Le miroir
La maison portait un joli nom la « Demeure des Lilas ». En effet, dans le jardin étaient plantés deux magnifiques lilas, un de chaque côté du petit chemin dallé qui menait jusqu'au seuil de la porte d'entrée.
Les vacances se terminaient tout juste et les deux adolescentes n'avaient pas eu le temps de déballer tous leurs cartons. Elles et leurs parents venaient juste d'emménager dans une nouvelle maison. Il leur avait d'abord fallu déblayer de vieilles affaires laissées dans la demeure et tout nettoyer avant de pouvoir commencer à s'installer vraiment. Ils le savaient pourtant en achetant cette adorable petite maison qu'il leur faudrait faire du grand nettoyage, mais ils n'avaient pas pensé que cela leur prendrait autant de temps.
Les deux jeunes filles cherchaient dans les cartons les affaires dont elles avaient besoin pour le collège. Elles n'avaient pas pu visiter un peu la petite ville et prendre de nouveaux points de repères.
Le soir en rentrant chez elles, les deux jeunes filles racontèrent leurs premières journées au collège. Des camarades de classe s'étaient montrés un peu distants et froid à leurs égards. Ils n'étaient pas très sympathiques dans cette ville. Leur père en déduisit simplement qu'elles devaient être épuisées par l'emménagement, elles s'étaient montrées très peu réceptives pour lier connaissance. Elles soupirèrent en se regardant. Peut-être que leur père avait raison.
Mais les jours qui suivirent furent les mêmes. Tout le monde au collège les regardait comme si elles avaient la peste. Elles voyaient les élèves discuter à voix baisse en les regardant et lorsque l'une d'elles s'approchait, les conversations s'arrêtaient brusquement. Lorsque Mégane, l'aînée, posait la question, personne ne lui répondait franchement. Elle eut seulement le droit à quelque « vous allez tous devenir fous » ou alors « la maison est hantée ».
Cette dernière remarque perturbait un peu Gaëlle, la plus jeune. Elle avait trouvé la maison très jolie mais maintenant, elle avait un peu peur d'y retourner, d'y pénétrer. Mégane essayait sans cesse de la rassurer en lui disant que son comportement était le premier pas vers la psychose et la folie et que c'était donner raison à ses abrutis. Tout le monde au collège les appelait maintenant « les filles des Lilas » et ce n'était pas un compliment. Même leurs professeurs s'y mettaient, même s'ils ne le faisaient pas devant elles.
Elles n'en dirent rien à leurs parents mais même Mégane commençait à regarder cette maison d'un œil étrange. Aussi entraînait-elle sa petite sœur à la bibliothèque, à la recherche d'informations sur les précédents occupants de la « Demeure des Lilas » Mais elles ne trouvèrent pas grand-chose. A croire qu'il ne s'était jamais rien passé dans cette maison hantée où les habitants devenaient fous.
Ce week-end était encore un jour de rangement. Leur père avait réussi à ouvrir la trappe menant au grenier. Il fallait donc tout déblayer afin de pouvoir réutiliser l'espace à leurs convenances. Et les débats étaient encore ouverts. Les parents furent surpris de constater que leurs filles ne prenaient pas vraiment part aux discussions. Elles qui avaient été si virulentes quand à l'utilisation du grenier, ne semblaient plus vouloir y mettre un pied.
Parmi le fouillis qu'ils déblayèrent de cette dernière pièce à explorer, ils trouvèrent un vieux miroir sur pied dont l'encadrement était finement sculpté. Il était très poussiéreux. La mère passa un coup de chiffon dessus. Son reflet apparut vaguement. Elle appela ses filles afin qu'elles apprécient la beauté de l'accessoire. Les deux jeunes filles y jetèrent à peine un coup d'œil. Elles se regardèrent. Elles ne savaient pas trop si elles devaient se sentir rassurer ou inquiète. Devaient-elles écouter les rumeurs qu'elles entendaient au collège ? L'absence d'information sur les précédents occupants de la maison devait-il les rassurer ? Et ce miroir était sans doute déjà là depuis longtemps, vu son état. Les deux adolescentes étaient d'accord pour s'en défaire, comme tout le reste. Ne rien garder leur semblait être une bonne idée. Mais leur mère en avait décidé autrement, elle garderait ce miroir. Les deux jeunes filles durent donc aider leur père à descendre le miroir dans le garage. Leur mère se chargerait seule de le remettre en état.
