n'avait pas été en mesure de se retenir. Jouir trois fois, de manière aussi puissante, ça l'avait lessivé.
Un bras s'enroula autour de sa taille et le corps chaud de son amant se colla tout contre le sien. Il déglutit, son cœur s'emballant dangereusement dans sa poitrine. La situation semblait encore trop incroyable. Pourtant, chaque muscle, chaque os, chaque parcelle de sa peau lui prouvaient qu'il était bien dans la réalité. Et puis, le souffle régulier se glissant dans sa nuque n'était pas imaginaire. Tout comme les petits baisers à peine audibles que Minho lui administrait. L'homme derrière lui resserra son étreinte et frotta son nez sur son épaule, pour remonter sur son trapèze qu'il embrassa aussi.
— Hm, Minho…
— Ça va ?
La question n'était qu'un murmure, et cela suffit à faire frissonner Jisung. Cette voix rauque, encore ensommeillée, sonnait telle une mélodie à ses oreilles.
— Fatigué, avoua-t-il. Et mal partout.
— Forcément…
Son estomac se tordit quand Minho laissa filer un petit rire. Il en avait eu largement assez cette nuit, mais il ne pouvait pas lutter contre les réactions de son corps. Les images de leurs ébats revenaient en boucle dans son esprit, cette nuit était sans doute la plus étrange et la plus intense de toutes. Sa première fois, il ne l'avait pas imaginée ainsi. Il avait toujours pensé qu'il se mettrait en couple avec un jeune homme d'à peu près son âge, qu'ils prendraient leur temps, qu'ils se découvriraient et qu'il vivrait ses premières expériences sexuelles avec une personne qu'il aimerait. Là, c'était tout l'inverse. Minho ne ressemblait en rien à cette idée qu'il s'était faite. C'était un homme de trente ans, qui plus est son beau-frère, et à part une attirance physique et sexuelle hors norme, Jisung n'avait pas vraiment de sentiments pour lui. C'était étrange, car il ne le connaissait pas plus que cela malgré les moments passés en sa compagnie. Il s'en contentait, peut-être parce qu'il ne désirait rien d'autre que du sexe avec lui, ou parce qu'il savait qu'il n'obtiendrait rien de plus. Il pouvait bien être obsédé par lui, il ne serait jamais à la place de Dayoung. Il ne serait jamais son homme.
— Je dois me lever, grommela Jisung.
Il essaya de se défaire des bras de Minho, mais une douleur lancinante dans son crâne et dans ses membres l'obligea à se rallonger. Il n'avait pas la force de se lever pour le moment, son corps était à bout, il avait épuisé toute son énergie et mettrait du temps à recharger ses batteries.
— Tu devrais te reposer aujourd'hui, lui dit Minho.
— Mais les cours…
L'homme l'interrompit quand il l'attrapa à nouveau contre lui, collant son torse au dos de Jisung, sa bouche trouvant aussitôt sa nuque qu'il couvrit d'attentions.
— Ce n'est pas grave pour une journée. C'était intense cette nuit, alors ne t'en veux pas.
Il acquiesça, son ventre se contracta une fois de plus à l'évocation de leur partie de jambes en l'air.
— C'était vraiment… incroyable, souffla Minho.
Jisung frissonna violemment. S'il n'était pas aussi éreinté, il aurait probablement eu envie de recommencer tout de suite. Minho l'excitait au plus haut point, mais il aimait aussi ce qu'ils étaient en train de partager à cet instant. Une étreinte bienveillante, un moment d'intimité sain qui ne se changerait pas en une activité sexuelle. Finalement, c'était agréable.
— Hm, incroyable oui.
La main de Minho se posa sur son ventre pour le caresser lentement. Mais dans ce geste, Jisung n'y vit aucune arrière-pensée, et il s'en sentit tout perturbé. Ce n'était pas habituel, quelque chose était différent, comme si cette nuit avait changé la donne. Comme si leur proximité était nouvelle.
— Je vais devoir partir travailler, murmura l'homme.
Cette fois, Jisung pivota pour lui faire face. La lumière du jour rentrait faiblement entre les rideaux, mais c'était assez pour discerner les traits de son vis-à-vis. Timidement, il attrapa son visage en coupe et déposa un baiser sur ses lèvres. Il fut chaste, simple contact de lèvres contre lèvres, mais Jisung y trouva un réconfort si surprenant qu'il ne put se retenir de sourire. Les mains de Minho se calèrent sur sa taille pour l'une, dans son cou pour l'autre, et leurs corps se retrouvèrent, inlassablement attirés.
— On se retrouve ce soir, d'accord ?
— Oui…
— En attendant, repose-toi et fais-toi couler un bon bain chaud. Je te ferai livrer de quoi déjeuner.
