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Chapitre 7 : L'embrasement.

Dirk passa le reste de la journée à régler des détails et à détourner l'attention de la communauté sur le problème lié à la farine. De son côté, Eivind prépara sa barque en prétextant devoir visiter sa mère adoptive, sans que personne ne s'étonnât de son désir de prendre la mer. Naviguer en cette saison s'avérait dangereux, mais le jeune homme était expérimenté et tout le monde connaissait son attachement pour la vieille Ragnild. Comme convenu, il partirait à l'aurore du lendemain matin, une fois qu'Olaf aurait glissé les peaux à troquer durant la nuit au fond de son bateau.

Le jarl décida de rapporter discrètement sa propre réserve de farine dans la remise, afin de pallier une éventuelle demande si le froment manquait dans un foyer avant le retour d'Eivind. En attendant, sa femme cuisinerait différemment. Mettant à profit ce passage dans ses pénates, il discuta avec Brunhilde de l'attitude désagréable de Bailliafus, qui demeurait invisible depuis qu'il l'avait chassé de la pièce à vivre. Son épouse convint que les manières du petit garçon laissaient à désirer, mais elle ne désespérait pas de le ramener à de meilleurs sentiments.

Peu enclin à se fâcher avec sa femme, et convaincu que le gamin les écoutait derrière la porte, Dirk accorda à celle-ci la fin de l'après-midi pour amadouer ce dernier. Dans l'immédiat, il avait d'autres chats à fouetter.

Quand il rentra le soir, le garçonnet l'attendait debout près du feu. À ses côtés, Brunhilde cuisinait, aidée par Mathilda. En observant la scène, Dirk pinça les lèvres. À la place de Bailliafus, tout enfant se serait empressé de seconder ses hôtes, plutôt que de rester à ne rien faire. Tout au moins, tout enfant issu de son clan ou de ceux du voisinage.

Relevant la tête, Brunhilde lui adressa une moue quémandant l'indulgence, avant d'inciter le petit garçon à prendre la parole :

— Eh bien, n'avais-tu pas quelque chose à dire à mon époux ?

— Je suis désolé, marmonna l'interpellé d'un ton dépourvu d'émotions.

Le sourire de la jeune femme se fana quelque peu. Elle s'attendait visiblement à des excuses un peu plus développées. Pour sa part, Dirk ronronnait intérieurement. La brièveté de la phrase de son interlocuteur ne le convainquait absolument pas de sa sincérité. Le gamin lui tendait le bâton pour se faire battre et il comptait bien s'en servir. Le regard peiné de son épouse l'incita toutefois à accorder une dernière chance à cette tête de pioche.

— Et c'est tout ? répliqua-t-il en le dévisageant avec sévérité.

Rivés aux siens, les yeux de l'enfant ne cillaient pas. Apparemment imperméable aux efforts de Brunhilde, il semblait jauger la situation. Dirk songea qu'il se comportait comme un adversaire dangereux et retord, qui désirait conserver un coup d'avance. Appliquée à un être aussi jeune, cette pensée le troubla. Mal à l'aise, mais également fâché de sentir son autorité contestée sous son propre toit, le géant allait trancher en infligeant une punition, quand ouvrant la bouche, le gamin le prit de cours en débitant d'une traite :

— Je vous prie de pardonner mon impertinence, je sais ce que je vous dois, je vous en remercie et, dorénavant, je ferai en sorte de vous montrer ma reconnaissance.

Statique et le regard vide, Bailliafus paraissait réciter un texte appris par cœur. Il ne se rendait pas et, à l'évidence, les paroles prononcées l'excédaient. Impressionné malgré tout, bien que de façon désagréable, Dirk se tourna vers sa femme.

C'est toi qui lui as dicté ces mots ?