- Mais il ne faudra pas venir vous y admirer lorsque je lui aurai redonné une nouvelle vie, avait-elle précisé à ses deux filles qu'elle savait coquettes.
Les deux adolescentes se regardèrent. Gaëlle avait réussi à transmettre ses craintes à sa sœur. Megan avait beau lui répondre que si elle continuait comme ça, elle finirait vraiment par devenir folle. Mais ce matin-là, c'est elle qui cru devenir folle. La porte donnant sur le garage était ouverte et elle y avait entendu des voix qu'elle ne reconnut pas. Elle passa la tête pour voir qui était dans le garage mais elle ne vit personne. Elle avait pourtant bien entendu des voix !
- Que fais-tu là, Mégane ?
La jeune fille sursauta avant de se retourner. Elle fixa la femme qui se trouvait devant elle sans la reconnaître d'abord. Puis, elle réalisa qu'il s'agissait de sa mère.
- Je... j'ai entendu du bruit, répondit la jeune fille un peu mal à l'aise.
- Dis plutôt que tu venais t'admirer dans mon miroir.
- Dans ton... reprit Mégane. Non, pas du tout !
- Allons, cesse de mentir. Vous n'attendez que ça, ta sœur et toi, de me voler mon miroir.
Mégane regarda sa mère avec étonnement. C'était bien son visage mais pas la tonalité de sa voix. Celle-ci saisit sa fille par le bras pour la sortir sans ménagement du garage.
- Et je ne veux plus vous voir dans le garage, ta sœur et toi !
Mégane regarda sa mère claquer derrière elle la porte du garage. Elle resta un moment sidérée. Elle ne comprenait pas ce qui venait de se passer. La porte se rouvrit de nouveau, sa mère sortit du garage toute souriante. Elle se dirigea vers elle pour déposer un baiser sur son front.
- Ça va, mon cœur ? Tu es toute pâle. Tu n'es pas malade au moins ?
Elle n'attendit pas de réponse, elle s'éloigna de sa fille. Celle-ci regardait toujours la porte du garage. Elle avait très envie d'aller voir, trouver les voix qu'elle avait entendues. Elle sursauta d'un seul coup. Mais elle avait aussi un peu peur. Pourtant elle était la première à dire à sa sœur de ne pas écouter les rumeurs. Et maintenant, c'était elle qui y pensait, et si la maison était vraiment hantée. Mais le comportement de sa mère à l'instant l'avait un peu effrayée.
- Ecoute, Gaëlle, disait-elle pourtant à sa sœur lorsqu'elle lui parla de ce qui c'était passé. Il ne faut pas pour autant psychoter avec cette maison. C'était peut-être simplement la radio d'où provenaient ces voix.
- Ok, admettons. Et le comportement de maman ?
- Elle nous avait interdit d'utiliser le miroir puisque nous n'en voulions pas.
Gaëlle grimaça. Elle était certaine que le comportement de sa mère n'était pas normal. Elle s'enferma dans sa chambre. Il devait bien y avoir un moyen de prouver que leur mère n'était pas comme avant. Elle entreprit de discuter avec les commerçants afin d'en savoir un peu plus concernant cette maison. Mais aucun d'eux ne voulaient vraiment lui répondre. Lorsqu'elle entrait dans une boutique, c'était comme au collège, les discutions cessaient et le surnom revenait « les filles des Lilas ». Elle prenait en charge toutes les petites courses de leurs parents. D'une part pour essayer d'aborder les commerçants, d'autre part et surtout pour être un minimum dans cette maison qui lui faisait de plus en plus peur. Elle se sentait un peu isolée, même sa sœur, qui au départ était de son côté, semblait s'être rangée du côté de ses parents. Gaëlle était toute seule et elle n'avait même pas une amie à l'école à qui parler. Pour dire quoi, de toute façon. C'est elle qui risquait de passer pour une folle. Même si parfois, elle avait l'impression qu'elle perdait les pédales.
