Chapitre 8 : Partie 2 : Tourmentes
Une demi-heure plus tard, les deux adolescents marchaient côte à côte, le soleil sur leurs mains reliées, et le grondement des moteurs en bruit de fond. Et Lily regardait droit devant elle, un petit sourire aux lèvres.
Mais soudain, ses pas cessèrent et elle se figea.
Il y avait un tram, plus loin.
Et une image du train se superposa à lui.
Il avançait.
Et quelques mètres plus loin, un rassemblement de personnes attendait.
Plusieurs flash s'imposèrent à l'adolescente.
Un train. Des passagers. Des criminels. Des lames. De l'or. Des masques.
Et c'était dans cette direction, précisément, qu'Aselum l'amenait.
L'adolescent riva ses yeux vers la silhouette paralysée de son amie, puis se tourna afin d'être face à elle. Il lui prit ses mains, et les serra fort, tout en ancrant son regard dans le sien.
— Tu ne remarqueras même pas que nous nous trouvons là-dedans, je te le promets. Est-ce que tu me fais confiance, Lily ?
Alors que les souvenirs revenaient à elle, du plus profond de sa mémoire, la jeune fille mordit sa lèvre inférieure avant d'acquiescer.
Oui, elle lui faisait confiance.
Entièrement.
Aselum hocha sa tête et posa ses deux mains sur les épaules de son amie.
— Alors ne regarde rien d'autre que moi, d'accord ? Je vais te guider et tu ne vas pas voir où nous allons rentrer. Mais tu dois garder tes yeux sur moi. Tu peux faire ça ?
Lily attrapa des bouts de la longue veste noire de style militaire du jeune homme, les serra fort entre ses poings avant d'hocher la tête.
— D'accord. Je peux faire ça.
Elle leva alors lentement ses yeux vers le visage d'Aselum, et celui-ci lui offrit un sourire. Et alors qu'il commençait à la guider, avec précautions, Lily sentit ses joues se réchauffer. Elle baissa rapidement son regard, maudissant le soleil de taper aussi fort.
Elle savait qu'ils avançaient, mais elle ne voyait pas où même si elle pouvait le deviner. Parce que dans son champ de vision, il n'y avait qu'Aselum.
Celui-ci la fit s'asseoir, tout en gardant toujours le contact visuel, et alors que tout se mettait à trembler, il prit la parole :
— Dit moi, Lily. Qu'est-ce que tu aimes le plus, dans Doctor Who ? Qu'est-ce qui fait que c'est ta série favorite ?
La jeune femme fronça les sourcils, réfléchissant à la question. Avant d'élargir ses lèvres. La réponse était simplissime.
— J'aime tout. Le thème du voyage dans l'espace-temps. Le Docteur. Le Maître. Rose. Martha. Dona. Amy. Rory. River. Clara. Billy. Le Maître et le Docteur !
Aselum laissa échapper un petit rire.
— Ça, je pense que tu l'as déjà dit !
Lily écarta ses bras, des étoiles dans les yeux.
— Et le Tardis ! Et toutes leurs aventures épiques ! Toutes les ethnies, les planètes, les méchants ! Les discours enflammés !
Le jeune homme esquissa un sourire en coin.
— Là, c'est toi qui le fait, le discours enflammé.
Lily hocha la tête. Aselum releva la sienne puis la redescendit vers son amie. Il se leva, aida la jeune femme à en faire de même tel le gentleman qu'il était, puis la guida quelques mètres plus loin.
— C'est bon. Tu peux regarder autour de toi, maintenant !
Aselum avait toujours ce même sourire amusé sur les lèvres.
Jusqu'à ce qu'un groupe de personne arrive et le bouscule afin de monter dans le tram.
Il darda sur eux un regard noir et un puissant doigt d'honneur de la-mort-qui-tue.
— Le respect, c'est pas que pour les chiens, cingla-t-il.
Il secoua sa tête, son visage déformé par une grimace colérique, et reporta son regard sur Lily.
— L'espèce humaine est pire que les animaux.
Lily eut un hoquet. Puis deux. Puis éclata franchement de rire. Celui-ci fronça les sourcils.
— Quoi, c'est vrai ! Ils se comportent comme un troupeau de vaches en chaleur !
Le rire de Lily ne diminua pas pour autant, bien au contraire.
Et voir ainsi son visage s'éclaircir, briller sous le soleil printanier, fit sourire Aselum malgré lui.
Après des jours à se morfondre sur elle-même et à ressasser ses souvenirs, la voilà qui lâchait enfin prise.
— Allez, viens, on va être en retard pour la séance de 13h30, sinon !
Une quinzaine de minutes plus tard, les deux adolescents se retrouvaient confortablement assit au sixième rang, bien au milieu de l'écran. Un pot gigantesque de popcorn trônait entre eux-deux, ainsi qu'un sachet de bonbons, un cécémel et du fanta.
Et il ne fallut pas attendre plus longtemps avant que les lumières ne s'éteignent et que le film ne se lance...
Même si Aselum trouvait l'histoire intéressante, il préférait jeter de fréquent coups d'oeil à la jeune femme à ses côtés.
Ses yeux, ses réactions, ses sourires, ses larmes, ses rires, voilà l'étape la plus importante de leur sortie.