Sous le reproche, Brunhilde baissa la tête, tandis que le visage de Mathilda, jusque-là figée dans l'attitude d'un témoin gêné et hésitant sur le parti à adopter, se fripait sous l'afflux des larmes perlant à ses paupières. Elle détestait les disputes, et Dirk réalisa que c'était la première fois qu'il s'en prenait ouvertement à sa femme devant elle.

À cette scène, un sourire narquois fleurit sur les lèvres du petit garçon. Il ne cherchait même pas à s'en cacher. La patience du jarl atteignait ses limites.

— Maintenant, c'en est assez ! tempêta-t-il en s'adressant au trublion. Tu vas...

Des coups violents frappés contre sa porte l'interrompirent. Pour que quelqu'un se permît de le déranger de manière aussi brutale dans son logis, il devait se passer quelque chose de grave.

Quoi ? fulmina-t-il en se tournant vers l'entrée.

Ouvrant le battant sans attendre, Erick apparut. Âgé d'une quarantaine d'années, c'était un combattant aguerri, presque aussi grand et tout aussi roux que lui, qui détestait s'enfermer derrière un mur. De ce fait, le jarl l'employait régulièrement durant l'hiver pour surveiller les environs du haut de l'enceinte. Une tâche qu'Erick appréciait tout particulièrement, et dont il ne se serait détourné pour rien au monde. Qu'il eût quitté son poste dénotait de l'urgence de la situation. Dirk lui accorda immédiatement toute son attention. Ne s'embarrassant pas de fioritures, celui-ci entra directement dans le vif du sujet.

— Un des nouveaux fermiers vient d'arriver. Sa famille lutte depuis hier contre une meute de loups affamés. Jamais il n'en avait vu d'aussi gros ni d'aussi déterminés à nuire. Ils ont défoncé sa bergerie et dévoré une partie de ses moutons. Normalement, une fois leur faim apaisée, ils auraient dû repartir, mais ils sont toujours là, comme s'ils guettaient les hommes. Il a réussi à s'échapper grâce à son cheval. Il a galopé à travers la plaine pour nous prévenir. Il est effrayé, et je dois dire que je le comprends. Je n'ai jamais entendu parler d'une chose pareille. Les loups s'approchent parfois de nos maisons, mais en général il s'en retourne dans la forêt avec les carcasses qu'ils ont volé. À juste raison, ils se méfient de nos lances et de nos haches. C'est sans doute une nouvelle meute, descendue du nord. On dit qu'elles sont plus hostiles. On doit s'organiser pour secourir sa famille. Et vite !

Dirk l'écoutait en se demandant quel dieu il avait bien pu outrager pour mériter une telle succession de problèmes. De quoi envisager de rejoindre l'étuve pour prendre un bon bain chaud et se détendre. L'affaire semblait cependant suffisamment urgente pour qu'il s'en préoccupât immédiatement.

— Mène-moi à cet homme, commanda-t-il au porteur de mauvaise nouvelle. Ensuite, tu fileras recruter quelques bonnes volontés pour chasser ces loups.

Marchant à grands pas, il quitta son logis. La punition de Baillifus attendrait encore un peu.

Erick n'eut aucun mal à rassembler un petit groupe acceptant de braver la neige et le froid pour contrer l'attaque de la meute. Deux femmes et cinq hommes, dont Erick et Solveig, se portèrent immédiatement volontaires. Malgré la tombée de la nuit, Dirk décida de partir sur-le-champ pour venir en aide aux malheureux assiégés. Bien qu'invisible du fortin, la ferme n'était pas très éloignée. Les flocons ne volaient plus autour d'eux, et cela leur donnait l'avantage de s'y rendre sans se transformer en bonshommes de neige.

Le comportement peu ordinaire des loups incitait la jarl à la prudence. Se munissant de torches et de longues piques en bois en plus de leurs armes habituelles, la troupe se mit en marche. Le colosse chevauchait en tête. Il remontait au petit galop les traces laissées précédemment par le fermier. Elles étaient fraîches, et il n'avait aucune difficulté à les suivre. L'homme arrivé un peu plus tôt les accompagnait. Mort d'inquiétude pour sa famille, celui-ci poussa rapidement son cheval à ses côtés, alors que son manque d'entraînement au combat lui attribuait plus logiquement une place au milieu du peloton.

