Chapitre 7
Rencontrer cette charmante femme rassurait beaucoup Gabrielle. Elle rencontrait enfin quelqu'un à qui elle pourrait faire confiance et qui pourrait la soutenir dans sa vie quotidienne. Yolande de Polignac papillonnait en tous sens. Elle connaissait chacune des personnes présentes au bal et les saluait une à une. Parfois, elle glissait un petit mot ironique à Gabrielle, pour se moquer de la bêtise d'une jeune fille ou pour citer les mérites de tel ou tel jeune homme. La jeune femme avait du mal à suivre la courtisane mais s'amusait tout de même follement. Elles passaient toutes deux de salons en salons, et Gabrielle admirait la beauté de chacune des pièces pendant que Madame de Polignac saluait les invités.
Le nez en l'air, elle ne fit pas attention à l'homme qui avançait d'un pas furieux à travers le grand salon. Lui non plus ne semblait pas regarder où il allait tant il était aveuglé par sa rage. La tête de Gabrielle heurta violemment le torse de l'homme qui lâcha un juron bruyant lorsque le verre de limonade que la jeune femme tenait à la main se renversa sur son costume de soirée.
— Tudieu ! Faites donc attention !
Gabrielle tituba, surprise et légèrement assommée par le choc qu'elle avait pris sur le crâne. L'homme passa son bras autour de sa taille pour l'empêcher de tomber. La jeune femme l'entendit râler dans sa barbe et le repoussa immédiatement.
— Monsieur ! s'exclama-t-elle. Comment osez-vous me toucher ? Voulez-vous faire jaser l'intégralité de la cour ?
Elle leva les yeux sur l'homme, âgé d'une vingtaine d'années, qui la foudroya du regard. Il la regarda avec dégoût et épousseta ses vêtements d'un air prétentieux.
— Vous savez, il y a de meilleures manières de m'approcher.
Gabrielle le regarda, un air d'incompréhension plaqué sur son visage. Elle fronça les sourcils et lui répondit, légèrement agacé.
— Je ne sais pas ce que vous racontez, Monsieur, je ne cherche pas à vous approcher. Et jusqu'à preuve du contraire, c'est vous qui m'avez heurtée. Savez-vous qu'il existe de meilleures manières de m'approcher ?
Elle lui lança un sourire insolent et tourna les talons. L'homme l'attrapa par le bras avec force et la retourna pour la regarder droit dans les yeux. La sang de Gabrielle se glaça en voyant le regard plein de rage du jeune homme.
— Vous êtes une petite garce, cracha-t-il.
— Peut-être, mais au moins je ne suis pas un goujat ! répondit-elle en dégageant son bras de la poigne de l'homme.
Gabrielle s'en alla cette fois-ci pour de bon, furieuse. Cet homme l'avait presque assommée, il ne s'était pas excusé et l'accusait en plus de chercher à attirer son attention. Elle fulmina quelques secondes puis repris ses esprits en remarquant que certains invités la regardaient avec curiosité. Elle se composa un sourire de façade et rejoint Madame de Polignac.
Toutes deux s'installèrent près d'une fenêtre pour profiter d'un peu d'air frais et conversèrent avec joie.
— Comment se sont passés vos premiers jours à Versailles, mon amie ?
Gabrielle soupira et fit un sourire triste à la duchesse.
— Je ne m'attendais pas forcément à ce que les choses se passent ainsi, mais je crois que je commence à m'habituer au sort qui m'attend.
Madame de Polignac fronça les sourcils.
— Quel sort ?
— Celui de passer mes journées à recevoir des prétendants transis et à supporter une tante et une cousine acariâtres.
— Ne souhaitez-vous donc pas vous marier ?
Gabrielle prit quelques secondes de réflexion avant de répondre à la question de la duchesse.
— Le mariage est quelque chose qui m'attire car il rime avec amour, mais je me trouve jeune, trop jeune pour être capable de choisir avec qui je vais passer le restant de mes jours. Et j'ai également la désagréable impression que l'on me pousse dans les bras du premier venu.
