𝑪𝒉𝒂𝒑𝒊𝒕𝒓𝒆 𝟓.
3 septembre 2024, 11h55.
Je venais de quitter le self et Seojun. Nous n'avions qu'une seule différence dans notre emploi du temps, qui n'était autre que notre deuxième option. J'avais choisi Art tandis que lui avait pris Athlétisme. Nous nous quittions donc pour deux petites heures le mercredi après-midi, ainsi que le vendredi en fin de journée. J'ignorais complètement ce qui m'attendait avec ce cours, mais j'étais impatient de le découvrir.
Lorsque j'arrivai devant la porte de la salle, je pris une légère inspiration avant d'entrer. Plusieurs étudiants étaient déjà présents et attendaient sûrement l'arrivée de notre professeur.
Deux filles discutaient à une table où il restait encore une place de libre. Je m'avançai doucement, puis me penchai vers elles.
—Excusez-moi, est-ce que je peux m'asseoir ici ?
En me remarquant, elles tournèrent la tête vers moi et acquiescèrent avec le sourire.
— Oui, pas de soucis !
Je les remerciai brièvement lorsque la porte de la salle s'ouvrit sur une femme gracieuse dont les traits étaient si fins que j'en explorais déjà tous les contours. Elle releva bientôt le regard vers nous, un sourire aux lèvres.
— Bonjour à tous ! Pour les nouveaux qui ne me connaissent pas, je suis Shin Mihan, professeure d'Histoire et d'Art. Si vous êtes ici aujourd'hui, c'est parce que vous avez choisi de faire cette option. Je compte donc sur votre sérieux et votre implication tout au long de l'année. La plupart de nos séances seront des travaux pratiques, mais nous étudierons tout de même un peu d'Histoire de l'Art. Je vais faire l'appel puis nous pourrons commencer.
En attendant, je préparais mes affaires, nous avions reçu les informations du matériel dont nous aurions besoin pour l'option, mais je savais que certains seraient fournis par l'école. Je n'avais donc amené que mon carnet et des crayons de couleurs.
Un soupir soudain me fit relever la tête.
— Monsieur Kim n'as pas daigné nous honorer de sa présence aujourd'hui encore ?
Quelques rires retentirent dans la pièce tandis que notre professeure tournait la tête vers notre table.
— Aehyeon, est-ce que tu sais où il est ?
La jeune fille à ma gauche haussa les épaules.
— Désolé madame, je ne vérifie pas les moindres de ses faits et gestes. Mais le connaissant, il doit dormir quelque part dans l'école.
L'adulte soupira une seconde fois.
— Bien, si tu le vois, tu lui diras que mon cours n'est pas optionnel et qu'il ferait mieux d'arrêter de sécher.
— Je transmettrai le message !
Non sans un énième soupir, notre professeur continua l'appel tandis que les deux jeunes filles à ma table se mirent à discuter.
— Il n'a vraiment pas peur hein..
La fameuse Aehyeon esquissa un sourire malicieux.
— Tu penses... Il a peur de rien !
— Et s'il finit par se faire virer ?
— Lui ? Virer ? Jamais !
Elles rigolèrent encore en évitant de se faire remarquer avant que madame Shin annonce le début du cours.
— Pour démarrer sur le premier sujet de l'année, j'aimerais que vous travailliez sur un dessin réaliste, nature morte ou modèle vivant comme vous préférez. En revanche, je veux que vous puissiez expliquer votre choix et ce que votre modèle vous a inspiré.
Mes yeux tombèrent sur mon carnet et sur le dessin du chat noir, que j'avais à peine eu le temps d'achever avant qu'il ne disparaisse.
Un modèle vivant ou une nature morte ? Il y avait un bon nombre d'inspiration partout sur le domaine, je trouverais bien un sujet intéressant...
— Je vous laisse jusqu'à la semaine prochaine pour trouver votre modèle et réaliser votre dessin. Pour aujourd'hui, nous allons nous contenter de travailler sur des dessins d'imaginations, pensez à des modèles qui pourraient vous plaire et faites en des croquis. Je vais passer vous voir pour que nous puissions discuter de vos idées et ainsi faire ressortir la plus pertinente. À vos crayons !