Le géant n'en prit pas ombrage. Il comprenait l'angoisse de ce père à la barbe blonde fournie. Ce dernier appartenait au groupe récemment implanté. Un pauvre bougre dépassé par les évènements, qui visiblement culpabilisait d'avoir dû abandonner les siens face au danger pour venir quérir du secours.

Tu as bien fait de nous prévenir, tenta de le réconforter Dirk. C'était courageux de ta part de t'engager seul sur la plaine malgré le froid, et le meilleur moyen d'aider ta famille.

Particulièrement discrets jusque-là, les hurlements des loups s'élèvent à nouveau alors qu'ils approchaient de la ferme. Le colosse les repéra sans aucun mal. Masses sombres se déplaçant furtivement sur la blancheur encerclant les bâtiments, les bêtes leur firent brusquement face dans un mouvement commun. Leur synchronisation parfaite interpella le géant. Ces loups réagissaient comme une unité de combat surentraînée. La férocité inscrite dans la phosphorescence de leurs yeux accentuait encore cette idée.

De plus en plus circonspect, Dirk leva la main en arrêtant son cheval. Les autres l'imitèrent, pour se porter sur une ligne horizontale à ses côtés. Lorsque les vents favorables les poussaient vers des cieux cléments, et qu'en concertation avec les membres de son équipage il décidait d'une mise à sac, leurs ennemis avaient souvent l'impression qu'ils fondaient sur eux à tort et à travers. Leurs plans d'attaque étaient pourtant toujours mûrement réfléchis et ils ne fonçaient jamais au hasard. Or, à ce moment précis, le jarl avait la certitude qu'un minimum de coordination était primordial.

Soucieux de tout planifier, le géant observa durant quelques instants ses adversaires à quatre pattes. D'une couleur gris sombre, il en compta six. Se tenant pareillement immobiles, ceux-ci semblaient également les jauger tout en leur adressant des grondements menaçants. Leur hauteur au garrot surprenait le colosse. Ces bêtes étaient énormes, ce qui rendait encore plus redoutables leurs babines retroussées sur des crocs acérés. Il n'en avait jamais vu de semblables ni d'autres manifester un tel comportement. Ces animaux ne paraissaient nullement impressionnés par leur arrivée en nombre.

— Faites attention ! mit-il en garde ses comparses en parlant à la cantonnade. Ne vous éloignez pas du groupe, et surveillez les flancs à découvert de ceux qui frapperont.

Vérifiant que son fils se trouvait entouré par deux de ses plus valeureux guerriers, il donna l'ordre d'attaquer. Ils foncèrent tous ensemble sur la meute, qui les chargea de la même manière. Étrangement, les flammes des torches n'effrayaient pas les animaux. Maniées avec adresse, les longues piques entrèrent en danse. Elles parvenaient à peine à repousser la colère des bêtes qui se mouvaient rapidement.

Faisant preuve d'un véritable sens de la stratégie, les loups s'élançaient sur eux par deux. Tandis que l'un tentait d'atteindre le cavalier pris pour cible en cherchant à sauter sur la croupe de son cheval, l'autre faisait diversion en se jetant à la gorge de l'équidé. Leurs montures étaient fort heureusement habituées au danger, mais face à un tel instinct de prédation, certaines commençaient à ruer et à hennir frénétiquement. Le jarl savait que les hommes devaient avoir le dessus le plus vite possible.

Erick et lui arrivèrent enfin à transpercer deux loups de part en part. Hurlant de rage, le reste de la meute recula, avant de paraître se concerter, puis d'abandonner le terrain. Dirk les regarda se replier avec un sentiment de soulagement.