— Vous ne connaissez sûrement pas ma fille Aglaé, mais la rencontrer vous fera peut-être du bien. Elle s'est mariée à l'âge de douze ans avec Monsieur de Gramont, le duc de Guiche.
Gabrielle ouvrit des yeux ronds en entendant ces mots.
— Douze ans ? N'est-ce pas un peu excessif ?
La duchesse haussa les épaules, les yeux dans le vague, plongée dans ses pensées.
— Gabrielle, souvenez-vous que le destin de toute femme noble est de se marier. Vous ne pouvez pas lutter seule contre cela à dix-sept ans. Mais cela ne signifie pas pour autant que vous n'êtes pas maîtresse de votre destin. Ne voyez pas le mariage comme une prison, mais plutôt comme une libération. J'ai fait le choix de marier ma petite Aglaé très jeune pour lui permettre de s'affranchir de toutes ses questions. Aujourd'hui, elle est duchesse, elle a une place bien assise à la cour, elle a de l'argent et du pouvoir, et c'est dans cette position qu'elle pourra essayer de changer les choses.
La jeune femme hocha la tête, elle comprenait ce que Madame de Polignac cherchait à lui expliquer. Il est clair qu'elle, Gabrielle de Saint-Just, dixième enfant d'un Comte ayant fait fortune aux Amériques, n'avait aucun pouvoir. L'épouse d'un duc richissime introduite à la cour de Versailles en avait bien plus.
Elle soupira longuement, cherchant désespérément une issue à son problème. La duchesse de Polignac lui sourit avec douceur.
— Ne vous tourmentez pas avec tout cela, mon enfant. Vous avez encore du temps devant vous pour rencontrer de charmants jeunes hommes, et la fortune de votre père vous permet de choisir votre mari assez librement. Qui sait, vous tomberez peut-être éperdument amoureux l'un de l'autre !
Elle termina sa phrase avec un clin d'œil et s'éloigna de la fenêtre pour aller saluer une amie qu'elle avait aperçue au loin. Gabrielle allait partir lorsqu'elle entendit des sanglots provenir de derrière le rideau de la fenêtre. Elle s'approcha et tendit l'oreille, souhaitant vérifier qu'elle ne se trompait pas. Les bruits de sanglots se firent plus forts. La jeune femme prit son courage à deux mains et souleva doucement l'épais rideau rouge pour se glisser derrière.
Elle découvrit un petit espace à l'ambiance feutrée, les bruits de la fête étaient légèrement étouffés. Une jeune femme se trouvait assise sur le sol, le dos contre le mur. Elle tenait sa tête entre ses mains et pleurait à chaudes larmes.
Gabrielle toussota pour signaler sa présence. La fille leva la tête vivement et se releva. Elle sécha ses larmes, épousseta sa robe et composa sur son visage un sourire de convenance.
— Bonsoir, Mademoiselle, je vous prie de bien vouloir m'excuser pour le dérangement. Allez-vous bien ?
— Oui, tout va bien.
La fille lui avait répondu presque sèchement. Un silence s'installa et Gabrielle allait partir lorsque la jeune fille reprit la parole.
— En fait non, je vous avoue que tout ne va pas bien. Je cours de déconvenues en déconvenues depuis mon arrivée ici.
— Souhaitez-vous m'en parler ? Comment vous appelez-vous ?
— Je suis Charlotte Lambert. Et vous, qui êtes-vous ?
— Je m'appelle Gabrielle. Venez, installons-nous tranquillement et vous allez me raconter ce qui vous préoccupe.
Les deux jeunes femmes s'assirent sur le sol. Charlotte commença à lui raconter son histoire. Elle était arrivée à Versailles une semaine auparavant. Son père, un baron ruiné, souhaitait à tout prix qu'elle se marie pour sauver l'honneur de sa famille et pour pouvoir payer ses dettes. Sa fille s'était pliée à ses exigences et était partie à la cour, mais elle se rendait compte à présent que personne ne lui ferait de cadeaux dans ce monde difficile.
