1 Septembre 2008

Sa main tenait celle de sa mère alors que ses yeux parcouraient le monde qui les entourait. Ce n'était pas la première fois qu'elle le voyait, mais ça la surprenait à chaque fois, comme si elle ne cessait de redécouvrir son environnement.

Les maisons étaient grandes. Les personnes autour d'elle faisait la même taille que sa maman. Les voitures grognaient comme les bêtes dans les films. Tout était immense.

Elle était dans un monde de géant.

La petite fille faisait trois pas quand sa mère n'en faisait qu'un. Mais cette dernière s'adaptait, souriait à son enfant et suivait le rythme de la plus jeune.

Jusqu'à ce qu'elles arrivent toutes les deux devant les gigantesques grilles de l'école. La mère s'accroupit alors au niveau de sa fille, un sourire rassurant aux lèvres et lui parla d'une voix aussi douce que mélodieuse.
— Et voilà mon bébé, nous sommes arrivées à l'école !

La fillette fronça les sourcils et secoua sa tête pour corriger sa mère. Elle se mit sur la pointe des pieds, pour essayer de se faire grandir, accrocha ses minuscules mains à la veste de sa maman et répondit :
— Je ne suis pas un bébé !

La femme lui ébouriffia les cheveux tendrement alors qu'un petit rire sortait de ses lèvres. Et une fois que ce dernier s'atténua, elle donna des explications à sa fille du pourquoi de ce mot.
— Je sais, Lily. Maintenant tu es grande ! Mais tu seras toujours mon bébé à moi.

La mère prit son enfant dans ses bras et la serra, seulement assez pour que cette dernière ressente sa présence et son amour. Et au creux de son oreille, d'une voix enjouée, elle lui murmura :
— Aujourd'hui, tu vas pouvoir apprendre plein de nouvelles choses et te faire des copines et des copains ! C'est chouette, ça !

La jeune fille chipota avec ses doigts puis regarda vers la cour. Elle se blottit contre le ventre de sa maman en voyant tous ces petits qui couraient et rigolaient ensemble.

Elle avait peur de les approcher. Elle ne savait pas comment faire.

Elle se rendait compte de ce que ça voulait dire, aller à l'école.

Se rendre dans un lieu inconnu. Et très grand.

Elle avait l'impression d'être face à l'une de ces vagues. L'une de celles qui sont si énormes qu'elles te mangent. Et ça fait que tu es perdue, perdue au milieu de l'océan, sans personne pour te secourir. Finalement, tu n'arrives pas à rester en haut alors ton corps va en bas...

Lily raffermit sa prise sur la veste de sa mère et chuchota si bas que la femme eut du mal à entendre :
— Je veux pas... Je veux rester avec maman...

La mère esquissa un léger sourire puis se releva, prenant sa fille dans ses bras pour qu'elle voit le monde comme elle. À sa hauteur.
— Tu sais, Lily, l'école c'est chouette. Il y a plein de petits camarades gentils comme toi qui n'attendent que de jouer avec toi ! Et la maîtresse, elle va t'apprendre à faire plein de choses ! Tu verras, tu vas t'amuser durant cette journée !

La jeune femme déposa sa fille et mit ses deux mains sur ses épaules. Et avec un sourire en coin, elle lui dit :
— Tu sais, les grandes filles, elles vont à l'école. Et tu as dit que tu étais une grande fille, non ?

Lily baissa sa tête et fit tourner ses pouces entre eux. Puis elle hocha sa tête. Oui, elle était une grande fille. Il n'empêche que la peur se lisait encore dans ses yeux et, d'une voix soucieuse, elle questionna sa maman.
— Mais tu viendras après, hein ?

La jeune femme fit un baiser sur le front de son enfant alors que la sonnerie du début des cours pour les primaires retentissait. Et alors, elle expliqua :
— Le bruit que tu entends, c'est une sonnerie, comme à la maison quand nous avons des invités. D'accord ?

La petite hocha la tête et sa mère continua.
— Tu entendras cette sonnerie encore une fois, pour manger les biscuits dans ta boîte. Puis encore une fois pour manger tes tartines. Et après celle-là, celle que tu entendras sera celle où je viendrai te chercher.

La femme remit une des mèches de cheveux de sa fille derrière son oreille, en souriant, puis demanda.
— Tu as compris, Lily ?

L'enfant affirma encore une fois avec un geste de la tête. Puis sa mère, après un dernier câlin, tourna les talons et partit. Laissant Lily seule.

Seule dans l'océan.

La jeune fille tourna sur elle-même et observa ses alentours. Elle ne savait pas quoi faire alors elle resta dans son coin, totalement perdue.

Le monde dansait autour d'elle, vif et coloré, alors qu'elle se trouvait là, figée en-dehors de l'espace-temps, dans un univers constitué d'ombres, de brumes et de ténèbres.