Saine et sauve, la famille du fermier ouvrit la porte derrière laquelle elle se retranchait jusqu'à présent. Heureux de retrouver les siens, le maître du logis invita le groupe à partager son repas. Difficile de se soustraire à ce geste de reconnaissance. Ils étaient d'autre part partis le ventre vide, et Dirk n'y vit aucun inconvénient. Après les retrouvailles, l'heure était aux réjouissances. Il espérait simplement que celles-ci lui permettraient d'oublier un tant soit peu la succession de déboires qui avaient émaillé sa journée.

En pénétrant dans le logis, il ne put toutefois éviter de s'apercevoir de l'acharnement des loups contre la porte. Les marques de coups de griffes et de crocs creusaient l'épaisseur du bois de moitié par endroits. Il n'aurait pas fallu attendre bien longtemps avant que les bêtes ne parvinssent à faire un trou suffisant pour défoncer la porte. Un tel acharnement surprenait d'autant plus Dirk que ces dernières avaient préalablement dévoré plusieurs moutons. La faim à elle seule n'expliquait pas leur obstination.

La bière et quelques histoires distrayantes l'amenèrent à oublier ce détail. Lorsque les libations prirent fin, la nuit était avancée. Redevable et possédant le sens de l'hospitalité, le fermier les invita à dormir dans la grange. Dehors il faisait froid, la neige tombait de nouveau à gros flocons et les hommes étaient fatigués. Le jarl accepta. Le lendemain matin, le problème de laisser vagabonder une meute aussi agressive dans les parages fut abordé. La famille qu'il venait de sauver tremblait encore et toutes les fermes isolées se trouvaient menacées. Objectivement, il était impensable de vivre sereinement tant qu'un tel danger planerait sur leurs épaules.

— Si la moitié du groupe accepte de partir en chasse avec moi, ces satanées bêtes seront occises avant la fin de la journée, trancha Erick, l'œil allumé par le combat de la veille.

Le jour rendait la traque moins dangereuse, et Dirk acquiesça. La neige permettait de pister facilement les animaux. Erick espérait trouver rapidement leur tanière où l'élevage de quelques petits, nés tardivement dans l'arrière-saison, expliquait sans doute leur férocité. Les tuer réglerait le problème et rapporterait en plus de belles peaux bien chaudes, qu'ils pourraient vendre, troquer, ou utiliser pour leur usage personnel une fois tannées.

Deux hommes et une femme se placèrent spontanément du côté du chasseur. Le géant s'apprêtait à appeler sur eux la protection des dieux, quand il vit s'avancer son fils.

Père, je veux les accompagner.

L'implication de Solveig ne le surprenait pas. Son aîné atteignait l'âge de montrer à tous ce dont il était capable et il connaissait sa bravoure. Durant quelques instants, Dirk hésita néanmoins à lui donner son agrément. Le jeune homme n'avait que quinze ans et l'adversaire visé était particulièrement redoutable. Mais cela aurait été lui faire injure, tout comme douter de l'excellence de ceux qu'il désirait accompagner. Il était d'autre part certain que ceux-ci veilleraient sur Solveig comme si leur vie en dépendait. Ce qui en l'occurrence, n'était pas totalement faux.

— C'est d'accord, accepta-t-il avec un franc sourire.

Heureux comme un enfant recevant son premier arc, Solveig se rangea à son tour près d'Erick tandis que son père adressait une courte prière à Odin. Une fois son oraison achevée, Dirk regarda le groupe partir avec un sentiment mitigé. Sans cette histoire de farine, il les aurait volontiers accompagnés. Pour le plaisir de la chasse d'abord, mais aussi pour s'assurer que tout irait bien. Il pouvait malheureusement difficilement abandonner le fortin plus longtemps, alors qu'un ennemi sournois y rodait peut-être encore.

