𝑪𝒉𝒂𝒑𝒊𝒕𝒓𝒆 𝟏.
1 septembre 2024, 15h24.
Lorsque le chauffeur tourna à droite, je pu enfin la distinguer ; l'immense bâtisse de ma future école. L'école de mes rêves. Elle était là, juste devant moi, se fondant dans l'atmosphère boisée de la périphérie de Daegu. Ce coin isolé de tout semblait si calme et paisible que je savais déjà que je m'y sentirai comme chez moi.
À mesure que nous approchions, mon cœur s'accélérait. J'avais travaillé dur pour en arriver là et je n'arrivais plus à tenir en place, les tremblements incessants de ma jambe en témoignaient. J'allais imploser avant d'avoir pu mettre un pied dans ce qui allait devenir mon nouveau foyer pour les trois prochaines années.
— J'te dépose là, p'tit gars ?
La voix de mon chauffeur me tira de mes rêveries tandis que j'acquiesçai vivement. Il arrêta la voiture à deux pas de l'entrée du domaine puis je le remerciai en réglant le trajet avant de m'extirper hors de l'habitacle. Le coffre s'ouvrit pour me laisser récupérer mes bagages et j'en profitai pour saluer le chauffeur une dernière fois avant qu'il ne fasse demi-tour et disparaisse de mon champ de vision.
Autour de moi, des dizaines d'élèves et de voitures étaient accumulées devant la grande grille qui donnait accès à l'établissement. Mon cou s'étira pour admirer la beauté des lieux ; une étendue verte de dix mille mètres carrés et des arbres gigantesque à perte de vue. En son centre, un bâtiment fidèle à son époque, que certain pourrait prendre pour un château de par sa taille. Pourtant, il n'en avait jamais été un. Sa construction en 1984 le prédestinait déjà à servir d'école.
Depuis mes 17 ans, j'avais rêvé d'étudier ici. Et aujourd'hui, j'y étais enfin.
— Votre attention, s'il vous plaît !
Mes yeux dérivèrent pour se poser sur la personne qui venait de parler. Il balayait la foule d'étudiants avec un large sourire aux lèvres et son uniforme ne me laissait aucun doute sur son identité. Deux autres personnes se trouvaient à ses côtés, droit comme des "i", à l'image de deux gardes du corps.
— Je m'appelle Kim Seokjin et je suis le président du comité des étudiants. Voici, notre vice présidente, Moon Sohee, ainsi qu'un représentant des 2èmes années ; Shin Jiyoung. Nous sommes en charge de votre accueil au sein de notre école. Approchez, on ne mord pas !
Sa plaisanterie attisa quelques rires, mais personne ne resta en retrait, créant très vite un amas d'une bonne cinquantaine de jeunes hommes et femmes, issus des quatre coins de la Corée du Sud. Et peut-être même d'ailleurs.
— Au nom de tous les élèves et de l'administration, je vous souhaite la bienvenue à l'Institut Viktor Andris !
Ils s'inclinèrent tous les trois devant nous, et nous les imitions la seconde d'après. Lorsque je relevais la tête, mon regard croisa celui du président et un sourire fendit son visage. Inconsciemment, je l'imitai, le cœur léger.
J'allais vivre mes plus belles années. J'en étais certain.
— Venez, nous allons vous faire visiter le domaine.
Bagage en main, nous avancions le long de l'allée centrale. Les graviers grinçaient à notre passage, sous nos pieds ainsi que sous les roues de nos valises. Beaucoup d'élèves faisaient déjà connaissances et discutaient entre eux. Tandis que je ne pouvais détacher mes yeux du magnifique décor qui se dessinait autour de moi. Les arbres majestueux, les plantes variées et les fleurs colorées. C'était comme si tout avait été calculé au millimètre près. J'avais passé un bon nombre d'heures à regarder les photos en ligne, que ce soit sur les réseaux sociaux ou sur le site officiel de l'Institut, en rêvant du jour où j'y serais enfin. Alors, être là, pour de vrai, en chair et en os, c'était surréaliste.
— Juste ici vous avez la dépendance où réside la plupart du personnel, ainsi que certains professeurs. C'est également ici que se trouve tout le matériel sportif.
