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Joe
S'il y a une chose que j'ai toujours détestée avec le fait d'avoir une vie plate et presque vide, c'est que n'importe quelle chose sortant du quotidien aussi infime qu'elle soit arrive à y faire écho. Une personne anonyme t'écrit sur les réseaux, vous vous envoyez quelques messages et ça devient le truc intéressant de ta vie, ce qui te hante H24. C'est ce qui m'arrive avec le gamin depuis hier soir. J'aurais pu passer deux semaines à penser à lui pour la nuit qu'il a passé chez moi mais avec cette foutue balade je suis sûr de passer plus d'un mois.
Je n'arrête pas d'y en boucle et de me questionner bêtement à chaque fois. Comment a-t-il fait pour percer ma carapace pourtant aussi bien forgée? Pourquoi il veut se rapprocher de moi? Est-ce qu'il veut se rapprocher de moi? Pourquoi me regarde-t-il avec autant d'insistance quand je parle? Pourquoi ai-je toujours cette impression qu'il me cache quelque chose? Pourquoi le fait qu'il puisse me cacher quelque chose me dérange tant alors que c'est un inconnu? Est-ce que j'y pense trop? Je suis loin d'avoir les réponses des autres questions mais j'ai la réponse de celle-ci : oui, j'y pense trop. Largement trop. Si ça se trouve, il m'a oublié au moment où nos regards se sont séparés.
Bizarrement, cette idée me dérange amèrement. Penser autant à un lycéen qui se fout de moi me ferait ressembler à un vieux pervers dégoûtant. Il est vrai que je n'ai que vingt-et-un ans mais je me vois mal tomber amoureux de mecs qui ne commencent que doucement à avancer vers l'âge adulte et encore moins penser à eux comme un obsédé. Pour moi un dix-sept est comme un seize, un seize c'est comme un quinze, un quinze c'est comme un quatorze donc ils sont bien trop jeunes.
Sinon puis-je savoir pourquoi je suis en train de parler de tomber amoureux? Ça n'a absolument aucun rapport, je suis vraiment en plein délire. Heureusement, j'entends la porte de ma salle de bain s'ouvrir, m'annonçant que Lory vient d'accoucher des bébés qu'elle a noyés juste aprèz comme elle aime dire.
Hélas, j'ai dit mon "heureusement" bien trop vite! La rousse est en train de rire fortement, ayant presque les larmes aux yeux, alors qu'elle regarde l'écran de son téléphone. Ayant trop de fois été victime d'elle, je ne peux m'empêcher de froncer les sourcils, me demandant ce qu'elle a encore bien pu trafiqué pour me mettre dans l'embarras et pouvoir rire. Nos regards se croisent et elle éclate de rire encore plus fort. Je suis loin d'être énervé ou en colère mais je fais tout pour laisser le contraire se lire sur mon visage.
- Pourquoi t'es fâché? Elle me demande, essayant de ne pas s'étouffer à cause de son fou rire.
- Je suis pas fâché, je lui réponds, sur un ton agacé, rendant ma phrase la définition même de l'ironie.
- Je te connais, p'tit chou. Vas-y, dis-moi ce que t'as?
- Tu oses le demander alors que tu riais comme une folle il y a cinq secondes?
- On a plus le droit de rire sans que ça ait rapport avec toi ici ou quoi?
- On a le droit mais je te connais aussi p'tit cœur.
Elle éclate de rire et semble enfin vouloir me dire ce qui la rend si hilare.
- C'est juste ta tête qui est trop drôle sur une photo. Tu ressembles à un chimpanzé en plein accouchement, elle ajoute, alors que des larmes commencent à perler au coin de ses yeux.
- Sur quelle photo? Je lui demande, curieux de savoir où elle a bien pu trouver ce cliché de moi apparemment trop drôle.
- Une photo Instagram. Ton compte a été identifié dessus, d'ailleurs, elle m'informe, en reprenant un peu de contenance.
