XLIII - Dans la forteresse - Troisième mouvement
Angelus baissa la tête, découragé : il n'avait aucune idée de la raison pour laquelle les hommes faisaient un tel cas de leurs capacités. Certes, les anges étaient immortels, mais quel avantage en tiraient-ils ? Ils devaient mener la même existence durant des siècles, quand les hommes suivaient un cycle sans cesse renouvelé de renaissances. Ils n'accomplissaient rien, comme l'avait dit Arol lui-même. Alors, pourquoi les jalouser autant ?
Parviendrait-il un jour à vraiment comprendre ces êtres ?
« Mais pourquoi établir cette renommée au détriment des anges et même des autres humains ? demanda-t-il d'une petite voix. Ne souhaitez-vous pas que l'on se souvienne de vous pour votre mansuétude, votre compassion ? Avez-vous besoin d'imiter Euresme et les autres seigneurs dans ce qu'ils ont de plus cruel ? »
Le gros seigneur releva la tête avec une grimace :
« La mansuétude, la compassion, ce sont des faiblesses ! Pourquoi devrais-je être faible au regard des autres ? Juste pour suivre des principes édictés par des créatures qui de tout temps nous ont méprisés ? Pars à présent, ou j'appelle mes gardes ! »
Le jeune Ange aurait voulu lui faire remarquer que la porte était verrouillée, et que même s'il l'avait tenté, il n'aurait pu partir, mais il ne souhaitait pas exciter plus la rage du seigneur.
« Vous savez pourtant ce qui se passe à la tour de l'angèlerie, n'est-ce pas ? remarqua-t-il tristement. Et vous devez comprendre que vous en êtes en grande partie responsable... »
Arol plissa les yeux et Angelus lut dans les prunelles pâles de la rage, mais aussi quelque chose qui ressemblait à de la déception. Cet homme avait tenté, autant que possible, de faire de Col d'Argent une grande forteresse, comme Piques ou Candre, mais il avait dû se placer sous la protection d'Euresme et ravaler ses ambitions. Sans doute ce rêve brisé le plongeait-il dans une souffrance qui au fil du temps s'était retournée contre les autres.
Le jeune Ange se demanda s'il aurait tourné différemment, avec un Ange pour veiller sur lui. Leurs protégés n'étaient pas toujours les meilleures personnes au monde, mais leur mission ne consistait pas seulement à les garantir des maux physiques, mais aussi à les aider à supporter leurs douleurs morales.
« Tu voudrais que je discute avec ces êtres qui me haïssent ? »
Sa voix était devenue sarcastique, mais Angelus y voyait poindre comme une fêlure, une faiblesse... Peut-être n'était-il pas trop tard pour ramener ce seigneur sur le chemin de la raison ? Les chances de réussite semblaient infimes, mais il n'avait pas l'intention de renoncer...
Les paroles de Lumen demeuraient vives dans son esprit ; il n'avait jamais lâché prise, ce n'était pas maintenant qu'il le ferait !
« Vous pouvez tenter de négocier, leur monter justement que les humains peuvent être des sages. C'est ainsi que vous gagnerez votre immortalité, quand tout le monde se souviendra de vous comme de l'homme qui a stoppé cette guerre insensée ! »
Les doigts crispés d'Arol commençaient à se desserrer du tisonnier. Un doute nouveau, mêlé à une réflexion visible, brouillait son regard. Et Angelus se prit à espérer...
Un peu trop, sans doute.
Des chocs retentirent à la porte, violents, impitoyables, faisant voler en éclat cette lueur encore fragile. Mais ce furent les mots qui s'élevèrent, de l'autre côté du battant, qui assénèrent le coup de grâce :
« Messire, les Anges attaquent la forteresse ! »
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