• chapitre 2
La cérémonie avait été en demi-teinte. Enfin, ce n'était que l'avis de Jisung. Sa soeur avait fait son entrée seule, comme s'il était important qu'elle soit disponible pour les photos et qu'elle puisse être totalement admirée de tous. Une fois arrivée devant l'autel, face à son futur époux, elle s'était inclinée et il en avait fait autant. Puis s'en étaient suivis un petit discours et l'échange de vœux. Dayoung était souriante, resplendissante, tandis que Minho n'avait pas une seule seconde lâché son expression fermée. Il n'avait décroché qu'un mince rictus lorsqu'il avait vu sa future épouse devant lui. C'était comme s'il n'avait pas envie d'être là, et Jisung avait trouvé cela plutôt inquiétant. Il craignait que ses doutes se confirment mais le problème était que Dayoung semblait véritablement l'aimer. Il était un peu confus et chamboulé par cette cérémonie, mais il ne pouvait pas faire part de ses doutes à ses parents. Qui était-il pour juger ? Il n'avait que vingt ans et son expérience en matière de relation se résumait à un seul et unique petit ami au lycée. Et ça n'avait duré que deux mois. Autant dire que sa vie sentimentale était inexistante et qu'il ne s'y connaissait pas vraiment. De toute façon, il était convaincu qu'il finirait par découvrir la véritable raison qui les avait poussés à se marier.
S'ils s'aimaient, c'était tant mieux pour eux. Dayoung avait de la chance d'être avec un homme aussi beau, même si le physique ne faisait pas tout.
Dans la voiture qui les menait à la salle de réception, Jisung soupira. Il posa le coude sur le rebord de la fenêtre et logea le menton dans le creux de sa main. Minho était magnifique, tout à fait le type d'homme qui le faisait craquer. Il avait le profil d'un acteur, ou tout du moins d'une célébrité, mais il avait beau chercher, il ne l'avait jamais vu. Il n'aurait jamais oublié un visage comme le sien. Il avait passé un temps fou à le contempler, il n'avait même pas prêté attention au discours du prêtre tant la beauté du marié l'avait subjugué. Malgré son air froid et impassible, il dégageait quelque chose de terriblement séduisant. Il était mystérieux et ne donnait qu'une envie : découvrir ce qu'il cachait derrière cette armure robuste. Jisung ferma les yeux pour chasser ces pensées déplacées. Ce n'était pas le moment de fantasmer sur l'homme que sa demi-sœur venait d'épouser. Et pourtant, une agréable sensation se manifesta dans son ventre, chaude et enivrante.
— C'était une cérémonie tellement belle !
Il revint à lui, sorti de ses rêveries par la voix de sa mère.
— Qu'en as-tu pensé ?
— Moi ? demanda-t-il, surpris.
— Oui, toi. C'était magnifique n'est-ce pas ?
Il hocha la tête et esquissa un petit sourire gêné.
— Oui, c'était… magnifique.
Il tenta de calmer la boule ardente qui lui embrasait les entrailles. Magnifique, c'était avant tout ce qu'il avait retenu de Minho. Il n'arrivait pas à l'effacer de son esprit et de toute façon, il ne pourrait pas le faire avant que la fête soit terminée.
— Et que penses-tu du mari de Dayoung ?
Il manqua de s'étouffer à cette question, il tapota son torse pour se reprendre. Que pouvait-il dire ? Qu'il le trouvait canon ? C'était peut-être un peu trop. Mais il fallait qu'il dise quelque chose, n'importe quoi, et vite.
— Il a l'air bien, lança-t-il d'un ton incertain.
Il secoua la tête, se maudissant intérieurement.
— Hm, tu n'as pas l'air emballé, intervint son père.
— Si ! Si, c'est juste que… non, il a l'air gentil.
— Et puis il est beau.
Sa mère avait eu le courage de dire tout haut ce que lui pensait tout bas. Et encore, ce n'était pas tout à fait ce qu'il pensait, mais il n'allait pas entrer dans un débat de ce genre au risque que ses parents se posent de sérieuses questions à son sujet. Ils ignoraient qu'il était homosexuel, et il valait mieux qu'ils ignorent aussi le fait qu'il était totalement tombé sous le charme de Minho. Ce n'était pas un coup de foudre — il n'y croyait pas de toute façon — c'était juste une attirance physique. Une puissante et irrépressible attirance physique.