Instinctivement, je prends mon téléphone de ma poche et lance Instagram. Je vérifie mes notifications et finis par tomber sur celle où quelqu'un semble m'avoir identifié sur une publication. Je clique dessus et la photo que je vois n'a rien à voir avec moi. Néanmoins, je remarque qu'il s'agit de la soirée où Lory m'a amené l'autre soir accompagnée d'une légende Il n'y a que ceux qui y étaient pour savoir à quel point c'était cool. J'y étais et moi je trouve que ça n'avait rien de cool. Mais bon, mon avis a bien trop souvent été contraire à celui de la foule pour que cela m'importune.
Je swipe pour voir la prochaine slide et c'est là que je me vois. Je suis un peu en second plan de la photo mais je reste très visible. Je suis en train de rire, en penchant ma tête en arrière, dévoilant ma bouche grande ouverte et mes narines. Le reflet de la lumière sur mon front ne me rend que plus ridicule mais je trouve que le rire de Lory est définitivement trop pour cette simple photo. Après tout, Lory n'est pas ma meilleure amie pour rien : elle est tout comme moi un cas à part.
N'ayant de toute évidence rien de mieux à faire, je continue à swipe. Je regarde les photos des fêtards sans grand intérêt jusqu'à ce que j'arrive à la neuvième slide. La photo de cette slide bien que normale attire toute mon attention. La raison est très simple ; le gamin y figure. Il est assis sur un canapé avec un garçon aux cheveux verts qui semble avoir le même âge que lui. Je ne vois pas son visage mais il s'agit des habits qu'il portait et je l'ai vu bien trop de fois maintenant pour confondre quelqu'un d'autre avec lui. C'est bien lui, j'en suis sûr, c'est Harvey.
D'un geste timide, je clique sur l'icône à gauche en bas de la photo. La liste des personnes identifiées sur la photo ne tarde pas à apparaître. Il y en a cinq. Je les regarde en une seconde mais le troisième compte est celui qui attire mon attention. H3rveyyy. Ce pseudonyme est accompagné d'une photo de profil flou. Elle semble être une photo de Harvey de dos mais légèrement floutée. Elle est très belle avec le fond bleu qui semble être le ciel qui va avec la couleur de sa chemise grise. Je clique immédiatement sur le profil.
Les premières informations que j'arrive à trouver c'est qu'il a trois-cents cinquante-neuf abonnés, qu'il est abonné à cent soixante-huit comptes et qu'il a partagé neuf publications sur la plateforme. Il n'a mis que l'emojis qui représente un cœur noir en tant que biographie. Ses publications sont extrêmement esthétique. Il n'a posté que trois photos mais il les poste en trois fois, en les donnant le même aspect flou de sa photo de profil. Encore une fois son visage n'apparaît pas sur les clichés, ou du moins pas vraiment. Les trois rangées de publications sont de couleurs différentes et ça ne fait que rendre son compte encore plus beau. Celle du bas semble avoir pour arrière plan une forêt verte, celle du milieu porte le rose de l'Aurore et la plus récente un bleu azur magnifique. Un beau compte, en résumé.
Je m'apprête à le quitter avant de me rappeller de ce que le gamin m'a dit par rapport à la vie qui essaye de mettre deux personnes sur le même chemin. Et si depuis le début rien de notre rencontre n'était le fruit du hasard mais plutôt le travail de la vie? Ceci tiendrait beaucoup plus la route que de dire que des coïncidences arrive toujours à nous faire nous rencontrer. Il est vrai que j'exagère en disant toujours mais le nombre de fois où je me suis trouvé en position de faiblesse devant lui est vraiment excessif et le fait que je tombe ainsi sur son compte donne encore plus de sens à la théorie de la vie. Si ça se trouve, il est le petit frère que la vie ne m'a jamais donné et que la vie essaye de me donner.
