4 : Enfin un père
Pour être honnête, Louis savait que son plan reposait sur bien peu. Mais il avait estimé qu'il ne serait pas inutile de le tenter, soit pour réussir, soit pour être un fardeau de moins auprès de l'Élite. Il ne s'était par contre pas imaginé que le résultat actuel serait un échec face aux possibilités envisagées.
Il avait connu les lieux adultes, parcourant régulièrement la forêt en espérant trouver la cachette des Estaffes, en vain. Son sens de l'orientation ne l'avait jamais trahi jusqu'à aujourd'hui, mais il fallait croire que la trahison pouvait être partout en ce qui le concernait. Être un traître parmi les Élitiens était déjà grave, se faire trahir par son corps indiquait qu'il n'aurait bientôt plus de quoi se rattacher à quelque chose.
Louis se percha vaillamment en haut d'un arbre, des feuilles dans les cheveux et des traces de griffures sur les joues.
Tout ça parce qu'il était tombé dans un bosquet de ronces.
Il ferma les yeux un moment, prenant un peu de repos en envisageant la suite de son plan.
Faire croire aux Estaffes qu'il était leur enfant.
Bien sûr, les six ne pouvaient pas être son père, mais l'un d'eux pourrait le croire. Ils pouvaient même se disputer sa parité, si ça les intéressait, Louis ne serait pas exigeant.
Les renseignements des Élitiens étaient formels, les Estaffes avaient passé chacun du temps avec au moins une humaine au cours de la dernière décennie, sous de fausses identités, avant de cesser toutes relations avec ces dames au bout de quelques mois.
Les Élitiens s'étaient penchés sur le sujet pendant longtemps en cherchant justement si l'une de ces demoiselles pouvait porter un enfant des Estaffes, mais rien ne l'avait démontré. Louis avait conservé les noms de ces femmes, pour vérifier si elles pourraient aider les Hélios à trahir le royaume. Il savait donc parfaitement quelle identité utiliser pour se prendre fils d'un des Estaffes.
Il réfléchissait sur la direction qu'il devait prendre ensuite lorsqu'un bruissement de feuilles l'alerta. Il ouvrit les yeux et se raidit aussitôt en voyant un Estaffes sur la même branche que lui, qui l'observait sans expression.
Une minute entière s'écoula avant que l'Hélios ne tende le bras vers lui, faisant frémir Louis, qui repoussa la main tendue vivement.
– Reste tranquille, je vais t'aider à descendre de cet arbre, puis tu rentreras chez toi.
– Non, je... j'veux pas !
Louis sentit ses joues rougir un peu de gêne de devoir parler aussi puérilement, mais son ennemi pourrait être méfiant s'il parlait avec un langage trop poussé.
– Tes parents doivent te chercher, tu vas les inquiéter, reprit l'Estaffes.
– J'veux pas ! C'est ici ma maison ! C'est... c'est chez vous...
L'Hélios fronça un peu les sourcils et l'attrapa par la taille, sautant lestement de leur branche pour atterrir sur la terre ferme, reposant Louis au sol comme s'il n'avait pas été une charge.
– C'est-à-dire ?
Louis récita ce qu'il avait préparé comme discours, avec la voix la plus implorante et timide possible, se forçant même à verser quelques larmes en parlant de sa mère morte.
– Ma maman, elle... elle m'avait dit que mon papa, c'était un... un Estaffes et... et que c'est pour ça que je dois pas en parler, m-mais vous êtes un Estaffes, alors... vous êtes peut-être mon papa ? proposa l'enfant avec des yeux humides.
L'homme face à lui parut hésiter un moment, avant de le prendre dans ses bras.
– Quel âge as-tu ?
– Sept ans !
Sa voix était plus joviale face au manque de dédain de son ennemi, qui semblait envisager son mensonge comme s'il pouvait être vrai.
– Quel était le nom de ta mère ?
– Marguerite Nassel...
– Alors je ne suis pas ton père. Je vais t'emmener à lui et il décidera quoi faire de toi. Accroche-toi à ma cape et tiens-toi bien.
Louis obéit à l'ordre avec un peu de répugnance à l'idée de se laisser manipuler par un ennemi, mais il n'eut bientôt pas le choix. L'Estaffes s'était élancé à travers les arbres, courant plus vite que ce que l'humain avait jamais pu faire en utilisant son arbre doré. La vitesse le plaquait contre l'épaule de l'Hélios, le maintenant en place contre lui sans échappatoire.
Le choc fut plutôt d'être déboussolé quand l'homme s'arrêta tout aussi brutalement que lorsqu'il avait commencé à courir, manquant de propulser Louis hors de ses bras sous l'effet de l'inertie. Ce petit désagrément ne tourmenta pas l'enfant longtemps, puisque les autres Estaffes étaient tous présents devant eux, sans expression.
– Les enfants perdus doivent être ramenés en bordure de forêt, lâcha finalement l'un d'eux.
– Il prétend être le fils de Marguerite Nassel, et il a sept ans, rétorqua l'Estaffes qui tenait Louis dans ses bras sans s'adresser à celui qui l'avait interpellé.
– Ça correspond à la période où William la fréquentait, ajouta un autre.
– Donc il aurait eu un enfant ?
Les regards se tournèrent vers l'un des Estaffes, et Louis songea que c'était probablement l'intéressé, l'aîné de la fratrie qui plus est.
Son cœur battit plus vite dans sa poitrine. C'était maintenant que tout se jouait. Soit l'Estaffes le tuerait, parce qu'à ses yeux, Louis serait un demi-Hélios, donc une aberration. Soit il le laisserait en vie, et avec un peu de chance, il le garderait à ses côtés.
– Comment t'appelles-tu ? lui demanda William.
– Louis... c'est vous mon papa ?
– Tu ressembles à Marguerite, admit l'Hélios sans répondre à la question. Comment va ta mère ?
– Elle est morte en couches.
– Comment peux-tu penser que je suis ton père, si elle n'a pas eu le temps de te parler ?
Une lueur froide éclairait les yeux de l'Estaffes, mais Louis répondit avec calme, ne se sentant pas intimidé face à ce regard perçant.
– Elle m'a laissé une lettre, que je devais lire quand je serais assez grand. Je l'ai lu il y a trois semaines. Elle disait que mon papa était un Estaffes, c'est vous alors ?
Pendant un moment, l'homme garda le silence, avant de se pencher pour le prendre dans ses bras et le soulever de terre.
– Il est probable que ce soit le cas.
– Dans ce cas, c'est un demi-Hélios, intervint un autre.
– Le maléfice de Circé est rompu, je peux décider de le garder, et de rester sur le royaume astrien quand l'Élite sera détruite. Notre mission est la destruction de cette école, le reste... nous n'avons plus à nous en occuper.
Une main s'abattit sur les cheveux de Louis et il regarda William avec un air contrarié qui fit simplement sourire l'Hélios.
– Tu as hérité de mes cheveux.
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