∼
— Jungkook, c'est bien ça ?
Lorsque je relevai les yeux à l'entente de mon prénom, je croisa le regard de madame Shin qui me souriait légèrement.
— Oui, c'est ça..
Sans me répondre elle se pencha sur mes croquis. Il n'y avait rien de très cohérent ; une très mauvaise esquisse de la bibliothèque, un bref schéma de la façade de l'Institut, un maigre croquis de la salle de classe avec tous les autres étudiants, et puis mon dessin du chat noir sur l'autre page.
Elle sembla s'attarder un long moment sur celui-ci.
— Quand as-tu réalisé ce portrait ?
— Oh..et bien c'était hier, en me promenant dans la rue, j'ai croisé un chat noir que je trouvais vraiment beau, alors je l'ai dessiné... Malheureusement, il est partit assez vite donc je n'ai pas pu vraiment bien le terminer.
Mon enseignante acquiesça faiblement en attrapant un crayon de ma trousse pour venir annoter les quelques erreurs que j'avais faites.
— Tu as déjà pris des cours de dessin auparavant ?
J'hochai négativement la tête.
— Non, jamais.
Sa surprise ne put être cachée, ses yeux se posèrent dans les miens et plusieurs secondes s'écoulèrent.
— C'est impressionnant. Tu as de très bonnes bases. Le modèle vivant à l'air de te poser encore quelques soucis, mais j'ai l'impression que tu apprécies beaucoup l'architecture de l'école. Je te conseille donc de partir sur un lieu ou une structure de l'Institut, je pense que c'est ce qui te réussira et t'inspirera le plus. Nous travaillerons les portraits au cours de l'année, donc tu auras largement l'occasion de t'entraîner.
— Merci beaucoup..
Elle me répondit d'un bref sourire avant de se diriger vers la personne suivante. En étudiant les remarques qu'elle avait laissées autour de mon dessin, j'arrivais à percevoir mes erreurs et même à les comprendre. J'étais bouleversé. Toute ma vie, on m'avait fait des compliments sur mes dessins et mes peintures, mais aujourd'hui, venant d'une professionnelle, j'en prenais réellement conscience.
J'avais attendu ce moment avec tant d'impatience ; le jour où l'on ne me complimenterait pas, mais où l'on me montrerait mes erreurs.
— Un lieu...
Je repassai l'entièreté de l'école dans ma tête, à la recherche de ce qui pourrait être un bon sujet pour le devoir, mais rien ne semblait convenir. La prof n'avait pas demandé un tableau d'une scène entière, il me fallait un seul modèle, une seule chose, un seul élément que je devais dessiner de la manière la plus réaliste possible. Le retranscrire sur ma feuille et lui rendre hommage..
Rien à faire. Je n'avais pas d'idées.
∼
En sortant de la salle de bain, je vis Seojun affalé sur son lit, en train de lire un livre. Un sourire éclaira mon visage alors que je me penchais au-dessus de lui.
— C'est ton livre pour l'option ?
— Hmm.. Ouais.. J'ai pas envie de me taper une sale note parce que je m'y suis pris trop tard...
J'esquissai un petit souffle amusé en contournant son lit pour finir par me laisser tomber dans le mien. Je terminai de sécher brièvement mes cheveux avant de vérifier mes messages.
De Maman :
« Je suis très heureuse que tu te sentes bien dans cette école. N'hésite pas à m'appeler si tu as besoin de quoi que ce soit. Je t'aime mon coeur. »
Une douce chaleur se faufila à travers mes veines. J'avais beaucoup de chance d'avoir une mère aussi forte et aussi bienveillante, sans elle, je n'aurais jamais pu en arriver là. Une certaine nostalgie s'empara de mon cœur mais je laissai glisser ces émotions pour ne pas être submergé.
