Chapitre 1
Alleb
Du vert. Pâle presque jaune au plus foncé. La lumière perçant la canopée était verte, les plantes cachées par l'ombre des arbres étaient vertes, le sol était vert, en partie du moins... tout s'agençait parfaitement avec mes yeux. Je pourrais peut-être me faire passer pour une fougère? Ça me permettrait au moins d'échapper à cette énorme bête qui tentait de faire de moi son dîner. Le seul problème c'était mes cheveux... ils étaient trop... bruns. Ma peau pâle et eux détonnaient dans le panorama majestueux de la forêt. Mes cheveux presque noirs partaient dans tous les sens et je pris un moment pour les replacer. Ça ne faisait même pas une journée que j'étais dans la nature, seule avec une dague... j'avais perdu tout le reste dans les premières heures de l'initiation. Sincèrement, c'était quoi l'idée d'envoyer une jeune femme d'à peine seize ans seule au beau milieu de nulle part?
Il y a pas une bête qui te cours après, là?
Ah oui, c'est vrai, j'avais oublié. Merci, la conscience!
Je regardai les arbres autour de moi et remerciai infiniment, au fond de moi, Carter, qui nous avait montré, à June et moi, comment y monter. J'agrippai donc une branche basse et me hissai avec agilité jusqu'à me fondre dans les feuilles. J'étais souvent tombée en tentant de le faire les premières fois. Une chance pour moi, June et Carter étaient toujours là pour panser mes blessures. La première, un vrai petit rayon de soleil, souriante et pleine de vie, mais bien plus sage que moi, était souvent responsable de calmer mes ardeurs et celles de Carter. Surtout les miennes, parce que Carter n'avait jamais été près d'être aussi intense que moi! Peut-être parce que, en bon meilleur ami, il était constamment en train de me remettre sur pied. Mon immaturité était critiquée par bien des adultes au village qui s'en plaignaient à mon père. D'ailleurs, il me manquait celui-là! La dernière fois qu'il m'avait parlé c'était en tant qu'Ancien en chef du village plus qu'en tant que père.
Je me souvenais encore de ses grands yeux — l'un gris acier et l'autre blanc, aveugle, barré d'une cicatrice — qui me fixaient avec bonté et sagesse tandis qu'il me remettait un arc, des flèches, un poignard et une couverture... que j'avais perdu en fin de compte. Mais eh! J'avais conservé la lame au moins!
«Ta mère serait fière de la femme que tu deviens.»
C'était ce qu'il m'avait dit. J'en doutais un peu actuellement. Ces paroles, Jian, mon père adoptif, me les répétait souvent. Je n'avais jamais connu ma mère ni mon véritable père, mais Jian m'en parlait souvent, du moins, de ma mère. Je crois qu'il n'a jamais réellement connu mon père. Ou du moins, pas bien.
J'aperçu un mouvement sous moi et jetai un coup d'œil à travers les feuilles. L'animal de tantôt passa en flèche et je poussai un soupir de soulagement. J'attendis tout de même un peu avant de descendre de mon perchoir. Lorsque je reposai les pieds sur terre, je ne sus plus trop où aller. Si je m'éloignais trop du village, ils auraient du mal à venir me chercher. Bon, je m'étais déjà beaucoup éloignée alors je doutais que ça ne change réellement quelque chose. De plus, bien qu'à Hèra, mon petit village, on n'utilisait pas vraiment la magie, pour retrouver les initiés, il arrivait que les Anciens y aient recours. Il y avait donc une règle spécifiant qu'à partir du coucher du soleil, le deuxième jour, le jeune en initiation devait se fixer dans un endroit sécuritaire et ne bouger qu'en cas d'extrême urgence.
Dans mon village, uniquement les Anciens utilisaient la magie. Mon père avait beau en être un, je n'avais pourtant jamais eu de réel contact avec cette chose qui restait aussi obscure qu'attirante pour moi. Je savais qu'à la Capitale, il y avait beaucoup de mages. J'aurais bien aimé en rencontrer un qui aurait pu me montrer quelques petits sorts. Un pour transformer Carter en Moluques Gluant par exemple!