Assise sur le trottoir, entre deux voitures, Gaëlle fixait d'un regard vide son panier à provisions en ce tenant les chevilles. Elle ne pensait à rien. A rien d'autre à part qu'il fallait qu'elle retourne encore dans cette maison.
Plongée dans sa seule pensée, elle ne prêtait pas attention à tout ce qui l'entourait. Elle n'entendait que vaguement ce que disait les passants « C'est l'une des filles des Lilas... » Elle n'entendait jamais la suite. Pas la peine, elle le savait. Ils pensaient qu'ils allaient devenir fous. Pourtant, elle était certaine qu'il y avait bien des voix dans le garage. Et sa mère y passait beaucoup de temps. Mais Gaëlle semblait être la seule à s'en être aperçue. Sa sœur pensait que c'était la radio. Quand à son père, en ne levant même pas la tête de la lecture de son article scientifique, il répondit qu'il devait y avoir des rats et lui demanda d'aller acheter du produit et de grosses tapettes.
Ce jour-là dans la cuisine, la mère des filles exprimait ses inquiétude à son aînée.
- Je suis très inquiète pour ta sœur, tu sais. Je la trouve bizarre ces derniers temps.
- Je crois surtout qu'elle écoute un peu trop les rumeurs et ça lui monte au cerveau.
- Quelles rumeurs ? demanda-t-elle un peu sèchement.
- Pff, des racontars du genre « la maison est hantée » ou alors « vous allez tous devenir fous ». Des trucs comme ça.
Mégane avait prononcé ces mots d'un ton léger pour bien signifier qu'elle s'en moquait et qu'elle n'y croyait pas. Sa mère serra plus fortement son couteau puis, elle reprit le découpage de ses tomates.
- C'est totalement absurde ! répondit-elle avec une légère pointe d'agressivité dans la voix.
- C'est ce que je rabâche à longueur de temps. Mais personne ne m'écoute !
Mégane ferma son magazine et se leva pour rejoindre sa mère afin d'apprécier à l'avance le plat qu'elle préparait. Elle écarquilla les yeux d'étonnement.
- Euh... les tomates ne sont pas un peu trop découpées pour une salade ?
- Ça suffit ! Tu ne vas pas t'y mettre, toi non plus !
Elle frappa une dernière fois le tranchant de son coupeau dans les tomates puis, elle alla ouvrir une boîte de maïs. Mégane la regarda faire, un peu saisie. Sans rien ajouter, Elle prit son magazine laissée sur la table et elle sortit de la cuisine où elle croisa sa sœur qui y entrait avec les commissions.
Mégane ne lui laissa pas le temps d'entrer dans la pièce, Elle lui prit le sac des mains et le posa sur la table.
- Tu as acheté le produit pour les rats, commença-t-elle en déballant les courses. Je vais aller...
- Non, coupa sèchement leur mère en lui soustrayant le produit des mains. Je vais m'en occuper. Ces sont de sales bestioles. Tu pourrais te faire mordre.
Gaëlle regarda sa sœur. Mais celle-ci suivait des yeux les mouvements de sa mère avant de se tourner vers sa sœur.
- Tu veux un coup de main pour tes devoirs ? lui demanda Mégane. Papa trouve que tes notes ont un peu baissées ces derniers temps.
Elle ne laissa pas le temps à sa sœur de répondre. Elle l'attrapa par le bras et l'entraîna jusque dans sa chambre qu'elle ferma. Elle attendit en silence en faisant signe à sa sœur de se taire. Lorsqu'elle fut certaine que sa mère n'était pas de l'autre côté, elle demanda à Gaëlle de lui raconter tous ce qu'elle avait trouvé bizarre dans cette maison depuis leur arrivée.
Assise sur son lit, la jeune fille regardait sa sœur les yeux larmoyant puis, d'une voix pleine de sanglots, elle débita tout ce qui, selon elle, n'allait pas. Des rumeurs à l'absence étrange, d'après elle, d'information sur cette maison, à sa mère et à son attachement obsessionnel par le garage.
- Ça ne doit pas seulement être à cause des rats.
Mégane s'assit à côté de sa sœur et elle la prit dans ses bras pour la consoler. Elle regrettait de ne pas l'avoir cru. Maintenant, il fallait qu'elles découvrent si les rumeurs étaient fondées ou non. Et ce qu'il pouvait se trouver dans le garage.
