Chapitre 19: Une longue nuit
En retournant à son lit de fortune une bonne demi-heure plus tard, Adrien fût surpris de voir que Marinette y était. Il avait pensé qu'elle se serait enfuie... encore. Mais non, elle était bien là et par sa respiration, il savait qu'elle faisait seulement semblant de dormir. Mais il n'essaya pas de lui parler, ni de lui toucher. Il s'installa simplement à ses côtés, sachant que sa seule présence était une amélioration considérable de leur situation. Toujours frustré par la tournure des évènements, il mit du temps à s'endormir, tout comme elle d'ailleurs. Et il ne put dormir bien longtemps...
Aux petites heures du matin, il fut réveillé par un cri d'angoisse inquiétant. Il savait pertinemment de qui il venait et son instinct de protection le fit se redresser si rapidement, que Marinette assises à ses côtés, sursauta violemment lorsqu'il passa les bras autour de ses épaules en signe de réconfort.
« Ma Lady? Qu'est-ce qui se passe? »
C'est alors qu'il remarqua le téléphone entre ses mains : le téléphone de Nathalie. À l'écran, un bref message, froid, direct.
Gabriel Agreste : Réserve-moi une chambre pour le défilé de Los Angeles. Même hôtel que mon fils et Mlle Dupain-Cheng.
Il écarquillât les yeux d'horreur. Son père ne sortait jamais de chez lui, encore moins de son pays. « Non! »
Son cri à lui acheva de réveiller les autres. Nino se frotta les yeux avant de mettre ses lunettes.
« Hey mec, c'est quoi ce vacarme? »
À ses côtés, Alya jetait un regard interrogateur à ses amis. Dans le lit à côté d'eux, Nathalie était bien réveillée et elle fixait son portable dans les mains de la styliste. Sa voix était pleine d'effroi lorsqu'elle demanda à Marinette.
« C'est lui? »
Lorsque celle-ci se retourna pour répondre à la secrétaire, elle vit toute la terreur que lui inspirait son patron. Ils se trouvaient à ce moment de la journée : aux petites heures du matin, quand on s'éveille à peine et que tout nous semble plus gros que nature, que nos pires craintes viennent nous hanter et nous laissent au bord du désespoir. C'est ce moment qui convainc Marinette de la loyauté de Nathalie. Elle avait visiblement l'apparence d'une bête traquée qui ne peut sortir de son cauchemar. Elle l'avait vu si souvent ferme, droite, en contrôle, semblant être dépourvue d'émotion. Le cœur lui brisât alors qu'elle alla lui remettre le téléphone, la plonger dans la tempête.
« Tu dois lui répondre? »
Nathalie consulta l'heure.
« Il est trop tôt, il sait que je dors à ce moment de la journée »
Marinette hocha la tête pour lui signifier qu'elle comprenait. Elle laissa le téléphone à la secrétaire, le simple fait que le Papillon y ait envoyé un message le rendait répugnant à ses yeux. Elle retourna rapidement vers son lit où l'attendait Adrien, les bras ouvert. Malgré que ce soit son père qui soit l'ennemi, qu'il ait vécu des années sans même le soupçonner, que les dernières heures aient été beaucoup plus éprouvantes pour lui que pour elle, il jouait une fois de plus les sauveurs. Il voulait être là pour elle, la réconforter, la protéger. Alors qu'elle alla se loger dans ce refuge sécurisant, elle repensa à leur interaction d'il y avait à peine quelques heures et la culpabilité l'envahit.
Elle pensa à Adrien et comment elle l'avait rejeté... encore, après lui avoir donné espoir. Comment elle l'avait laissé tomber alors qu'il avait si besoin d'elle, de son amour. Elle pensa ensuite à Michel et comment elle lui avait été infidèle physiquement comme émotionnellement. Elle avait tout gâché. Puis sa culpabilité pris un autre chemin et elle pensa à quel point ses petits malheurs amoureux n'étaient rien comparé à ce que Nathalie vivait : la terreur, la captivité, jour après jour, depuis tant d'année. Elle n'avait plus le contrôle de sa propre vie, de ses choix, de ses alliés. Elle devait mentir et tromper et tout cela dans l'intérêt de quelqu'un d'autre; elle n'y trouvait pas son compte.