— Tu sais, reprit son père, il va offrir une belle vie à Dayoung.
— Mais elle a déjà une belle vie, non ?
— Oui, je sais bien, mais il fera un mari exemplaire. C'est un travailleur, il vient d'une famille assez connue et les bilans de son entreprise sont toujours plus excellents que l'année précédente.
Jisung se figea. Si son père commençait à mettre le boulot sur le tapis, cela ne présageait rien de bon. C'était suffisant pour lui prouver que cette union n'était pas anodine, qu'elle dissimulait quelque chose d'autre, que Dayoung et Minho n'avaient pas été réunis par amour mais plutôt par intérêt.
— Et il travaille dans quoi ?
— Dans l'automobile de luxe. Il vend et loue des véhicules de collection ou de sport.
Jisung n'émit qu'un son de gorge. Il était vraiment sceptique, mais il comprenait mieux pourquoi Minho s'était montré si froid durant la cérémonie. Il s'agissait d'un mariage fondé sur l'argent et la réussite, pas sur des sentiments. Même s'il était triste pour Dayoung et qu'il aurait aimé qu'elle trouve quelqu'un qui l'épouse pour elle et pas pour l'entreprise de son père, il ne put s'empêcher de ressentir un certain soulagement. Cela lui enlevait un peu de culpabilité quant au fait qu'il trouvait Minho tout particulièrement à son goût.
— Et Dayoung l'aime ? demanda-t-il.
Son père se redressa sur son siège et lui lança un regard à travers le rétroviseur intérieur.
— Pourquoi cette question ?
Son ton presque acerbe le fit se renfrogner sur lui-même. Il avait sans doute touché un point sensible.
— Parce que je… je sais pas, t'as parlé de son entreprise alors j'ai pensé que… Laisse tomber.
L'homme fronça les sourcils et Madame Han lui lança un regard un peu gêné. Jisung savait désormais qu'il avait visé juste et qu'il ne se faisait pas seulement des idées. Ce mariage n'était qu'un leurre. Il ne s'agissait pas de l'union de deux individus, mais de celle de deux familles, de deux entreprises au chiffre d'affaires florissant. C'était une nouvelle sorte de collaboration, rien de plus.
— Dayoung est très amoureuse de lui, dit sa mère.
— Hm, d'accord.
Il avait envie de poser davantage de questions, mais il était préférable de se taire. Non seulement ce n'était pas le moment pour cela et puis ça ne le regardait pas. Lui, il finirait par reprendre sa vie loin des affaires familiales, dans son petit studio, avec les cours et ses amis. Il était un peu malheureux pour sa demi-sœur, mais que pouvait-il y faire ? Si elle avait accepté en toute connaissance de cause, il n'avait pas son mot à dire. Après tout, il n'était pas le mieux placé pour lui faire une quelconque remarque, et il était trop tard, elle avait déjà la bague au doigt. Dayoung était une femme intelligente, elle savait forcément ce qu'elle faisait.
Ils arrivèrent à la salle de réception, la voiture des mariés se gara juste devant et Minho en sortit en premier. Il tendit une main vers sa femme, elle le suivit à son tour à l'extérieur et elle salua les invités qui les attendaient. Jisung observait la scène d'un regard curieux, il analysait chaque geste, chaque expression de leur visage, chaque contact. Minho lui tenait la main alors qu'ils avançaient pour entrer dans la salle, mais il semblait toujours aussi impassible. C'était un évènement heureux normalement, un jour où il aurait dû sourire, mais il restait fermé. Jisung ne voulait pas émettre de jugement hâtif, mais c'était tout de même bien étrange comme manière de se comporter à son propre mariage.