Avec cette idée en tête, je m'abonne à lui et like toutes ses publications. Je sors de son compte et scroll mon feed, likant les publications qui m'intéressent. Il n'y a pas manière que je m'ennuie avec un tel feed, Je suis plus de neuf cent comptes actifs et extrêmement variés. Je passe clairement de mecs aux abdos de Betton, à influenceuses qui exhibent leurs sains et leurs fesses qui crient l'artificielles, à dessins merveilleux réalisés par des artistes sous côtés, ainsi que des recommandations de livres, des sujets forts, des informations douteuses et des memes d'humour noir.
Mon attention pour les diverses publications de mon feed devient rapidement de l'histoire ancienne lorsque je vois la notification me disant que le gamin s'est abonné à moi en retour. C'est quelque chose d'absolument normal mais venant du gamin qui monopolise mes pensées c'est complètement différent. Ça n'a pourtant rien de surprenant mais ça me fait tout de même un drôle d'effet, comme si je ne m'attendais à pas ce qu'il le fasse. Pour moi, c'est comme si ce gamin vivait à des millions de kilomètres de mon monde et le fait qu'on fasse quelque chose d'aussi commun comme se suivre mutuellement sur Instagram me semble vraiment trop bizarre.
Je trouve que je n'ai pas besoin de spécifier que voir un message de sa part s'afficher sur mon écran me parait encore plus bizzare. Pris de curiosité, je m'empresse d'ouvrir le message pour voir ce qu'il peut bien me dire. Je monte sur la discussion et sans prendre la peine de lire son message j'accepte son invitation à écrire. Je lis son message et un petit sourire se dessine sur mon visage.
De H3rveyyy :
Salut, monsieur le libraire. Merci pour le follow et poir les likes. C'est gentil <3
*Pour
Je me sens un peu nerveux, ne sachant pas trop quoi dire mais je finis par réaliser que le meilleur à faire dans cette situation est d'agir, enfin d'écrire, avec naturel.
A H3rveyyy :
Salut, gamin. Ne t'en fais, je l'ai fait parce que j'aime bien ton compte.
La réponse ne tarde pas arrivé à l'instant, comme s'il était resté sur le conversation à attendre mon message.
De H3rveyyy :
Merci, ça fait du bien de voir que mes efforts ont servit à quelque chose et que certaines personnes apprécient mon compte.
Sinon, ça a été ta journée? Les clients t'ont pas trop fatigués?
A H3rveyyy :
Pas vraiment, ils ont été sages. Du moment qu'il ne me font pas peur dans le noir, ça va.
De H3rveyyy :
Dans ce cas, ce ne sont pas vraiment des clients bons pour le genre de libraire qui tombe tout le temps des échelles.
Les clients bordéliques aux libraires bordéliques :)
A H3rveyyy :
Du respect, nous ne sommes pas de la même génération je te rappelle.
De H3rveyyy :
Une génération dure 25 ans. Donc, tu es de la même génération que toutes les personnes né 25 abs avant toi et après toi.
*Ans
A H3rveyyy :
Les gamins comme toi sont des pros pour partager les infos que vous trouvez sur les réseaux sociaux sans les vérifier.
De H3rveyyy :
Tout comme les vieux comme toi sont si stupides de penser que nous les jeunes ne sommes que des ignorants.
A H3rveyyy :
Pardon? J'ai mal lu ou tu m'as appelé vieux!?????
De Harvey :
Ne t'en fais pas, c'est correct tu n'as pas encore des problèmes de vision ;)
La maturité que j'ai passé des années à aiguiser décide de partir à cet instant précis, me laissant avoir une idée tellement peu mature. Je vais sur ma galerie photo et sélectionne la première pellicule que je trouve. C'est une photo de moi qui date de presque deux mois. On peut y voir ma tête et le début de mon torse, recouvert d'une chemise blanche. J'y parais beau. Je décide de l'envoyer au gamin, lui demandant s'il trouve toujours que je ressemble à un vieux. Sa réponse ne tarde pas à arriver.