Sans qu'elle s'en soit rendu compte, ses constatations s'exprimaient en larmes et en sanglots. Blottie dans la chaleur et le parfum rassurants d'Adrien, elle se laissait aller, sans comprendre à quel point elle inquiétait tous ceux qui étaient présents dans la pièce.
Alors qu'Adrien lui jouait dans les cheveux et lui donnait des baisers sur la tête, Alya la regardait avec horreur, ne comprenant pas comment un simple message sur un téléphone avait pu causer un tel ravage dans la tête de son amie.
Le trop-plein d'émotions avait eu raison de Marinette. La peur, le stress, l'orgueil, la culpabilité, tout cela mélangés ensemble faisait bien des dégâts dans ses pensées et elle était pris dans ce tourbillon, incapable de revenir à la surface, à la réalité, avec ses amis. Il n'y avait pas de solution, que du noir encore et encore. Elle avait atteint sa limite et savoir qu'elle était aussi faible ne faisait que l'enfoncer d'avantage. Tikki l'appela doucement, mais elle ne répondait pas, elle n'était plus là. Alarmée par le manque de réaction, des larmes montèrent aux yeux de la kwami.
« Oh Adrien, il faut faire quelque chose. »
Le jeune homme la regarda avec un air impuissant.
« Je crois qu'il faut juste la laisser vider tout ça Tikki. »
Son torse était mouillé de larmes lorsqu'il la prit doucement pour l'étendre sur le matelas. Il se coucha à son tour et l'entoura de ses bras. Levant la tête, il jeta un regard aux autres. « Je crois qu'on a tous besoin de sommeil. Rien ne sert de s'inquiéter avant demain matin. »
Alya opina d'un air décidé. Il avait raison, il ne fallait pas se laisser abattre. Marinette était Ladybug, elle avait vécu assez de choses dans sa jeune vie pour se permettre une telle faiblesse. Elle était forte, créative, intelligente, demain serait un autre jour, ils trouveraient ensemble une solution, un plan.
« Tu as raison beau blond. Allez hop au lit. Laissons notre Mari être humaine pour une fois. »
Tikki jeta un œil à Alya puis à Marinette. Dans toute son existence, elle n'avait jamais vu une de ses protégées perdre toute contenance de la sorte. Mais, il fallait qu'elle s'avoue que jamais, elle n'avait connu d'ennemi aussi tenace que le Papillon. Par mesure de précaution, elle alla se blottir sur l'oreiller aux côtés de Marinette. Plagg, qui avait assisté muet à toute la scène, la suivi docilement et, à l'instar d'Adrien, enferma sa coccinelle dans une étreinte possessive. Il y avait plus de 5000 ans qu'ils partageaient l'existence de cet être extraordinaire. Elle avait souvent essayé de corriger ses mauvaises habitudes mais au final, l'avait toujours accepté comme il était. Après tout, ils étaient la balance l'un de l'autre et il ne fallait surtout pas briser cet équilibre. Jamais auparavant, il n'avait senti qu'elle avait autant besoin de lui qu'en cet instant présent. De ces petites pattes, il lui fit quelques caresses sur les bras pour l'inciter à se calmer.
Le réveil ne fût pas aussi joyeux que la veille. Ils avaient eu leur moment d'insouciance, puis leur cauchemar qui s'avérait malheureusement être la réalité. Nathalie était encore plus blême que la veille; avait-elle seulement dormi? Toute la nuit, les remords l'avaient grugés, toute la nuit elle avait ressassé le passé pas si lointain, ce passé où son patron détenait le miraculous du Papillon, où il tenait Paris dans la terreur et elle, dans une cage dorée. Elle repensait à ces moments où elle avait acquiescé à ses demandes les plus cruelles pour une raison aussi vieille que le monde, l'amour. Ses sentiments pour le styliste avait été puissants, malgré la promesse qu'il avait faite à sa défunte épouse. Il lui donnait de l'importance, plus d'importance que personne ne lui en avait jamais accordé. C'est avec admiration et un dévouement sans borne qu'elle l'avait suivi dans des plans qui mettaient Paris et même son propre fils en danger. Mais elle ne voyait rien de tout cela à l'époque ; le cœur a ses raisons que la raison ignore. Cependant, au moment où il avait mis fin à cette association, au moment où il avait perdu son miraculous, ses plans et ses espoirs et qu'il l'avait envoyé de l'autre côté de l'océan sans même un remerciement, elle avait compris qu'elle n'avait été qu'une marionnette dans son scénario et qu'il fallait qu'elle passe à autre chose.
