• chapitre 21
La tension était à son comble. Jisung venait de pénétrer dans l'immeuble et chaque pas faisait battre son cœur un peu plus vite. Quand il grimpa dans l'ascenseur, il eut une bouffée de chaleur. Il se rapprochait de ces quatre jours seul avec Minho. Dayoung était partie, plus rien ne pouvait les retenir de se sauter dessus. Et ça, ça le rendait on ne peut plus fébrile. L'appréhension mêlée à l'excitation lui provoquait des montées d'adrénaline dès qu'il pensait à Minho. Dès qu'il imaginait comment la situation pouvait déraper entre eux.
Une fois que les portes de l'ascenseur s'ouvrirent, il ravala sa salive et pénétra dans le couloir de l'appartement. Il s'arrêta. Un silence de plomb y régnait. Il fronça les sourcils, tendit l'oreille et tourna la tête à gauche puis à droite. Est-ce que Minho était rentré ? Il saisit son portable pour consulter l'heure ; il était près de dix-neuf heures. Il n'avait reçu aucun message de sa part, que ce soit pour lui annoncer qu'il était déjà là ou qu'il reviendrait plus tard.
Il se déchaussa, posa son sac à dos pour défaire sa veste et la ranger dans une des penderies, puis avança vers la cuisine pour se servir un grand verre d'eau.
Il n'y avait vraiment personne. Tout était paisible.
Il revint dans le couloir et, au passage, il récupéra son sac pour se diriger dans sa chambre. Puisqu'il n'avait pas faim et qu'il n'avait aucune envie de travailler, il attrapa sa guitare qui traînait dans un coin de la pièce depuis trop longtemps. Elle avait pris la poussière. Après s'être installé sur le lit, il passa quelques minutes à accorder l'instrument avec soin avant de faire quelques accords. Parfait. Le son lui plaisait, son oreille musicale était amplement satisfaite.
Il s'éclaircit la gorge et commença à jouer une simple mélodie qu'il maîtrisait. Certes, la guitare était une passion qui lui permettait de se détendre, mais il cherchait toujours à faire de son mieux. Les erreurs le faisaient grincer des dents et surtout très vite abandonner. Il ne comprenait pas pour quelle raison il se mettait autant de pression, il ne jouait pas sa vie sur ces morceaux. Il n'avait personne à impressionner ou à contenter si ce n'était lui-même. Mais son petit côté perfectionniste se manifestait dès qu'il avait l'instrument en main.
Habilement, il tira les cordes avec précision, du bout des doigts. Il variait les techniques, c'était ce qui lui plaisait dans la pratique. Jisung était un touche à tout, il aimait essayer, tester, se perdre sur d'autres chemins. Et quand il fut assez échauffé, il fredonna les paroles de cette chanson qu'il avait tant de fois chanté lorsqu'il s'entraînait à la guitare, seul dans son studio. Cette époque lui semblait bien loin, comme révolue. Il se demandait s'il allait pouvoir un jour rentrer chez lui. La cohabitation avec Dayoung et Minho se passait plutôt bien, mais c'était beaucoup de tension à supporter. C'était lourd parfois. Épuisant. Même s'il appréciait son beau-frère pour des raisons évidentes, il devait admettre que la quiétude de son quotidien lui manquait. Avant, il n'y avait que les cours, ses amis, ses révisions. Rien d'autre. Maintenant, il y avait cet homme, cet interdit, et ce désir immense qu'il ressentait pour lui.
Il ferma les yeux, se laissa emporter par la musique. Il était dans son monde, dans sa bulle. Ainsi, il avait l'impression de ne plus être dans ce grand appartement, dans une chambre qui n'était pas la sienne. Une douce chaleur l'enveloppa, plus rien n'existait autour de lui. Au moins, ce petit instant lui permettait de s'évader, de se reconnecter à lui-même et d'oublier un tant soit peu tout ce qui le chamboulait depuis des jours.
— Pas mal du tout.
