𝑪𝒉𝒂𝒑𝒊𝒕𝒓𝒆 𝟏𝟒.
2 octobre 2024, 14h04.
Le cours s'achevait finalement alors qu'une seule pensée ne pouvait plus quitter mon esprit depuis presque deux heures.
J'avais perturbé monsieur Park. Il l'avait très bien masqué, mais je l'avais remarqué. De plus, je savais très bien ce qui l'avait ébranlé. Il ne s'était sûrement pas attendu à ce que l'un de ses élèves ait lu son livre et le cite en cours. Je n'avais pas su contrôler le gain de satisfaction qui m'avait submergé. Depuis des semaines, il m'avait toujours paru si insensible, si froid, si inaccessible, mais aujourd'hui j'avais pu voir une faille. Une minuscule faille qui marquerait peut-être le début des réponses à mes questions.
Je ne fus pas tant surpris lorsque mon nom passa la barrière de ses lèvres alors que nous nous apprêtions à quitter la salle avec Seojun.
— Je peux vous parler ?
J'acquiesçais en me retournant, assurant à mon ami que je le rejoindrais après. Il quitta alors la salle tandis que mon professeur s'appuyait contre son bureau. J'osai faire un pas en avant pour lui faire face, nos regards s'alignèrent un instant avant que mes pupilles ne s'échappent sur la droite par automatisme.
J'avais fait le fier en citant son livre tout à l'heure mais désormais je redoutais un peu ce qu'il allait me dire. J'étais toujours incapable de le regarder dans le blanc des yeux, il avait cette aura qui m'intimidait bien trop et me faisait me sentir si petit devant lui. Pourtant, j'avais bien quelques centimètres de plus que lui.
Ses lèvres se délièrent plusieurs fois mais se refermèrent après chacune d'elles, sans que rien ne soit prononcé. Il semblait chercher ses mots et ne savait visiblement pas comment me poser la question qui lui brûlait la langue.
— Vous-... La citation que vous avez donné pendant le cours...
Il laissa ses mots en suspens, attendant sûrement de voir si je comprendrais de moi même ce qu'il cherchait à me dire. Mais je voulais qu'il me demande, qu'il formule ses simples mots qui semblaient si difficiles pour lui. J'étais déterminé à ne plus subir, à obtenir les réponses quand je le voudrais et surtout à ne plus être faible.
C'était lui qui me l'avait appris, d'une certaine manière.
Avec son livre.
— Ce pourrait-il que vous l'ayez lu... ? demanda-t-il, finalement, sans pour autant énoncer le fait le plus important.
— Si vous parlez de votre livre, en effet, je l'ai lu.
Son étonnement passa très vite, il reprit contenance pour me masquer ses émotions, mais j'en étais désormais certain ; cette information le perturbait.
— Je vois...
Son regard glissa quelque part dans la pièce, il sembla réfléchir un instant avant de replonger ses pupilles dans les miennes.
— Comment vous avez su...?
—C'est Taehyung qui me l'a donné. Il pensait qu'il pourrait m'intéresser.
J'attendis de voir ce qu'il penserait de cette information, mais à mon plus grand regret, il ne laissa rien paraître. En se redressant, il se contenta d'hocher la tête et de se tourner pour ranger ses affaires.
— Pardonnez-moi pour les questions, je ne parle jamais de ce livre alors je ne m'attendais pas à ce que l'un de mes élèves le connaisse.
Un doute s'empara de moi et je sentis mon coeur s'emballer à cette pensée.
— Mais vous en aviez parlé à Taehyung-si...?
Son corps s'immobilisa soudain. J'aurais tout donné pour voir l'expression sur son visage en cet instant. Le temps sembla s'étendre à mesure que le silence persistait. Ma question était-elle de trop ? Dépassais-je les limites ?
Sa réaction tuait quelque chose en moi.
Elle confirmait implicitement un fait que j'avais intimement espéré faux.