— Je vis chez ma grand-mère, dans une petite maison à Paris. Ma mère est morte peu après ma naissance et mon père a dilapidé sa fortune en participant à des jeux d'argent. Il m'a trouvé un prétendant, un vieux baron qui a déjà été marié deux fois et qui a la réputation d'être un homme violent. Je l'ai rencontré il y a deux jours et il a vertement critiqué mon physique ainsi que mes tenues.
Gabrielle sentit l'énervement monter en elle. Les femmes n'étaient donc dans ce monde rien de plus qu'une monnaie d'échange ? A peu de choses près, Charlotte vivait la même chose qu'elle.
— Ne vous inquiétez pas, Charlotte, vous allez sûrement rencontrer quelqu'un de mieux que ce baron !
— Gabrielle, je n'ai pas de dot, je n'ai pas votre physique avantageux et je n'ai pas les moyens de m'offrir de belles robes. Comment voulez-vous qu'il en soit autrement ?
Il était vrai que Charlotte n'était pas la plus belle femme de la cour de Versailles. Son visage était long et pâle, ses cheveux noirs et filasses, sa peau semblait boutonneuse et de larges cernes ornaient le dessous de ses yeux. Elle était d'une maigreur effrayante.
Gabrielle la prit dans ses bras avec douceur et tenta de la rassurer.
— Souhaitez-vous que nous soyons amies ? Je vis une situation compliquée aussi, et je pense que nous pourrions nous aider mutuellement sur certains sujets !
Un joli sourire naquit sur les lèvres de Charlotte. Elle accepta avec plaisir. Gabrielle l'aida à ajuster sa coiffure, à défroisser sa robe et à sécher ses larmes, puis toutes deux sortirent de derrière le rideau. Elles parcoururent ensemble les différents salons, se servant joyeusement en nourriture. Elles bavardaient joyeusement jusqu'à ce que Gabrielle remarque la présence de sa cousine Aliénor. Charlotte ne tarda pas à remarquer la fille du Roscoat et se tendit brusquement. Elle prit Gabrielle par le bras et lui demanda à changer de salon, mais il était déjà trop tard.
— Ma chère Gabrielle ! Je vois que vous vous êtes fait une amie !
— En effet, je vous présente Charlotte Lam...
— Pas besoin de présentation, je connais déjà cette petite traînée ! la coupa Aliénor.
— Ma chère cousine, ce n'est pas parce que vous êtes la plus grande garce de la cour de Versailles que vous devez insulter toutes les personnes que vous croisez.
— Vous ne me croyez donc pas ? Cette fille est une petite débauchée, je l'ai surprise tout à l'heure en train de séduire mon fiancé.
Gabrielle leva les yeux au ciel, mi-agacée, mi-amusée.
— Arrêtez de vous inventer des ennemis, Aliénor. Charlotte est déjà promise à un autre homme.
Charlotte allait ouvrir la bouche pour se défendre, mais Aliénor du Roscoat lui coupa la parole immédiatement.
— Quand on porte des robes de seconde main, on se tait !
Charlotte baissa les yeux de honte sous le regard accusateur d'Aliénor. Elle tourna les talons et partit du salon, humiliée.
— Charlotte ! l'interpella Gabrielle. Revenez !
La jeune femme attrapa ses jupes à deux mains et courut après sa nouvelle amie. Elle heurta violemment le torse d'un homme et tomba sur le sol, étourdie.
***
Et ça fait BIM BAM BOUM voilà la suite !!! J'espère que vous avez aimé !!!
Que pensez-vous de ce chapitre ?
De Mme de Polignac ?
De l'homme que rencontre Gabrielle ?
De Charlotte ?
Perso j'ai beaucoup aimé écrire ce chapitre donc j'espère qu'il vous plaît autant qu'à moi <3 Gros bisous !!!
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