Mais passer à autre chose alors que le secret demeurait intact comportait son lot de remords. Pourtant, elle avait été tellement habituée à entretenir son jardin secret, qu'elle ne se sentait tout de même pas menacé. Maintenant que la vérité avait éclatée au beau jour, elle savait qu'elle devrait, un jour ou l'autre, avouer les torts qui étaient les siens et affronter le jugement de ceux qui venaient à peine de lui accorder leur confiance. Mais ça ne serait pas aujourd'hui. Elle n'était pas prête, elle n'avait jamais envisagé cette possibilité. Et David, cet homme si merveilleux qui la faisait sentir vivante enfin, humaine, qu'allait-il penser d'elle quand il saurait jusqu'où elle avait été pour l'amour d'un homme qui ne lui rendait pas?
Elle prit lentement son téléphone à la recherche des coordonnées de l'hôtel où séjourneraient ses patrons. Inutile de demander leur avis aux autres, il était évident que quoiqu'il arrive, elle devait continuer d'agir comme d'habitude avec Gabriel Agreste. Machinalement, elle composa le numéro de l'établissement.
« Oui, bonjour, ce serait pour une réservation les 24 et 25 octobre au nom de M. Gabriel Agreste. Je suis consciente que je suis à la dernière minute mais sachez que M. Agreste ne prend jamais non comme réponse. Savez-vous qui est Gabriel Agreste, madame? Bon, laissez moi parler à votre gérant, je suis certaine qu'il comprendra la situation. C'est bon, j'attends. »
Elle jeta un regard agacé en direction d'Adrien qui écoutait attentivement la conversation.
« Oui, bonjour, je me présente, je suis la secrétaire de M. Gabriel Agreste et je souhaite réserver une chambre à son nom à votre établissement pour les 24 et 25 octobre. Oui, elle m'a dit tout cela mais je ne suis pas née de la dernière pluie monsieur, je sais parfaitement que vous gardez quelques chambres en réserve pour les cas exceptionnels. Moi je crois plutôt que vous êtes celui qui sous-estimé l'impact d'avoir M. Gabriel Agreste dans votre établissement. Sachez que M. Agreste n'a séjourné à aucun établissement depuis près d'une décennie, imaginez la publicité que cela vous apporterait d'être le premier hôtel qu'Il ait choisi depuis tout ce temps. Oui je patiente. »
Elle adressa à Adrien, un sourire d'encouragement qui semblait plus douloureux qu'autrement.
« Oui... parfait, merci. Je savais que nous réussirions à nous entendre. La carte de crédit? Oui... voilà... »
Adrien ne l'écoutait plus. Il porta son attention à la petite forme qui se calait contre son torse. Il savait qu'elle était pleinement éveillée, il savait qu'elle n'avait rien manqué de la conversation de Nathalie. Tout ce qu'il pouvait faire pour l'instant, c'était d'être là pour elle. Elle leva bientôt la tête pour rencontrer son regard.
« Chaton, dis-moi, comment... je veux dire... tu vas bien toi? »
Il constata à cet instant qu'il pouvait lire à nouveau dans ce regard la détermination et le courage de Ladybug. Le sommeil lui avait sûrement apporter un peu de force mais aussi quelques réponses.
« Oui ma Lady. Mais toi...»
Elle posa l'index sur ses lèvres pour le faire taire. « Non, finit avec moi. J'ai été assez égoïste comme ça. C'est de toi qu'il faut prendre soin maintenant. Je veux dire, c'est ton père et,... eh bien, c'est notre ennemi. Et moi qui s'abat sur mon sort alors que tu dois digérer tout cela et... »
Il serrât un peu plus son étreinte autour d'elle et lui fit un sourire rassurant. « On est une équipe. »
Ce sacré matou, comment faisait-il pour avoir l'air si serein alors que son monde devrait être en train de basculer complètement ? Sous ce regard qui lui avait donné si souvent des frissons, ce regard amoureux, ce regard complice, elle ne put faire autrement que de rougir et de baisser les yeux. Le cœur d'Adrien cria victoire mais la célébration fît de courte durée car Nathalie brisa leur petite bulle en leur communiquant l'avancement de la situation.
« Bon, la chambre est réservée et j'en ai avisé M. Agreste. »
Marinette dont le cœur se glaça en assimilant les paroles, regarda la secrétaire avec inquiétude.