Il y eut plusieurs entractes, nécessaires pour un marathon aussi long, où les spectateurs pouvaient se désaltérer, aller aux toilettes ou juste se dégourdir les jambes.
Et à minuit, après dix heures de film et trente minutes les quatre entractes, les deux adolescents sortirent, chacun heureux pour des raisons différentes.
Comme Aselum l'avait promis à la mère de Lily, il la ramena directement chez elle, en la portant à moitié durant le trajet du retour tant la fatigue la pesait. Et arrivé chez l'adolescente, il remarqua un mot qui les attendait sur le plan de travail.
« Il y a vingt euros dans l'enveloppe sur le frigo, vous pouvez vous en servir pour commander des pizzas, sinon, il y a du fromage blanc dans le frigo, signé, maman »
Aselum regarda Lily. À peine réveillée.
— Est-ce que tu as faim ?
L'adolescente frotta ses yeux à l'aide de ses poings, se dirigea vers le frigo, en extirpa le fromage blanc, et proposa un bol à son ami avec des grognements peu traduisible. Et pourtant, celui-ci comprit miraculeusement.
— Je veux bien un bol... Si tu veux, je peux les faire...
Lily n'écouta pas. Servi deux bols. Rajouta du sucre de canne. Posa deux cuillères dessus, et alla s'asseoir à table.
Aselum esquissa un sourire amusé en voyant le bout de la cuillère planté dans le fromage blanc. Il se dirigea vers le lavabo, nettoya la partie sale, l'essuya, puis l'empoigna pour manger.
Et dans le silence, les deux adolescents mangèrent.
Le jeune homme débarrassa tout dix minutes après, mit tout dans le lave-vaisselle et porta Lily, qui s'était endormie sur la table, pour l'installer sur son lit.
***
3 Avril 2020, 13h
Sa maman lui souriait. Son papa aussi. Et la première se lança.
— Avec ton père, nous avons pensés à quelque chose.
Ça commençait mal. Lily mangeait son porridge avec lenteur et dans le silence, les yeux rivés sur ses parents. Elle attendait le piège qui allait se refermer sur elle.
— Tu es allée au cinéma avec Aselum, hier. Vous êtes allés loin ! Plus loin que notre quartier ! En tram ! C'est une super avancée ! Alors, nous avons pensés, avec ton père, à une petite virée qu'on pourrait faire. Pour voir le Manneken Pies. Et pour aller là-bas, nous nous sommes dit que le meilleur moyen, ce serait le train.
Lily se figea. Ses muscles se contractèrent. Sa bouche resta paralysée, la cuillère pleine de porridge au chocolat devant.
Le sourire de la mère chancela en voyant la réaction de sa fille.
— Je sais que tu ne gardes pas de bons souvenirs du train... Mais ce qui est arrivé est arrivé une fois, et c'est très rare ! Ça ne va pas se reproduire. Je te le promets, ma chérie, il ne va rien nous arriver !
La maman se leva de sa chaise, s'approcha de Lily et la prit dans ses bras.
— Ton père et moi, on veut bien te conduire à l'école, mais on veut que tu reprennes en moins une fois le train avant. Pour surpasser tout ça. C'est déjà super que tu réussisses à sortir comme ça ! La prochaine étape, c'est le train, et après le train, l'école ! Mais on reste là, Lily. On ne t'abandonne pas ! Ton père et moi, on sera toujours là pour te soutenir. Toujours.
La cuillère pleine de porridge rejoignit le reste du bol. Une larme glissa sur la joue de Lily alors qu'elle hochait la tête, et cachait son visage dans le cou de sa mère.
Cette dernière serra un peu plus son étreinte, pour lui faire savoir qu'elle était là, qu'elle restait là.
— On ira après-demain, donc samedi, comme ça, Aselum pourra venir avec nous.
Lily releva sa tête à la vitesse de l'éclair.
— Aselum vient avec nous ?!
Sa mère esquissa un grand sourire.
— Lily... Ce garçon est venu te voir pour te donner ses notes et tes devoirs, pour se promener avec toi le matin, durant deux semaines, et hier, est venu spécialement te chercher pour une séance au cinéma... C'est le premier ami qu'on voit souvent à la maison depuis avant... Enfin, évidemment qu'il vient avec nous ! Ton père et moi, on voit bien que tu y tiens et que c'est réciproque. C'est un gentil garçon. Et nous sommes heureux de voir à quel point il t'aide !
Lily cligna des yeux.
Oui. Ça faisait deux semaines qu'Aselum venait chaque jour la chercher pour leur promenade matinale.
Son ami...
Elle n'avait jamais invité quiconque, et personne n'était jamais venue ici, depuis plus de sept ans...
Aselum était le premier en sept ans...
Et c'était celui qui avait été le plus présent pour elle.
À chaque instant. Et qu'importe ce qu'elle traversait.
Aselum était sans conteste...
Son premier véritable et meilleur ami.
Peut-être qu'à lui...
Peut-être qu'à lui, elle pourrait parler de ce monstre, de cette impression d'être observée...
Sans risquer de perdre son amitié.
Un sourire fleurissait sur ses lèvres.
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