— En effet, il est le seul à qui j'en avais parlé. soupira-t-il, en se tournant enfin vers moi.
Lui et Taehyung n'étaient pas qu'un simple professeur et son élève.
∼
Après avoir quitté la salle de classe, j'avais rejoint Seojun pour que l'on travaille un peu à la bibliothèque puis je m'étais éclipsé du domaine avec une seule idée en tête ; Trouver des réponses.
Et je présumais que quelqu'un ici pourrait avoir des éclaircissements à m'apporter.
— Bonjour.. ?
Je m'annonçais, peu sûr de moi, en poussant la porte de la librairie qui semblait vide de l'extérieur. La gérante arriva depuis l'arrière boutique en m'accordant un large sourire.
— Tiens bonjour mon grand ! Que puis-je faire pour toi aujourd'hui ?
Mon regard traîna un instant sur les étagères tandis que je m'avançais vers le comptoir d'où m'observait la dame d'un certain âge.
— À vrai dire, j'aurais des questions à vous poser...
— Bien sûr, de quoi s'agit-il ?
Mes doigts jouèrent avec les présentoirs circulaire et mes pensées m'échappèrent un instant avant que je ne me reprenne.
— Est-ce que vous connaissez bien monsieur Park ?
Ma question sembla la prendre de court car elle ne répondit pas tout de suite, intégrant lentement ce que je lui demandais.
— Jimin-si ? Eh bien, il vient régulièrement pour m'acheter des livres mais c'est un homme assez discret... Il ne parle pas souvent de lui.. Tout ce que je sais, je l'ai appris par le voisinage... Pourquoi cela ?
— Eh bien, j'ai l'impression qu'il se passe des choses étranges à l'Institut, sauf qu'on ne répond jamais vraiment à mes questions, ou pire... On pourrait bien me mentir. Je n'en sais rien... Mais hier soir, j'ai trouvé mon professeur inconscient dans la bibliothèque, il ne respirait plus et il a beau me dire que c'était un accident, je ne peux pas m'empêcher de m'inquiéter. J'espérais que vous le connaîtriez un peu pour m'aider à comprendre ce qu'il se passe...
La femme ne chercha même pas à me cacher son étonnement, se passant une main sur le visage visiblement sous le choc.
— Mon dieu, ça a dû être terrible ! Comment va-t-il ?
— Il s'en ai remis, en tout cas il ne laisse rien paraître...
Je sentis mon coeur s'alourdir et mes jambes faiblir. Comment allais-je faire pour obtenir les réponses qu'ils me manquaient ? Comment, à moi tout seul, j'allais venir à bout de tous ces mystères ? J'étais fatigué, toutes ses histoires me donnaient mal à la tête et m'inquiétaient. Et si ce qu'il s'était passé hier se reproduisait et que cette fois, je n'étais pas là pour l'aider ?
— Tu as l'air épuisé, mon garçon... Viens avec moi..
Elle m'accorda une tendre main dans le creux de mon dos après avoir dépassé son comptoir pour m'emmener vers la porte menant à ce qui devait être la réserve.
— Voilà, monte à l'étage, je vais fermer la boutique et je te rejoins, nous pourrons parler, d'accord ?
Mes pupilles pétillèrent de reconnaissance. J'avais grandement besoin de pouvoir exprimer tout ce que j'avais sur le cœur depuis des semaines. Je lui répondis d'un petit hochement de tête alors qu'elle faisait demi-tour pour retourner à la librairie. En attendant, je fis ce qu'elle m'avait demandé, grimpant les quelques marches qui me conduisirent jusqu'à un petit appartement traditionnel que la décoration vintage rendait charmant. Je me contentai de retirer mes chaussures en découvrant l'entrée où un miroir trônait au-dessus du meuble à chaussure. J'y croisai mon reflet qui me fit presque de la peine.
