13-Une histoire de fille
Les espoirs d'Hugo n'avaient pas été comblés. La pluie était revenue dès le lendemain. Le garçon avait été affecté à la corvée de nettoyage dès la première semaine. C'était son deuxième jour de punition. Il avait passé la journée seul à récurer les fossés dans la partie ouest du campus, s'interrompant seulement pour le déjeuner. Aussi fut-il surpris en entendant des pas au-dessus de sa tête. Il releva les yeux et aperçut Arthur, penché au-dessus de lui.
-Ca va, tu t'amuses bien ? lança le garçon.
-Ah, ah très drôle, je voudrais t'y voir. Tout ça pour un minuscule retard. soupira Hugo.
-Je t'ai apporté un goûter. dit Arthur en lui tendant un paquet de cookies.
-C'est sympa mais je suis un peu sale pour les manger là. déclara son ami en lui montrant ses mains pleines de boue.
-Tu peux pas sortir deux minutes et aller te laver les mains dans les vestiaires du terrain de cricket ? demanda Arthur.
Hugo lança un regard significatif vers la caméra de surveillance, quelques mètres derrière eux.
-Tu peux me les mettre dans la bouche sinon ? proposa t'il.
Arthur haussa les sourcils mais s'approcha. Hugo sourit quand il sentit le goût du chocolat sur sa langue.
-Les fossés font tout le tour du campus, non ? interrogea t'il quand il se fut rassasié.
Son ami acquiesça.
-Tu crois que je pourrais entrer dans le camp d'entrainement en suivant le fossé ?
-Peut-être mais je pense qu'il y a un grillage. Qu'est-ce que tu irais faire dans le camp d'entrainement de toute façon ? s'étonna Arthur.
-Je sais pas, aider les recrues ou juste voir Anna. fit le jeune homme en haussant les épaules.
-C'est trop dangereux, il y a des caméras partout. répliqua l'autre garçon.
-Je sais, je ne vais pas le faire mais elle me manque. avoua Hugo en rougissant légèrement.
-Je sais, tu parles d'elle trois fois par jour. Moi aussi, elle me manque mais tu peux bien attendre encore 60 jours. répondit son ami plus sèchement.
-67 jours. rectifia le garçon. Et elle ne peut pas te manquer autant que moi.
-Qu'est-ce que t'en sais ? lâcha Arthur.
Hugo s'apprêtait à détailler la différence entre leurs deux relations mais il s'arrêta en voyant le regard de son meilleur ami.
-Ne me dis pas que... grommela Hugo dans sa langue d'origine.
-Je comprends le français tu sais. fit son ami dans la même langue.
-Je sais mais c'est juste que je suis choqué.
Des images des 6 derniers mois défilaient dans la tête d'Hugo. Peu à peu, une logique se mit en place dans son cerveau et quand il releva les yeux, quelque chose avait changé dans son regard.
-Tu es amoureux d'Anna. accusa t'il.
Arthur eut un mouvement de recul.
-Non, non pas du tout, pourquoi tu dis ça ? se défendit-il.
-L'année dernière en mission, c'est pour ça que tu étais si bizarre. poursuivit Hugo. Tous les regards, toutes les fois où tu me rabaissais, toutes les fois où tu me disais qu'on était trop jeunes... Ah, j'y crois pas !
Hugo saisit de la boue et la lança vers Arthur. Celui-ci recula mais son ami bondit hors du fossé, les poings serrés.
Le garçon reculait toujours. C'était la première fois qu'il voyait son ami dans un tel état et de manière générale il ne l'avait pratiquement jamais vu se mettre en colère. Arthur savait qu'un affrontement ne mènerait à rien, les deux garçons étant de force égale.
-Calme-toi Hugo, il y a des caméras, ça ne sert à rien de se battre.
Le jeune homme arrêta d'avancer. Il serra un peu plus les poings mais tenta de maitriser sa respiration en gardant les yeux rivés au sol.
-Pourquoi tu me l'as pas dit ? questionna t'il, agressif.
-T'as vu l'état dans lequel tu te mets ? répliqua Arthur.
-Alors c'est vrai ? reprit Hugo en relevant doucement la tête.
Arthur haussa les épaules.
-Je ne sais pas. Elle est gentille, elle est mignonne, je l'aime beaucoup et je n'aime pas vous voir tous les deux mais...