Je lui répondis rapidement avant de verrouiller mon téléphone pour le troquer contre mon livre. Je retardais quelque peu ma lecture de "L'Amant" car je voulais prendre de l'avance sur le devoir pour l'option Lecture, mais la vérité c'était que je mourrais d'envie de le commencer. J'esquissai un bref soupir avant de me résigner. Je me relevai finalement, délaissant très vite le roman sur mon bureau, pour chercher l'ouvrage que j'avais acheté à la libraire, la veille. Un sourire naquît sur mes lèvres lorsque je le sortis de mon sac et que je fis demi-tour pour me réinstaller dans mon lit.
J'entendis mon colocataire se tourner pour être face à moi.
— Wow, monsieur-je-suis-un-élève-modèle, ne va pas travailler !
Je souriais à sa remarque. Effectivement, je n'étais pas une machine, j'aimais faire des choses pour moi de temps en temps. Même si je n'étais pas certain de la véritable raison pour laquelle je voulais lire ce livre...
Était-ce pour moi...ou pour lui..?
— Je sais faire d'autres choses, tu sais.
Il arqua un sourcil, moqueur.
— Non, je ne sais pas. On se connait depuis deux jours et j'ai l'impression de ne t'avoir vu faire que ça.
— Justement tu ne m'as vu QUE deux jours.
— C'est déjà beaucoup.
Je levai les yeux au ciel devant son obstination avant d'ouvrir la première page de l'œuvre qui avait éveillé ma curiosité depuis ce dimanche. J'avais à peine posé mes yeux sur les premiers mots que quelque chose me revint à l'esprit.
— Seojun, t'aurais pas une idée d'un truc à dessiner -genre un lieu- qui pourrait être cool ?
Un court silence frappa le temps, et me laissa pantois. Ma question était-elle trop soudaine ou bien ne m'avait-il pas entendu ?
— Tu veux dessiner un lieu ? Genre à l'école ? me répondit-il, enfin.
— Ouais, c'est pour un devoir en Art.
Il sembla réfléchir un long moment, avant de tourner la tête vers moi.
— Je sais pas... La cour intérieure ? T'avais l'air de grave kiffer l'autre jour...
— Oh, c'est pas con... Y'a la fontaine qui est vraiment belle...
Je l'entendis esquisser un petit rire avant qu'il ne replonge le nez dans sa lecture.
— De rien mec.
J'esquissai un sourire en tournant la tête vers lui.
— Merci, Seojun-aaah.
Mon surjeu lui tira une grimace et je dû me retenir d'éclater de rire devant sa tête. Finalement, je pus me plonger dans le livre qui avait hanté mes pensées pendant presque deux jours.
∼
4 septembre 2024, 8h26.
J'avais vraiment abusé. Beaucoup trop abusé. Mes heures de sommeil pouvaient se compter sur les doigts d'une main, mais c'était la faute de ce fichu livre. J'avais tellement été absorbé par ma lecture que je n'avais pas vu le temps passer. J'avais à peine intégré le moment où Seojun avait éteint sa lumière et m'avait souhaité une bonne nuit. Sans pouvoir m'arrêter, j'avais lu, encore et encore. C'était différent de tout ce que j'avais connu jusqu'à présent ; une plume étrange et hors du commun, sûrement parce qu'elle venait d'un autre pays. Mais j'avais adoré. Si bien que je devais ressembler à un zombie, désormais. Je peinais à garder les yeux ouverts alors que le cours d'Histoire de l'Art avait commencé depuis un petit moment.
J'avais été surpris de voir que c'était madame Shin qui serait notre professeur pour cette matière, je n'avais pas fait le lien hier pendant la séance en Art.
— Connaissez-vous l'histoire de la statue qui se trouve dans le hall de l'école ?
La question m'intrigua soudainement, me faisant redresser la tête pour observer convenablement notre enseignante.
— Non ? Personne ? Alors prenez de quoi noter et levez-vous.
Comme par automatisme, tout le monde s'exécuta. En moins de quelques minutes nous étions tous debout, prêts à partir. Madame Shin ouvrit la marche, sortant de la salle et traversant bientôt le couloir pour rejoindre le rez-de-chaussée.