— Merci.
Minho vint l'embrasser, avec un peu plus d'insistance cette fois, et Jisung se laissa emporter dans le baiser qu'il trouva à la fois fougueux et étrangement tendre. Il y avait quelque chose, dans leur manière d'interagir, qui n'était plus pareil. Cette nuit semblait avoir modifié leur relation, transformant l'insoutenable tension qui les tenait en haleine pour un sentiment plus doux. Peut-être même plus affectueux.
Minho quitta le lit, et dès lors que Jisung perdit sa chaleur, il eut encore cette horrible impression de vide. Elle s'était déjà manifestée cette nuit, après que Minho ait joui et qu'il se soit retiré de lui. Pourtant, ils n'avaient rien fait de sexuel là, c'était juste sa présence à ses côtés, son corps, son être, qui lui manquaient. Juste lui. Et une fois que l'homme passa la porte de la chambre, il se recroquevilla sur lui-même, étouffant un gémissement de douleur entre ses dents. Nu et seul au beau milieu des draps, Jisung n'arrivait pas à mettre des mots sur ce qu'il ressentait.
Il finit par s'assoupir, épuisé aussi bien physiquement que mentalement et ce ne fut que trois heures plus tard qu'il rouvrit les yeux. Au moins, son mal de tête s'en était allé. Il s'étira, se tourna sur le côté et reprit son téléphone. Plusieurs messages et des appels en absence. Ses amis s'étaient visiblement inquiétés de son absence, et à juste titre car il était toujours fidèle au poste. Il consulta les notifications et prit le temps de répondre qu'ils ne devaient pas s'en faire, qu'il était juste un peu malade. Ce n'était pas tout à fait vrai, mais pas tout à fait faux non plus. Ce ne fut que quelques minutes plus tard qu'il osa enfin se soustraire aux draps chauds, mais plus très propres. Il devait vraiment passer par la case toilette et douche avant d'enfin daigner avaler quelque chose. Il était presque onze heures et son estomac le tiraillait, tout comme absolument chaque partie de son corps.
Difficilement, il attrapa des vêtements propres dans son armoire, puis traîna les pieds jusqu'à la salle de bain. Il se fichait bien d'être nu comme un ver dans le couloir, il était seul, et il n'allait pas se rhabiller pour tout enlever ensuite. Et puis il était vraiment sale avec sa nuit agitée. Il se sentait tout collant et voulait seulement se débarrasser des fluides corporels qui avaient séché sur sa peau. Il se dégoutait un peu, même s'il devait admettre que c'était aussi satisfaisant dans une certaine mesure. Après s'être vidé la vessie, il se glissa sous la douche, l'eau chaude détendant peu à peu ses muscles endoloris. Il la laissa couler sur son crâne, sans bouger, parce qu'il n'en avait pas vraiment la force. Mais il ne put réfréner un sourire en repensant à cette étape qu'il avait franchie avec Minho. Il n'en revenait pas, ils avaient couché ensemble, et l'homme avait même dormi avec lui. S'il avait été en meilleur état, il aurait profité pleinement de sa présence, de ses bras forts autour de lui, de ses baisers et de ses caresses, sans aucune arrière-pensée. Il avait vu une facette de lui bien différente de toutes les autres, il avait entraperçu le Minho sensible, doux, en demande d'attention. Parfois, il avait l'impression d'avoir affaire à un autre homme. Il passait d'une humeur à une autre en quelques secondes, et même si cela pouvait l'agacer, il était persuadé qu'il y avait une raison.
Après quelques minutes passées à cogiter sous la douche, Jisung se savonna vigoureusement, souhaitant se débarrasser de toutes traces suspectes, mais surtout de l'odeur de sexe qui semblait l'imprégner. Le gel douche à la vanille serait parfait.
Une fois lavé, il se sécha et se regarda dans le reflet du miroir. Ses yeux cernés, son teint pâle, et ses lèvres gercées lui donnaient vraiment un air malade. Et avec les courbatures, il avait presque la sensation d'être grippé. Pourtant, dans le fond, il se sentait bien. Il esquissa un sourire qui illumina aussitôt son visage et il pouffa de rire. Se dire qu'il avait perdu sa virginité, cette nuit, et avec son beau-frère, c'était totalement surréaliste. Ça ne changeait pas grand-chose en soi, il était toujours la même personne, mais il se sentait peut-être un peu plus confiant. Parce qu'il avait su dépasser ses craintes et s'imposer dans une situation où il pensait ne pas y parvenir. Parce qu'il avait réussi à exprimer ses désirs, et à obtenir ce qu'il désirait. Parce qu'au final, il avait eu le contrôle sur leurs ébats en provoquant Minho.