De H3rveyyy :
Ok, j'avoue t'es pas un dinosaure mais tu ne restes pas moins un mammouth :)
Je lui envoie quelques emojis mort de rire et il finit par réagir au message avec l'un d'eux. Ainsi se termine notre conversation. Conversation qui finit par reprendre quelques heures plus tard, vers les environs de minuit. Il m'a envoyé un meme en rapport avec la lecture et ceci a relancé notre conversation. Conversation qui reste mardi, mercredi, jeudi et vendredi.
Le fait de lui parler derrière un écran m'a permis de me rapprocher de lui vraiment rapidement. Je me sens plus à l'aise derrière mon téléphone et j'ai tout le temps qu'il faut pour répondre, donc j'arrive à penser à quoi dire. J'aurais sûrement pris cinq mois pour arriver à l'approcher comme je l'ai fait ces cinq derniers jours, sans Instagram.
Bizarrement, lui parler me donnait une bizarre bonne humeur. Partout où je suis je me sens plus léger et j'ai toujours l'impression que la vie est belle et douce. Lui parler est toujours plaisant et ça donne l'impression d'être une bouffée de fraîcheur dans ma vie chiante. Ça me donne l'envie de marcher avec des arc-en-ciel sur la tête et une armée de licorne faisant caca des arc-en-ciel derrière moi. C'est littéralement ce que je ressens.
Après, je sais très bien que lorsque je le verrai en face, ce ne sera plus aussi facile que ça. J'étais clairement d'accord que l'approcher n'est pas vraiment une bonne chose mais il n'a fallu qu'un seul message de sa part pour créer un semblant d'amitié entre lui et moi. Un semblant d'amitié que je ne sais pas comment gérer quand je le rencontrerai pour la prochaine fois. Ça fait tellement longtemps que je n'ai pas sympathisé avec personne que je ne sais plus comment agir quand on commence à s'approcher d'une personne et que l'on veux que son amitié avec cette personne en devienne une vrai, une amitié profonde.
Je sors de ma spirale de pensée à cause d'une forte pincette sur mon bras gauche. Je cris aussi fort que je le peux et regarde Lory qui croise ses bras avec un regard mauvais. Bien sûr que c'est elle qui l'a fait, qui d'autre l'aurait fait?
- Je peux savoir pourquoi je ne peux plus rester tranquille, ici? Je lui demande, en continuant de la regarder comme si j'allais l'étrangler d'une seconde à l'autre.
- Ça fait une heure que j'accueille tous les clients alors que toi tu restes là sans rien faire, à penser comme si t'avais mis enceinte une meuf, elle se plaint, en exagérant avec un ton mélodrame qui peut faire rire même des pierres.
- C'est pas de ma faute, je pensais juste au gamin, Je lui avoue, sans réfléchir à si c'est une bonne idée de lui dire ou non.
Elle semble confuse mais un éclair de lucidité finit par traverser son regard qui devient aussitôt avide de curiosité. Elle s'asseoit sur la chaise à côté de la mienne, oubliant toutes les plaintes qu'elle exposait il y a quelques secondes encore.
- Il se passe quoi entre vous deux, ce gamin et toi? Elle me demande calmement, semblant vouloir parler sérieusement de la situation.
Elle doit sûrement vouloir s'assurer que je ne tombe pas dans une situation qui puisse me mettre à zéro. C'est exactement pour ça qu'elle reste ma meilleure amie. Elle a beau me taquiner, elle sait quand il faut être sérieux et quand elle doit être là pour moi.
- Rien de vraiment spécial mais c'est tout de même beaucoup pour moi.
- Qu'est-ce que tu entends par "rien de vraiment spécial"?
- Je l'ai accompagné à faire une balade par pure altruisme dimanche soir et depuis nous discutons sur Instagram fréquemment. J'adore vraiment nos conversations mais en y réfléchissant bien je ne sais pas vraiment si c'est une bonne chose.
Elle rigole doucement, me prouvant qu'elle s'attendait à pire, avant de me répondre :
- Discuter sur les réseaux, ça n'a rien de spécial, Joe, c'est la mode maintenant. Certaines personnes se parlent sur les réseaux tous les jours et font genre ils se connaissent pas en vrai et certaines personnes discutent avec des gens à l'autre bout du globe. Tu ne devrais pas prendre autant au sérieux.