— Psyché réanimé par le baiser de l'Amour. Une sculpture réalisée par Antonio Canova entre 1787 et 1793. Elle représente une scène de la mythologie grec, mettant en scène Psyché et Éros, après qu'il l'ait réveillé de son sommeil éternel.
Madame Shin nous expliqua soigneusement les quelques détails, alors que nous arrivions devant la statue, immense au milieu du hall vide à cette heure-ci.
— Il ne s'agit bien évidemment pas de l'originale. Cette dernière étant actuellement exposée au Louvre, à Paris. Cette copie a été offerte en cadeau à notre cher fondateur, lors de la création de l'Institut. Il s'agit d'un sculpteur Colombien du nom de Fernando Botero, qui a réalisé cette œuvre pour l'offrir à son ami Viktor Andris, qui est un grand admirateur du travail d'Antonio Canova.
Inconsciemment, je pris le temps d'observer la sculpture. Les moindres détails étaient si finement taillés qu'il était presque impensable de croire que des êtres humains pouvaient accomplir de tels chefs-d'œuvre. Finalement, comme la chose la plus naturelle du monde, j'ouvris mon carnet et commençai à retracer les contours des personnages figés, face à moi.
— Fernando Botero tenait à ce que cet exemplaire soit aussi fidèle que possible à l'originale, il a donc pris grand soin d'utiliser les mêmes techniques et les mêmes matériaux que son confrère. Il s'était également bien renseigné sur l'histoire autour de la création de la statue, ainsi que sur son interprétation. Est-ce que certains d'entre vous connaissent l'histoire de Psyché et Éros ?
Un silence plat s'abattit sur notre classe, faisant résonner la question de notre professeur dans tout le hall. Un petit sourire lui échappa alors qu'elle désigna le personnage couché en dessous du premier.
— Psyché, fille d'un roi, et femme d'une immense beauté au point d'intimider tous ses prétendants, s'est vu attirer les foudres d'Aphrodite, jalouse de ses atouts. Cette dernière avait alors décidé d'envoyer Éros, le dieu de l'Amour, afin de la faire tomber amoureuse du mortel le plus laid qui soit. Contre toute attente, Éros tomba amoureux de Psyché et entama une relation avec la jeune femme, lui faisant promettre de ne pas essayer de connaître son identité. Mais c'était sans compter sur les sœurs de la princesse, qui lui firent douter de la sincérité d'Éros à son égard. Un soir, alors qu'ils partagent une nuit ensemble, elle décide de braver l'interdit en éclairant le visage de son amant, malheureusement, elle fera tomber de l'huile brûlante sur l'une des ailes d'Éros, qui s'enfuira, déshonorée.
Mes traits se faisaient de plus en plus précis à mesure que je dessinais, tout en écoutant attentivement les explications de madame Shin, sur l'histoire des deux personnages.
— Aphrodite, par vengeance, fera faire différents travaux à Psyché, dont le dernier consistait à aller récupérer un peu de la beauté de Perséphone, la déesse des enfers. Mais elle ne devait en aucun cas ouvrir la boîte la contenant, elle faillit y parvenir jusqu'à ce que la curiosité l'emporte et qu'elle n'ouvre la boîte, n'y trouvant que le sommeil des Enfers qui engourdit tous ses membres jusqu'à l'inconscience. Ce fût Éros qui viendra la sauver, la réveillant à l'aide d'un baiser.
Mes yeux se relevèrent de mon carnet, se posant à nouveau sur la statue de marbre blanche en face de moi. J'arrivais à ressentir l'histoire, l'amour des deux personnages, leur lien, c'était assez indescriptible.
L'art possédait un pouvoir hors du commun, et j'étais à chaque fois un peu plus étonné de découvrir tous ses mystères.
— Retournons en classe, je vais encore vous parler de John Campbell, l'homme qui avait commandé cette œuvre auprès d'Antonio Canova.
