D.E.A 12 : @AnyComeback : Camisole chimique
Pour le défi d'écriture de @AnyComeback , voici ce petit O.S de "Point de rupture" tout spécialement fait pour
@JusteGlory , j'espère qu'il t'éclairera sur les fameux "comprimés"^^
Le sujet traite des 7 péchés capitaux et le hasard à tiré : "La colère".
J'ai mis en gras les mots imposés : écran, exhaler, obséquieux, grenat, affiche.
Camisole chimique
« La vie ne m'a pas épargnée. Elle m'a tout volé.
Jusqu'à mes sentiments.
Elle n'a laissé en moi qu'une colère que je ne peux assouvir. Tellement de rage et de fureur coulent dans mes veines, remplissant mon corps de lave.
Et je brûle, impatiente de m'en délivrer. »
Cela faisait cinq ans que je m'entrainais. Sans répit. Sans soulagement. Les coups que je portais, ceux que je prenais, renforçaient cette haine qui me forgeait.
J'étais épuisée, fatiguée de détester.
Encore une nuit où mes démons m'empêchaient de dormir. Pour les satisfaire, je tapais dans ce sac de frappes. Chaque coup grondait sa violence sur une seule image qui restait gravée dans mon esprit. Un visage ancré dans mes ressentiments. J'avais beau user de toute ma violence, rien ne l'ébranlait.
Cinq ans qu'il m'accompagnait et jusqu'à présent, aucun soulagement.
- Jessie !
La voix de Betty, mon mentor, tonna du fond de la pièce.
Essoufflée, je m'arrêtais, les poings en avant, les pieds arrimés dans le sol, prête à frapper.
- Laisse-moi !
- Tu crois que tu vas encore tenir longtemps à ce rythme ? Jessie... soupira-t-il. Nous sommes enfin de retour. La vengeance que nous avons organisée va être longue à se mettre en place, il va falloir que tu y mettes du tien si nous voulons réussir. Je te demande beaucoup, je sais...
- T'inquiète, je vais y arriver. Je ne suis pas seule.
- C'est bien que tu sois lucide sur ce point, parfois, j'ai l'impression que tu l'oublies. Si tu as besoin, Boop est encore à la cuisine.
- Merci, Betty. Je monte le voir.
Je défis les bandes de tissu autour de mes mains et pris la direction des escaliers.
Je quittai ce sous-sol aménagé qui témoignait des années d'expérience des quatre hommes. Anciens militaires, ils avaient fait partie d'une équipe spéciale qui travaillait dans l'ombre, conjointement avec le service de renseignement interne. Ils allaient sur des missions qui avaient besoin de discrétion. Personne ne les connaissait, seulement quelques hauts gradés. Depuis la fin de leur carrière, ils œuvraient pour leur compte personnel. Une vengeance solidaire pour laquelle ils s'étaient préparés pendant cinq années. M'incluant dans celle-ci, j'en étais la pièce maîtresse.
J'avais tout appris d'eux. Je pouvais jouer n'importe quel rôle, rien ne me faisait peur. J'étais capable de tout.
Depuis cette nuit.
Dont je ne me souviens de rien, sauf qu'ils m'ont tout pris.
Je connais les protagonistes, je sais tout d'eux et maintenant, je reviens dans leur vie.
Transformée, changée. Méconnaissable, j'ai même modifié mon apparence.
Arrivée en haut des marches, je poussais la porte et tombais sur Boop qui buvait son éternel café.
- Pas sommeil ?
Je me laissais tomber sur un des sièges de bar qui entouraient îlot central sans lui répondre.
- Tu as besoin d'un truc ? surenchérit-il.
- Je ne sais pas, Boop. J'aime pas prendre ces médocs.
- Tu as besoin de dormir. Même si ta tête tient le coup, ton corps subit. Rappelle-toi la Thaïlande. Tu as dormi plus d'une journée quand ton corps t'a lâché lors ces entraînements intensifs que tu t'imposais.
- Je sais, Boop.
- Tiens.