Finalement tout le monde pénétra dans le bâtiment, le hall d'entrée était impressionnant et décoré de grands drapés crème ainsi que de nombreuses compositions florales. Jisung ne savait plus où donner de la tête. Il observa les alentours avec attention, les invités allaient et venaient pour déposer des cadeaux sur la table prévue à cet effet ou des enveloppes contenant de l'argent dans la boîte. Il pouffa de rire, comme si Dayoung et son époux avaient besoin de ça… Il se retrouva vite englouti par la foule qui se hâtait d'un côté à un autre de la salle, submergé par les voix bien trop fortes qui résonnaient dans ses oreilles. Il avait la tête qui tournait et il eut l'impression de n'être qu'un enfant qui venait de perdre ses parents dans un magasin. Sa respiration s'accéléra et il jeta un coup d'œil à gauche, puis à droite. Il ignorait combien de personnes avaient été conviées au repas, mais il avait l'impression que toute la ville s'était donné rendez-vous.
— Jisung, tu viens ?
Il sursauta à la main posée sur son épaule mais fut aussitôt rassuré par la présence de sa mère. Il avait frôlé la catastrophe, il savait qu'il pouvait vite perdre pied dans un endroit aussi bruyant et bondé.
— On va prendre une photo avec les mariés, c'est l'occasion d'avoir une belle photo de famille.
Il déglutit tout en hochant la tête et il suivit sa mère. Ils rejoignirent son père et se placèrent dans la file d'attente, elle menait à une pièce adjacente avec un sofa en cuir sur lequel Dayoung et Minho étaient installés. Les invités défilèrent pour poser avec eux, un photographe de renom avait été engagé pour l'occasion afin d'offrir à tout le monde de merveilleux clichés pour qu'ils n'oublient pas cette journée. Jisung restait figé sur le marié, la gorge nouée et la boule au ventre. Il avait pris le temps de le détailler, de s'attarder sur chaque parcelle de son visage. Ses yeux noirs et intenses, son nez droit, sa bouche étroite dont la lèvre supérieure était plus épaisse que l'autre. Ses cheveux bruns tombaient sur son front et dissimulaient des sourcils légèrement arqués, ils lui donnaient d'ailleurs un air sévère.
Le photographe les fit avancer dans la file, et bientôt ce fut à leur tour de poser pour la photo. Jisung se sentit un peu nerveux en s'approchant des mariés. Il ne pouvait pas s'empêcher de remarquer à quel point Minho était charismatique, même s'il gardait toujours cette expression stoïque. Dayoung, quant à elle, était radieuse, son sourire éclatant illuminait la pièce. Ils se mirent en place pour la photo, derrière le canapé, Jisung au milieu de ses parents. Il baissa brièvement la tête pour observer les mains entrelacées des époux.
— Souriez ! lança le photographe.
Jisung se redressa aussitôt et tenta de sourire de manière naturelle, mais il était toujours perturbé par Minho. Une fois la photo prise, ils se séparèrent des mariés pour laisser la place aux autres convives, puis ils rejoignirent la salle où de grandes tables rondes avaient été installées.
Une fois que tout le monde fut réuni, que les mariés eurent fait leur entrée, un repas gastronomique fut servi, agrémenté de musique d'ambiance et de quelques discours. Jisung avait repéré les parents de Minho, ils avaient un certain âge, parlaient de façon très soignée et avaient pas mal de manières. Il n'aimait pas ça, il avait vraiment l'impression que tout sonnait faux. Que ce mariage sonnait faux. Mais que pouvait-il dire ? Il n'était que le petit frère de Dayoung, il n'avait que vingt ans et s'il osait émettre un avis sur cette union, il savait parfaitement que ses parents lui diraient qu'il n'était pas assez expérimenté dans la vie pour comprendre. Mais il sentait que quelque chose n'allait pas, et l'attitude de Minho lui prouvait qu'il n'avait pas tort. Il ne demandait pas à ce que le marié saute de joie et déborde d'enthousiasme, mais il s'agissait d'un jour important, il aurait au moins pu se montrer souriant. Mais s'il n'avait pas eu son mot à dire, comment pouvait-il faire semblant ?
Jisung soupira et se leva dans l'espoir de se rendre aux toilettes mais, alors qu'il traversait l'immense salle de réception, son regard croisa celui de sa demi-sœur. Son visage s'illumina aussitôt et elle tendit une main vers lui. Elle fit quelques pas pour lui saisir le poignet et l'emmener avec elle. Jisung se crispa tout entier quand il atterrit devant Minho, il n'avait pas pu correctement s'y préparer et il craignait de perdre ses moyens. Le regard de cet homme était tellement puissant qu'il eut l'impression qu'il pouvait connaitre tous ses secrets.