Égarée dans mes pensées, je me mit en marche, sans réellement savoir où j'allais.
«Ta mère serait fière de la femme que tu deviens.»
Qui était ma mère? Mon père, Jian, m'avait dit qu'elle était née dans un petit village à la frontière entre notre territoire et celui des Exatëums. Elle était une paysanne, mais loin d'être banale. C'était ce qu'il me répétait constamment, du moins. Que ma mère était spéciale, qu'elle était quelqu'un de bien. Jian disait qu'il ne connaissait pas mon père. Des fois j'avais l'impression qu'il se doutait de son identité, mais qu'il refusait de l'admettre, comme s'il ne voulait pas risquer de se tromper. Il m'avait donc donné le nom de famille de ma mère: Delevia.
Mon ventre grondant me sortit de mes pensées. J'allais devoir trouver à manger... mais où? Je n'avais ni arc ni flèches et à peu près aucune connaissance en matière de plantes comestibles. Avec cette faim me tenaillant, je commençais à comprendre pourquoi la bête de tantôt voulait faire de moi son dîner.
Tandis que je cherchais de quoi manger, le soleil se mit doucement à décliner dans le ciel. Il me restait une nuit et une journée entière à passer seule dans cette forêt et je n'avais toujours pas mangé. Mon dernier repas datait de ce matin... Si l'on peut dire. À minuit. C'était un bon débat ça; minuit c'était le matin ou la nuit? Je marchai encore un peu, tentant de trouver une proie facile. Si seulement Carter était là! Il était le meilleur archer que je connaissais. Moi, je n'avais aucun talent dans ce genre de disciplines. Je ne savais pas viser: la patience et la minutie me faisant cruellement défaut.
Je finis par arriver près d'un lac à l'eau claire. Je lavai mon visage sale et bus un peu. Je m'étendis, laissant par inadvertance mes cheveux bruns tremper dans l'eau et fermai les yeux. La fatigue m'engourdit et je me sentis sombrer malgré la faim. Et puis zut! Je jeûnerais!
•••
Le lendemain, je me réveillai, mon ventre vide me causant presque une douleur. Je me forçai tout de même à me mettre en marche. Mes cheveux mouillés étaient lourds et emmêlés. Je me sentais extrêmement fatiguée et faible. Je me posai pour réfléchir. Carter et June avaient tous deux passé leur initiation. Le premier, près d'un an plus tôt et la deuxième quelques mois avant moi. Je me demandai comment ils avaient agi lorsqu'ils avaient eu faim.
Premièrement, ils devaient avoir gardé leur arc.
Deuxièmement, ils ont dû chasser avec et avoir quelque chose à manger grâce à ça.
Merci pour l'encouragement.
C'est un plaisir.
J'ignorai ma conscience absolument merdique et continuai à réfléchir. Je devais trouver des baies! J'en connaissais quelques-unes, facilement identifiables, que je cueillais parfois avec mes meilleurs amis.
Je me levai donc d'un bond et me mis à marcher en direction... Totalement inconnue. Je ne sus pas vraiment combien de temps je marchai, mais mon ventre hurlait, mes jambes tremblaient et mes paupières tombaient.
Puis, par miracle, je les aperçus. Ces petits fruits dont je me goinfrais, étant plus jeune. Sans réfléchir une seconde de plus, j'en cueillis des poignées et les engloutis toutes entières. J'avais vraiment de la chance. À ce temps de l'année, les petits fruits de ce genre étaient abondants.
Je vidai deux buissons de leurs fruits, puis, découpai avec mon poignard un grand pan de ma tunique. Je mis d'autres fruits dans celui-ci et l'attachai à ma ceinture. Je remerciai Athar, dieu de la terre, pour m'avoir permis de me nourrir.
La majorité des Effansas, dont moi, ne croyaient plus aux huit dieux et déesses de nos ancêtres. Sauf qu'en cette situation désespérée, je me permis de les remercier.