Les dernières semaines m'avaient tellement éreinté que je me reconnaissais à peine. Comment en étais-je arrivé là ?
Lorsque j'entendis des pas monter les escaliers, je tournai la tête vers la porte par automatisme. La libraire entra quelques secondes plus tard et me tendit un sourire en échangeant ses chaussures contre des pantoufles.
— Veux-tu boire quelque chose ? Viens, allons nous installer dans le salon...
Elle me doubla en avançant à travers le petit couloir jusqu'à atteindre la pièce à vivre éclairée par la simple lumière naturelle qui filtrait depuis la fenêtre de l'autre côté de la pièce. Elle me fit m'asseoir sur le canapé avant de se tourner pour entrer dans la cuisine sur ma droite.
— Plutôt thé ou café ?
— Un thé c'est très bien... Merci beaucoup..
Je profitais de mon instant de solitude pour observer la décoration, très jolie, de mon hôte. Beaucoup de tableaux étaient accrochés au mur, ils ne ressemblaient pas à des grandes toiles d'artistes célèbres, mais plutôt à des créations de peintres indépendants voire même amateurs. Mais c'était déjà si fascinant, toutes ces touches de couleurs, de la monochromie au psychédélique, il y en avait pour tous les goûts. Mon regard dériva ensuite sur les diverses plantes qui doraient au soleil, posées sur le rebord de la fenêtre à ma gauche. Malgré la taille très modeste des lieux, ils n'en restaient pas moins chaleureux et confortable. C'était agréable d'être ici.
— Que je suis bête ! Je t'invite chez moi et je ne me suis même pas présentée ! s'exclama-t-elle, en revenant dans le salon, un petit plateau en main.
Elle le déposa sur la table basse devant moi puis s'installa dans le fauteuil adjacent au canapé.
— Je m'appelle Kang Harin, mais tu peux m'appeler Hannie !!
— Je vous remercie de prendre de votre temps pour écouter mes histoires..
— Allons, c'est normal.. ! Jimin est un jeune homme vraiment gentil, je suis toute aussi inquiète avec ce que tu me racontes..
D'un geste assurée, elle attrapa la bouilloire pour remplir une tasse qu'elle déposa devant moi, la mine sérieuse.
— Tu veux bien me raconter ce qu'il s'est passé ?
En me penchant pour récupérer la tasse encore fumante, j'acquiesçai d'un petit hochement de tête. Je démarrai mon récit à la racine, lui parlant de l'incident de la vielle, des bruits étranges et de la mystérieuse disparition du bibliothécaire pile à ce moment-là. Puis je dérivais sur les diverses rumeurs qui avaient couru contre mon enseignant, jusqu'à remonter au tout début avec les étranges altercation entre monsieur Park et Lim Jakyung, la première semaine de cours. Elle m'écouta attentivement, sans jamais chercher à m'interrompre.
— Plus j'essaye d'assembler les morceaux que j'ai en ma possession et plus je prends conscience qu'il m'en manque encore énormément..
Hannie-si hocha la tête en fixant un point invisible quelque part, sur la table basse. Je pris une fine gorgée de thé, en continuant de réfléchir sur toutes ces informations qui s'entremêlaient dans mon esprit. Je tentai d'y trouver un sens, une logique, une cohérence, n'importe quoi qui m'aurait permis d'avoir une piste. Mais il n'y avait rien à faire, je ne comprenais pas. Les rumeurs pouvaient venir de Jakyung, qui aurait pu vouloir se venger de monsieur Park, après avoir été viré mais il n'était plus un élève de l'institut, alors il ne pouvait pas être à l'origine de l'incident de la bibliothèque. Aurait-il un complice dans l'école ? Mais la véritable question était plutôt ; était-il désespéré au point d'en arriver là ? Cela semblait tellement extrême. Si mon intuition était bonne et que quelqu'un s'en était bien pris à lui, cela voulait dire qu'on cherchait vraiment à lui faire du mal ?
