Chapitre 14
Sortir du métro annoncera l'arrivée fracassante d'une volée d'autres notifications. Vibrations assurées sur mon poignet et dans la poche de mon jean. Certains s'en réjouiraient et apprécieraient mais pas moi. Je n'ai pas envie de les regarder et d'être déçu de ne pas y trouver ce que je désirais. J'abandonne l'idée pour aujourd'hui d'avoir un message de lui. Demain ! me promis-je une nouvelle fois. Je procrastine, je sais. Ce n'est pas bien, je le sais aussi. Encore un truc de plus sur la longue liste des choses à faire dès mon réveil. Tout en marchant dans les couloirs, dans ma tête, je réattribue les priorités :
1. Prévenir le travail de mon absence dans les jours à venir.
2. Voir le cabinet avocats pour le transfert de la tutelle et de la gestion du foyer le plus rapidement possible.
3. Prendre rendez-vous avec le directeur pour en savoir encore plus dès qu'il pourra se libérer.
4. Contacter Maman pour lui rendre visite demain et les jours suivants.
5. M'occuper du cas de Thomas, s'il me reste du temps à la fin.
Putain mais pourquoi les journées n'ont que vingt-quatre heures ?
Ce n'est qu'en face des escaliers au bout des dédales des couloirs, que finalement, je consulte vraiment mes autres notifications. Toujours rien de Thomas. Vexé, je décide de clore les dossiers trop lourds pour ce soir, je tapote rapidement sur mon téléphone. Courriel, un, deux et trois de fait, il n'y a plus qu'à attendre le retour. Vu l'heure, un simple SMS à maman, lui disant que je viendrais la voir le plus rapidement possible. Le point cinq ne sera pas pour ce soir. Je le repousse plus tard en marchant vers chez moi enfin au grand air.
Soulagé, je m'accorde un répit : je vais dessiner, gribouiller, en tout cas tenter de le faire. J'en ai besoin et Katy m'a redonné envie de m'exprimer ainsi pleinement. Je pourrais lui faire une surprise pour samedi à moins que je trouve une bonne idée pour un truc pour Maman, de quoi égayer sa chambre. L'art en milieu hospitalier est à chier, des paysages sans envergure ou des abstractions ridicules. Je franchis le seuil de l'immeuble sans la moindre ébauche de projet. Je claque la porte d'entrée d'énervement et je grimpe trois par trois les marches jusqu'à chez moi.
Je m'enferme, prenant le temps de mettre les verrous de la porte d'entrée. J'ai besoin de ma bulle de solitude et de sécurité afin d'oublier ce jour trop long.
Je me perds dans mes gribouilles jusqu'à ce que mon estomac ne crie famine, me rappelant violemment à l'ordre. Je range ma tablette, mon stylet et ferme tout. Direction ma mini cuisine. La fouille du placard me permet de trouver un truc réconfortant à manger. Au tour du réfrigérateur quasi vide lui aussi. Pas trop le choix pour le menu. Un bol de soupe de légumes avec une tonne de croûtons croustillants et de fromage fondant le tout devant une série sur le canapé, le tout accompagné d'un petit pot de crème au chocolat et d'une poire qui traînait par là. Le parfait exemple d'un repas de célibataire un peu fauché sur les bords. Assis sur le canapé, je farfouille dans les listes tout en mangeant mon repas. J'hésite devant la pléthore d'offres défilant les propositions. Fantasy, fantastique, policier, comédie, superhéros, pour ado et grand enfant... Je finis par faire mon choix sur l'adaptation d'un livre de Terry Pratchett que j'avais aimé adolescent dans lequel joue David Tennant, un acteur que j'apprécie particulièrement depuis qu'il avait été le dixième Docteur.
Dès le générique, je suis emporté par l'histoire cet ange et de ce démon et un plus non-négligeable la bande-son. Putain, elle mêle tous ce que j'aime musique classique et rock anglais endiablé des années 1980, Queen résonne dès le premier épisode avec un de ses titres le plus connus mais d'autre moins comme « It's A Hard Life ». C'est tout ce qu'il me faut ce soir. Je ne vois pas le temps passé. Tant mieux, c'est parfait pour moi qui ne veux plus penser à rien, plus à tout ce qui me tombe dessus depuis peu.
Un épisode, deux, trois, quatre... Une pause-pipi s'impose à moi à contrecœur. Je m'éloigne à en râlant de mon plaid doux et de ma place chaude, tellement je suis emporté par l'histoire.
Quand je reviens des lumières m'interpellent sur la table basse, mon téléphone clignote sur le bois. Étonnant, je pensais l'avoir mis en mode avion pour être tranquille ce soir. D'un geste rapide, je déverrouille l'engin qui pèse étrangement lourd dans mon autre main.