Un sursaut et il rouvrit les yeux, ses doigts glissèrent sur les cordes pour mettre fin à sa prestation sur une fausse note horrible. Le cœur battant à tout rompre, Jisung observa Minho qui se tenait dans l'encadrement de la porte. Appuyé contre le bâti, un sourcil haussé et un mince sourire aux lèvres. Il ne l'avait même pas entendu rentrer. Ou était-il déjà là à son retour ? Il n'en savait rien, mais il venait de le voir et de l'entendre, et ce fut suffisant pour lui faire monter le rouge aux joues.
— Tu joues depuis quand ?
Jisung reposa sa guitare sur le lit et se redressa. Il avait du mal à contenir sa respiration et à s'empêcher d'analyser la silhouette ô combien agréable de son beau-frère. Il avait dénoué sa cravate sans pour autant la retirer, et il manquait deux boutons à sa chemise qu'il avait sortie de son pantalon. Il avait l'air un peu débraillé mais n'en était pas moins séduisant pour autant.
— Quelques années.
Minho acquiesça, mais son visage ne démontrait plus aucune émotion. Il n'avait pas l'air plus impressionné que ça, même s'il avait trouvé sa prestation « pas mal du tout ».
— Tu as une belle voix.
— Merci.
Où voulait-il en venir ? Qu'essayait-il de faire ? Il ne bougeait pas, il restait là à le regarder avec une attention toute particulière. C'était comme s'il attendait un mot, un geste, n'importe quoi. Mais Jisung n'était pas assez franc pour faire le premier pas. Minho l'intimidait. Il l'impressionnait même. Tout ce charisme, toute cette tension sexuelle qui émanait de lui… C'était étouffant, et ça le clouait sur place.
— Tu es rentré depuis longtemps ?
— Un moment, avoua Jisung. Et vous ? Ça fait longtemps que vous… me regardiez ?
Il secoua légèrement la tête, un petit rictus était venu se glisser sur ses lèvres.
— Je viens à peine de revenir. Je t'ai entendu chanter, ça m'a intrigué. Mais bref, j'ai invité des amis pour la soirée, j'espère que ça ne te dérange pas.
Le déranger ? Il n'était pas chez lui, il n'avait rien à dire. Mais il ne put s'empêcher de repenser à la requête de Dayoung, cette dernière voulait savoir s'il ramenait des gens chez eux. Il n'avait pas perdu de temps. À peine sa femme envolée pour le Japon qu'il rameutait tout le monde.
— Non ? Vous faites ce que vous voulez, c'est votre appartement.
La langue de Minho passa lentement sur ses lèvres.
— Hm. Ils ne vont pas tarder à arriver. Nous allons commander le dîner, tu n'auras qu'à me dire ce qui te fait envie. Tu peux bien entendu te joindre à nous. Il y aura Chan, tu sais, mon expert-comptable.
Il ne pouvait pas oublier un homme comme Chan, surtout pas cette façon qu'il avait eue de le reluquer avec attention.
— Je ne voudrais pas vous déranger avec vos amis. Et puis je n'ai pas très faim.
— Comme tu voudras. S'il y a quoi que ce soit, tu sais où me trouver.
— Pas de souci, merci.
Minho lui jeta un dernier regard avant de tourner les talons et de fermer la porte derrière lui. De nouveau seul, Jisung posa une main au niveau de son cœur. Il tambourinait si fort dans sa cage thoracique qu'il eut l'impression qu'il pouvait lui déchirer la poitrine. Chaque échange avec Minho le rendait un peu plus faible. Il avait le don de faire naître en lui un feu ardent qui ne demandait qu'à le consumer tout entier.
Il ignorait si la venue des amis de Minho était une bonne ou une mauvaise chose. Encore une fois, il était tiraillé. D'un côté, cela les empêcherait sans doute de se jeter l'un sur l'autre. Mais d'un autre, Jisung se retrouvait privé d'un moment en tête à tête avec cet homme qu'il désirait de toute son âme. Et de tout son corps. Un frisson le secoua violemment lorsque des images très loin d'être sages lui traversèrent l'esprit. Minho et lui, transpirants, s'embrassant à en perdre haleine tandis que leurs mains couraient à la découverte de leurs corps. Son estomac se tordit, son bas-ventre réagit lui aussi. Mais ce n'était pas le moment pour fantasmer.