Un frisson dévala ma colonne vertébrale.
Je ne voulais pas y croire. Ce ne pouvait pas être ça, n'est-ce pas ?
— J'ai rencontré Jimin-si, il y a deux ans quand il a emménagé ici... Nous sommes dans un petit quartier un peu ancien, alors les nouvelles vont vite. Et un petit jeune qui arrive, ce n'était pas commun pour les habitants, alors cela a intrigué du monde. Il a très vite commencé à venir régulièrement à la librairie, me demandant des fois s'il était possible de commander certains livres dont il avait besoin. Il parlait peu mais était toujours calme et très poli... La seule chose à laquelle je peux penser avec ce que tu me dis, c'est à une conversation que j'avais surpris en rentrant de mes courses, il y a un peu plus d'un an maintenant..
Mon cou se déplia à la vitesse de la lumière.
— C'était à quelques rues de l'Institut, Jimin-si discutait avec un jeune garçon qui n'arrêtait pas de bouger et de parler fort.
— Ça pourrait bien être Jakyung... Vous avez entendu ce qu'ils disaient ?
— Malheureusement non, ils étaient assez loin, mais ils avaient l'air de se disputer...
J'acquiesçai en rangeant ce nouvel élément dans un coin de ma tête. Cette information me confirmait que cette histoire entre mon professeur et Jakyung ne datait pas de cette année. Y'aurait-il un lien avec la longue absence de Jakyung lors de sa première année ? Ah, il allait vraiment falloir que je note tout ce que je savais pourquoi pouvoir y réfléchir convenablement...
— Je suis navrée de ne pas pouvoir t'aider plus que cela..
Un sourire timide m'échappa.
— Ne vous inquiétez pas, c'est déjà très gentil de m'avoir écouté..
Elle me répondit d'un petit sourire alors que je sentis mon téléphone vibrer dans ma poche. Je m'excusai auprès de mon hôte en le sortant pour voir de quoi il s'agissait. Une pointe me monta au cœur en découvrant une énième réponse négative à mes demandes d'emploi... C'était mon dernier espoir, j'avais épuisé toutes mes cartes...
Serait-ce un signe du destin m'indiquant qu'il fallait mieux tout laisser tomber ? Après tout, il me suffisait de rentrer chez ma mère et de retrouver un travail là-bas... Plus d'enquête, plus de mystère, plus de professeur qui frôle la mort sous mes yeux...
Plus de problèmes.
« Pour renaître, il n'est pas toujours nécessaire de mourir. Il suffit parfois de dire non et de tourner le dos ou de dire oui et de tendre la main.»
C'était lui qui l'avait dit...Et il avait raison. Il était peut être temps pour moi de dire non et de tourner le dos...
Un sourire amer se dessina sur mes lèvres. Je n'aurais jamais cru que mon plus grand rêve pourrait se transformer en un tel cauchemar...Comment en étais-je arrivé là ? La seule issue était-elle véritablement la fuite ?
« L'important est d'avancer, de ne jamais regarder en arrière. Les regrets ne serviront à rien à part perpétuer la vie que nous abhorrons.»
Regrettais-je vraiment d'être venu ici ? Abhorrais-je cette vie que j'avais choisie ?
Non. Je ne regrettais rien, parce que c'était ce que j'avais toujours voulu. Je m'étais battu pour en arriver là, j'avais assez tourné le dos. Il était temps de..
— Hannie-si.. À tout hasard, est-ce que vous ne rechercheriez pas un nouvel employé ?
..Tendre la main.
∼
3 octobre 2024, 16h26.
— Tu n'as qu'à venir sur ton temps libre, nous pourrons nous organiser par la suite !
Hannie-si avait joyeusement accepté de me donner du travail autant qu'elle le pourrait. Ce ne serait sûrement pas un véritable salaire mais j'étais dos au mur, si je voulais continuer d'étudier ici et obtenir mon diplôme à la fin de ces trois années, il allait falloir que je me batte sur tous les fronts.
