Quelques temps après. Bien après que la pluie se soit arrêtée. Bien après que le soleil se soit levé. Quelques jours. Quelques mois. Assez pour qu'il ait eu le temps de m'oublier. Assez pour que mon souvenir s'efface de sa mémoire. Pour que mon corps s'efface de sa vie. C'est a ce moment là que je me décidais.

Ce n'était pas forcément pour le croisé. Ce n'était pas forcément pour qu'on se revoit. Du moins pas consciemment. Pourtant, ça faisait longtemps que cela me tiraillait. Essayer. Aller dans l'Entre deux. Pour voir. Pour constater les dégâts. Pour s'en imprégné. Mais ce n'est pas ce que je fis.

J'ai erré quelques minutes. Mon regard fixais le bitume. Il passait sur la station service en décomposition. Mais ne la voyait pas. J'avançais. Vers nul part. Puis. Lorsque je repris conscience. Je ne pouvais me détacher de cette idée. Une image. Un souvenir. Un rien. Ancien. Un parc de jeu. Au fond. Là où personne ne vient jamais. Je me décidais. Je n'avais plus que ça en tête. Je me mis a courir. Juste quelques rapides foulés. Juste pour me rapprocher un peu plus vite de cet endroit. Et j'y arrivais.

Je ne vis d'abord que la pénombre. Les ombres qui se détachaient. Les reflets de la lune noir. Peu à peu un décor m'est apparue. Simple. Quelques jouets. Envahis par la nature. Beau. Et finalement je l'aperçois. Seul. Allongé sur des structures en métal. Les yeux cherchant les étoiles. J'hésitais.

Comment réagira-t-il. Me reconnaîtra-t-il au moins. Après tout ce temps, a-t-il oublié. Comment c'est passé mon départ. M'a-t-il haï. M'a-t-il pleuré. Que va-t-il se passer. Va-t-il me rejeter. Va-t-il me tuer.

J'hésitais. Quoi faire.

« Vas-tu encore fuir. »

C'est lui. C'est sa voix. C'est son intonation. C'est lui. Je me fige. Immobile. En espérant peut être qu'il se soit juste trompé. Mais ses orbes de lune rencontrèrent les miens. Et pour toute réponse, un cristal salé dévala mon visage. S'écrasa sur le sol. Se perdit dans les profondeurs de la nuit. Je me brise devant sa douleur. C'est ma manière de me faire pardonner. C'est ma manière de lui raconter. C'est ma manière d'avouer.

Je me rapproche. Chancelant. Toutes les questions se sont évanouies. Il ne reste que le vide. Parce que seul lui sais ce qu'il va arriver. Parce que seul lui peut décider de la suite. Parce que seul lui décide de sourire.

« Merci. »

23 avril 2023