Mais les portes étaient fermées, aussi bien celle de l'intérieur donnant dans la cuisine que la principale, à l'extérieur. Rien de gênant pour la voiture, elle n'y était jamais rangée. Crocheter la serrure, ce fut peine perdue. Les deux adolescentes n'avaient pas la technique. Ça avait pourtant l'air tellement simple dans les films.
Mais il fallait absolument qu'elles trouvent, soit une ruse soit la clé. Mais celle-ci était apparemment toujours sur une petite chaîne autour du cou de leur mère. Il ne leur restait donc que la ruse. Mais quoiqu'elles disent, leur mère leur répondait toujours que les filles n'avaient rien à faire dans le garage. C'était son coin à elle.
Les deux adolescentes avaient tout le grenier et leur père le bureau. Chaque membre de la famille avait sa pièce personnelle que les autres ne devaient pas envahir. Elles cessèrent donc en apparence de vouloir enter dans le garage.
Les sautes d'humeur de leur mère devenaient cependant de plus en plus fréquentes et parfois même violentes, surtout à l'égard des deux filles.
Physiquement, elle changeait aussi. Gaëlle et Mégane le voyait bien, elle s'était amaigri et son visage creusé devenait de jour en jour plus pâle.
Mégane en parla à leur père.
- Ta mère ! Pâle ! Tu plaisantes, Mégane ! Elle est radieuse ! Alors maintenant, ne m'ennuie plus avec ça, compris !
Sans rien répondre, Mégane s'en retourna expliquer à sa sœur que son père était tout aussi envoûté que leur mère.
Une fois qu'elle eut fini de le restaurer, leur mère installa le miroir dans le salon. Plus les jours passaient, plus leur mère se regardait dedans. Les filles avaient de nouveau accès au garage. Mais l'endroit ne les intéressait plus. Il ne s'y passait visiblement plus rien. Puis, elles se mirent à soupçonner le miroir d'être la cause de l'envoûtement de leur mère.
Celle-ci se regardait encore dedans lorsque Gaëlle passa près d'elle. Son père était présent lui-aussi. Il avait passé ses bras autour de la taille de sa femme. Son visage était souriant. Il regardait le reflet de son épouse dans le miroir.
- Tu es belle, je t'aime, répétait-il à longueur de temps.
Gaëlle s'éloigna en regardant la scène. Ses parents étaient totalement obnubilés par le miroir et rien ne semblait les en détourner. Sa mère maigrissait de jour en jour, pourtant elle mangeait. Mais pendant combien de temps encore. Les deux adolescentes craignaient que leur mère ne cesse de s'alimenter et...
Elles avaient bien essayé de déplacer le miroir. Mais il ne bougeait pas d'un pouce. Il ne leur avait pas semblé aussi lourd lorsqu'elles l'avaient descendu du grenier. Elles faisaient bien attention à ne pas regarder dans le miroir, elles ne voulaient pas prendre le risque de tomber dans le même cercle infernal que leurs parents.
- Attends, dit d'un seul coup Mégane. Il est vissé au sol, ton miroir !
- Ce n'est pas le mien ! s'exclama Gaëlle en regardant les pieds du miroir. J'en veux pas !
- Attends, j'ai une idée.
Mégane alla chercher une chaise dans la cuisine puis, elle se plaça bien sur le côté du miroir. Elle leva la chaise et... tant pis pour les sept ans de malheur. Elle abaissa violemment son arme improvisée sur la surface réfléchissante. La chaise se fracassa et le miroir absorba le choc sans même se trouver ébréché. Les deux adolescentes virent passer sur le miroir une onde brumeuse et noire. Elles restèrent tétanisées un long moment.
- T'as raison, Gaëlle. Il est maléfique, ce truc.
Une femme squelettique apparut devant Mégane. Elle la détailla, presque dégoûtée. Comment cette femme décharnée pouvait-elle encore tenir debout ? Gaëlle regarda sa mère. Elle avait envie de pleurer. Elle était méconnaissable. Sa peau était blême et flétrie, ses cheveux si beaux quelques jours avant, étaient devenus ternes et blanchâtres. Elle regardait ses filles avec des yeux creusés et chargés de haine folle. Mégane avait l'un des pieds de la chaise dans la main. Cette petite pimbêche se permettait d'attaquer son miroir alors qu'elle l'avait accueillie à bras ouvert dans sa maison ! Mégane lâcha son bâton en reculant de quelques pas.