- Tu es en train de me dire que le gamin et moi ne sommes pas vraiment en train de nous rapprocher, si je comprends bien?
- Ça dépend.
- De quoi?
- Déjà, d'à quel point vous prenez vos discussions au sérieux. Si vous prenez juste comme un passe-temps, il n'y a aucune chance qu'une vraie amitié en découle. Puis de comment vous allez agir lorsque vous vous rencontrerez.
- C'est un peu à ce que je pensais, justement. Je sais pas comment je devrais agir avec lui maintenant. Je ne peux pas agir avec lui comme avec un simple inconnu car il ne l'est plus mais il n'est pas non plus mon ami.
- Peut être que tu devrais tout simplement agir au feeling. Genre laisse toi couler et c'est tout.
- C'est pas vraiment facile à faire quand on a passé les quatres dernières années sans sociabiliser avec personne. On oublie comment agir avec les gens que nous rencontrons à peine.
- Je suppose. Sinon je peux savoir pourquoi tu te prends autant la tête avec ce gamin ? Je ne t'ai jamais vu autant intéressé par une personne, avant.
Sa question me fait bugger. Il m'est vraiment difficile de lui répondre car je ne sais moi même pas pourquoi je suis intéressé par ce garçon. Il y a le fait qu'il partage la même passion que moi certes mais ça ne justifie pas mon attraction. C'est comme si j'avais le besoin de découvrir sa personne, comme si j'avais le besoin de devenir son ami.
- Je sais pas vraiment, juste je ressens l'envie d'être son ami. C'est juste que je l'aime bien, sans raison possible.
- Un peu comme un coup de foudre?
- Pas vraiment, je le détestais vraiment beaucoup le jour de notre rencontre. Ça a commencé après.
- Je vois. Je trouve que tu devrais juste lui dire ça, alors.
- Quoi?
- Que tu veux devenir son ami.
- Hein? T'es folle ou quoi? C'est juste puérile comme idée.
- C'est pas puérile du tout, il comprendra tes intentions envers lui et vous pourrez vous rapprocher vraiment.
- Il va sûrement me prendre pour un mec esseulé et désespéré et si ça se trouve il a pas envie d'avoir de nouveaux amis.
- T'es pas un mec esseulé et désespéré, peut être?
- Absolument pas. Je suis pas tout à fait seul parce que je t'ai toi, en plus ma solitude ne me fait pas mal.
Lory n'a pas le temps de me répondre car la porte s'ouvre, nous faisant comprendre qu'un nouveau client arrive. Mes joues rougissent lorsque je remarque que le client en question est Harvey. J'ai envie de courir à l'autre bout du monde mais je me rappelle que je suis un jeune adulte mature et que c'est ridicule de laisser un adolescent me mettre dans cet état.
Il ferme la porte et s'avance doucement vers nous. Un sac est accroché à son dos et il semble vraiment essoufflé. Une épaisse couche de sueur siège sur son front. Il ne tarde pas à l'enlever avec son pouce. Je ne remarque qu'il arrive devant nous que lorsqu'il nous salut, en s'appuyant contre le comptoir. Lory ne tarde pas à le répondre chaleureusement. C'est exactement ce que je dois faire aussi.
- Alors, Harvey, ça va? Je lui demande, espérant ne pas paraître bizarre.
- J'ai chaud comme un porc mais ça va, merci, il me répond en me souriant chaleureusement.
- Alors, qu'est-ce qui t'amène ici? T'es là pour voir Joe? Lui demande Lory, ne pouvant pas tout simplement faire comme si elle n'est pas là.
- En quelques sortes mais pas vraiment, il lui réponds en reprenant finalement son souffle.
- Comment ça? Je lui demande, espérant que ma réponse ne sonne pas trop sèche.
- Je suis venu pour te dire que le livre que tu m'as recommandé est juste trop bien. Je l'ai adoré, il m'avoue, en enlevant le livre de son sac à dos.
- Ça me fait largement plaisir mais tu n'étais vraiment pas obligé de l'apporter, tu sais. Quand t'achètes un livre dans une librairie, t'es censé le garder, je lui rappelle, en lui souriant gentillement. En plus, t'aurais pu me le dire par message.
- Ah oui, je sais. Juste que... en fait, j'aime tellement cette endroit que toutes les raisons sont bonnes pour y venir, il me répond doucement, semblant un peu gêné.
- Pauvre Joe, il s'attendait à ce que ce soit pour lui parler que tu viennes, intervient Lory, sur un ton taquin, en me donnant un léger coup de coude.
- J'aime bien lui parler aussi, une librairie cool sans un libraire cool ce serait tellement trop nulle, il lui réponds, en me regardant droit dans les yeux avec un doux sourire.
- Tu es tellement gentil, pas étonnant que Joe m'ait parlé de toi pour devenir client du mois, lui réponds Lory, me faisant froncer les sourcils en même temps que le gamin.
- C'est quoi "client du moi"? Il la questionne, sa curiosité visible sur chaque trait de son visage.
- En gros, le client le plus sympathique ou celui qui achète le plus dans un mois remporte un café dans le café à côté avec l'un d'entre nous. Joe a pensé que tu mérites le client du mois, elle lui ment avec un naturel tellement bien joué, me faisant me questionner sur les capacités de mon amie à mentir si bien.
- C'est génial, je ne serai pas contre si l'on me choisissait, il accepte la proposition, sur le ton de la plaisanterie.
- Je suppose que tu me choisirais moi pour me libérer de ce ringard? Lui demande Lory, alors que je commence enfin à comprendre son jeu.
- Je pense que choisir la personne qui m'a choisi serait plus juste, non? Lui réponds Harvey, en la regardant droit dans les yeux.
- Je pense aussi, je répond rapidement, haussant mes épaules.
- Alors, appelez n'importe quand vous voudrez me donner ce café, il finit par conclure, gardant son sourire.
- La meilleure solution serait que tu le prennes maintenant car la procastination est vraiment un vilain défaut, intervient Lory, sur un ton impérial.
- Mais Joseph M-, enfin Joe, semble occupé, je ne peux le forcer à quitter son travail quand même.
- Ne t'en fais pas, ça me fera du bien de m'éloigner un peu de Lory, sa folie est contagieuse, je lui réponds, espérant paraître naturel.
Sur ce, nous sortons de la librairie et je me demande si c'est vraiment une bonne idée. Si ça se trouve, le gamin n'a pas du tout envie de prendre un café avec moi. Je ne peux m'empêcher de jeter un coup d'œil dans sa direction pour voir s'il a l'air mal à l'aise ou autre. Je ne vois aucun signe de malaise sur son visage mais par contre sa beauté me frappe de plein fouet. Je n'ai jamais pris le temps de le regarder parce que c'est un gamin mais maintenant je réalise qu'il mérite bien un coup d'œil. Il n'est pas aussi parfait que les adolescents qui meurent sous leurs couches de maquillage dans les séries Netflix mais il est vraiment beau. Sa peau jonche entre un noir sombre et une couleur caramel, ses cheveux arborent de parfaits waves, ses lèvres quelque peu pulpeuse sont d'un rose pâle, alors que la dernière que je l'ai vu elles étaient vraiment rouges. Ce sont les détails qui attirent plus mon attention chez lui.
Il tourne sa tête et je fais rapidement de même, ne voulant pas me laisser prendre en plein action. Je fais semblant de regarder le vide devant moi. Je l'entends pouffer doucement, sur un ton particulièrement moqueur.
- T'as pas besoin d'avoir peur de moi, Joseph Martin, je mords pas, tu sais.
Il ajoute ceci, sans me regarder, son regard à lui aussi plonger dans le vide. Moi, je ne peux m'empêcher de le regarder maintenant. Sa phrase m'intrigue au plus haut point.
- Qu'est-ce que tu veux dire par là? Je lui demande, guettant chaque centimètre de son visage.
- J'ai l'impression que t'as peur de m'approcher. Comme si tu voulais me parler mais qu'à la dernière seconde tu t'arrêtes toujours par peur, il ajoute, en me regardant droit dans les yeux.
- C'est juste que je suis introverti, c'est pas mon genre de m'approcher ainsi des gens, je lui réponds, sans lâcher le contact visuel.
- C'est dommage. Je t'apprécie bien, je pense qu'on aurait fait de bons amis, il me répond, avant de couper le contact visuel.
Je lui dis que nous sommes arrivés, voyant que nous sommes près du café que je voulais. J'aurais pu choisir celui à côté de la librairie mais il est définitivement trop moche et j'avais un peu l'envie de me dégourdir les jambes.
Nous entrons dans le café et nous asseyons sur la première table que nous trouvons. Face à face. C'est clairement pas une information capitale mais ça fait chauffer mon cerveau maintenant qu'il vient de me dire qu'il m'apprécie bien et qu'il veut être mon ami. Ça ne change rien mais ça change tellement de choses. Ça me fait du bien de savoir que lui aussi veut se rapprocher de moi mais je ne sais toujours pas si je dois me rapprocher de lui. Je suis maintenant un adulte et je ne peux pas laisser mes envies me guider. Je sais exactement le chemin que compte prendre mon attraction pour ce gamin et je ne sais pas vraiment si j'ai envie de ça dans ma vie à nouveau.
Je reviens sur terre que lorsque j'entends la voix de Harvey m'appeler avec insistance. Je prends à nouveau conscience de ce qui m'entoure. Les yeux de Harvey ainsi que ceux d'une jolie blonde sont braqués sur moi.
- Tu disais? Je lui demande, honteux de mon manque flagrant d'attention.
- Qu'est-ce que tu comptes prendre? Il répète, alors que l'agacement commence à quitter son visage.
- Je sais pas, la même chose que toi, je lui réponds, n'ayant l'envie de rien en particulier.
La fille qui semble être une serveuse part à la seconde et nous laisse seul. Harvey prend son téléphone la seconde qui suit et je réalise que si je veux me rapprocher de lui je dois le faire maintenant ou jamais. Rien ne me garantie que j'aurai une autre chance de le voir. Cette idée me paraît vraiment bizarre. Harvey est loin d'être proche de moi mais il a quand même réussi à trouver une petite place dans le tableau de ma vie. Il est entré comme une tâche insignifiante le soir où il m'a foutu la trouille mais il prends de plus en plus d'ampleur, devenant un point bien visible. Rendra-t-il ce tableau plus beau ou la gâchera-t-il? Sauf le temps peut me le dire.
- Alors, Harvey, depuis quand tu t'intéresses aux livres? Je lui demande, voulant lui montrer que je m'intéresse à lui.
Il semble le comprendre car il dépose son portable sur la table et me donne toute son attention.
- Vers douze-treize ans, je crois. Je lisais quelques fois avant mais ce n'était clairement pas une passion, il m'explique, en regardant dans le vide, semblant se remémorer ses bons souvenirs de l'époque. Et toi, depuis quand?
- Depuis que je suis gosse. Mes parents avaient une librairie donc je pouvais lire autant que je voulais, je lui réponds, alors qu'il me regarde intensément. Mais ce que je lisais avant ne m'intéressais pas vraiment, c'était juste la sensation de m'évader du monde que j'aimais pour être honnête. J'ai commencé à trouver du contenus à mon goût lorsque j'étais en Amérique lorsque j'avais douze ans, je lisais mes premiers livres queer et j'avais adoré.
- Je savais pas que t'avais été en Amérique.
- C'est normal, on se connait à peine.
- Sûrement. Sinon, elle est où la librairie de tes parents maintenant?
Sa question me prends de cours. Bizarrement, je ne m'attendais pas à ce qu'il s'intéresse autant à moi. C'est rare de voir des gens vouloir s'approcher de moi sans idée derrière la tête ou de raisons précises. Aux États-Unis, on m'approchait généralement parce que j'étais étrangers et lorsque je suis retourné à Smarb les gens m'approchaient par intérêts.
- En fait, c'est la mienne, je l'ai juste transformée. J'ai remplacé leurs romans antiques par divers livres queers et ça marche mieux depuis, je lui avoue finalement, ne voulant pas prendre trop de temps pour répondre.
- Je n'imagine même pas comment tu as du te sentir bien lorsque tu voyais ça marcher bien. C'est une sorte de fierté, non? Il me demande, un grand sourire aux lèvres.
- Ouais, je me sens tellement fier de cette librairie, c'est mon bébé, je lui avoue, avec un sourire béat sur les lèvres.
Je n'ai absolument pas ce genre ce conversation dans ma vie. Je ne partage ce que je ressens qu'avec Lory et ce n'est jamais comme ça. Donc, j'avoue que la façon dont je communique avec le gamin me fait beaucoup de bien.
- Je veux pas paraître indiscret mais ils en ont pensé quoi tes parents? Il me questionne doucement, avec une voix paisible.
- Ben, ils ne comprennent juste pas et ressentes de la culpabilité apparemment. Selon eux, je me suis laissé influencer par les Américains et c'est pour ça que j'aime les hommes. J'ai essayé de leur faire comprendre que je suis né comme ça mais comme je te l'ai dit ils ne comprennent pas et ne veulent pas comprendre. Donc, ils se sentent coupable car "je serais encore hétéro si il ne m'avaient pas envoyés aux États-Unis", je lui explique, ne sachant même pas pourquoi je lui dis une chose si intime.
Comme je l'ai dit, ce gamin arrive à m'ouvrir comme un livre que je le veuille ou non.
- Et bien s'ils disent vrais, je ferais mieux d'envoyer tous les mecs que j'aime bien aux États-Unis, il me répond, en riant doucement.
Je le rejoins dans son rire et le remercie intérieurement pour ne pas avoir essayé de me consoler ou de ne pas avoir dit qu'il est désolé. Je n'aime pas que l'on me fasse ça. Je n'ai pas besoin d'être consolé et même si les gens se sentent désolé ils n'ont pas à le dire comme si c'était vulgaire formule de politesse. Je n'essaye pas de jouer au fort, je suis juste comme ça et c'est tout.
Avec le gamin, nous enchaînons les sujets de discussions et les cafés jusqu'à ne plus pouvoir en compter. Il me parle de lui et je fais de même, bien qu'en temps normal je ne dis presque rien sur moi. J'apprends qu'il a un grand frère, que ses parents viennent d'un pays des Antilles, Haïti et plein d'autres choses. Quelle est ma surprise et ma déception lorsqu'un serveur vient nous dire qu'ils vont fermer et que nous avons passés près de cinq heures là à boire et à parler. Nous sortons de ce bar et nous séparons. Mon portefeuille a perdu quelques billets mais je sors aussi avec quelque chose, autre que tout ce que j'ai avalé à l'intérieur du café; je suis parfaitement d'accord pour me rapprocher du gamin.
💌📖
On avance, on avance! Il est minuit chez moi et j'ai sommeil mais je vous donne ce petit chapitre. Il est assez calme mais je l'aime bien. Les choses vont assez doucement mais ce n'est pas grave, cette histoire avoir entre 35 à 45 chapitres.
Alors, vous pensez quoi du point de vue de Joe? Plus passionnant que celui de Harvey ou non? Perso, je préfère écrire dans son point du vue moi.
J'ai essayé de prendre plus de temps pour la correction de ce chapitre. Vous trouvez que ça a porté fruit?
Merci de lire, n'hésitez pas à partager cette histoire avec vos amis de Wattpad.
A mercredi🌈❤
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