Le reste de la journée s'avéra particulièrement calme. Sur les injonctions d'Aïmara, qui estimait qu'il en avait déjà largement assez fait pour un convalescent, Angelus accepta de se reposer. Il pensait que les inquiétudes qui resurgissaient dans son esprit avec une déconcertante régularité l'empêcheraient de trouver la paix, mais sa lassitude prit le dessus. Quand il se réveilla, la lumière déclinait au-dessus de l'île. Aïzie et Ivara l'entraînèrent dans une promenade à travers le village, tandis que le ciel se peignait des couleurs flamboyantes du couchant, dans une magnifique harmonie de rouge, de pourpre et d'orangé, ponctué du gris lavande des nuages.

Les habitants qu'ils croisaient les saluaient courtoisement, avec des regards curieux et amicaux en direction de l'Ange blessé. Certains vinrent même s'enquérir de sa santé, en formulant des vœux pour sa prompte guérison, puis lui souhaitèrent bonne chance pour son retour vers Cimes. Encore une fois, Angelus était stupéfait de leur douceur et leur gentillesse.

Tous n'étaient pas des semeurs de tempêtes, des chevaucheurs de khaïtes vêtus de cuir : il vit des cultivateurs et des artisans, qui portaient des tuniques de fibres végétales teintées de couleur vive. Il constata cependant une chose étrange en parcourant les allées de l'île volante : il y avait des hommes et des femmes, mais les individus les plus jeunes étaient des adolescents de quatorze ou quinze ans, comme Aïzie et Ivara. Nulle part, il n'aperçut d'enfants ou de bébés. De même, aucun des adultes ne semblait plus vieux qu'Afras. Les personnes les plus vulnérables étaient-elles hébergées sur une autre île, ou vivaient-elles à la surface ? Pourtant, rien ne paraissait plus sûr que ce havre paisible qui flottait au milieu du ciel. Il se retint cependant de poser des questions à ses compagnons, de peur de les froisser ou de se montrer trop curieux...

Ses amis lui proposèrent de les suivre pour prendre avec eux le repas du soir. Il fut étonné de les voir se diriger vers une vaste bâtisse en retrait du hameau, étayée de bois et décorée de grandes bannières chamarrées. Quand il pénétra dans le bâtiment, il réalisa qu'ils lui avaient préparé une surprise : un banquet d'une bonne cinquantaine de personnes avait été organisé en son honneur dans l'immense salle commune de l'île céleste.

« Tous les semeurs de tempête sont là ! lança Ivara d'une voix enjouée.

— Aïmara... en est une aussi ? demanda-t-il avec surprise.

— Bien sûr ! Il y a d'autres guérisseurs ici, mais Aïmara est celle qui soigne les autres semeurs ainsi que les khaïtes. »

La salle avait été taillée à même la pierre-nuage, sous le sol de l'île ; une large baie ouvrait sur le ciel assombri, entaillée dans la paroi et protégée par une balustrade. Des tentures ornée de frises représentants des khaïtes et des nuages stylisés couvraient les murs. Les semeurs de tempête étaient assis de part et d'autre d'une longue table basse installée au centre de la pièce, sur des coussins colorés.

Aïzie et Ivara lui désignèrent la place d'honneur, entre Afras et Aïmara. Le jeune Ange les rejoignit d'un pas timide, admirant les assiettes et les gobelets de terre cuite, ornés de fines ciselures et peints de teintes vives. Nombre de mets avaient été posés devant les convives, tous à base de fruits, des légumes, de céréales et d'épices douces. Angelus n'en croyait pas ses yeux...

« Pourquoi faire moins, lui glissa gentiment Aïmara, pour un véritable enfant du ciel ? »