Tout le monde se mit en marche, prenant la direction vers notre salle, sauf moi, qui restait immobile devant la statue.
— Jungkook ?
La voix de mon enseignante me ramena sur terre. Elle me souriait légèrement avant que ses yeux ne tombent sur mon carnet, et sur le dessin que je venais de faire.
— On dirait que la sculpture t'as inspiré.
— Oh.. Oui, elle m'avait déjà beaucoup attirée quand je l'avais vue pour la première fois. Écouter son histoire m'a encore plus donné envie de la dessiner.
Madame Shin tendit sa main vers moi pour récupérer délicatement mon carnet et regarder plus en détail mon dessin. Je la laissai faire, attendant le verdict.
— C'est une très belle ébauche pour un dessin fait en quelques minutes, il te manque seulement quelques petits ajustements au niveau des proportions mais si tu y passais plus de temps tu pourrais en faire un vrai beau dessin. Pourquoi ne pas choisir cette statue comme sujet pour l'option Art ?
Elle me rendit mon carnet avec un large sourire aux lèvres, alors que l'idée germait dans mon esprit. Pourquoi n'y avais-je pas pensé plutôt ?
— Oui...Oui, je pense que ça pourrait me plaire..
∼
— Vous pensez que Park serait capable de nous interroger ?? demanda soudain un de nos camarades, paniqué.
Je détournai la tête pour bailler dans ma main alors que Seojun avait esquissé un petit rire.
— Il en est clairement capable oui !
Je levai les yeux au ciel avant de prendre une bouchée de mon repas. Je ne voyais pas l'intérêt qu'il aurait à nous interroger alors que ce n'était que notre deuxième cours de littérature de l'année.
— Il n'a aucune raison de le faire... soufflais-je, las.
Tous les regards convergèrent vers moi, dubitatifs.
— Si, nous piéger et nous coller des notes de merde !
Je me retins de toutes mes forces de soupirer bruyamment, et pris un ton calme et détaché.
— Mais non, aucun prof ne gagnerait une prime si tous ses élèves finissaient avec des notes en dessous de la moyenne. Vous inquiétez pas.
Des fois j'ignorais si les gens étaient juste bêtes ou s'ils ne cherchaient pas à voir plus loin que le bout de leur nez.
Je remarquai le sourire de Seojun du coin de l'œil mais l'ignorait royalement tandis qu'il se penchait à mon oreille.
— Ça t'énerve qu'on puisse dire du mal de lui hein..
Je roulais des yeux en continuant de manger comme si de rien n'était alors que les conversations avaient dérivées sur un autre sujet, pour mon plus grand soulagement.
Je ne voulais pas l'avouer mais Seojun avait raison, je ne supportais pas tous ces jugements ou présomptions fondés sur des opinions biaisés et irréalistes. Et puis je n'y voyais vraiment aucun intérêt.. Mais il semblait que c'était la routine du commun des mortels. De cracher dans le dos des autres.
— On devrait se bouger, le cours va bientôt commencer. annonçais-je, après avoir fini mon repas.
— On a pas tous fini encore.
Je balayai la table des yeux en retenant un soupir.
— Je pars devant alors, je dirais au prof que vous arrivez.
Mes camarades acquiescèrent en me remerciant, puis je me levai pour quitter le self après avoir rangé mon plateau. Sur le chemin, je traînais sur mon téléphone en quête de distraction quand des voix arrivèrent jusqu'à moi au détour d'un couloir. Je me stoppai net, en reconnaissant le timbre singulier de mon professeur de Littérature qui parlait avec quelqu'un dont j'ignorais l'identité.
— Ça ne sert à rien de continuer à t'acharner avec lui...
— Je ne compte pas laisser tomber.
Mes jambes refusaient de bouger, je savais que je ne devais pas écouter, mais la curiosité était trop forte. Je voulais comprendre de quoi ils parlaient...
— Laisse le directeur adjoint gérer.
Mon professeur soupira.
— Tu ne comprends pas, tu n'as pas vu ce que j'ai vu. Tu ne sais pas.