En arrivant chez lui, sa première action fut de tranquilliser Brunhilde sur le sauvetage des fermiers et la bravoure de ceux qui accompagnaient Solveig, puis il vaqua à ses obligations quotidiennes sans s'accorder de répit. Il avait besoin de s'occuper l'esprit. Il faisait confiance à l'équipe qu'il avait laissée derrière lui, mais l'attente commençait à lui peser. Elle lui ôtait jusqu'à l'envie de châtier Bailliafus.

Il pensait que le groupe serait de retour dans la soirée, mais lorsque les premières étoiles apparurent dans le ciel, la plaine demeurait toujours aussi vide. Refusant de céder à la panique, il songea que la traque avait sans doute été plus longue que prévu, et que les chasseurs passaient une nouvelle nuit chez le fermier.

Cette nuit-là, Dirk dormit mal. Des cauchemars récurrents le maintenaient dans un sommeil de surface plus fatigant que des heures de veille. Plusieurs fois, il ouvrit les yeux en réprimant un sursaut de terreur irraisonné. Il était en sueur ; il se sentait épié ; malgré la chaleur, il lui semblait qu'un courant glacé traversait la chambre. Près de lui, Brunhilde se reposait pourtant paisiblement.

Se levant doucement pour ne pas réveiller son épouse, il vérifia qu'aucune porte n'était restée entre-ouverte. Tout était bien calfeutré. Incapable de se recoucher, il endossa sa plus chaude pèlerine pour sortir dehors. À l'extérieur, le calme régnait, tandis que le ciel devenu noir déversait de gros flocons. La lueur des quelques lanternes encore allumées ravivait leur blancheur dans un silence pesant.

Tout semblait normal.

Ce fut pourtant le cœur empreint d'angoisse que le jarl grimpa l'échelle menant en haut de l'enceinte. La nuit cendrait le paysage d'un gris clair uniforme aussi loin que le rideau neigeux lui permettait de voir. Mis à part la lente dégringolade des flocons, rien d'autre ne bougeait dans la campagne. Difficile de chevaucher par un temps pareil. Il ne s'en inquiétait pas moins pour le retard du groupe et la sécurité des fermes isolées.

Le matin le trouva fatigué et d'humeur morose. Une nouvelle journée débutait sous le signe de l'attente. À mots couverts, le reste de la communauté commençait elle aussi à se soucier de la longueur du retour des absents. Les bavardages se raréfiaient et certains visages affichaient leur anxiété.

De son côté, Bailliafus se montrait étrangement accommodant. Il faisait profil bas et évitait d'agresser qui que ce fût par ses paroles. Le colosse le surprit même à donner un coup de main à une vieille femme dans la cour, pour porter un sac trop lourd. Il agissait enfin comme un enfant respectueux, soucieux du sens de l'entraide et du savoir-vivre. Étonné, le jarl le suivit des yeux. Se sentant observé, le petit garçon baissa la tête de façon modeste. Au point que Dirk se demanda s'il n'avait pas rêvé ce regard rempli de morgue et de défiance deux jours plus tôt, alors que son épouse éloignait le gamin dans une chambre. L'avait-il mal jugé ?

Une fois de plus, Sigrid trancha pour lui.

Vivre confiné dans le fortin durant l'hiver obligeait chacun à se croiser fréquemment, et il l'avait déjà rencontré plusieurs fois dans la journée. Il ne l'en accueillit pas moins avec un sourire heureux, tant son ravissant minois le divertissait de ses soucis. Ses façons de petite walkyrie facétieuse et ses répliques à l'emporte-pièce lui manquaient. Il n'avait qu'une hâte, qu'elle reprît sa place à leur côté.

Trottinant sur ses talons, Find l'accompagnait. Le vieux chien aboya de joie à son adresse, et Dirk ébouriffa sa fourrure d'une main bienveillante. Ne s'encombrant pas de cérémonial, Sigrid se campa devant lui, les poings sur les hanches, son joli nez levé en l'air pour lui demander, ou plutôt pour lui intimer :

— Père, je dois récupérer mon ancien carquois. La bandoulière du nouveau vient de céder et Olaf n'a pas le temps de m'apprendre à la réparer.