Il chassa ces pensées et décida de se plonger dans ses cours. Ça lui ferait passer l'envie de rêvasser. Il installa ses affaires sur le lit et s'allongea sur le ventre pour lire les derniers cours qu'il avait notés cette semaine. Mais il lisait sans réussir à comprendre ce qu'il avait écrit. Il avait beau essayer, à chaque fois ses pensées étaient parasitées par Minho. Si seulement il avait pu passer cette soirée rien qu'avec lui… Il avait fallu qu'il invite des amis ! Pourtant, leur attirance était maintenant indéniable et Dayoung n'était plus là pour les empêcher de faire quoi que ce soit. Alors pourquoi faisait-il semblant ? Pourquoi repoussait-il l'échéance ?
Une semaine auparavant, Jisung savait pertinemment qu'il n'avait pas rêvé. Minho lui avait caressé le pied avec insistance, puis il avait eu des paroles qui ne pouvaient que signifier qu'il éprouvait quelque chose pour lui. Alors que cherchait-il à faire ?
Jisung laissa retomber sa tête sur le matelas quand il entendit des voix provenant du couloir. Il se redressa et se précipita à sa porte pour tenter de mieux entendre. Une femme était là. Non, deux. Et deux autres hommes aussi, dont Chan. Minho n'avait pas fait les choses à moitié. Dans le fond, il se mit à bouillir. Ils allaient passer cette soirée ensemble, à s'amuser, pendant que lui resterait cloîtré dans sa chambre comme un chien qu'on enfermait pour qu'il ne dérange pas les gens. Mais Minho lui avait proposé de se joindre à eux, et il avait refusé. Il n'allait tout de même pas débarquer comme ça dans la pièce à vivre et s'installer à leurs côtés sans rien dire. Maintenant, il allait assumer et rester là, seul, dans sa chambre.
Les minutes passèrent mais la soirée semblait interminable. Même si Jisung discutait un peu avec ses amis par messages, il trouva le temps horriblement long. En plus, les rires dans le salon arrivaient jusqu'à ses oreilles, le laissant imaginer que la soirée devait être joviale et agréable. Et Minho était là-bas, à s'amuser, sans doute à boire et à plaisanter avec ses amis.
Bien que son estomac ne lui réclame aucune nourriture, Jisung sentait la soif le tirailler depuis un moment. Il n'avait rien prévu pour se désaltérer et là, il rêvait purement et simplement d'une canette de soda bien frais et sucré. Ses lèvres étaient sèches et même s'il s'obstinait à passer la langue dessus, il avait la sensation qu'elles craquelaient de plus en plus.
Il devait boire. Et pour cela, il devait rejoindre la cuisine. Impossible de le faire en toute discrétion. Si Minho et ses amis se trouvaient dans le salon, ils le verraient forcément. Il n'aimait pas trop arriver une fois tout le monde installé, il n'aimait pas voir les gens interrompre leur discussion pour porter leur attention sur lui. Mais il avait bien trop soif pour rester encore enfermé dans cette chambre devenue d'un seul coup oppressante au possible. Une fois dans le couloir, l'idée d'aller boire l'eau au robinet de la salle de bain lui traversa l'esprit. Ce n'était pas ce qu'il désirait. Il voulait autre chose, et ça n'allait pas tomber du ciel. C'était à lui et à lui seul d'agir, d'aller chercher ce qu'il voulait. Le parallèle avec son désir pour Minho le fit pouffer de rire.
Et si c'était à lui de faire le premier pas vers cet homme ? S'il le voulait tant, il n'avait qu'à le revendiquer.
Jisung secoua la tête et prit une grande inspiration. Il fallait y aller. D'un pas qu'il voulût décidé, il se mit à traverser le couloir. Au fur et à mesure qu'il s'approchait de la pièce de vie, son aplomb se faisait la malle. Il entendait les voix résonner de plus en plus, mais aussi les rires. Et quand son prénom lui parvint aux oreilles, il se figea. Étaient-ils vraiment en train de parler de lui ? Sa curiosité mal placée lui disait d'écouter.