-Comment tu peux dire ça ? s'emporta Hugo. Comment tu peux...
-Hugo ! le stoppa son ami. C'est MOI qui l'ai accueilli, c'est MOI qui te l'ai présenté, c'est MOI qui lui ai parlé en premier. Si JE n'avais pas dit à Zara que j'aimais bien accueillir les nouveaux, tu ne l'aurais jamais rencontré.
-Zara t'a juste proposé d'accueillir les nouveaux français parce qu'elle t'a vu parler avec un tee-shirt orange qui sortait de son bureau. rectifia Hugo. Ce n'est pas ça qui compte Arthur, c'est ce qu'il y a après ! Tu es censé être mon meilleur ami, tu devrais...
-Ne m'accuse pas ! le coupa de nouveau son "meilleur ami". C'est TOI qui sors avec Anna, c'est TOI qui m'as parlé d'elle, c'est TOI qui a déduit que je l'aimais, c'est TOI qui t'énerves. Moi, je n'ai rien dis ; ni aujourd'hui, ni les autre jours. Depuis le début je me tais, je ne me plains pas. J'ai peut-être été un peu en colère au début mais depuis le mois de janvier, j'essaie d'être un peu plus "content pour toi". Alors ne m'accuse pas ! En plus, je n'ai JAMAIS dis que j'étais amoureux d'elle, je n'ai même pas réfléchi à la question.
Arthur ne chercha pas à approfondir la dispute. Il tourna les talons et s'éloigna, laissant Hugo planté là, à ruminer. Le garçon avait du mal à se calmer. Il avait conscience que sa réaction était excessive. Il savait que son ami avait en grande partie raison et c'était ce qui l'embêtait le plus. Il était toujours en colère contre Arthur, mais aussi contre lui-même. Il n'arrivait pas à comprendre pourquoi il s'était énervé ainsi alors que son ami était resté maître de lui. Les rôles avaient été inversés. Hugo ne savait pas ce qu'il ferait quand il reverrait Arthur, ou même Anna. Il se demandait si il devait encore considérer l'autre garçon comme son ami ou si il devait l'ignorer. Si il devait en parler aux autres ou ne rien dire. Il ne savait pas ce qu'allait faire Arthur et cela l'inquiétait. Mais par-dessus tout il se maudissait de n'avoir rien remarqué avant et il avait peur qu'Anna l'abandonne.
Hugo était tellement préoccupé par sa propre situation qu'il ne s'inquiéta même pas de ce qu'avait pu ressentir son ami pendant les derniers mois. Il resta plongé dans ses pensées qui s'emmêlaient dans son cerveau. Incapable de réfléchir, il décida de reprendre une activité physique et descendit dans le fossé. Il se dévoua entièrement à sa corvée pour s'empêcher de penser à autre chose.
***
Deux heures plus tard, Hugo avait bien avancé dans son travail. Il sortit du fossé et se traina jusqu'au vestiaire du terrain de cricket. Le garçon se débarrassa de ses affaires pleines de boue et se précipita sous la douche. Il rinça son uniforme sale et en enfila un autre, propre. Puis, il récupéra ses affaires et se dirigea vers le bâtiment principal, anxieux.
Quand il pénétra dans le self, il repéra tout de suite ses amis, assis à une table près de la porte. Il se servit puis les rejoignit. Ils avaient déjà bien entamé leur repas quand Hugo posa son plateau à l'extrémité de celui d'Arthur.
-Alors ce nettoyage ? s'enquit Ellina.
-Bah, j'ai trainé dans la boue toute la journée, je suis super fatigué. soupira Hugo.
Linda, Maria, Nina et Max affichèrent une moue dégoutée. Seul Andy ne semblait pas se soucier de sa punition. Ellina souriait, fière d'y avoir échappé. Arthur se serrait bien moqué de ses amis mais il préférait se taire, par peur de la réaction d'Hugo. Mais celui-ci l'ignora tout le repas, ne lui accordant pas même un regard.
Linda et Ellina comprirent rapidement que quelque chose n'allait pas. L'ambiance électrique entre les deux garçons les étonnèrent mais elles ne firent pas de commentaire.
Les agents étaient fatigués. Aussi, leur repas achevé, ils retournèrent immédiatement dans leurs chambres. Linda, Hugo et Arthur se dirigèrent dans le même sens.