Enfin ! Mon cœur sursaute dans ma poitrine en voyant une série de trois SMS de Thomas sur l'écran. Fébrile, j'ouvre l'application. Je bloque ma respiration, ferme les yeux un instant puis les ouvre sur le premier.
Mon pardon t'est acquis d'avance.
Tu le sais PEM.
Soulagé, je souffle à la fin de la lecture de mon surnom. Je peux lire la phrase suivante. Je suis un peu fébrile, faut que je le reconnaisse, car il est long ce qui n'est pas son style habituel.
Je comprends que tu aies besoin de moi, autant que j'ai besoin de toi. Mais...
Je stoppe net devant ses quatre lettres. Putain que je n'aime pas ce mot « Mais » qui n'annonce jamais rien de bon. J'ai peur de ce que je vais lire ensuite. J'inspire un grand coup, et je poursuis la lecture, tendu.
Mais je ne peux pas être là. Trop de responsabilité et de travail et je le regrette tellement, surtout aujourd'hui où tu as besoin de quelqu'un pour te soutenir.
J'entends ce que tu me dis, mais tu as besoin de réfléchir, mais je suis là pour toi, toujours.
PEM ne l'oublie pas.
Ne m'oublie pas.
<3 T.
Je suis un idiot d'avoir oublié ses horaires de travail et ses implications dans sa vie quotidienne. Tout le monde ne pas avoir des horaires de bureau et rentrer pour dîner et passer la nuit avec son conjoint chaque jour, être là tous les week-ends. Il ne peut pas être là malgré toute la bonne volonté que Thomas aurait à le faire. J'ai beau être fonctionnaire comme lui, je me sens limite un privilégié en étant en poste dans une université. Je suis si loin de ses rythmes professionnels.
Je passe au second message, impatient et inquiet à la fois. Pourtant le premier aurait dû amplement me rassurer. Pourquoi ai-je besoin de plus ? C'est simple quand j'y réfléchis, tout change et se bouscule autour de moi, alors que Thomas soit mon point d'ancrage me conviendrait bien, s'il l'accepte.
PEM, je pense à toi tout le temps, si tu savais, j'ai du mal à être concentré sur le boulot. Mes collègues l'ont remarqué. Ils m'ont donné un peu de temps pour contacter « le joli cœur » qui me trouble.
Ses collègues, j'ai tiqué à ses mots. Savent-ils que le joli cœur est un et non une ? J'ai comme un gros doute, une amertume monte en moi mais je continue de lire ses mots.
Alors j'en profite et je t'écris pour te dire comme tu me manques, toi et tes sourires, ta bouche et ta franchise, tes mains et ton grand cœur.
Ça me brise d'être loin de toi. Que tout ne soit plus aussi facile qu'avant entre nous, mais ce n'est que partie remise.
Je te le promets une nouvelle fois : je serais toujours là pour toi.
<3 <3 T.
Je souris à ces petits cœurs en émoticône qui ont doublé depuis tout à l'heure concluant de manière si jolie et touchante cet avant-dernier message. J'ai hâte de lire le suivant. Je suis pressé, alors j'appuie et l'affiche.
Ce soir, PEM, tu es loin, mais je reste là pour toi malgré tout. Tu restes là dans ma tête et dans mon cœur en permanence quoi que je fasse pour ne pas y penser. Impossible tu es là en moi... et je sais ce que ça veut dire pour moi.
Si tu savais ce que j'aurais aimé te rejoindre après mon service, j'y ai pensé en travaillant, établi un scénario. Comment à l'aube, j'aurais aimé me glisser dans tes draps pour te serrer dans mes bras et de donner dans mon sommeil la force dont tu as besoin en ce moment pour affronter tes combats la journée. Mais, je ne peux pas le faire, ce ne n'était qu'une vaine hypothèse.
Tu as besoin d'espace alors profite de cette distance, car je te lâcherais plus après quand je reviendrais. Je te le jure PEM.
<3 <3 <3 T.
Mon cœur explose face à ses certitudes, à tout ce que Thomas exprime. Comment a-t-il en si peu de temps bousculer ma vie ? Merde, ce mec a ébranlé tout ce mes vérités pour mieux les reconstruire en peu de mots. Et que dois-je faire de tout ça ? Je ne sais pas. Il est tard, je n'ai plus les idées claires. J'abandonne mon marathon télévisuel et mes réflexions puis je pars me coucher. On dit que la nuit porte conseil. J'espère bien que Morphée fera son job et qu'au réveil tout ira mieux. Je rêve qu'une lueur d'espoir brille sur moi, qu'elle guidera mes pas dans les jours à venir tellement que j'en ai les épaules fatiguées et la tête lourde quand je la pose sur l'oreiller.
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