XXXII - La Révolte - Premier mouvement
Il avait fallu moins d'une journée à Angelus pour arriver à la petite forteresse de Col d'Argent. Blottie sur un sommet, elle était d'une taille bien plus modeste que Cimes. Entourée de murs massifs et dominée par de hautes tours, elle n'avait rien de plus rassurant ni de plus chaleureux que sa forteresse d'origine.
Il découvrit un léger renfoncement en contrebas où il laissa Nuée, avec une bonne ration de nourriture :
« Reste tranquille, souffla-t-il, je serai de retour dès que possible... et merci pour tout ! ajouta-t-il en passant ses bras autour de son cou. Je viendrai te chercher dès que possible ! »
Revenant à l'entrée, il testa par quelques battements la force de son aile : elle demeurait raide et douloureuse, mais il supporterait un bref trajet. Serrant les dents, il prit son envol.
Après avoir effectué un grand arc de cercle au-dessus de la cour principale pour se faire repérer, il entama une descente prudente. Il se posa juste devant les deux gardes en faction près de la porte du corps central de bâtiments.
Le jeune Ange s'inclina, avant de déclarer :
« Je viens de la part du seigneur Euresme de Cimes. Il faut que je puisse paraître devant votre maître... Est-ce possible ? »
Le regard dur des gardes se fixa sur lui avec un absolu mépris, mais l'un d'entre eux déclara :
« Je vais voir ce qu'il en est... Toi, ne bouge pas d'une plume ou tu seras servi au prochain banquet en guise de poulet... »
Angelus laissa couler ces paroles cruelles et se redressa, prêt à attendre patiemment le retour de l'homme. Il resta seul avec son comparse, un individu épais qui portait une cotte de mailles, un casque et une grande lance. Sur l'île des Semeurs de tempête, Le jeune Ange avait fini par oublier la rudesse de certains humains ; il était difficile d'y être de nouveau confronté à leur méchanceté. Il demeura digne et stoïque, les yeux baissés et mains jointes, les ailes soigneusement plaquées dans son dos, en attendant d'avoir une réponse.
Celle-ci ne tarda pas : le premier garde réapparut et demanda à Angelus de le suivre ; il obtempéra, soulagé en voyant que la pièce où on le conduisait se trouvait au rez-de-chaussée de la forteresse, desservi par de larges portes qui accommoderaient aisément ses ailes. Il sentait des courbatures s'installer dans ses épaules, lui rappelant péniblement qu'il était resté plusieurs jours sans voler. L'aile qui avait été blessée protestait déjà contre l'effort qu'il avait fourni pour atteindre la place. Il la fit jouer avec précaution, serrant les dents quand la douleur fusa le long de l'os ressoudé.
Le seigneur Arol n'avait pas le sens du décorum de messire Euresme, ni sa froide allure. Il aurait été facile de le croire bienveillant, avec ses yeux sombres constamment mi-clos et son visage rond et souriant, mais Angelus préférait rester méfiant. Le jeune ange mit un genou à terre et baissa la tête, même si son cœur et son âme hurlaient de protestation.
« Relève-toi », commanda le seigneur.
Enveloppé dans son manteau de fourrure brune, il reposait son coude sur le bras de son fauteuil et appuyait son menton dans sa main. Ainsi, il évoquait une sorte d'ours mélancolique.
« Messire Arol, déclara l'ange de sa voix la plus aimable. J'ai un message pour vous de la part du seigneur Euresme. »
Il se releva lentement et prit à sa ceinture un rouleau de parchemin qu'il tendait au maître de Col d'Argent. Il l'accepta d'une main indolente, le déroula et le parcourut en fronçant les sourcils.
« Ainsi, tu es un cadeau de sa part ? Un ange sans chaîne ? »
Il le détailla des pieds à la tête :
« Tu n'es même pas adulte... Ce qui signifie que tu es moins endurant. Certes joli, mais cela n'a pas réellement d'importance. Je me demande bien ce que Euresme avait en tête. Je suppose qu'il a voulu se débarrasser d'un problème... »
Il plissa le nez d'un air ennuyé :
« Si je te disais que je ne veux pas de toi et que je te rends ta liberté, à l'instant, est-ce que tu t'envolerais ? Dis-moi... »
Il se pencha en avant, scrutant le visage d'Angelus. Le jeune ange baissa les yeux, incapable de mentir.
« Alors, c'est qu'il a un moyen de pression contre toi. Voilà qui est édifiant. »
Il inclina la tête sur le côté, d'un geste dont la bienveillance n'était qu'illusion :
« Puisque tu n'as pas de chaîne, afin de garantir que tu me restes fidèle, je me dois de t'en fournir une. »
D'un geste, il fit approcher le garde à côté de son trône :
« Fais venir le forgeron... »
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