Chapitre 23
Eleanor fixa l'homme devant elle. Malgré tout ce qu'il venait de lui dire, elle avait encore du mal à le croire.
— Et qui me dit que je peux vous faire confiance ?
— Je vous l'ai déjà dit. La générale Ambrose ne me connaît pas personnellement, mais mon chef, si.
— Je sais. Mais ce n'est pas comme si je faisais entièrement confiance à la générale.
— Vous vous trompez d'ennemi, Pennington. La générale n'est pas la mauvaise personne que vous croyez qu'elle est.
— Peut-être pour vous, mais pas pour moi. Laissez-moi émettre quelques... réticences. Sachez que ce n'est pas mon genre de faire confiance à des gens venus me capturer pour me forcer à travailler avec eux.
— Vous êtes une Chasseuse, Pennington. Vous avez le devoir de lui obéir, que ça vous plaise ou non. Votre fragile Guilde ne tient que grâce aux nombreuses subventions de la générale en chef. Personnellement, je ne vois que très peu l'utilité d'une telle guilde. Vous... vous ne contribuez qu'à accroître les inégalités déjà présentes entre les villes.
— Je ne cherche pas la gloire, si c'est ça votre question. J'ai rejoint les Chasseurs pour la simple et bonne raison que c'était la seule manière pour moi de survivre.
— Pourtant, vous embrassez leur cause à bras le corps.
Eleanor se tut pendant quelques secondes. Pourquoi diable était-elle venue ici ? Ces hommes ne lui avaient rien apporté de nouveau.
— Pourquoi vouliez-vous me voir ?
— J'y viens, j'y viens, la rassura son interlocuteur.
Il se leva de son siège et se posta devant la fenêtre. Il observa le paysage pendant quelques secondes, sous le regard impatitent de la Chasseuse.
— Ne soyez pas autant pressée.
Eleanor ne répondit rien et se contenta de croiser les bras sur sa poitrine.
— Que voulez-vous de moi ? répéta la Chasseuse.
— Je voulais simplement vous rencontrer, Pennington. Je suppose que vous le savez bien, le pays et le gouvernement sont assez fermés. Il est assez difficile pour nous de parler à des personnes qui pensent la même chose que nous, maintenant que nous avons quitté l'armée.
— Qui vous dit que je pense la même chose ?
— Vous êtes beaucoup trop sur la défensive, Pennington.
— JE n'ai pas pour habitude de placer ma confiance dans des gens que je viens à peine de rencontrer.
— Et c'est tout à votre honneur. Cependant... vous feriez mieux d'essayer de vous regarder avec un œil nouveau. Je peux vous l'assurer ; vous m'avez l'air plus vertueuse que vous ne le pensez l'être.
— Je suppose que seul le mot « tueuse » doit être retenu, répliqua Eleanor d'un ton amer.
Son interlocuteur poussa un léger soupir en s'écartant de la fenêtre.
— J'ai tué moi aussi, vous savez. J'ai supprimé tant de vies de mes propres mains, parfois même pour rien. Le gouvernement que je pensais servir n'était pas aussi... altruiste que nous le pensions tous, mon ancien supérieur le premier. J'ai honte de mes actions, comme nous tous ici. Nous savions que nos actions n'étaient peut-être pas nécessaires. Pourtant, nous l'avions fait. Tout comme vous, Pennington. La seule différence entre vous et moi, c'est que moi j'ai choisi la voie de la rédemption. J'ai choisi de me racheter. Vous, vous vivez toujours dans le déni et la culpabilité. Certes, je sais bien que je ne ferai pas ressusciter ceux qui sont morts, c'est certain.
— Ne me parlez pas de meutres. J'ai décimé des villes entières parce qu'on me l'avait demandé. J'ai arraché le cœur de tant de gens en volant celui de leur ville.
— Je comprends votre douleur. Néanmoins...
— Oh pour l'amour du ciel ne me dites pas que c'était pas faute, que j'étais manipulée, que je ne savais pas. Je savais. Je l'ai fait en toute connaissance de cause. J'ai mes resposnsabilités. J'ai ma culpabilité.
— Vous souhaitez en faire quoi, alors, de ce poids-là ?
— J'en sais rien... J'en sais rien du tout.
Elle se laissa tomber sur le siège le plus proche en se tenant la tête entre les mains.
— Utilisez cette rage pour faire le bien. Utilisez cette rage pour vous racheter. Mais surtout n'oubliez pas que même les ombres les plus sombres peuvent être éclipsées par la lumière.
⁂
Quand Eleanor retourna auprès de Clementine, la mécanicienne eut la décence de ne pas poser de questions en voyant son air abattu.
— Tu as trouvé ce que tu cherchais ?
— Oui... Non... Peut-être...
Clementine soupira et reporta son regard sur la cathédrale.
— Que fait-on maintenant ?
— On va à l'intérieur, décréta Clementine. Il y a quelque chose là-bas. Je le sens.
Étrangement, Eleanor n'émit aucune réflexion et subit Clementine à l'extérieur du café. Elles approchèrent la cathédrale avec discrétion.
— Surtout, ne te fais pas remarquer par les locaux. Ils ne seront que ravis de nous dénoncer.
— Rassurant...
Clementine leva les yeux au ciel et l'entraîna à la porte. Après de rapides coups d'œil aux alentours, elle poussa la lourde porte en bois et entra dans l'immense bâtiment.
Les rayons de soleil traversaient les vitraux, peignant des couleurs vives sur le sol et les murs. Le vent entrait en sifflant par le trous laissés par les aléas traversés par la bâtisse, faisant voler autour d'elle la poussière déposée un peu partout. Chacun de leurs pas résonnait dans la cathédrale. L'ambiance qui y régnait avait des accents dramatiques, comme si quelque chose de terrible allait se passer. C'était calme.
— J'ai un mauvais pressentiment...
— T'as toujours des mauvais pressentiments, Eleanor.
— Oui, mais, là...
Clementine laissa échapper un rire nerveux et s'accroupit devant l'autel. Elle laissa glisser ses doigts sur la pierre, comme elle avait vu Juliet le faire. Le passage s'ouvrit.
— J'espère que l'accueil ne sera pas aussi...
Eleanor laissa sa phrase en suspens, ne voulant pas se remémorer le sanglant spectacle des chimères.
— Si ça peut te rassurer, on est deux.
Clementine commença à descendre les marches avec prudence, l'oreille tendue. Eleanor la suivit quelques secondes plus tard, non sans avoir jeté un dernie coup d'œil derrière elle.
— C'est étrange...
— Y'a personne...
Clementine eut un frisson en regardant les alentours.
— Ne traînons pas ici.
Elle s'avança dans le couloir, et tomba sur une porte fermée. Elle l'ouvrit lentement. Regarda autour d'elle. S'arrêta devant deux cercles qui scintillaient, l'un en face de l'autre.
— Des cercles de téléportation...
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