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• chapitre 18

Jisung voulait rester enfermé dans sa chambre pour le restant de ses jours. Il se sentait honteux et mal à l'aise du fait que Dayoung l'avait surpris la veille, mais encore plus parce qu'elle en avait directement parlé à Minho. À bien y réfléchir, il trouvait son comportement très limite. Elle s'était confiée à lui au sujet de son mari et, dès qu'elle avait pu, elle avait balancé à ce dernier qu'il regardait des pornos gays. Pourquoi ? Il ne comprenait pas trop et se sentait trahi. D'accord, il admettait que ça avait pu la choquer de l'apprendre de cette manière — ou tout du moins d'en déduire qu'il était homosexuel — mais ce n'était pas une raison pour s'empresser de tout raconter. Il avait l'impression qu'elle jouait sur les deux tableaux et ça ne lui plaisait pas trop. Elle lui demandait de surveiller Minho sur lequel elle avait des doutes, mais ne se privait pas pour lui raconter des choses à son sujet quelques minutes plus tard.

Allongé dans son lit, Jisung soupira longuement. À son plus grand désarroi, il ne pouvait pas rester couché. Non seulement il avait cours, mais en plus il devait travailler ce soir. Ce serait sans doute encore plus gênant en sachant que Minho était au courant. Et s'il lui prenait l'envie d'en discuter, ce serait pire que tout. Il n'avait aucune envie d'entendre son beau-frère lui faire la morale sur les films pornos, surtout pas quand celui-ci lui plaisait de surcroît.

Il prit son courage à deux mains et se redressa pour aller saisir des vêtements. Traînant les pieds, il sortit de sa chambre, la boule au ventre et la gorge nouée. C'était vraiment la pire journée de sa vie, et elle n'avait même pas encore commencé. Il se lava vite, s'habilla et se coiffa du mieux que possible. S'il arrivait dans la cuisine et qu'il tombait nez à nez avec Dayoung et Minho, il ignorait s'il allait réussir à tenir debout. Conscient qu'il ne pouvait pas juste fuir ou disparaître en un claquement de doigts, il se résigna à quitter la salle de bain pour rejoindre la pièce de vie. Il déglutit quand il aperçut Minho, installé sur un tabouret de l'îlot central avec une tasse de café à la main. Il leva aussitôt les yeux vers lui et déclara un « Bonjour » d'une voix enrouée.

Jisung ne put empêcher un puissant frisson de le secouer tout entier. Pourquoi cet homme lui faisait autant d'effet ? Un seul regard, un seul mot, et voilà qu'il ne répondait plus de rien. Il le salua en retour et s'apprêta à se faire un café lorsque Minho le devança.

— Bien serré ?

Jisung cligna des yeux durant quelques secondes.

— Comment ?

— Je parle du café.

— Oh, euh, oui. Bien serré.

Minho pouffa de rire et appuya sur le bouton de la machine. Était-ce une allusion de plus ? Jisung n'en était pas sûr, et il ne voulait pas penser à cette éventualité. Quoique, c'était trop tard. Il secoua la tête et s'installa sur un tabouret, Minho déposa sa tasse devant lui.

— Tu veux manger quelque chose ? lui proposa-t-il dans la foulée.

— Non, je… je n'ai pas trop d'appétit.

Un silence prit place et l'homme s'assit de nouveau à ses côtés, les yeux rivés sur son téléphone. Après de longues et interminables minutes, Minho se redressa.

— Dayoung a insisté pour que je te parle d'un truc.

— Je sais, l'interrompit Jisung. Et c'est déjà assez embarrassant comme ça.

Minho se tourna vers lui, et il sentit son regard peser, son aura l'écraser. Il n'avait aucune envie d'avoir cette discussion avec lui, c'était gênant et ce n'était pas du tout le rôle de son beau-frère. D'ailleurs, ce n'était le rôle de personne. Il était adulte, et s'il voulait regarder du contenu pornographique, c'était son problème.

— Je trouve ça plutôt normal à vrai dire.