- Maman, je vais t'expliquer.
Gaëlle se plaça entre sa sœur et sa mère. Mais celle-ci ne l'écoutait pas. Elle se jeta sur sa fille, les deux mains en avant. Gaëlle recula mais elle tomba sur Mégane. Celle-ci la rattrapa en faisant quelques pas en arrière pour garder son équilibre. Les deux adolescentes passèrent derrière le miroir avec à leurs trousses leur mère. Elles s'apprêtèrent à sortir du salon lorsqu'un bruit attira leur attention. La femme avait fait voler un guéridon contre le miroir. La surface ne reflétait plus rien de son environnement. La glace était sombre, autant que le regard de sa mère. Gaëlle poussa sa sœur. Mais Mégane changea brusquement de direction en attrapant le bras de sa cadette. Elle avait aperçut leur père dans l'entrée.
- Eh bien les filles ? demanda-t-il d'un ton sec avec un regard réprobateur. Que vous faites du raffut !
Sans réfléchir, Gaëlle poussa de nouveau sa sœur vers l'escalier. Les deux adolescentes montèrent les marches presque à quatre pattes. Arrivée en haut, Gaëlle se dirigea vers la salle de bain dont elle verrouilla la porte. Les deux jeunes filles s'en éloignèrent rapidement en entendant quelqu'un tambouriné sur bois du battant.
- Sortez d'ici ! Petites garces ! vociférait la femme d'une voix que Mégane ne reconnut pas.
- Vraiment sympa la vie, ici ! commenta Mégane en fixant la porte.
- Je ne savais pas que maman pouvait être aussi chaleureuse, répondit Gaëlle en regardant vers la fenêtre.
Elle se pencha pour estimer la hauteur. Le toit de tuiles rouges descendait en pente sur environ cinquante centimètres. Après, il y avait la gouttière, et un étage plus bas, le jardin.
Mégane s'approcha et regarda par-dessus l'épaule de Gaëlle.
- Tu comptes pas descendre par là ! s'exclama Mégane.
- Tu as une autre idée, peut-être.
La femme amaigrie continuait de frapper sur la porte close de la salle de bain tout en criant le nom de ses filles. Elle cessa en entendant le verrou. Elle se recula un peu. La porte s'ouvrit doucement. Mais à la surprise de la mère, il n'y avait que son aînée dans la pièce d'eau.
- Où est Gaëlle ? demanda-t-elle d'une voix âpre. Où est ma fille ?
- Maman, c'est moi, lui répondit-elle en essayant de se montrer docile.
La femme regarda fixement l'adolescente qui était plantée devant elle. Son regard s'adoucit et son visage se détendit. Elle sourit en tendant la main vers sa fille. Gaëlle avança lentement en essayant de sourire à cette femme qu'elle ne reconnaissait plus comme étant sa mère. Elle la laissa lui saisir le bras et elles descendirent ensemble les escaliers.
Une fois dans le hall, elle poussa délicatement sa fille vers le salon.
- Va rejoindre ton père. Il est assis dans son fauteuil. Je vais vous préparer de la limonade.
Gaëlle acquiesça en silence. Elle entra dans le salon. La première chose que l'on voyait maintenant, c'était cet horrible miroir. Elle posa à peine ses yeux dessus, craignant de se retrouver envoûtée elle-aussi. Elle tourna la tête vers lui lorsqu'elle aperçut son père. Il était immobile, le regard vide fixé devant lui, les bras posés sur les accoudoirs de velours pourpres.
Gaëlle jeta un coup d'œil derrière elle. Elle apercevait le bas de l'escalier. D'un seul coup, la jeune fille vit apparaître sa mère. Elle portait un plateau avec trois verres et une carafe remplie d'un liquide plutôt visqueux et marron. Gaëlle ne put réprimer une grimace, n'osant pas imaginer ce que pouvait contenir la carafe.
- Tu ne t'es pas installé, mon cœur ?