— Comme je n'ai pas encore eu l'occasion de vous présenter officiellement… commença Dayoung.
Jisung s'inclina en battant des cils, son cœur incapable de se calmer.
— Voici mon demi-frère, Jisung.
Il se redressa et Minho lui fit un petit mouvement de tête tout en restant étrangement silencieux. S'il ne l'avait pas entendu prononcer ses vœux à l'église, Jisung aurait pu imaginer qu'il était muet.
— Enchanté, finit-il par lâcher.
Jisung esquissa un sourire timide. À l'intérieur, il était en train de se liquéfier. Mais il avait conscience qu'il ne pouvait pas simplement rester là sans rien faire, sans rien dire. La situation était déjà assez gênante.
— De même.
— Je vous laisse faire connaissance, annonça Dayoung, je vais faire le tour des invités.
Elle se pencha pour déposer un baiser sur la joue de son époux, ce dernier ne réagit même pas, puis elle s'en alla. Jisung resta figé sur Minho, il ne savait pas si l'absence de sa demi-sœur était une bonne chose ou non. Le fait qu'il trouve le marié particulièrement à son goût le mettait mal à l'aise, peut-être encore plus en présence de Dayoung finalement. Il avait l'impression de la trahir, de convoiter ce qu'elle avait. D'être jaloux. Mais non, il ne la jalousait même pas. Il ne l'avait jamais enviée pour tout ce qu'elle avait réussi à obtenir dans sa vie. Elle avait travaillé dur pour tout ça et il était plutôt heureux pour elle. Mais il devait bien avouer que la voir au bras d'un si bel homme le rendait amer.
— Hm, Dayoung m'a beaucoup parlé de toi.
Le cœur de Jisung loupa un battement. Sa voix était tellement agréable à entendre, bien que son ton un peu froid.
— Ah… ah oui ?
Minho acquiesça d'un mouvement de tête.
— Comme ça tu es étudiant en audiovisuel ?
— Oui, c'est ça.
— Et ça te plaît ?
— Oui, beaucoup.
Jisung avait envie de se donner deux bonnes claques. Il ignorait comment rendre la discussion plus dynamique, il ne faisait que répondre à ses questions sans réussir à aller plus loin. Mais il était bien trop déstabilisé par les yeux perçants de Minho, par sa bouche qui remuait lentement lorsqu'il parlait, par son allure et sa prestance imposante. Il avait dix ans de plus que lui, un charisme indéniable, ils ne jouaient clairement pas dans la même cour. Il resta cependant incapable de se détourner de lui, incapable de ne pas le regarder droit dans les yeux et de ne pas se laisser happer par son aura. Il était subjugué par cet homme qu'il ne pourrait jamais atteindre, et il trouva ça à la fois extrêmement excitant et dérangeant. Il ne pourrait que fantasmer sur lui, mais il s'agissait désormais de son beau-frère et c'était moralement à la limite de l'indécence. Il essaya de relativiser, il finirait bien par oublier à quel point son être tout entier était secoué.
Ils continuèrent à discuter pendant quelques instants, échangeant des banalités sur les études de Jisung. Ce dernier essaya de masquer son trouble, mais il était difficile de ne pas se laisser emporter par la présence de Minho. Il avait peut-être l'air autoritaire, mais il était affreusement séduisant dans sa manière de parler et dans ses gestes. Il était assuré, il était imperturbable. Jisung ne pouvait pas lutter contre les sentiments qui se bousculaient dans son esprit et les sensations qui se soulevaient dans son corps.
— Je dois m'absenter un moment, dit Minho d'un ton calme. Ce fut un plaisir de te rencontrer, Jisung. J'espère que nous pourrons discuter davantage à l'avenir.
Il répondit avec un sourire gêné, et Minho s'en alla, le laissant seul entre les invités. Il se sentit à la fois soulagé et troublé, cette attirance était problématique, mais il ne pouvait pas s'empêcher d'y penser. Il avait peur qu'elle ne disparaisse pas aussi facilement qu'il l'avait espéré. Ce mariage avait éveillé en lui des émotions contradictoires, et il n'était pas sûr de savoir comment il allait les gérer à l'avenir.
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