Je l'ai enfin trouvé.

Après deux ans.

Il est peut-être malin, mais je le suis plus.

Il m'a enlevé mon âme, je vais la lui reprendre.

Ça fait deux ans que je marque les gens.

Profondément.

Jusque dans leurs chairs.

Avec sublimité.

Et mine de rien, les ragots, ça circule.

Ça circule bien.

Alors des gens viennent me voir. Encore plus de gens. Et ils me racontent tout.

Leurs rêves, leurs colères, leurs déboires, leurs désespoirs... Leur vie.

Adolescents. Adultes. Personnes âgées.

Et moi, je les écoute. Ah ça, oui, je les écoute. Je les écoute bien. Il le faut.

Moi, je les marque. Eux, ils parlent.

Et ils parlent. Et ils parlent.

Et puis, quand c'est fini, ils me payent, ils me font un signe de la main, et s'en vont, tout sourire.

Ça paye bien. Ça paye vachement bien. Mais non, ce n'est pas pour ça que je fais ça.

Moi, je fais ça pour les ragots.

Oh, non, je n'aime pas ça. Les gens. Les ragots. Non. Mais il faut.

Alors je les écoute.

De plus en plus viennent, et moi, ça m'arrange, ça m'arrange bien.

Et aujourd'hui, il y a cette prof qui est venue.

Elle voulait que je lui fasse une fleur. Une belle fleur. Mais les fleurs, ça ne reste pas longtemps beaux, madame. Ah ça, non. Ça fane. Ça fane plutôt vite. Comme la mort. La mort nous rattrape tous. Un jour ou l'autre. Elle nous embroche.

Mais certains survivent. Pour sur.

Mais bon. J'ai rien dit. Elle voulait sa fleur. Sa fleur qui allait faner. Je la lui ai fait.

Et elle m'a parlé.

Ah, oui, ça, elle m'a parlé.

Il y avait de nouveaux élèves dans sa classe, cette année.

Pas étonnant.

En première secondaire.

Oui mais non mais là, c'était différent.

Cette élève, là. Le directeur lui en avait plus parlé. À tous les profs, en fait.

Cette prof ne savait pas trop ce qu'elle avait vécu, cette élève. Mais ça devait être moche. Parce que, vous savez, avant de s'inscrire dans notre école, eh bien, elle a passé deux ans en hôpital psychiatrique.

Ah oui, ça, c'est qu'elle a vécu un truc moche. Ah ça oui. Et elle s'appelle comment, cette petite ?

Ah, vous savez, je ne suis pas vraiment censée vous le dire ! Le secret professionnel, tout ça...

Ah bah oui, évidemment ! Je comprends je comprends... Mais vous savez, si vous ne dites pas son nom de famille, ça va. Pas de problème.

Alors la prof a lâché le morceau. Elle a dit son prénom. Quel prénom !

Elle a payé. M'a salué. Est partit en souriant.

Sans savoir qu'elle venait de me donner ce que je voulais depuis deux ans.

Un prénom.

Son prénom.

L'hôpital psychiatrique durant deux ans. Oui. Tout correspondait, oui.

C'était elle.

Lily.