J'écoutais attentivement les explications du président du comité des étudiants, tout en détaillant la bâtisse, déjà très imposante pour une annexe, mais qui n'en restait pas moins ridicule à côté du bâtiment principal de l'école.
En parlant de celui-ci, nous arrivions enfin devant l'entrée vertigineuse accessible par un grand escalier en pierre. J'allais fouler le sol de l'Institut Viktor Andris. J'allais entrer dans la prestigieuse école supérieure de Daegu. Je ne réalisais pas.
— Nous allons vous conduire vers les dortoirs pour que vous déposiez vos affaires, puis nous ferons la visite de l'école. Les cours ne commencent officiellement que demain dans la matinée, vous aurez donc votre soirée de libre. Si vous avez des questions, n'hésitez surtout pas, nous sommes là pour y répondre.
Notre guide nous parlait tout en montant les marches jusqu'à arriver devant les portes qu'il poussa d'un mouvement franc marqué par l'habitude. Mes yeux s'émerveillèrent devant l'incroyable tableau du hall de l'Institut. Le sol en marbre ressemblait à une peinture à l'huile dont on avait jeté des traits d'encre ici et là. Le sol me fascina un long moment alors que le plus beau se trouvait au-dessus de moi. La voûte du plafond en mosaïque, haut de plus de 6 mètres, me donna le vertige et manqua de me donner un torticolis, tant j'avais dû courber le cou pour pouvoir l'observer. Le lustre, parsemé de petites gouttes de cristal, faisait refléter ses rayons lumineux et miroitait entre les dalles tristement colorées du plafond. Ce spectacle fut si beau qu'une vague de nostalgie s'empara de moi.
J'avais travaillé si dur, j'avais mis mon corps à rude épreuve pour pouvoir me permettre de venir ici. C'était enfin la concrétisation de tout ce pourquoi je m'étais battu.
— Venez par ici, s'il vous plaît.
La voix d'une jeune fille attira nos regards vers les deux grands escaliers qui trônaient au centre du hall. Dans un mouvement commun, nous rejoignîmes la vice-présidente pour nous rendre à l'étage, lorsque mes yeux furent attirés par une décoration que je n'avais pas encore eu l'occasion de voir. Une magnifique statue, représentant une étreinte entre deux êtres sur le point de s'embrasser, leurs lèvres séparées par seulement quelques centimètres de vide.
Elle était splendide.
Si j'avais eu le temps, je serais resté devant pour l'observer et la dessiner pendant des heures. Malheureusement, elle disparut bien vite de mon champ de vision, et fut remplacée par les longs couloirs de l'école qui se dessinèrent devant moi. Plusieurs mètres en longueur, menant visiblement à diverses salles de classe.
— Les dortoirs se trouvent à l'arrière de l'école et se répartissent par secteurs en fonction des promotions. Cette année, les troisièmes années sont dans l'aile Ouest, les deuxièmes années dans l'aile Nord, et les premières années dans l'aile Est.
Je n'arrivais plus à être aussi attentif aux explications des élèves du comité, mon regard se faisait systématiquement happé par tout ce qui m'entourait. Du sol au plafond, jusqu'à la décoration des murs. Plus nous avancions à travers ce dédale et plus j'étais fasciné, c'était comme si l'école entière était une œuvre d'art. Nous pouvions même voir l'intérieur des salles de classe grâce à de grandes fenêtres en plexiglass alignées sur toute leur longueurs.
— Voilà, nous arrivons à l'entrée des dortoirs. Vous allez pouvoir chercher votre chambre sur les listes et déposer vos affaires. Vos uniformes ont été préparés selon les mesures que vous aviez fournies à l'école. Il n'est nécessaire de le porter que lorsque vous avez cours. Le reste du temps, vous êtes libre de vous habiller comme vous le souhaitez.
Le prénommé Seokjin s'arrêta pour nous faire face.
— Nous vous laissons quelques minutes pour découvrir les lieux, ensuite nous formerons trois groupes pour la visite de l'école. N'oubliez pas que si vous avez des questions, il n'y a aucun problème. Allez, rendez-vous tout à l'heure !