J'errai dans la forêt pendant quelques heures jusqu'à ce que le soleil commence à nouveau à se coucher. Je devais avoir dormi longtemps pour que la journée soit si courte. Tant mieux! Je n'aurais pas à mourir d'ennui bien plus longtemps. Je n'étais pas vraiment une âme solitaire.
Je marquai un arbre à l'aide de mon poignard et y grimpai. M'adossant contre le tronc, je fermai les yeux, décidant de piquer un petit somme avant mon grand retour à la civilisation.
°°°
Une petite branche m'atterrissant en plein front me réveilla. Aïe! Je me penchai, passant à deux doigts de tomber de ma branche.
Ah oui, c'est vrai, je suis dans un arbre.
C'est un détail qu'il serait bien de ne pas oublier.
Ha, ha, ha....
Je reconnus le jeune homme aux cheveux blond caramels légèrement bouclés qui se trouvait sous mon arbre. Un grand sourire mesquin étira mes lèvres. Mon meilleur ami était à tomber. Un très bon parti, c'était vrai! J'espérais seulement qu'il se trouve une fille à sa hauteur. Je le sifflai et il roula des yeux.
- Allez, Alleb, dit-il d'un ton faussement exaspéré. Descends.
- Alors attrape moi.
Sur ces mots, je me laissai tomber de mon perchoir. Je faisais entièrement confiance à Carter. Il me rattrapait depuis qu'on était enfant et il me rattraperait toujours, je le savais bien. Le geste ne parut pas lui poser une grande difficulté, mais il grogna tout de même de mécontentement:
- J'aime pas quand tu fais ça.
- Oh! Allez le Mollusque Gluant! Fais pas ton rabat-joie!
Je lui envoyai une pichenette sur le bout du nez et glissai hors de ses bras. Je me mis en marche et l'entendis grommeler dans mon dos, bien que j'étais sûre qu'il souriait:
- Tout le monde deviendrait rabat-joie à force de se coltiner un stupide Crabe Albinos.
Je retins un sourire et suivis la trace légèrement illuminée qui avait guidé Carter jusqu'à moi et nous ramènerait à Hèra. Il me rattrapa rapidement.
- Il est déjà minuit? Ça a passé vite en fait...
Carter rigola.
- Alors j'en déduis que ça s'est bien passé? Dis-moi, où sont passés ton arc, tes flèches et ta couverture?
Son ton légèrement moqueur me donna envie de le fusiller du regard, mais je préférai lui faire un grand sourire innocent. Il rit à nouveau.
- T'es nulle, fille.
- Et fière de l'être! Au moins, moi, je suis pas tombée dans la rivière en plein hiver!
Le jeune homme m'envoya une grimace au rappel de cette mésaventure à sa propre initiation.
- C'est pas juste, toi t'as la chance qu'on gèle pas à ta fête.
- T'avais rien qu'à naître dans une meilleure saison!
Le jeune homme roula des yeux et me fit un petit coup d'épaule qui me fit dévier légèrement de ma trajectoire. Je rigolai.
- L'initiation a pas réglé ton problème, à ce que je vois.
- Quel problème? Celui dans ma tête?
Je lui envoyai un regard fou accompagné d'une grimace.
- Des fois, je sais pas si t'as seize ou six ans.
- D'âge mental? Je dirais quatre! Mais moi au moins je suis capable de m'amuser.
Il me lança un regard de défi.
- Ah! Alors comme ça je sais pas m'amuser?
J'éclatai de rire et, sachant ce qui allait arriver, détalai à toute vitesse. Je courus pendant un long moment, riant aux éclats, mon meilleur ami me poursuivant. J'avais le cœur léger, sachant que je revenais chez moi en étant officiellement une adulte.
Je m'arrêtai brusquement en arrivant sur la petite colline tout près de mon village. Mon sourire mourut sur mes lèvres.
_____
Salut les chèvres!
Voilà voilà! Alleb est de retour! Pour l'instant on reste très près de l'original, (seulement mieux écrit 😂) avec la même fin en cliffhanger 😁
Vous avez aimé?
Carter et Alleb vous avaient manqués?
À plus les chèvres!
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