Sa main fermée glissa sur la table et lorsqu'il la retira, un comprimé bleu me narguait. Je le connaissais pour l'avoir pris à plusieurs reprises. Il était tentant, certes, mais la sensation de bouche sèche qu'il laissait devenait de plus en plus désagréable. Il avait le pouvoir d'enfermer sous cloche une grande partie de mes démons et m'empêchait d'en devenir un.
Car c'était ce que mes bourreaux avaient fait de moi. Un monstre sans âme. Ils m'avaient privé de tous mes sentiments. Je n'avais ni culpabilité ni compassion. Je pouvais tuer sans sourcilier, du moment qu'ils le méritaient. Mon moteur était la colère. Cette putain de colère qui ne me laissait aucun répit, aucun instant de pause.
Mais, Betty, qui était le gardien de ma conscience, prenait son rôle très au sérieux et maintenait cette faible partie de moi à la surface. Celle qu'il jugeait humaine.
« À vivre dans le feu de la colère, tu finis par ne plus voir les flammes qui te consument, doucement, mais sûrement. »
Voilà ce qu'il m'a répété pendant tout ce temps.
Sa fille avait, elle aussi, subi des violences gratuites de ces personnes. La différence avec moi était qu'elle ne l'avait pas supporté. La souffrance lui avait dévoré l'esprit. Elle avait préféré partir. Betty était rongé par cette culpabilité et reportait sur moi tout ce qu'il n'avait pas pu faire pour sa fille.
Je me levais d'un coup sec et pris le cachet que je gobai sans une goutte d'eau.
Demain allait être un jour nouveau, un chemin du destin que j'avais moi-même décidé d'emprunter.
J'évitais ma chambre et m'affala dans le vieux canapé de Betty (Henry de son vrai nom).
Des bruits de casseroles qui s'entrechoquaient me sortirent des limbes dans lesquelles je naviguais sans cesse.
J'émergeais tout en me dirigeant vers la cuisine. Betty, mon mentor, lavait la vaisselle. Boop, le médecin de l'équipe, la rinçait et la passait à Ham, l'homme aux multiples couvertures, qui l'essuyait, puis la tendait à Burger, le génie en informatique, qui la rangeait.
- Salut, ma belle, me salua Ham.
Je grognais les dents serrées en guise de réponse :
- M'appelle pas comme ça !
- Laisse-la tranquille, Ham. Elle se réveille tout juste. Prépare-lui plutôt un café.
- C'est quelle heure ?
- Treize heures.
- J'ai dormi huit heures ?
- Tu étais épuisée.
Je déglutis à plusieurs reprises et me rendis compte que malgré ma bouche pâteuse, je ne ressentais pas la sécheresse habituelle qui accompagnait les effets du traitement que me donnait Boop.
Je levais un regard mauvais en direction du concerné.
- Tu as osé me tromper, Boop ?
Mon ton, plus doux que le miel, leur donna des frissons.
Ham et Burger firent écran devant lui et tentèrent de m'amadouer.
- C'était pour ton bien, Jessie.
- Il fallait que tu dormes...
- Cela ne lui donne pas le droit de me faire ingurgiter tout ce qu'il veut sans mon consentement.
Les deux papys essayaient de me retenir du mieux qu'ils pouvaient pendant que Boop s'enfuyait en direction du sous-sol.
Un plat se brisa et la force du bruit nous stoppa aussitôt.
Betty se retourna et explosa :
- Vous me pétez les rouleaux ! Il n'y en a pas un pour récupérer les autres ! Vous voulez tout faire foirer, parfait ! Continuez ainsi !
Même Boop, le pied sur la première marche, était resté en suspens, la main sur la rambarde.
- Mais... je tentais de répliquer.
- Jessie, me coupa-t-il, le regard froid. Je comprends ce que tu ressens, mais pour une fois, ne peux-tu pas nous faire confiance ? Tout ce que nous pensons, faisons, préparons, c'est uniquement pour ton bien. Alors, oui, je sais, ce que nous avons manigancé avec Boop, hier, n'était pas très correct, mais admets au moins que cela fut efficace, non ?