Et sans plus de cérémonie, tout le monde se précipita vers les listes affichées sur l'un des murs du couloirs. Je dus prendre mon mal en patience avant de pouvoir espérer les approcher. Ce ne fût que lorsque la première partie des étudiants se retira pour rejoindre leur chambre que je pus enfin apercevoir mon prénom sur la feuille.
Jeon Jungkook : 118
Satisfais, je m'extirpai de l'attroupement et ne perdis pas de temps pour remonter le long du couloir. Je ne lâchais pas les portes des yeux, les chiffres défilèrent, d'autres étudiants me doublèrent tandis que je ralentissais à mesure que j'approchais du numéro de ma chambre . 114, 115, 116, 117 et enfin 118. Mon prénom était affiché sur le côté de la porte, juste en dessous de celui d'un autre élève. Lee Seojun. Mon futur colocataire, semblait-il.
Délicatement, je descendis la poignée et pénétra dans la pièce en m'assurant que je n'allais déranger personne. Mais mon camarade n'était, visiblement, pas encore arrivé. La pièce était à l'image du reste de l'école. Les murs en pierre avaient simplement été remplacés par du papier peint mais le sol en bois était le même. La décoration était sobre, à l'exception des deux lits et des deux bureaux qui occupaient presque toute la pièce. La grande fenêtre en face de moi attira mon attention. Un petit rebord agrémenté de coussins permettait de s'asseoir et d'observer la vue.
Un sourire m'échappa quand je pensais aux soirées que je pourrais passer ici, à lire, en contemplant le ciel. Cet endroit n'était pas trop personnel, et peut être même un peu terne aux yeux de n'importe qui, mais rien ne nous empêcherait de l'agrémenter selon nos désirs.
— Salut !
Je me retournai vivement en entendant cette voix sortie de nul part. Un jeune homme, d'environ mon âge, se tenait là, valise et sac en main. Il me tendit un sourire tout en s'approchant.
— Tu dois être le gars avec qui je partage cette chambre. Je m'appelle Seojun, et toi ?
Un petit souffle amusé m'échappa alors que je me tournais pour être bien face à lui.
— Jungkook ! Je suis en première année de lettres et toi ?
— Moi aussi ! C'est trop cool, on va être dans la même chambre ET dans la même promo'.
J'acquiesçai d'un petit mouvement de tête avant de désigner les lits à côté de nous.
— T'as une préférence ?
Il haussa les épaules et pointa le premier près de la salle de bain.
— Celui-là, ça me va.
— Parfait !
J'étais content d'hériter de celui près de la fenêtre, ce petit coin me plaisait bien. J'étais ici depuis moins d'une heure et pourtant je me sentais déjà comme chez moi. Je ne regrettais pas d'être venu ici. J'avais dû faire des sacrifices, et consacrer du temps pour économiser afin de payer les frais de scolarité. Mais l'effort en valait la chandelle, j'allais pouvoir faire les études dont je rêvais depuis des années. Aucun sacrifice n'aurait été trop grand.
Alors que j'avais à peine commencé à ouvrir les placards pour ranger quelques affaires, mon téléphone vibra dans ma poche, m'annonçant que je venais de recevoir un message.
De Maman :
Alors, tu es bien arrivé ? Comment est l'école ?
Un sourire fendit mes lèvres tandis que je me laissais tomber sur le matelas pour écrire une réponse.
À Maman :
Oui, on va faire la visite de l'école là. Et j'ai déjà rencontré mon coloc, il est dans la même promo. Je t'appellerais dans la soirée pour tout te raconter. Bisous !
En rangeant mon téléphone, mes yeux se posèrent sur le lot d'uniforme qui avait été accroché aux portants près des bureaux. Inconsciemment, je me levai pour le voir de plus près. Il était composé de trois chemises blanches, d'un veston bleu-vert pour l'hiver et d'un cardigan beige pour l'été, tous deux brodés avec l'emblème de l'Institut. Quant aux bas, ils étaient de la même couleur et de la même matière que le veston.
— Nous allons faire la répartition pour la visite, veuillez nous rejoindre dans le couloir !