Cette fois, Jisung releva la tête. Il entrouvrit la bouche mais fut incapable de prononcer un mot. Normal ? C'était tout ce qu'il trouvait à dire après avoir appris qu'il s'était fait capter devant un film gay ? Il but une gorgée de son café en tentant de rassembler ses esprits.

— Même… des trucs homos ?

Minho haussa un sourcil. Puis il acquiesça.

— Tu es attiré par les hommes, non ? Alors oui, c'est plutôt normal.

La surprise de Jisung fut telle qu'il resta encore un moment sans rien dire. Minho était vraiment détachée de la situation, il en discutait comme s'il s'agissait de quelque chose de totalement banal.

— Je voulais pas qu'elle le découvre comme ça, marmonna-t-il.

Minho se leva.

— Au moins c'est réglé, t'as plus à te poser de questions.

— Quand même, c'était gênant… Qu'est-ce que vous allez lui dire ?

L'homme le fixa intensément, la tête légèrement penchée sur le côté.

— Rien, t'es assez grand pour regarder des films de cul.

— Oui, mais…

— Sérieusement, t'as quel âge, vingt ans ? Ça me paraît tout à fait logique. Bref, tu vas en cours en métro ou tu me laisseras t'y conduire ?

Jisung se mordit la lèvre. Il savait que ce n'était pas très raisonnable, mais il ne pouvait pas lutter. Il voulait passer davantage de temps avec Minho, il n'en avait jamais assez, et ce malgré la gêne qu'il ressentait actuellement.

***

— Alors, t'en tires une tête !

La main de Jeongin s'abattit dans le dos de Jisung alors qu'ils étaient installés à la cafétéria. Il avait à peine touché son repas et ne cessait d'inspirer et expirer longuement. Felix, d'un air suspicieux, se baissa pour capter le regard de leur ami et Ryujin le reprit d'un petit coup de coude. Il était on ne peut plus clair que Jisung était contrarié et cela ne passait pas inaperçu.

— Laisse-le, marmonna la jeune femme.

— Hé, on a le droit de s'inquiéter, non ? Toi ça te dérange de le voir aussi silencieux ?

— Je suis là, hein… souffla Jisung.

Il releva la tête et scruta ses amis. Ils étaient pleins de bonnes intentions, mais il pouvaient parfois se montrer maladroits. Il avait l'impression que seule Ryujin était en mesure de le comprendre et de le soutenir sans le mettre mal à l'aise. Felix avait essayé d'en savoir plus mais il ne s'était pas montré très discret. Jeongin, quant à lui, pouvait être très tranchant alors il ignorait si lui en parler était une bonne idée. Certes, il leur faisait confiance, aveuglément, mais cette situation avec Minho avait le don de le rendre nerveux et il n'avait pas non plus envie d'inquiéter tout le monde avec ses histoires. C'était sans doute déjà le cas, alors pourquoi en rajouter ?

— Non mais Ji, tu sais bien qu'on est là pour toi si y'a un problème, d'accord ?

Il hocha la tête et se laissa tomber contre le dossier de sa chaise.

— Je sais, je sais…

— Ça fait des jours que tu parles pas trop de ce qui se passe dans ta vie, et nous on se pose des questions, lança Jeongin.

Il jeta un bref coup d'œil en direction de Ryujin qui, elle, savait. Et il trouva cela quand même injuste de cacher la vérité aux autres. Puis il avait aussi d'autres informations à apporter depuis hier. Il avait découvert que Minho aimait les hommes — enfin, de ce qu'il en avait déduit —, et ce n'était pas vraiment une information sans importance. Bien au contraire.

Il analysa les alentours pour s'assurer qu'aucune oreille indiscrète ne se trouvait à proximité.

— J'ai honte, vous pouvez pas imaginer à quel point.

— Honte ? répéta Felix.

— Vous allez vous moquer de moi, c'est sûr.

Ryujin posa une main sur la sienne.

— Mais non, t'en fais pas.