— Peut-être devrais-tu attendre qu'il soit disponible, répondit-il, en songeant qu'il allait bien falloir qu'elle comprît un jour les vertus de la patience.

— Non ! se cabra-t-elle en fronçant ses fins sourcils. Il me le faut ! Tout de suite ! Un oiseau de mer n'arrête pas d'embêter Find quand je descends voir Heda. Il apprendra ce qu'il en coûte de s'attaquer à ceux que j'aime !

Face à tant de détermination, le rire tonitruant du géant s'égrena. Désorientée par cette réaction, Sigrid se renfrogna.

— Tu te moques de moi.

— Non, mon petit cœur, l'apaisa le jarl en posant un genou devant elle. Je trouve au contraire que tu es une petite fille très courageuse. Mais je n'aime pas que tu descendes seule voir Heda. La neige rend les roches glissantes, et l'escalier de sa maison surplombe directement la mer.

Heda va bientôt mettre eu monde son bébé, plaida la petite. Elle ne peut pas monter jusqu'ici.

Heda était la fille de sa sœur Astrid. De deux ans plus âgée que Solveig, elle s'occupait généralement de ses cousines lorsque Brunhilde devait s'absenter. Sigrid s'entendait bien avec elle. Mariée à un pêcheur, la jeune femme attendait son premier enfant, dont la venue était prévue pour les prochains jours.

Se laissant attendrir par l'expression à présent suppliante de sa cadette, et l'affection qu'il portait à sa nièce, Dirk céda .

— Bien, mais tu me promets que tu feras très attention et que tu ne courras pas.

Aussitôt, la fillette retrouva son sourire.

— Oui, je te le promets ! Et si j'ai mon arc et mon carquois, personne n'osera se confronter à moi, acheva-t-elle d'un air sérieux.

Elle ne perdait décidément pas le nord. Son père la regarda avec amour. Elle deviendrait certainement une guerrière redoutable et dotée d'un grand cœur.

— C'est d'accord, accepta-t-il en se relevant. Seulement si tu vas à la maison, je crains que Mathilda et ta mère te retiennent un long moment. Ne leur en veux pas, elles seront si heureuses de te voir.

À cette perspective, le visage de sa fille se plissa de dépit.

— Oh, papa, tu sais que je les aime, mais si je reste longtemps à la maison, il sera trop tard pour que je rende visite à Heda.

Au moins prenait-elle en compte le danger que représentait la tombée de la nuit. Cette prudence le convainquit de l'aider à réaliser son désir. Il aurait apprécié de régler lui-même ce problème, malheureusement il n'avait pas le temps de remonter chez lui. Encore moins de discuter avec Brunhilde qui lui demanderait la raison qui incitait Sigrid à réclamer son ancien carquois.

Relevant les yeux, il chercha à qui il pourrait bien confier cette mission, sans que celle-ci ne suscitât l'intérêt trop curieux de son épouse. La cour était pratiquement déserte, à l'exception de Bailliafus, qui venait d'achever son acte de bonté en apportant le sac dans le logis de la vieille femme.

Le jarl n'hésita pas un instant. C'était le moment ou jamais de profiter des meilleures dispositions du gamin. Il était de plus si bizarre, qu'avec un peu de chance, Brunhilde lui donnerait le carquois sans poser la moindre question. Élevant la voix, il le héla.

Bailliafus, il y a un vieux carquois qui pend à un clou derrière la porte de la maison. Va le chercher, et rapporte-le-moi.

En découvrant l'objet de son choix, Sigrid se récria d'un air outré :

— Mais papa...

— Il est tout à fait habilité pour remplir cette mission, l'interrompit le jarl. C'est lui, ou tu attends que j'en aie fini avec ta tante Astrid qui m'a demandé de passer la voir. Et tu sais combien elle est bavarde.