Je relevai la tête vers la porte d'entrée avant de jeter un coup d'œil à mon compagnon de chambre, puis d'un commun accord, nous quittions la pièce pour rejoindre les membres du comité des étudiants.
— Les chambres 100 à 115, vous viendrez avec moi, celles de 116 à 130 vous irez avec Sohee et les autres ce sera avec Jiyoung. Bonne visite à tous !
Lorsque le président termina ses explications, chacun rejoignit son guide et notre groupe ne tarda pas à sortir des dortoirs.
— Nous commencerons la visite au rez-de-chaussée. De ce côté du bâtiment, vous trouverez la salle de musique, la bibliothèque, ainsi que le réfectoire au bout du couloir. Il est ouvert le matin à partir de 6h30 jusqu'à 9h00, à midi le service commence à 11h et se termine à 13h30. Pour le soir, vous pouvez venir à partir de 18h30 en revanche il ferme à 21h, alors tâchez de bien gérer votre timing pour ne pas déranger le personnel.
La vice-présidente donnait toutes les explications avec un ton clair et ferme, en se montrant légèrement moins expressive que le président.
— Et la bibliothèque est accessible quand ? demandais-je, alors que nous passions juste à côté.
La jeune étudiante se tourna vers moi, sans esquisser le moindre sourire.
— Elle ouvre le matin à 6h et ferme le soir à 22h. Vous pouvez y aller n'importe quand sur votre temps libre. Comme toutes les salles de classes.
Je la remerciai d'un mouvement de tête, tandis qu'elle reprenait déjà la visite. Un sourire m'échappa alors que je contemplais encore un instant la grande porte menant à mon futur lieu préféré.
Soudain, un bras passa par-dessus mon épaule, et en tournant la tête j'aperçu le visage de Seojun, qui me souriait de toutes ses dents.
— Et si on profitait de ce moment un peu barbant pour apprendre à se connaître ?
Un petit rire m'échappa, amusé par l'air blasé qu'il se donnait.
— La visite te fait tant chier ?
— Bah, ça va, ça reste une école, on va pas se perdre non plus ! J'vois pas pourquoi ils en font toute une cérémonie.
— C'est pourtant une tradition, les 3èmes années du comité des étudiants accueillent les nouveaux 1ers années et leur font visiter les lieux. C'est pour initier les premiers contacts et faciliter l'intégration !
Mon colocataire siffla devant mes connaissances. Je n'en rougissais pas, j'assumais totalement d'être un fan un peu fou de cette école.
Nous étions vachement à la traîne et je ne pouvais même plus distinguer les explications de la vice-présidente. Mais au final, cela n'était pas vraiment dérangeant étant donné que je savais déjà presque tout.
— T'es de Daegu ?
La question de mon homologue me tira de mes pensées tandis que je secouais la tête.
— Non, de Busan.
— Qu'est-ce qui t'a amené ici ?
Un sourire m'échappa en repensant à cette journée, lorsque j'étais rentré du lycée et que j'avais vu ce reportage à la télé. Je me rappelais encore très nettement de l'émerveillement dans mes yeux quand j'avais découvert l'Institut à travers l'écran, à travers les images capturées par la chaîne d'information. Ce même soir, j'avais annoncé à ma mère que c'était là-bas que je voulais aller étudier et que je travaillerais dur pour y arriver. J'avais vite déchanté en découvrant les frais que cela coûtait pour, ne serait-ce que, s'inscrire sur les listes de candidature. Malgré cela, je n'avais pas voulu abandonner alors j'avais travaillé d'arrache pied, autant à l'école que dans tous les petits boulot que j'avais eu en 3 ans.
— L'école est belle. répondis-je enfin, provoquant un léger rire de la part de Seojun.
— Ah ouais, il t'en faut peu !
C'était pourtant tout le contraire. J'étais très exigeant. Mais l'Institut Viktor Andris répondait à tous mes critères avec perfection.
— Et toi ?
Je l'interrogeais alors que notre groupe tournait à gauche dans un autre couloir qui donnait sur de nouvelles salles de classe.
