XXIII - Les derniers Anges - premier mouvement
Les rêves d'Aïzie le plongèrent dans les profondeurs de nuées incandescentes, où des ailes le frôlaient sans qu'il puisse distinguer ceux qu'elles portaient à travers ce chaos lumineux. Il ouvrit brutalement les paupières, pour rencontre les prunelles claires d'Ivara. Cette dernière lui toucha le bras, lui murmurant de ne pas bouger immédiatement. La confusion du sommeil, qui embrumait encore ses sens, se dissipa doucement. Les khaïtes remuaient nerveusement ; il comprit ce qui avait motivé la prudence d'Ivara.
Ils n'étaient plus seuls dans la pièce.
Le garçon se mit sur son séant, levant les yeux vers les nouveaux venus. Ils étaient au nombre de trois : un Ange et deux Angelles. Tous les trois lui parurent d'une étrange et lumineuse beauté. Une des deux Angelles possédait une peau d'or sombre aux reflets de bronze, et une chevelure d'un rouge profond et incandescent, de la même couleur que les plumes de ses ailes. La seconde, au contraire, présentait une pâleur diaphane, comme si son être se déclinait en différentes nuances d'argents. L'Ange, quant à lui, ressemblait un peu à Luciellus, avec des prunelles d'azur et des boucles dorées.
Mais contrairement à leur jeune ami, lumineux jusqu'au cœur des épreuves, leurs visiteurs dardaient sur eux un regard dur et sans aménité. Tous trois portaient des tuniques légères, malgré la fraîcheur de l'air ambiant.
La plus pâle s'approcha d'eux, à la fois surprise et méfiante :
« Qui êtes-vous ? Comment êtes-vous arrivés ici ? »
Les deux jeunes gens se levèrent lentement, dans un silence que seul venait troubler le sifflement du vent dans les baies de la tour. Ils échangèrent un regard, puis Aïzie déclara d'une voix qu'il tentait de garder calme :
« Nous sommes des semeurs de tempête... Nous sommes arrivés sur le dos de nos khaïtes...
— Vos khaïtes ? répéta l'Angelle d'argent.
— Nos montures, expliqua Ivara en désignant Rafale et Zéphyr, qui avaient levé la tête vers les nouveaux venus et les contemplaient avec méfiance.
— Vous voulez dire... les Nés du Ciel ? Vous êtes parvenus à les chevaucher ? » s'étonna l'Angelle rouge.
Elle plissa les yeux, les observant d'un air pensif :
« Vous ne venez pas des cités de pierre, alors ?
— Nous, pas du tout... Nous venons de notre île...
— Votre île ? » répéta son compagnon masculin.
Il échangea un regard avec sa flamboyante compagne.
« Où se trouve cette île ? demanda l'Angelle d'argent, d'une voix pressante et inquisitrice.
— Elle... flotte dans le ciel et c'est l'endroit où nous vivons, répondit Ivara nerveusement. Nous sommes venus vous chercher... pour demander votre aide...
— Notre aide ? Comment des humains peuvent-ils prétendre la demander ? s'exclama-t-elle avec rage. N'avez-vous aucune pudeur, aucune dignité ? »
Son compagnon posa une main sur son épaule :
« Calme-toi, Aeria... je comprends ta colère, mais peut-être devrions-nous les écouter.
— Tu as raison, Etheris, déclara la rouge sévèrement, mais je ne me fais pas trop d'illusions... Les humains sont par nature avides et égoïstes. Cependant, si les Nés du Ciel les ont conduits jusqu'aux Cieux, il existe une infime possibilité qu'ils soient différents. »
Aïzie s'apprêtait à répondre quand une nouvelle voix retentit derrière leurs trois visiteurs :
« Aeria ! Brunea... Etheris ? Vous étiez là ? J'étais en train de m'occuper des nymphéas et des alevins et vous êtes partis sans me prévenir... »
Une nouvelle Angelle venait d'apparaître à la porte de la tour : sa peau de corail pâle et ses cheveux bleutés lui donnaient une allure insolite. D'immenses ailes aigue-marine palpitaient dans son dos. Elle possédait une physionomie douce et rêveuse, éclairée par de grands yeux aussi translucides que l'air printanier. Elle jeta un regard curieux à Aïzie et Ivara avant de se tourner vers ses camarades :
« Qui sont-ils ?
— Des intrus, Celestia, répliqua Brunea durement. Ils repartiront vite vers l'endroit d'où ils viennent, et nous ne les reverrons jamais plus... »
Aïzie sentit la révolte le gagner. Serrant les poings, il fit un pas vers le trio :
« Vous ne savez rien de nous, ni de l'endroit d'où nous venons, ni même la raison pour laquelle nous avons demandé à nos khaïtes de nous mener jusqu'aux Cieux ! Vous nous jugez sans rien savoir... et on dit pourtant que les anges sont plus sages que les hommes ! Mais d'après ce que j'ai pu entendre, vous ne valez guère mieux qu'eux ! »
Il se tut, encore tremblant sous l'effet de l'émotion. Le regard de quatre Anges pesait sur les deux semeurs de tempête et leurs montures ; aucun d'eux ne savait comment réagir à cette étrange confrontation.
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