« C'est Strobe, après, grimaça Dimitri alors qu'ils venaient de finir leur repas à la cantine. »

Les quatre amis eurent la même réaction : aucun d'entre eux n'appréciait leur professeur de mathématiques et encore moins la matière enseignée. Une fois sortis du bâtiment, Quentin et Cyril se retrouvèrent devant l'établissement pour que ce dernier puisse fumer : les autres étaient en train d'essayer de terminer leurs exercices.

« On pourrait sécher en fait, déclama Cyril.

— Forêt ? demanda Quentin pour confirmer ses propos. »

Cyril opina et, avant qu'il n'ait le temps de finir sa cigarette, ils prirent le chemin de ce qu'ils appelaient « forêt ». C'était en vérité un tout petit bois à proximité du lycée où les couples venaient se retrouver en paix, et les mauvais élèves passer le temps lorsqu'ils évitaient d'aller en cours. Ils avaient de la chance, le printemps était arrivé assez vite et les températures devenaient douces ces derniers jours.

Ils s'enfoncèrent à travers les sapins et s'installèrent dos à l'un d'entre eux. Cyril sortit une petite pochette qui contenait quelques grammes d'herbe et en proposa à Quentin qui accepta. Il se mit donc à rouler le joint, puis l'alluma.

« Alors, les filles ? demanda Quentin.

— Personne depuis Margot, à la dernière soirée.

— Peut-être à la prochaine alors, samedi.

— Ouais, répondit Cyril, qui ne voulait pas se prendre la tête pour ça. Et toi ? »

Quentin haussa les épaules. Ils ne se ressemblaient pas sur cet aspect : pendant que Cyril appréciait flirter et draguer avec toutes les filles qui lui paraissaient dignes d'intérêt – ce qui lui valait la réputation de tombeur en plus de celle de roi du lycée –, Quentin était plus sérieux.

« Monsieur « pas avant le mariage », se moqua gentiment Cyril.

— J'ai pas dit ça ! se défendit Quentin. J'ai juste dit que je voulais attendre la bonne. »

Cyril eut un petit sourire et tendit le joint à son meilleur ami.

« J'sais même pas comment tu fais, enchaîner les filles comme ça, y'en a vraiment aucune qui te plaît ? »

Cyril se tut un instant : devait-il parler de la fille qui lui plaisait vraiment ? Celle – alors qu'il aurait pu avoir toutes les autres – qui ne lui tombaient pas dans les bras avec son seul sourire.

« Ça, ça veut dire qu'y'a bien quelqu'un, lança Quentin.

— Non, répondit précipitamment Cyril. Pas vraiment... »

Quentin n'ajouta rien : si son ami n'avait pas envie d'en parler, il ne comptait pas le forcer. Cyril se renferma : s'il ne pouvait pas en discuter avec Quentin, il ne pourrait jamais le faire avec quelqu'un d'autre. Le problème étant qu'il n'était pas sûr : cette fille le faisait douter pour la première fois, c'était bien qu'il y avait quelque chose.

« Et ta famille ? demanda Cyril, pour changer de sujet définitivement.

— Ça va. Mon père a retrouvé du travail et ma mère redort enfin, du coup. Et Mélusine... Bah, je crois qu'elle va bien, le collège lui plaît. »

Cyril acquiesça. Il appréciait beaucoup les parents de Quentin, qu'il avait souvent considéré comme une famille de substitution : au départ de sa propre mère, Sandra l'avait pris sous son aile comme une véritable maman. Si bien qu'il avait été peiné lorsque son ami lui avait rapporté en début d'année que son père avait été licencié et que c'était devenu compliqué, au point que sa mère ne puisse plus dormir.

Ils finirent le joint et vérifièrent l'heure : il était bientôt temps de rentrer au lycée pour le cours suivant de l'après-midi où ils devraient se séparer. Cyril faisait espagnol, tandis que Quentin avait choisi allemand. Les adolescents n'avaient pas hâte de retrouver leurs amis, notamment Dimitri, qui auraient tôt fait de leur reprocher d'avoir séché le cours de maths, sans eux.