— Mes parents.. J'avais pas besoin de venir ici pour le métier que je veux faire, mais ils voulaient que j'ai les meilleures études possible. Et ils sont du genre à pas compter l'argent qu'ils dépensent.. Tu vois ?
J'acquiesçai d'un petit hochement de tête. Je ne connaissais pas ça, mais je l'imaginais assez facilement. La vie devait être simple, quand on n'avait pas besoin de se préoccuper de l'argent.
Soudain, tout le monde s'arrêta, attirant notre attention à l'avant où se trouvait notre guide.
— Voilà, nous avons fait le tour. Je vous libère pour la soirée. Si jamais vous avez la moindre question, le bureau des étudiants est ouvert jusqu'à 18h30. Pour demain, tâchez d'être prêt à 7h30 pour le discours de rentrée du directeur. Il aura lieu dans la cour, le reste des informations vous seront communiquées en temps voulu.
Nous acquiescions tous vaguement, tandis qu'elle s'inclinait avant de s'en aller dans la direction opposée.
— Alors, tu veux faire un truc avant d'aller finir de déballer nos affaires ?
— On peut aller voir la cour intérieure ?
— Y'a une cour intérieure ?
J'esquissai un petit rire avant de lui faire signe de me suivre.
— Au fait, on s'échange nos num' ? me proposa-t-il, soudainement en sortant son téléphone de sa poche.
Je hochai la tête en récupérant le portable qu'il m'avait tendu, et ajouta mon numéro dans ses contacts. Lorsque je le lui rendis, nous atteignîmes une porte vitrée qui donnait accès à la cour intérieure.
— Tu as jamais vu de photos ? demandais-je en posant une main sur la poignée.
— Non, j'avais à peine vu des photos du bâtiment et des salles de classe..
Mes lèvres s'étirèrent en un fin sourire, tandis que j'abaissais la clenche, m'apprêtant à ouvrir la porte.
— Alors prépare toi à découvrir ce chef-d'œuvre. plaisantais-je alors qu'il avait relevé un sourcil suspicieux.
Je ne plaisantais pas tant que ça, quand je disais que c'était magnifique. Cet endroit aurait pu facilement être un tableau. Alors que je poussais la porte d'un lent mais franc mouvement, mes yeux s'émerveillèrent devant la peinture que je découvrais réellement pour la première fois. Derrière moi, j'entendis mon colocataire siffler.
— Ok, j'admet. C'est putain de beau.
Un sourire m'échappa tandis que mes yeux parcouraient le lieu paisible tout droit sorti d'un décor de cinéma. L'élément principal et sûrement le plus important était la grande fontaine qui trônait au centre de la cour, surmonté par une statue représentant une femme de l'époque antique tenant une jarre qui déversait l'eau directement dans le bassin. Les bordures étaient définies dans un marbre soyeux et légèrement tacheté, probablement dû aux années passées ici et malgré trois rénovations après des intempéries.
— Le fondateur a fait appel à un ami spécialement pour la conception de cet endroit. Il tenait à ce que ce soit un lieu confortable qui plairait aux étudiants.
Je me lançais dans les explications des différents articles que j'avais lu au sujet de la fondation de l'école, il y a 40 ans. Nous continuions d'avancer tandis que je détaillais chaque recoin que je n'avais que trop vu en photo, mais que je pouvais désormais complètement apprécier, de manière authentique.
Il y avait des coins d'herbes et quelques arbres qui pouvaient facilement donner envie de s'asseoir pour lire, peindre, écouter de la musique ou discuter entre amis. J'arrivais très bien à m'imaginer faire tout cela, durant les trois prochaines années. Quelques fleurs venaient également ajouter une touche de couleur, tout autour de la cour rehaussant les tons ternes des murs en pierres du bâtiment. Et dans certains coins, on pouvait trouver des bancs, plus ou moins grands, qui ne semblaient pas spécialement confortables. Pourtant, quand mon regard trouva un corps allongé, prélassé, voire peut-être même endormi, sur l'un des sièges en pierre blanche, ils ne semblaient plus si inconfortables que ça.
— Jungkook ?
Un livre reposait sur le torse de la personne allongée, à quelques mètres de moi. Il semblait sur le point de tomber. Dormait-il vraiment ?