Ma respiration se bloqua, son ton était grave et profond. Il ne parlait pas de quelque chose de joyeux, j'en étais certain.
— Jimin..
Ma conscience me frappa soudain en plein visage. Je n'avais aucun droit de rester là ! En prenant une longue inspiration, je replongeai le nez sur mon téléphone pour donner l'illusion que je n'avais rien entendu, puis enfin mes pieds bougèrent et je pénétrai dans le couloir désert à l'exception de mon professeur et de son homologue.
En me voyant arriver, ils se regardèrent furtivement en s'écartant l'un de l'autre.
— Monsieur Jeon, vous êtes en avance. commenta monsieur Park en regardant l'heure.
Je me retins de commenter que le cours allait commencer dans moins de 10 minutes et qu'il était donc normal que je sois déjà là, en me contentant de m'incliner devant les deux enseignants.
— Ah, vous ne devez pas encore vous connaître. Voici Kim Namjoon, votre professeur de culture étrangère. Namjoon, je te présente Jeon Jungkook, un étudiant de première année en Lettres.
Le prénommé Kim Namjoon se tourna vers moi en esquissant un large sourire.
— Ravi de te rencontrer, nous nous verrons demain pour notre premier cours de l'année.
J'acquiesçai brièvement tandis qu'il se tournait à nouveau vers mon coordinateur.
— Je dois y aller. Jimin, pense à ce que je t'ai dit d'accord ?
Monsieur Park hocha vaguement la tête alors que Monsieur Kim s'en allait en nous saluant. Pendant un court instant, je me retrouvai à détailler l'expression de mon professeur, cherchant une faille, un indice, n'importe quoi qui m'aurait permis de le comprendre. Mais je ne trouvais rien, il était comme une vitre opaque, comme un trou béant, comme une toile vide. Il n'exprimait rien, ou du moins, il ne laissait rien paraître.
Je n'avais jamais rencontré une œuvre d'art aussi complexe.
Splendide mais indéchiffrable.
Je ressentais des sentiments inexplicables. C'était aussi incroyable qu'effrayant.
Soudain, ses yeux se posèrent dans les miens. Une seule fraction de seconde qui me coupa le souffle. Puis mes pupilles s'étaient échappées. J'étais incapable de lire en lui, mais lorsque son regard frôlait le mien, je me sentais épié, à découvert, nu. Comme si lui en était capable.
De lire en moi.
— Puisque vous êtes là, allez donc vous installer.
Sa voix était grave, mais calme et bienveillante. J'étais fasciné. Il ne me forçait à rien, il ne m'obligeait pas à faire ce qu'il me demandait, pourtant je n'avais aucune envie de défier sa volonté.
Il donnait des ordres inéluctables.
— Oui, monsieur.
Lorsqu'il me demandait quelque chose, je n'avais qu'une seule envie ; lui obéir.
∼
Je traversai la bibliothèque à la recherche d'un livre. Il faisait à peine jour, le soleil était en train de se coucher face à moi, berçant le lieu d'une douce chaleur. Mes pieds me guidèrent tout seul au travers des allées. Je me laissai aller, ne cherchant pas à comprendre.
C'était calme, comme devait l'être une bibliothèque. Mais ce côté silencieux semblait presque anormal, angoissant, tétanisant. Mes jambes s'arrêtèrent devant une étagère. J'étais paralysé, en incapacité de bouger.
Mais qu'est-ce que j'étais venue faire ici ?
Ma main se releva contre ma volonté, remontant progressivement le long de l'étagère, à la recherche du fameux livre. Mais quel livre ? Pourquoi j'étais là ?
Soudain une présence dans mon dos me fit frissonner.
Je la sentais mais j'étais immobile, incapable de bouger. Une main apparut dans mon champ de vision et se posa délicatement contre la mienne. Un souffle effleura ma nuque, je me tendis.
— Qu'est-ce que tu fais ici à cette heure-là ?
Monsieur Park ??