« Une idée de pourquoi, d'un coup, il souhaite se présenter à New-York? »
« Il y avait un moment qu'il suivait la progression de Chat Noir à New-York et maintenant que Ladybug y est aussi, je sais pas. L'option la plus optimiste est qu'il souhaite réellement prendre part à ce défilé. La pire option est qu'il ait deviné vos identités. »
Marinette la regarda horrifiée. « Quoi? Mais... mais comment? »
« Ce n'est qu'une hypothèse, mais... »
« Mais mon père n'est pas sorti de chez lui depuis si longtemps,... je crois qu'il faut envisager le pire. »
La styliste le regardait sans le voir. Ses pensées défilaient à cent miles à l'heure. Comment le papillon aurait-il pu, à cette distance, découvrir leur identité? Son premier réflexe fut de songer à Nathalie qui, curieusement, avait découvert leur secret peu de temps avant son patron. Comme si elle lisait dans ses pensées, la secrétaire intervint.
« Je vous promet que je n'ai rien à voir dans tout cela. Vous pouvez consulter mon téléphone, je n'ai aucune communication avec lui depuis que vous me l'avez dit, autres que celles où vous étiez présent. » Elle leur tendit le téléphone.
Il était vrai que depuis la révélation, Nathalie n'avait pas été laissée seule longtemps et jamais à un endroit où elle pourrait avoir accès à un autre téléphone. Marinette aurait pu accepter l'offre et en avoir le cœur net, mais la confiance était à la base des meilleures relations. Si elle voulait s'assurer d'obtenir le meilleur de la secrétaire, elle devait jouer la carte de la confiance. Elle poussa doucement la main de Nathalie en signe de refus.
« Ça va aller Nath, je te crois. »
Alya et Nino avaient assistés à toute la scène, muets. Voyant que personne ne semblait plus vouloir réagir, la métisse demanda. « Et c'est quoi le plan maintenant? »
Marinette devait avouer qu'elle était un peu prise au dépourvue. Avec les récents évènements, il fallait trouver la bonne stratégie et il fallait la trouver vite.
Devant l'absence de réponse, Nino prit les devants. « Inutile de faire tout cela le ventre plein, je vais nous chercher à déjeuner. »
Adrien qui avait besoin de bouger, le suivit. « J'y vais avec toi. »
Nathalie et David s'éclipsèrent aussi, attestant qu'ils allaient se doucher et se changer à l'appartement de la femme. Marinette et Alya se retrouvèrent seules et la rousse avait bien l'intention de profiter de ce moment pour résonner son amie à propos de Michel.
« Mari... »
Un bip provenant du téléphone de la styliste l'interrompit. La demoiselle consulta le message qui venait d'apparaître à l'écran. Devant le sourcil interrogateur de sa copine, elle répondit : « Michel. »
« Justement Mari... »
« Deux secondes... » Elle l'arrêta d'un geste de la main et se mit à taper frénétiquement un message sur son écran. Lorsqu'elle termina, elle jeta son portable à côté d'elle avec un grand soupir.
« Ça va? »
« Oui... je... je vais vous laisser déjeuner entre vous et aller rejoindre Michel. »
« Mais Mari, c'est carrément pas le temps, il faut... »
« Justement, c'est du temps dont on a besoin. »
« Tu veux du temps avec Michel? Mais on a le Papillon sur le dos. »
« Non, je veux dire, c'est de temps qu'on a besoin pour mettre au point notre stratégie avec le papillon. »
« Je saisis pas le rapport avec ce déjeuner. »
« C'est simple... je vais rompre avec Michel. »
Alya s'attendait à tout sauf à cela, ç'avait été trop facile. « T'es sérieuse? » Elle ne pouvait empêcher l'excitation dans sa voix.
Marinette pris une grande inspiration, elle savait parfaitement que ce qu'elle s'apprêtait à faire serait difficile, mais en même temps, elle le voyait comme une libération. Il fallait simplement s'assurer que les choses ne se mettent pas à débouler trop vite, la priorité devait demeurer le combat contre le Papillon. « Mais Alya, s'il te plait. N'en parle pas à Adrien. Il faut qu'il... bah que nous demeurons concentrés sur ce qui s'en vient. »
La rousse parût agacée un moment mais devant le regard suppliant de son amie, elle ne put qu'acquiescer. Satisfaite, la styliste se leva pour aller se préparer à un rendez-vous peu enviable.
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