— Quand je l'ai vu dans ton bureau, j'ai tout de suite compris.
C'était Chan qui venait de prononcer ces mots, et Minho lâcha un rire.
— Compris quoi ?
— Que tu voulais le sauter !
Nouvelle esclaffée générale. Seul Jisung, immobile dans le couloir, ne riait pas. Et pour cause, il savait pertinemment qu'il était le sujet de cette conversation visiblement très animée.
— N'essaie même pas de prétendre le contraire ! D'ailleurs je croyais que c'était déjà fait quand je l'ai rencontré, c'est pour ça que je t'ai demandé si c'était ton nouveau plan cul.
Une chaleur intense lui monta aux joues et lui embrasa les reins. Il n'entendit pas Minho nier ses dires, tout était on ne peut plus clair. Il décida d'attendre encore un peu afin que la conversation bifurque sur un autre sujet. C'était une bien mauvaise idée de débarquer alors qu'ils étaient en train de parler de lui sans aucune gêne. Une fois assuré qu'il n'était plus au cœur de la conversation, Jisung reprit son chemin et, timidement, il pénétra dans la pièce. Aussitôt, Minho se redressa sur le canapé pour lui jeter un coup d'œil. Ses amis suivirent. Ils étaient quatre, deux hommes et deux femmes. Bang Chan était bien là, et un sourire étira ses lèvres.
— Bonsoir, lança-t-il d'une petite voix tout en s'inclinant.
Les invités lui répondirent en chœur et Minho se leva pour le rejoindre. Ses yeux vitreux lui laissaient penser qu'il avait pas mal bu, tout comme sa démarche légèrement chancelante.
— Un souci ?
Jisung déglutit, le souffle bien alcoolisé de Minho lui frappa le visage. Il battit des cils et secoua la tête.
— J'avais juste soif.
— Tu veux venir boire avec nous ?
Il regarda en direction des convives dans le salon, ces derniers ne semblaient plus intéressés par sa présence et cela le rassura un peu. Il n'avait pas envie d'être le centre d'attention, il préférait qu'ils l'ignorent.
— Non merci, je vais juste prendre un verre d'eau et aller me coucher.
Sous le regard pesant de Minho, il contourna l'îlot central pour ouvrir le réfrigérateur et prendre la carafe. Tant pis pour le soda dont il rêvait. Pendant ce temps, son beau-frère s'était chargé de sortir un verre qu'il avait posé sur le plan de travail.
— Je devrais peut-être boire un peu d'eau aussi, rit-il.
Jisung lui décocha un petit sourire, puis il se servit pour ensuite ranger la carafe à sa place. Minho l'observait encore avec un air hébété. Il était bien différent de tout ce qu'il avait pu voir jusque là. Avec un coup dans le nez, il semblait moins impressionnant — même si son charme était toujours présent.
— Je vais y aller.
— Hm, si t'as besoin de quoi que ce soit… je bouge pas de ce canapé jusqu'à au moins demain matin…
Il rit à nouveau, l'odeur de l'alcool fut encore plus forte et Jisung esquissa une petite grimace.
Il quitta la cuisine, laissant Minho avec ses amis. Il retourna dans sa chambre, essayant de chasser les pensées qui tournoyaient dans son esprit. La conversation qu'il avait entendue le laissait perplexe, partagé entre l'embarras et une étrange excitation.
Allongé sur son lit, il se demanda ce que Minho pouvait réellement ressentir à son égard. Était-ce simplement un désir passager ou quelque chose de plus profond ? La situation devenait de plus en plus complexe, et Jisung sentait que chaque interaction avec Minho rendait leur relation plus ambiguë. Il décida de se concentrer sur ses cours pour échapper à ces pensées tumultueuses. Mais son esprit était ailleurs, pris dans les méandres de ses émotions. Et puis, les paroles de Chan résonnaient dans sa tête, confirmant ce qu'il savait déjà.
Minho le désirait.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro