Chapitre 35.

Chaz le regarda comme s'il était un extraterrestre, puis il éclata de rire. Isaac prit une expression hébétée.

— Lâche-moi au lieu de te foutre de ma gueule, répéta-t-il en gigotant pour se défaire de l'emprise de son adversaire en vain.

— Tu es vraiment trop facile à faire marcher, commenta Chaz une fois qu'il eut reprit ses esprits. Je me demande vraiment ce que tu fous en prison et comment tu ferais pour survivre sans moi.

Isaac fronça les sourcils. Il n'aimait vraiment pas cette impression qu'on se fichait de sa gueule et qu'il était passé à côté d'une importante pièce du puzzle.

— Fais attention à ne pas t'étouffer avec ta modestie.

Au lieu de s'énerver, Chaz parut amusé par la fougue dont faisait preuve son codétenu.

— Ma sœur.

Isaac cligna des yeux.

— Qu'est-ce que tu... –

— C'était ma sœur, Isaac, l'interrompit l'Afro-américain. Tu vois une alliance ?

Il agita sa main devant le visage de son interlocuteur :

— Je ne suis pas marié.

Le brun se sentit tout con d'un seul coup. Il observa la main nue de Chaz fixement, interdit. Il déglutit.

— Tu... tu as dit que tu avais tué pour elle ?

Le visage de son vis-à-vis s'assombrit.

— J'ai fait des tas de choses pour elle...

Isaac scruta les traits de son interlocuteur, sourcils froncés. Il prit une inspiration.

— Tu as tué le frère de Taylor, n'est-ce pas ?

Chaz resta silencieux un instant. Il détourna brièvement le regard et les muscles de sa mâchoire se raidirent.

— Je ne l'ai pas seulement tué, Isaac.

La lueur au fond de ses yeux était terrifiante. Isaac était figé, mais il voulait garder la tête haute et masquer sa peur, alors il ne resta pas silencieux longtemps, réunissant son courage. Il ne se démonta pas.

— Qu'as-tu fait ?

— Tu es sûr de vouloir en connaître les détails ? Si tu me perçois déjà comme un homme mauvais, après avoir entendu cela, tu me verras comme un monstre. Il y a certaines choses qu'il vaut mieux ne pas savoir...

Isaac ne montra pas son hésitation. Il hocha lentement la tête, incertain de savoir s'il était prêt à vivre avec les conséquences de la révélation que s'apprêtait à lui faire Chaz.

— Œil pour œil, dent pour dent ; je n'ai fait que lui rendre la monnaie de sa pièce. Je l'ai séquestré, Isaac, je l'ai violé – parce que c'était ce qu'il avait fait à ma sœur –, je l'ai torturé nuit et jour, je l'ai tué de sang-froid et j'ai renvoyé son cadavre à sa famille, les parties génitales en moins, pour qu'elle puisse le pleurer même si cette ordure ne le méritait pas. Alors, qu'en dis-tu ? Est-ce que ta vision de moi a changée ?

Il aurait souhaité répondre que non, mais la description d'un crime aussi violent ne pouvait guère laisser indifférent. Isaac frémit. C'était bien au-delà de ce qu'il avait pu imaginer. Il tenta de conserver une expression neutre, malgré la peur que l'on pouvait lire dans ses yeux. Son corps se crispa imperceptiblement au fond du matelas.

Pourtant, Isaac devait se faire à l'idée que, ici, personne n'était tout à fait blanc. Toutes les personnes qu'il fréquentait étaient susceptibles de cacher un crime aussi horrible.

— On n'aboutie pas en prison pour avoir volé le sac à mamie ; tu l'as dit toi-même, rétorqua le Californien avec un air détaché volontaire. Puis, tu l'as fait pour venger ta sœur.

Isaac repensa à Johnsson et à ce qu'il lui avait fait... Il se félicita de ne pas en avoir pipé mot jusqu'à présent, car cela aurait pu réveiller de lourds souvenirs enfouis chez Chaz...

— Ils n'avaient pas le droit de s'en prendre à elle... Les Snake et les Red Spider ont toujours été en guerre, coup bas sur coup bas, mais... s'en prendre aux femmes, ça, c'était déloyale. Je ne regrette pas ce que j'ai fait et la prison n'y changera rien.

Condamner des prisonniers à perpétuité n'aidait en rien la réhabilitation ou les thérapies comportementales. Un homme qui n'a aucun espoir de sortie n'a plus rien à perdre. La prison ne lui apportera rien si ce n'est que de l'endurcir. C'est ce qui était arrivé à Chaz. Son incarcération l'avait changé, certes, mais pour le pire.