Prise au dépourvu par ses paroles, je posai mes mains à ma taille et soufflai en regardant le sol avant de reporter mon attention sur Betty.
- Je ne peux pas m'arrêter, tu le sais bien ?! Si vous me donnez des trucs qui me déconnectent, j'ai la sensation très désagréable de ne plus rien maîtriser. De redevenir le pauvre petit jouet de mon putain de destin !
- Tu sais bien que ce n'était pas notre but. Nous voulions simplement que tu te reposes une peu.
Je devais reconnaître, même à contrecœur, qu'ils avaient raison.
- D'accord ! Mais à partir de maintenant, vous devez m'en parler avant. Ne le faites plus jamais dans mon dos.
Je tournais les talons et me rendit dans ma chambre pour m'y enfermer. Je devais me préparer pour ce soir. Rencontrer celui qui avait rendu ma vie ainsi - Stephen Jorell - et réussir à me contenir.
Burger avait mis un traceur sur sa voiture et nous connaissions le moindre de ses déplacements. Ce soir, il dinait avec son secrétaire ainsi qu'un client dans un des plus grands restaurants de la ville. La partie débuterait dès l'instant où je mettrais le pied dans cet établissement. Je savais ce qu'il aimait, ce qu'il désirait au plus profond de lui. L'appâter ne sera pas difficile, ne pas le tuer sera plus dur.
Ma moto garée non loin de l'entrée, je passai le seuil du restaurant et m'avançais jusqu'à l'accueil. Je défis mes bottes devant les yeux de l'hôtesse qui s'ouvrirent en grand et mis mes talons aiguilles avant de lui tendre mon sac, mon casque et mon blouson. Je ne gardais avec moi que mon téléphone.
Un serveur vint m'accueillir et m'invita à le suivre jusqu'à ma table. Je repérais aussitôt le bourreau de mon âme qui semblait s'ennuyer, laissant Dan, son secrétaire, mener la conversation pour lui. Dès l'instant où j'entrai dans la salle, je sentis son regard brûlant se poser sur moi et me fis violence pour l'ignorer.
Je m'installais à une table, face à lui, seulement séparée par une autre, vide.
Le serveur revint en me tendant la carte, ne me laissant que quelques minutes pour envoyer un texto aux papys afin de les rassurer.
Je savais qu'il ne me quittait pas des yeux, mais je voulais faire durer le plaisir et commença un tour de salle, examinant les couples présents avant de finir sur sa tablée, puis enfin lui.
Je le sentis, à cet instant, déstabilisé, piégé par l'image que je lui renvoyais.
Il avait un peu changé, renforcé sa stature d'homme. Assez beau gosse selon les critères standards des femmes, cette beauté me révulsait, car derrière le tableau charmant qu'il représentait, je connaissais, sous toutes les coutures, le démon qu'il enfermait en lui et qu'il n'avait jamais hésité à dévoiler devant moi.
Le serveur vint nous interrompre et je commandais un plat au hasard. Le visage de Stephen se crispa à la limite de la grimace. Je savais que dans son esprit, il était en train de trucider celui qui avait osé interférer dans cet échange silencieux.
Il me suffit d'attendre quelques secondes avant qu'il n'agisse. Il appela le serveur et lui parla.
Il ne perdait pas de temps, comme à son habitude. Pourquoi se compliquer la vie quand, à ses yeux, tout pouvait être simplifié au gré de ses propres envies. Stephen Jorell dans toute sa splendeur et son impatience. C'est ce qui allait me servir au mieux.
Sans tarder, un verre de mojitos fut déposé par le même serveur à ma table. Ses manières obséquieuses me dégoûtaient.
D'un regard, je l'interrogeais et il me fit un signe en provenance de ma proie.
Je levais les yeux vers lui. Il n'attendait que ça et semblait savourer sa victoire.
