Chapitre 5
Je vois Thomas, tranquille en train de lire une lettre bleue. MA lettre, les mots de ma mère, son message pour moi. Là, je vois rouge, la colère monte balayant mes doutes mieux que mes projets de dessins. La rage monte, je fonce sur lui tel un taureau qui charge. Oh non pire, je m'imagine tel un tricératops énorme et puissant. Je vais me le faire, l'encorner contre le mur sur lequel il est adossé pour sa lecture.
Je le fixe hargneux. Le grand flic trop curieux fait moins le fier, surpris, épinglé tel un papillon contre le plâtre.
— Lâche ça ! craché-je.
Le papier tombe au sol. Première étape, la seconde, je recule d'un pas et le libère. Il bafouille des excuses, trop tard, il a franchi la barrière interdite. En tant qu'ancien étudiant en psycho, il savait qu'il était trop tôt pour qu'il passe cette ligne.
— T'avais pas le droit ! Sors ! dis-je en pointant la porte.
— PEM s'il te plaît, calme-toi ! Laisse-moi au moins m'expliquer.
Je n'arrive pas à le faire, je suis furieux trop sûrement. Il ne sait pas tout et il ne saura jamais. Le flic s'est permis quelque chose qu'on ne fait pas quand on est en couple depuis si peu. Est-ce que je fouille dans ses affaires moi. Non, car c'est toujours, ici que ça se passe. Je ne sais même pas où il habite. Je réalise que je ne sais rien de lui finalement. Ça attise ce feu qui me ravage. Je ne trouve pas les mots pour lui dire ma colère, ma peine, ce sentiment de viol de mon intimité.
— PEM, je m'excuse ! Je n'aurais pas dû.
— Pour sûr ! De quoi tu te mêles ? De tout, pas de limite pour les flics !
— Je sais ! Je le regrette.
— Non, tu ne sais pas. Putain c'était hors limite, ma vie privée, ma maison... MA MÈRE ! crié-je.
Il continue de tenter de m'apaiser, de m'amadouer de sa voix, d'enrouler ses bras au tour de moi, j'esquive. Je ne réponds pas, physiquement, je ne ferais pas le poids. Je le contourne et le pousse vers l'entrée comme je peux. Depuis son dos, les mêmes mots d'excuse, une nouvelle fois, une fois de trop, en évoquant sa curiosité, le tout très maladroitement. Je voudrais que ces paroles glissent et ne pas les entendre.
— PEM, lis cette lettre ! dit-il quand je le repousse finalement à franchir le seuil.
— Dehors !
J'ai besoin de solitude. La porte lui claque au nez. Je m'effondre contre le bois, et pleure comme le gosse esseulé que j'étais et que je suis parfois et surtout maintenant. Putain, j'y croyais, avec Thomas j'avais goûté presque à cette saloperie de félicité ! Je pensais l'avoir trouvé. Ça tombe toujours à l'eau. Encore un de plus. Quand je m'attache aux gens, ils finissent toujours par me décevoir, me blesser. Je devrais le savoir à mon âge que les contes de fées ça n'existe pas dans la réalité. Qu'il n'était pas le chevalier en armure qui me sauverait !
Les lettres bleues de ma mère me sont si précieuses pour moi, car elles sont rares. Je n'étais pas prêt à les partager avec n'importe qui. Thomas a tout gâché en fouinant, en sinisant trop loin en moi brisant les protections que j'avais mis en place en devenant PEM. Je gémis et les larmes redoublement et coulent sur mon visage.
Ma vision se floute. Je n'aime pas ça. Je cligne des yeux... Elle est là qui me nargue au sol. Le sujet d'une dispute, d'une rupture... Qu'ai-je fait ? Ce morceau de papier froissé qui m'appelle et m'invite à sa lecture. Je ne peux pas ! Pas encore ! Je couvre mes oreilles et ferme mes yeux. Je veux le silence, le noir. Un cri me tire du vide.
— PEM, lis cette lettre !
Je délire. Non ! C'est lui, derrière la porte, qui répète cette phrase comme une litanie. Pourquoi insiste-t-il ? Me voir souffrir le fait bander ?
— Arrête ! hurlé-je.
Sa psalmodie continue, seules les paroles changent.
— Excuse-moi, mon amour !
Je m'éloigne de ses mots, de sa voix, de lui, de tout ce qui fait saigner mon âme. L'amour et le chagrin m'ont terrassé, la colère m'a relevé, mais je reste brisé. Je ne veux plus l'entendre, je file dans ma chambre. Je me cache sous ma couette, et pense à elle, à ses mots couchés sur le papier. Quand je reçois une de ses lettres, je suis tellement fébrile que j'ai besoin du silence et du calme de l'aube pour les découvrir, m'imprégner avec avant de les ranger précieusement. Je l'aurais fait, ce matin si nous n'avions pas eu cette nuit, cette journée folle. Promis, je le ferais demain aux premières lueurs.
Je prendrai mon temps, me remémorant nos rares moments ensemble avec ma mère pour avoir du courage. Nous étions rarement seuls. Toujours, Charles-Xavier d'abord puis mon père l'accaparait, comme les autres qui gravitaient autour d'elle et de sa fortune, ne me laissant que des pauvres miettes. J'étais Pierre-Emmanuelle, grand prénom, mais peu de choses, juste le petit dernier, même pas l'héritier. Thomas m'avait empêché mon rituel pour satisfaire son vilain défaut : la curiosité. Je frappe l'oreiller. Son parfum se diffuse. Il me hante et le jette au sol. Je dresse ma liste pour demain : lecture, lavage du linge et de moi pour l'effacer. Et la répète jusqu'à m'endormir.
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