Poussant un soupir à fendre l'âme, sa fille ravala ses jérémiades. L'air morose, Bailliafus les rejoignait d'un pas lent. Il paraissait méfiant, et Dirk s'aperçut qu'il lui jetait des regards remplis de circonspection. Une attitude qu'il pouvait comprendre, compte tenu de leur accrochage précédent. Pour l'heure, il souhaitait avant tout plaire à sa cadette, tout en se débarrassant de la corvée de soulager ensuite la juste inquiétude d'une mère.

Pensant amadouer le garçonnet en le mettant dans la confidence, il l'informa d'un ton bas, alors que celui-ci arrivait près d'eux.

C'est un service que je te demande. D'homme à homme. En aucun cas Brunhilde ne doit se douter que ce carquois n'est pas pour toi.

Devinant qu'il s'agissait de satisfaire un caprice de Sigrid, le visage de Bailliafus se ferma. Il n'en prit pas moins le chemin du logis, ce qui contenta Dirk, même s'il n'avait pas prononcé un mot. Finalement la leçon semblait rentrer, sans qu'il eût à la lui enfoncer brutalement dans le crâne.

— Je ne l'aime vraiment pas, marmonna Sigrid en le voyant disparaître dans la maison.

— Voyons, ma puce, il est en train de se démener pour toi.

— Ou bien il raconte en ce moment à maman que nous complotons derrière son dos, répliqua-t-elle d'un air farouche.

À ce niveau de défiance, il était inutile de lui rappeler le concept du bénéfice du doute, et Dirk n'insista pas. Totalement insensible à ses efforts de conciliation, elle ne quittait pas des yeux la porte que son ennemi avait refermée sur lui. Donnant tort à ses propos pleins de fiel, le petit garçon réapparut rapidement, le carquois à la main.

— Tu vois, ne put s'empêcher de commenter le géant, alors que le gamin revenait vers eux.

Seul un grognement peu aimable lui répondit. Sigrid admettait son erreur, mais ne se rendait pas. Il en eut la confirmation quand Bailliafus s'arrêta devant eux, et qu'elle tendit vers lui une dextre méprisante en disant :

— Donne !

À ce ton cinglant, le garçonnet, qui amorçait un geste en direction de la fillette, eut un brusque mouvement en arrière, interdisant à celle-ci de saisir le carquois. Le regard posé sur Dirk, il ignora totalement la petite qui fulminait pour demander :

— Si je le lui rends, vous me ramènerez chez moi ?

— Quand tu te souviendras d'où tu viens, répondit sèchement le jarl, en empoignant l'objet du délit qu'il remit à sa propriétaire.

Aussitôt, il regretta sa rudesse. Jusqu'à présent, l'enfant s'était plutôt montré accommodant. Le silence des chasseurs l'inquiétait, et cela faussait son jugement. Il n'avait pourtant pas la moindre envie de s'excuser auprès de ce gamin qui ne détournait pas les yeux. À ses côtés, Sigrid eut un petit ricanement satisfait. Le regard de Bailliafus changea immédiatement de cible en se chargeant d'orage. Peu désireux de gérer un nouveau pugilat, le géant intervint avec autorité en se tournant vers sa fille.

— Si tu veux partir en visite, c'est le moment. Et dis à Heda que je descendrai la voir demain matin. Quant à toi, Belliafus, je suis sûr que d'autres personnes seront ravies de recevoir ton aide.

Heureuse de son sort face à la tâche moins divertissante de celui qu'elle détestait, Sigrid détala sans demander son reste. Dirk la suivit des yeux avec attendrissement. Il adorait Mathilda, mais sa cadette représentait un vrai rayon de soleil au sein de la monotonie de l'hiver. Le grognement de Find le tira de ses pensées. Moins alerte que sa jeune maîtresse, le vieux chien se laissait toujours distancer quand il devait se redresser, et il n'appréciait apparemment pas de voir Bailliafus passer à côté de lui.

Dirk n'aima pas le regard que le gamin jeta au chien.


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