Gaëlle secoua la tête. Elle regarda sa mère poser le plateau sur la table du salon, près de son père qui ne bougea pas. La femme s'approcha de sa fille. Elle posa ses mains sur les bras de l'adolescente avec une certaine rudesse.
- Ecoute, ma chérie, commenta-t-elle d'une voix devenue railleuse. Je connais les rumeurs qui courent sur cette maison. Mais, je t'assure qu'elle n'est pas hantée du tout.
« La maison, non. Le monstre, c'est ce maudit miroir ». Gaëlle serra les dents en pensant ces mots.
- Viens, j'ai fini de nettoyer le miroir que l'on a trouvé dans le grenier. Tu vas voir, il a un superbe reflet.
Elle traîna sa fille jusque devant le miroir. Gaëlle se montra très réticente et malgré sa maigreur, la jeune fille fut surprise de la force que pouvait déployer sa mère. Celle-ci s'était placée derrière l'adolescente, l'obligeant à se trouve face au miroir. Gaëlle baissa la tête, elle ne voulait pas regarder la surface sombre. Elle sentit la pression se relâcher totalement de l'un de ses bras mais aussitôt, elle ressentit une douleur à la tête. Sa mère avait saisi ses cheveux et les tirait pour obliger Gaëlle à relever la tête, plaçant son visage bien en face du miroir. Sa mère se rapprocha encore d'elle.
- Allons, lui chuchota-t-elle à l'oreille. Regarde le...
Quelque chose la bouscula, interrompant sa phrase. Elle tomba sur sa fille. Déséquilibrée, Gaëlle se retrouva écrasée contre le miroir. La jeune fille essaya de se dégager. Elle aperçut son père, toujours immobile dans son fauteuil. Sa mère se releva en grognant. En tournant la tête, elle resta assise sur les jambes de sa fille pour la garder sous son contrôle. Derrière elle, elle vit une fille dont le visage ne lui était pas totalement inconnu. Elle fronça les sourcils.
- Tu l'as ?
Mégane resta immobile, les mains dans le dos comme une petite fille sage. Mais son visage était crispé et tourné vers la femme.
- Toi ! siffla-t-elle. C'est toi qui a voulu détruire mon miroir. Personne ne touche à mon miroir !
Elle se redressa mais Gaëlle, en se tordant un peu plus, parvint à la saisir à la taille. Sa mère se débattit rageusement. Mégane s'approcha.
- Maman.
Sa mère tourna la tête vers sa fille qu'elle ne reconnaissait pas. Devant elle, elle se regardait dans un miroir que la jeune fille tenait. Ses yeux creusés se posèrent sur le reflet d'une femme décharnée au teint blafard et aux cheveux ternes. Elle fixait, l'esprit vide, cette horrible image.
- C'est quoi ça... commença-t-elle, rebuter par ce visage qu'elle voyait.
- C'est toi, maman. C'est ce que tu es devenue.
Elle frappa rageusement sur le miroir que lui présentait Mégane. La jeune fille tomba en arrière, laissant échapper la glace qui tomba à leurs pieds. La femme se dégagea violemment pour se diriger péniblement vers le grand miroir, son miroir. Mais tout ce qu'elle voyait était le reflet de ce corps cadavérique. Elle frappa ses poings sur cette horrible apparition. Le miroir s'étoila d'abord sous les coups de poing puis, peu à peu des morceaux s'enfoncèrent dans ses mains alors que d'autres tombèrent à ses pieds. Des filets rouges descendirent le long de ses bras.
Gaëlle et Mégane la regardèrent sans pouvoir réagir.
Assises sur le bord du trottoir, les deux adolescentes regardaient en silence l'ambulance emporter leur mère.
Évidemment, elles avaient raconté à la police ce qui s'était passé. Ni l'un ni l'autre parvint à savoir si elles avaient été crue. Un miroir maléfique, on ne voyait ça que dans les films !
- Tu en as mis du temps à ramener le miroir.
- J'ai eu du mal à en trouver un. Maman les avait tous cachés.
Les deux jeunes filles se regardèrent en souriant. Mégane posa sa main sur l'épaule de sa cadette et son autre main posé sur le miroir qu'elle avait ramené...
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