Il se brossa les dents, sécha encore ses cheveux et enfila les vêtements décontractés qu'il avait pris. Même s'il n'était pas stressé, il ressentait cependant un besoin irrépressible de fumer. Il retourna dans sa chambre pour s'emparer de son paquet de cigarettes et de son briquet, puis traversa le corridor pour arriver dans la grande pièce à vivre. Une forte odeur d'alcool et de tabac y régnait encore, et Jisung en eut un haut-le-cœur. Il se précipita sur la terrasse et laissa la baie vitrée légèrement ouverte pour que l'air pénètre dans l'appartement et le débarrasse de ce mélange de parfums écœurants. Quand Minho recevait ses amis, ils ne faisaient pas les choses à moitié. Et en repensant aux invités de la veille, Jisung rougit. Il tira sur sa cigarette et expulsa la fumée comme pour faire taire cette petite voix au fond de lui, celle qui lui disait que tout le monde avait dû voir à quel point il avait envie de Minho. Ils s'étaient embrassés sans retenue devant ses amis, une attitude qu'il n'aurait même pas eue devant les siens. Il avait dépassé les bornes et il avait terriblement honte. Ils devaient aussi se douter que si Minho l'avait rejoint pendant la soirée, ce n'était pas pour lui demander si tout allait bien et s'il avait besoin de quelque chose. Et le connaissant, il avait dû leur raconter ce qui s'était passé.
Sa cigarette consumée, il en sortit une deuxième et profita de la fraicheur extérieure. Plus les jours passaient et plus les températures chutaient. Il se perdit dans la contemplation de la ville qui s'agitait en contrebas, dans le ciel nuageux et blanc, puis son estomac se rappela à son bon souvenir. Il fallait qu'il mange.
De retour dans la pièce principale, il inspira à pleins poumons pour s'assurer que la désagréable odeur s'était estompée. Par chance, il ne restait qu'une infime fragrance peu ragoutante qui serait vite chassée par celle du café qu'il comptait se faire. Il décida de sortir deux grandes tranches d'un pain plus très frais qu'il recouvrit d'une épaisse couche de confiture de fraise pour accompagner sa boisson chaude. La première bouchée sucrée fut un véritable soulagement. Et il avait tellement faim qu'il engloutit son repas en un rien de temps. Mais la faim le tiraillait encore, alors il décida de se resservir. Avec tout le sport qu'il avait fait cette nuit, ce ne serait pas de trop pour reprendre des forces.
Alors qu'il profitait juste du silence qui régnait dans l'appartement pour faire le vide dans son esprit, son portable sonna. Il l'attrapa aussi vite, comme s'il s'était attendu à ce que Minho lui téléphone pour prendre de ses nouvelles, mais il fut surpris de constater qu'il s'agissait en réalité de Ryujin. Non pas qu'il était déçu, mais il avait espéré autre chose. Il décrocha tout de même après avoir replacé correctement ses cheveux pour répondre à l'appel vidéo. La première tête qu'il vit passer sur l'écran fut celle de Felix, un large sourire étirant ses lèvres.
— Alors ? T'es malade ? dit-il d'un ton un peu trop enjoué.
Jisung déglutit mais acquiesça. Il entendit Ryujin râler contre leur ami, puis elle récupéra son téléphone.
— Mais quelle plaie celui-là ! Fais pas attention à lui, il est insupportable ce matin.
— Ce matin ? Je dirai que c'est habituel.
— Je t'ai entendu ! cria Felix.
La jeune femme roula des yeux et se décala légèrement pour laisser une petite place à Jeongin dans le champ. Il salua Jisung avant de froncer les sourcils. Tout le monde avait l'air de le suspecter de quelque chose, et à juste titre.
— T'as couché avec lui ? lâcha-t-il de but en blanc.
Il manqua de s'étouffer avec sa salive et ses yeux s'écarquillèrent.
— Qu'est-ce que…
— C'est ce que les gars rabâchent depuis ce matin parce que t'es pas venu, soupira Ryujin. Je te jure, ils sont pénibles.
Jisung ne répondit pas, parce qu'il ne pouvait pas admettre qu'ils avaient raison, mais il ne pouvait pas non plus prétendre qu'ils avaient tort.
— Attends… dit-elle. C'est vrai ?
Il ne bougeait pas. Il ne répondit pas.
— Je le savais ! s'exclama Felix en apparaissant de nouveau à l'écran. Toi et Minho, cette nuit…
Il haussa plusieurs fois les sourcils sans lâcher son immense sourire. Mais Jisung n'en menait pas large, car il savait que les questions seraient nombreuses, et indiscrètes. Cependant, il avait tout de même envie de partager ça avec eux, car dans le fond, il était heureux que la situation fut ce qu'elle était. Et il avait aussi besoin de conseils concernant la suite de sa relation avec Minho.
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