— Eh, Jungkook ?
Une secousse me fit tourner la tête. Je ne m'étais pas rendu compte que je m'étais perdu dans mes pensées.
— Oui ?
Mon colocataire fit une grimace amusée en penchant légèrement la tête sur le côté.
— T'avais l'air complètement ailleurs.
— Ouais, désolé, j'étais dans mes pensées.
Il acquiesça vaguement en me faisant un signe de la main vers la porte.
— Je vais retourner au dortoir pour ranger mes affaires, tu viens ?
Inévitablement, mes yeux se tournèrent vers le banc. Vers l'inconnu. Vers ce livre qui allait bientôt tomber.
— Je te rejoins après.
Ma réponse lui sembla indifférente lorsqu'il haussa les épaules avant de faire demi tour pour retourner à l'intérieur.
— Ok' ! À toute' alors !
Mes pieds bougèrent avant même que je ne l'ai décidé. Je ne savais pas pourquoi mais je m'approchais. Puis lorsque je fus assez prêt, mon souffle se coupa. Le visage de cet inconnu m'apparaissait enfin clairement et pour une étrange raison, je n'arrivais plus à respirer.
Il dormait vraiment. Ses paupières closes et les petits mouvements réguliers de son torse en étaient la preuve.
Le livre penchait dangereusement dans le vide alors je fis la seule chose qui me semblait logique en cet instant. Certains auraient sûrement jugé qu'il valait mieux réveiller la personne, d'autres auraient peut-être juste passé leur chemin. Mais moi, je ne voulais pas le réveiller, ni ne rien faire du tout. Alors, délicatement, je tirai le livre en veillant à garder la bonne page. Puis, en fouillant dans mes poches, la seule chose que je trouvai, fut mon ticket de train. Celui que j'avais pris depuis Busan ce matin. Je n'en avais plus besoin. Il allait donc pouvoir servir de marque page, mais lorsque je le déposai au milieu du sillon, une phrase attira mon attention.
"Je n'ai jamais écrit, croyant le faire, je n'ai jamais aimé, croyant aimer, je n'ai jamais rien fait qu'attendre devant la porte fermée."
En refermant le livre, j'étudiai un instant la couverture. Le nom piqua ma curiosité, je ne le connaissais pas.
"L'Amant" Œuvre originale de... Ma-r-g.. ? Ce prénom était imprononçable. Mes yeux continuèrent leur exploration. Traduit du français par Lim Hanmin. C'était un livre français ? Wow, impressionnant. J'avais toujours aimé lire, mais je ne m'étais encore jamais intéressé à la littérature étrangère.
Je notais ce nom dans un coin de ma tête, avant d'enfin reposer l'ouvrage avec le plus grand soin, sur le banc à côté de l'inconnu endormi. Inévitablement, mon regard se reposa une dernière fois sur ce visage paisible qui n'avait pas bougé d'un pouce. Il devait avoir le sommeil vraiment profond.
Je me demandais de quelle couleur étaient ses yeux.
Sans m'en rendre compte, je m'étais penché en avant, comme si j'avais eu besoin de vérifier quelque chose. Sa peau semblait si lisse...Presque comme une statue de cire. Nette, élégante, tamisée et taillée à la perfection.
Je me laissais envoûter.
Ce ne fut que lorsque mes doigts se retrouvèrent à quelques centimètres de ses lèvres que je réalisai ce que j'avais été sur le point de faire. Je me redressai précipitamment en reculant d'un pas.
Mais qu'est-ce qu'il m'avait pris ?
Mon rythme cardiaque s'était alourdi alors que je détaillais la silhouette étendue sur le banc de pierre. Je mentirais si je disais que je ne le trouvais pas beau. Mais cela ne semblait pas tout à fait juste. C'était pire que cela. Plus fort, plus indescriptible, plus énigmatique.
J'étais face à un puzzle impossible à résoudre.
Comme devant une œuvre d'art.
Comment disait-on déjà, quand quelque chose semblait faux, intouchable, impassible, inatteignable ?
Ah, oui. Irréel.
Cet homme était irréel.
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