Je ne devais plus reculer après tout ce chemin parcouru, j'avais trop donné pour abandonner maintenant.
Je tendrais la main à toutes les opportunités. Parce que c'était ainsi que l'on changeait les choses.
— ...C'est l'occasion pour lui de se replonger dans un monde qu'il avait oublié, renié, et ainsi de s'interroger sur les déboires multiples dont son métier le rend responsable, tels que peuvent l'être la corruption qui règne dans le domaine de la construction immobilière, sa responsabilité dans l'enlaidissement du paysage urbain, ou la violence faite aux expropriés...
C'était aujourd'hui que je passais à l'oral pour présenter mon devoir sur le livre que nous avions étudié pour l'option Lecture. J'étais confiant, je savais que j'avais fait ce qu'il fallait. Mais je n'osais tout de même pas croiser le regard de mon enseignant, je captai du coin de l'œil, le regard perçant de monsieur Park qui m'écoutait. Il arrivait à me troubler sans même que nos pupilles se croisent, j'aurais complètement perdu mes moyens si par malheur j'avais posé mes yeux dans les siens.
Alors pour me donner contenance, je ne regardais que mes camarades, qui m'écoutaient presque tous avec beaucoup d'attention. Il semblait que je regardais surtout Seojun, qui me souriait fièrement en m'encourageant silencieusement.
— ..."Au soleil couchant" est ponctué de flash-back sur l'enfance simple et pauvre de Minwoo, qui a tout fait pour s'en sortir. Les flash-back soulignent aussi l'importance du temps qui passe et qui est compté...
J'aperçu monsieur Park se pencher sur ses notes pour y écrire quelque chose. J'espérais que je n'avais pas fait d'erreur dans mon plan de présentation. Pour ne pas perdre mon assurance, j'évacuais toutes pensées intrusives de mon esprit et me contentais de restituer mes notes que j'avais répété un nombre incalculable de fois, hier soir, avant de dormir.
J'avais beaucoup stressé tout le reste de la journée, attendant avec autant d'impatience que d'angoisse cette présentation. C'était notre premier gros devoir avec monsieur Park, nous avions déjà été évalués en littérature et en philosophie, mais il s'agissait souvent de questionnaires assez bateau qui servaient surtout à nous mettre des notes pour faire une moyenne avant la fin du trimestre. Ce devoir comptait parce qu'il était beaucoup plus personnel, nous l'avions travaillé pendant presque un mois, recherchant et analysant une œuvre littéraire. J'avais envie de l'impressionner.
Qu'il soit fier de mon travail.
— Combien d'amis Minwoo a-t-il laissé derrière lui pour accéder au sommet ? Combien de laissés-pour-compte pour faire de la Corée l'un des quatre dragons asiatiques ? Minwoo se souvient de la misère, la faim, le froid, des masures qui poussaient comme des champignons tout autour de Séoul. C'était son monde avant qu'il ne devienne un éminent architecte. En se développant, le pays a voulu faire table rase de cette pauvreté crasse. Les gens ont été chassés, leurs logis dévastés par les pelleteuses, leur habitat remplacé par des tours d'immeubles. Où sont-ils allés ? Que sont-ils devenus ? Minwoo n'a jamais cherché à le savoir, il a fermé les yeux sur les gros bras recrutés pour faire dégager les contestataires qui s'accrochaient à leurs maisons. Il a indirectement participé à leur expropriation et s'est perdu dans un système de corruption.
Ses yeux ne me lâchaient plus, je le voyais sans le regarder. Je le savais. Je pouvais le sentir.
— Qu'est-ce que réussir sa vie ? Une question bien compliquée à laquelle Minwoo tentera en vain d'obtenir une réponse...
J'ignorais s'il approuvait mon commentaire. J'ignorais si ce que je faisais lui plaisait, mais j'étais certain d'une chose.