Je fixais cet apéritif comme s'il contenait du cyanure. Il ne se rendait pas compte de la portée de son geste. Les feuilles de menthe flottaient à la surface et imaginer son goût pouvait à lui seul me donner des nausées. Cette sensation d'amertume se répandit dans ma bouche et une oppression bloqua ma cage thoracique. Je devais me contenir et canaliser cette bouffée de haine qui venait de m'envahir.
J'attendis quelques instants avant de pouvoir de nouveau le regarder sans élans inconsidérés.
Il se dandinait sur sa chaise et avant qu'il ne prenne l'initiative, je l'invitais d'un bref mouvement de la main.
Pas besoin d'y aller par quatre chemins, il comprit instantanément et se leva aussi sec pour me rejoindre, aussi fier qu'un paon.
L'assurance d'avoir gagné la partie s'affichait sur son méprisable visage et je me mit à le détailler avec attention.
Cette étude silencieuse le mettait mal à l'aise. Moi, Jessie, anciennement "Démie" victime de cette infâme personne, par ma présence, pouvait aisément décider de ce que sera la suite de son destin.
Un éclair grenat traversa mon esprit. Les réminiscences d'un temps passé. Un souvenir qui cherchait à s'ouvrir et que je gardais bien enfoui dans mon inconscient.
Je revois ce liquide pourpre couler devant mes yeux et le rire de Stephen s'y mêlait.
D'un bond, je me levais de mon siège et sortir le poignard que je gardais caché dans son étui accroché à ma cuisse. Avant qu'il ne le comprenne, je me retrouvais derrière lui et une main sous son menton, je lui bloquais la tête, ma lame contre son artère.
Il cherchait à se débattre, mais avant qu'il ne le pût, je lui enfonçais le métal aussi froid que mes sentiments dans sa chair immonde.
- C'est pour mes années de calvaire et pour mon frère Jess. Démie te passe le bonjour de l'enfer dans lequel tu l'as mise. Elle t'attend patiemment depuis cinq ans.
Pendant que je lui susurrais ces mots à son oreille, il pivota légèrement de la tête et je pus admirer l'effroi dans ses yeux.
À l'instant où mon couteau plongea dans son cou, je le sentis se débattre avec ses dernières forces emplit de désespoir et attendit patiemment qu'il exhale son dernier souffle.
Je fermai les yeux et l'entendit se racler la gorge. Je les rouvris et il était de nouveau devant moi, en pleine forme.
Je venais de le tuer en pensée. Encore une fois.
Mais c'était trop tôt. Pas encore. Je devais attendre. Encore un peu. Il devait souffrir. Beaucoup. Afin de calmer cette colère qui alimentait mon corps et mon esprit depuis toutes ces années.
Je devais me contenir et mener à terme ma vengeance pour mon frère Jess, celle de Betty pour sa fille ainsi que pour la paix de ce qui me restait d'âme.
Je comprenais maintenant l'importance de ce que Boop avait cherché à m'expliquer. Ces cachetons, je les prendrais afin de réprimer ces élans de colère qui pouvait jaillir n'importe quand. Il n'était pas le seul à devoir subir mon courroux. J'avais une longue liste...
Je me ressaisis et revins dans ce restaurant où Stephen me regardait, cherchant à amorcer la discussion.
J'allais lui simplifier la tâche et utiliser la seule manière d'agir qui le mettrait hors de lui : ne pas obtenir ce qu'il désirait. Je savais pertinemment que par la suite il ferait tout pour me retrouver. Il ne supportait pas l'échec.
Avec mon attitude la plus froide, je lui balançais :
- Pourquoi m'offrir un verre ?
Merci pour votre lecture.
Et la suite me direz-vous ? Cet O.S est la partie immergée de Jessie lors de sa première entrevue avec Stephen depuis cinq ans.
La suite se situe au chapitre 6 de "Point de rupture" avec le point de vue de Stephen.
Si le cœur vous en dit, n'hésitez pas à faire une tour sur l'histoire et à me dire ce que vous en pensez ?
Bonne lecture à tous.
A l'Encre De Mon Sang.
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