-Qu'est-ce qui se passe entre vous ? demanda Linda après plusieurs secondes de silence.
Les deux garçons étaient pris au dépourvu. Hugo s'arrêta de marcher et jeta un regard vers Arthur pour la première fois de la soirée. Celui-ci hésita avant de répondre. Hugo était décidé à ne rien dire.
-Rien de grave. finit par lâcher Arthur ce qui excita la curiosité de Linda.
Hugo bouillait intérieurement. Il trouvait la situation très grave et cela le força à briser son silence obstiné.
-Rien de grave ? Ah oui, tu trouves ? fit-il sur un ton cinglant.
-Vous ne vous êtes pas parlé du repas. Qu'est-ce qui se passe ? répéta Linda.
-Ce qui se passe, c'est que ce... est... euh. hésita Hugo.
Ellina s'était rapprochée en voyant ses amis s'arrêter. Elle sursauta en entendant les mots d'Arthur :
-Ce qui se passe, c'est qu'Hugo croit que je veux lui piquer Anna.
-Quoi ? s'étonna Ellina.
Arthur soupira. Hugo lui lança un regard noir.
-Laisse tomber Ellina. On ne devrait pas parler de ça, je ne veux pas d'histoire. dit Arthur en se tournant vers son amie.
-C'est trop tard. répliqua Hugo.
-Mais... Hugo...
Ellina comprit qu'elle et Linda étaient de trop. Elle attira son amie à l'écart malgré ses réticences.
-Je veux savoir. protestait la jeune fille à voix basse.
-On doit les laisser régler ça ensemble et on verra après. décida Ellina.
Les filles s'éloignèrent de quelques pas tandis que les garçons se défiaient du regard.
-Tu étais mon meilleur ami. déclara calmement Hugo. Tu aurais dû être content pour moi et essayer de t'éloigner d'Anna pour pas être tenté. Mais tu as été bizarre pendant des mois et tu as essayé de nous séparer. Tu aurais pu... au moins me dire la vérité avant.
-Et pour quoi faire ? Tu aurais quitté Anna au nom de notre amitié ? Je sais bien que non. En plus, je ne suis même pas amoureux d'elle. Je l'aime bien c'est tout. J'étais jaloux parce que tu en parlais tout le temps mais je me suis amélioré. Et je n'ai pas essayé de vous séparer, je voulais juste que tu parles un peu d'autre chose. Hugo je suis toujours ton meilleur ami, tu vas pas laisser une histoire de fille nous séparer.
-C'est moi qui décide si on est encore ami non ? répondit Hugo, amère.
Arthur resta choqué.
-Hugo... on a que 11 ans, tu t'en rends compte ? J'ai été ton premier ami ici et tu veux tout arrêter juste pour une fille, alors que t'as que 11 ans je te rappelle. En plus, il n'y a rien de grave dans cette histoire. Je n'ai rien fait de mal et j'ai tout gardé pour moi. Je n'ai rien dit avant pour pas que ça t'embêtes si tu veux tout savoir.
"Anna a dix ans." C'est tout ce que trouva à dire Hugo.
-Oui, elle a dix ans et toi onze. répéta Arthur.
-C'est vrai. affirma son ami en hochant la tête.
Hugo se rendait compte que onze ans c'était rien.
-Je sais pas pourquoi j'ai réagi comme ça. déclara t'il, penaud.
-Parce que tu tiens à elle. répondit Arthur. Mais moi aussi tu sais, alors si tu pouvais arrêter de parler trop de vous deux...
Son ami lui lança un regard significatif. Hugo était calmé et prêt a pardonner mais il ne fallait pas exagérer. Arthur sourit faiblement et lui tendit la main. Hugo s'en saisit. Arthur l'attira vers lui et lui donna une généreuse accolade.
-On reste amis hein ?
-Meilleurs amis. confirma Hugo, un peu honteux.
****
Un chapitre un peu court mais je n'avais pas trop d'inspiration. Je ne suis pas particulièrement fière de ce chapitre, il y a trop de répétitions je trouve. Je trouve que cette réaction n'est pas du tout appropriée pour des enfants de 11 ans mais je n'avais pas vraiment d'autre idée. Au début je ne voulais pas qu'ils se réconcilient mais ça ne correspondait pas au caractère d'Hugo donc voilà. Que pensez-vous de cette situation ?
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