Il m'écoutait attentivement.
— « Je suis resté immobile, les yeux dans le vague, en plein milieu de la rue, ne sachant où aller ». Il ne trouvera pas la réponse, car il n'y en a pas. C'est nous qui choisissons quand est-ce que nous avons réussi notre vie. Nous seuls sommes maîtres de nos vies.
Je n'avais pas vu le temps passer. Lorsque je posai les derniers mots de mon commentaire, une vague de soulagement m'enveloppa. Je m'inclinai par automatisme sous les bref applaudissements de mes camarades, puis je récupéra mes affaires en attendant les remarques de mon professeur.
Ce dernier terminait de noter quelque chose sur son carnet avant de relever les yeux vers moi.
— L'analyse du livre est bien structurée et pertinente, faites attention aux répétitions de certaines informations, les donner une fois suffit. En ce qui concerne la présentation et le commentaire... Vous avez su ressortir l'essentiel, tout en prenant en compte les motivations et les sous-entendus de l'auteur. Vous avez fait preuve d'un grand esprit critique et l'on sent que vous avez beaucoup étudié la structure de l'histoire. J'attends tout de même plus d'éléments annexes pour appuyer vos propos à l'avenir, c'est la seule chose qui manquait. C'est un excellent travail monsieur Jeon. Je vous met 18.
Mon cœur rata un battement alors que la seule chose que je pu faire fut de m'incliner, les mains tremblantes.
Wow ?!
En retournant à ma place, Seojun me frappa fièrement l'épaule en me félicitant alors que je réalisais à peine ce que monsieur Park venait de me dire. Il était fier ? Je l'avais impressionné ? Avais-je réussi ? Était-ce réel ?
— Au suivant.
∼
— Merci à tous pour votre travail. La semaine prochaine nous commencerons à travailler sur une œuvre commune. Je vous souhaite une bonne fin de journée à tous. Si vous avez des questions sur vos notes, n'hésitez pas à venir me voir.
Le groupe se dispersa petit à petit, une grande partie des élèves quittant la bibliothèque, une autre partie se dirigeant vers notre enseignant pour lui poser des questions.
— Tu veux rester pour bosser la culture étrangère ou on se casse ? m'interrogea Seojun en checkant quelque chose sur son téléphone.
Mon regard resta perdu sur la silhouette installée en face de moi. Mon professeur restait fidèle à lui-même malgré ce qu'il lui était arrivé l'autre soir. Sauf que mon esprit n'arrivait pas à se sortir cette histoire de la tête. Et si on cherchait encore à s'en prendre à lui ? Je ne me pardonnerais jamais s'il était blessé et que je n'avais rien fait pour le protéger. Il fallait à tout prix que je m'assure qu'il ne lui arriverait plus rien...Mais comment ?
— Jungkook...? La voix de mon ami me paraissait lointaine, j'étais perdu dans une marée de craintes et d'angoisses qui me paralysait complètement.
Lorsque la dernière personne s'éloigna de monsieur Park, je le vis se lever pour partir et mon corps bougea par automatisme.
— J'avais oublié que Yuji voulait me voir... On se retrouve au self pour le dîner..!
Je répondis spontanément sans lâcher l'ombre de mon professeur des yeux. Il saluait désormais les élèves restant avant de s'éclipser vers la sortie.
— Eh bien, vous passez beaucoup de temps ensemble en ce moment.. lâcha Seojun avec un sourire malicieux dont il avait le secret.
Je lui rendis mon sourire le plus faux avant de me dépêcher de sortir de la bibliothèque pour rattraper monsieur Park qui avait quelques secondes d'avance sur moi.
Je ne devais pas le quitter des yeux, il fallait que je m'assure que personne ne chercherait à s'en prendre à lui.
Mais lorsque je tournai en vitesse à l'angle du couloir, je manquai de rentrer dans un corps étranger qui venait dans la direction opposée à la mienne.