Mon cœur loupa un battement alors que ma gorge s'était nouée. Je n'arrivais pas à lui répondre. Et puis je ne savais même pas moi-même ce que je faisais là.
— Tu ne vas pas me répondre, Jungkook-si ?
Oh mon dieu. Ses lèvres étaient si pro-... Attendez un instant... Ce ne pouvait pas être lui...
Monsieur Park ne me tutoyait pas.
Mon coeur fit un bon lorsque je me redressai, la respiration lourde et les yeux écarquillés. La vive lumière de la pièce m'agressa et je dû détourner le regard un moment. Petit à petit, je repris conscience de ce qui m'entourait.. J'étais encore dans la salle de littérature... Oh, non...Ne me dites pas que je-
En relevant les yeux, je trouvai deux pupilles profondes d'une couleur indescriptible qui me fixaient sombrement ; Monsieur Park se tenait devant moi, les bras croisés, appuyé contre son pupitre.
Je déglutis difficilement en prenant conscience que je m'étais endormi en plein cours. En plein pendant son cours. Je regrettais vraiment ma courte nuit désormais...
— Avez-vous bien dormi, Jeon ?
Sa voix fendit l'air, comme une lourde menace qui me paralysa et me fit courber la nuque. Pourquoi Seojun ne m'avait-il pas réveillé, merde ?!
— Monsieur Jeon, j'attends que vous m'expliquiez.
J'avalai difficilement ma salive, en essayant de reprendre contenance pour lui parler mais les mots refusaient de quitter le bord de mes lèvres. La honte envahissait mon être tout entier et m'engloutissait sous une épaisse couche d'angoisse. Je ne savais pas comment me sortir de là.
— Relevez la tête.
Son injonction, bien qu'implacable, fut assez douce pour m'apaiser et me permit de lui obéir. En revanche, mon regard resta quelque peu fuyant, ses pupilles m'intimidaient bien trop pour que je puisse les soutenir.
— Je ne vais pas vous punir pour ça, je veux simplement comprendre.
Il avait soupiré sa phrase, comme exaspéré par mon comportement. J'avais 20 ans et pourtant, en face de lui, je me sentais comme un petit garçon qu'on venait de prendre en flagrant délit.
— Je.. Je me suis juste couché tard hier soir... Je n'ai pas fait attention à l'heure. Je ne me suis pas rendu compte que je m'endormais.. Je suis désolé..
Putain, c'était trop la honte.
Un soupir lui échappa.
— Si vous avez des problèmes de sommeil, allez voir l'infirmière, elle pourra sûrement vous aider. Mais ne vous endormez plus pendant mes cours, je ne serais pas tout le temps aussi compréhensif. Vous êtes ici pour étudier, ne l'oubliez pas.
J'inclinai la tête en acquiesçant rapidement, l'angoisse reculant enfin. J'avais stressé comme un idiot pour rien.
— Je ferais plus attention, c'est promis..
Il hocha vaguement la tête en se redressant tandis que je me relevai pour ranger mes affaires et partir.
— Oh, et avant que vous n'en vouliez à monsieur Lee, c'est moi qui lui ai demandé de ne pas vous réveiller et de partir en premier. Vous pouvez y aller, et dormez cette nuit. Nous nous verrons demain pour le cours de Lecture.
— Oui, monsieur.. Bonne soirée..
Je lui répondis brièvement en m'inclinant avant de sortir de la salle le plus vite possible. J'espérais ne pas être rouge pivoine.
Raaah, c'était vraiment trop la honte !!
Et puis c'était quoi ce fichu rêve ??
∼
Hello, mes amours ! 🤎
J'espère que vous allez bien, moi je suis très heureuse de voir retrouver pour ce nouveau chapitre qui nous plonge encore un peu plus loin dans l'intrigue, avec l'arrivée du personnage de Nam ! 👀
J'espère que ce chapitre vous à plu, comme d'habitude n'hésitez pas à me laisser vos avis, ça fait toujours plaisir ! 🫶🏼
Je vous dis à la semaine prochaine,
Tendrement, Lunie. 🖋️
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