Il déglutit et accepta de tout leur expliquer puisqu'ils avaient du temps avant de reprendre les cours. Il parla de son travail avec Minho, de cette tension étrange, de la conversation qu'il avait eue avec Dayoung mais aussi de cet instant horrible quand elle l'avait surpris la veille. Là, ses amis ne purent s'empêcher d'afficher de légers rictus et même s'ils se retenaient pour ne pas exploser de rire, Jisung voyait bien que cette anecdote ô combien gênante pour lui les amusait.

— Ça fait beaucoup de choses à assimiler, admit Felix.

Lui-même semblait sonné par tout ça.

— Du coup si je résume, lança Jeongin, tu as appris que ton cher beau-frère aimait les hommes en même temps que lui a découvert que tu aimais les hommes.

— Hm, c'est… c'est ça.

— C'est déjà une bonne chose.

— Pourquoi ? Je sais pas si j'ai de quoi me réjouir franchement, c'est... c'est super embarrassant.

Felix haussa un sourcil avant de jeter un regard en direction des deux autres. De concert, ils hochèrent tous la tête.

— Clairement, Minho l'aime pas ta demi-sœur, alors pourquoi t'as des scrupules ?

— Parce que c'est pas sympa pour elle.

Jeongin pouffa de rire.

— Elle a pas perdu de temps pour balancer à son mari que tu matais des bons gros pornos gays, tu crois que ça c'était sympa pour toi ?

Il marquait un point. Un sacré point. C'était d'ailleurs ce que Jisung avait pensé la veille, il trouvait le comportement de Dayoung déplacé vis-à-vis de lui, et il était prêt à passer l'éponge. Cependant, le fait que ses amis le lui remettent en pleine figure attisait un peu plus son ressentiment.

— Et puis franchement, si t'as une occasion avec lui… tu sais quand elle sera en voyage…

Il piqua un fard. Rien que d'imaginer Minho l'embrasser, il avait le ventre sens dessus dessous. Dayoung allait bientôt partir au Japon, il se retrouverait seul avec Minho et il avait peur. Peur de ne plus rien contrôler. Peur que quelque chose se passe. Peur que rien ne se passe. Il ne voulait pas être la cause de son infidélité, ce n'était vraiment pas correct. Et encore fallait-il que l'homme soit réellement intéressé par lui. Oui, malgré les signaux, les coups d'œil équivoques et les phrases à double sens, il hésitait encore. Peut-être était-ce son obsession qui désirait lui faire croire que Minho avait un faible pour lui ? Peut-être essayait-il de se convaincre ? Il en aurait sans doute bientôt le cœur net. Et il ne savait pas s'il avait hâte ou s'il redoutait cet instant. Un peu des deux en réalité.

— Vous m'encouragez vraiment à aller plus loin avec lui ?

— S'envoyer en l'air ça fait de mal à personne, le rassura Felix. Puis pas la peine de culpabiliser, ce mariage c'est du flan, y'a rien de vrai entre eux, ça j'en suis sûr.

— Hm, je sais pas. En plus vous savez bien que…

Il marqua une pause et ravala sa salive.

— Ouais t'es puceau et alors ?

Il fusilla Jeongin de regard et ce dernier leva les mains comme s'il se rendait. Offrir sa virginité à Minho n'était pas une idée déplaisante, il devait avoir de l'expérience et il ne doutait pas une seule seconde de la qualité de ses performances au lit. Il avait déjà l'air de lui faire l'amour d'un simple regard, il ne donnait pas cher de sa peau si leurs corps venaient à ne faire plus qu'un.

— Je suis perdu, pour changer.

— Te prends pas la tête, tu verras bien si ça se présente.

Felix tentait de le rassurer, mais il avait l'image de Minho et lui s'embrassant dès lors que Dayoung serait partie. La culpabilité était toujours un peu présente, mais le désir semblait plus puissant que le reste. Si Minho se montrait entreprenant, il n'était pas sûr de pouvoir résister bien longtemps. Mais pour l'instant, il devait essayer de garder son calme. Il avait du travail, que ce soit pour ses études ou à la concession.

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