— Monsieur Jeon ?
La voix grave qui réveilla des frissons sous mon derme sonna comme une horrible sentence de peine capitale. Mais bordel, pourquoi était-il revenu sur ses pas ?!
— Désolé, je ne regardais pas où j'allais...
— Je vois cela.
Son ton me parut étrangement plus bas qu'habituellement et cela fit rater un battement à mon cœur.
— Où allez-vous comme ça ?
Eh merde, qu'est-ce que j'allais lui dire maintenant..?
« Oh, en fait je voulais vous suivre pour assurer votre protection, mais non, ne vous inquiétez pas je ne suis pas un fou psychopathe ahah !!»
Je retins une grimace. Non, je ne pouvais décidément pas lui dire ça.
— Je...Je vous cherchais...
Sa tête pencha sur le côté, intriguée.
Ah. Peut-être que j'aurais mieux fait de lui dire que j'étais un psychopathe finalement.
— Vous aviez une question sur votre note ? Je pense vous avoir tout dit tout à l'heure.
— Hum...Non.. Je voulais vous remercier.. Pour votre aide et... Tout le reste..
Je vis son expression suspicieuse me sonder. Il allait sentir que je racontais n'importe quoi. Tout simplement parce que je racontais vraiment n'importe quoi, putain !
Son silence me donna envie de m'enterrer six pieds sous terre. Quand est-ce que j'allais apprendre de mes erreurs et arrêter de foncer tête baissée sans réfléchir aux conséquences ?
— Je n'ai absolument rien fait. Vous avez mérité votre note, votre travail était exemplaire. Je n'en attendais pas moins venant de vous, à vrai dire.
Sa dernière phrase eut le don de raviver un feu intense au creux de mon ventre.
Rectification. Il avait ce don.
— Bonne soirée, monsieur Jeon...
Il me salua d'un très bref sourire qui se voulait poli, avant de me doubler pour retourner vers la bibliothèque. Je restai figé, ne comprenant pourquoi ces simples mots me mettaient dans un tel état.
J'avais vraiment un sérieux souci...
— Ah oui, une dernière chose.
Sa voix chatouilla mes tympans et lorsque je me retournai pour le regarder, il me faisait déjà face.
— Lorsque vous faites une présentation, il est important de regarder son auditoire.
Mes yeux s'écarquillèrent tandis que je fixais le mur derrière lui.
— Or, vous n'avez fait que fixer vos camarades tout le long de votre commentaire.
Un gouffre venait de s'ouvrir sous mes pieds.
Il avait remarqué...
Mes pupilles tremblantes parcouraient tout l'espace vide autour de lui, en quête d'un point d'ancrage. Ma panique me fit perdre mes moyens et dans un moment d'inattention, mes yeux croisèrent les siens. J'avais à nouveau atterris dans ses filets.
J'étais prisonnier de son regard et je ne pouvais m'en échapper.
— La prochaine fois, j'espère que vous me regarderez moi, lorsque vous me présenterez votre travail.
...que j'étais incapable de le regarder dans les yeux.
∼
Hello, mes amours ! 🤎
Je suis désolé pour l'attente avec ce chapitre ! Je m'étais énormément concentré sur Silent pour le renvoyer rapidement à la maison d'édition, mais désormais j'ai fini la correction donc je serais beaucoup plus régulière pour les chapitres d'Entre les lignes ! Par ailleurs, ce dernier m'a donné pas mal de fil à retordre et je ne suis pas certaine d'en être complètement satisfaite, mais je pense qu'il fera l'affaire pour nous emmener où je le voudrais !
J'espère que ce chapitre vous à plu, comme d'habitude n'hésitez pas à me laisser vos avis, ça fait toujours plaisir ! 🫶🏼
Je vous dis à la semaine prochaine,
Tendrement, Lunie. 🖋️
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro