- Maman!
La voix d' Emy nous interrompt. Elle reste au haut de l' escalier bouillonnant de colère. La façon dont elle regarde sa mère est comme un avertissement pour qu'elle ne m'en dise pas plus. La pauvre femme se déplace alors en pleurant pour aller, je suppose, dans sa chambre.
Abasourdi, je reste planté là en réfléchissant à ce que je viens d' entendre. Comment est-ce possible qu'un père qui est censé protéger sa fille puisse lui faire une telle chose? Alors, c'est pour ça qu'elle évitait tous les sujets qui se rapportent à lui. Quand je me rends compte que j'ai sous-estimé sa souffrance! Je voulais l' abandonner mais maintenant, il n'en est plus question. Cette fille a besoin de moi, de mon amour pour recoller les morceaux de son être brisé.
Le claquement d'une porte me tire de mes réflexions. Ce devait être celle d' Emy puisqu'elle n'est plus là. Inquiet, je prends les escaliers à une vitesse folle. J' arrive tout essoufflé devant sa chambre et je frappe. J'ai tellement peur de ce qu'elle pourrait faire maintenant.
- Valen, ouvre-moi s'il-te-plaît.
Je frappe sans réponse. C'est le calme plat.
- Ne pense pas que je vais te juger, lui dis-je. Je devais savoir, ok? Je suis désolé que tu aies eu autant de souffrances dans ta vie. Je suis là maintenant et ...et je te promets que plus rien ne va t'arriver.
Son silence m' agace. Je ne sais pas ce qu'elle est en train de faire à l' intérieur.
- Tu n'as pas à en avoir honte, tu sais. Rien n'a été de ta faute. Il faut qu'on en parle. Ouvre-moi cette porte.
Toujours rien.
- En fait, c'était moi hier. Je t'ai trouvée saoule dans les toilettes et je t'ai amenée à cette chambre. Je n'ai pas abusé de toi, je ne t'ai même pas touchée. Tu dois me croire...
Elle ne me répond pas. A ce moment, mon impuissance me fait tellement paniquer. Je ne veux pas que la même histoire que celle d' Abie se répète encore.
- Tu as intérêt de ne pas te faire de mal, la menacé-je en haussant la voix. Parce que toi aussi, tu me dois des explications. J'en ai marre de tous tes mensonges et il va falloir qu'on règle tout ça aujourd'hui!
Je me tais un moment espérant qu'elle vienne m' ouvrir mais rien.
- Si tu ne m'ouvres pas, je vais devoir défoncer la p...
Je bascule en avant. Je ne m' attendais pas à ce qu'elle ouvre la porte. Elle m' attrape par l' avant-bras, m' aidant à me ressaisir.
- Ça va ? Fait-elle, inquiète.
Je ne fais pas cas de son inquiétude. Je suis rassuré quand je la vois en vie, sans la moindre égratignure. Je ferme la porte derrière moi et malgré son regard confus, je plaque mes lèvres contre les siennes. Elle prend du temps à répondre au baiser avant de se laisser aller complètement. Nos langues s'entremêlent réveillant tous mes sens. Elle m'avait tellement manqué!
- Je t'aime, dis-je à travers ses lèvres.
Elle ne répond pas. Ses lèvres deviennent salées d'un coup. Elle pleure mais continue de m'embrasser.
- Je t'aime Valen, je lui répète.
Je l' amène jusqu'à son lit où je la fais coucher. Elle frémit quand je dépose un baiser dans le creux de son cou.
- Tu mérites d'être aimée comme n' importe quelle femme. Tu n'as pas besoin de camoufler tes sentiments pour moi juste parce que je suis un homme...
Elle pleure de plus bel, gardant ses yeux fermés. J'entremêle mes doigts avec les siens.
- Je ne te ferai pas mal, moi. Je peux t'aimer comme personne ne l'a fait. Pas même...
Je ne finis pas ma phrase, sachant qu'elle pourra deviner. Elle tourne la tête sur le côté ne pouvant plus se retenir. Je me recroqueville en face d' elle alors que je prends ses mains dans les miennes. Elle rouvre enfin ses yeux remplis de larmes que j'essaie d'essuyer du revers de la main.
- Pourquoi tu m'as laissée dans cette chambre si tu y étais? Me demande-t-elle d'une voix faible.
- Je n' ai pas voulu que tu sois gênée en me voyant.
Je détourne le regard en lui disant cela. Elle se retourne dans l'autre sens, me donnant ainsi dos. J'enroule mes bras autour de sa taille et ramène son corps plus près de mon torse. Ses cheveux chatouillent mon nez et cela me fait sourire.
- Tu vois ces marques sur le mur? Elle m' indexe l'endroit où elles se trouvent. Que dis-je? Tu les as déjà vues...
Elle se tait un moment. J' accentue mon étreinte pour lui donner la force de continuer.
- En fait, quand j' avais 14 ans et que je faisais la 3ème, mes parents se disputaient beaucoup. Avant, tout allait bien pourtant. Mon père avait commencé à boire et rentrait saoul à la maison. Quand j' essayais d' étudier le soir, j'étais constamment dérangée par toutes ces disputes, ces hurlements venant d'en bas. Je dormais en pleurant et avais fini par perdre la motivation. C'était la première fois que j'allais devoir refaire une classe de ma vie...
Elle inspire une bonne bouffée d'air puis reprend:
- J'ai toujours su qu'il était dangereux mais ma mère refusait de le quitter. Elle préférait passer des journées entières à jeûner pour que Dieu lui redonne l'homme qu'elle avait épousé: on dirait que celui-là était trop occupé pour l' exaucer...Un soir, il s' était réveillé au beau milieu de la nuit pour aller s' acheter une bouteille d' alcool. Ma mère essaya de l'en dissuader mais il la poussa sur le côté pour passer. Elle bascula et tomba alors qu'elle était enceinte de seulement quelques mois de Tara. J'étais venue me prendre de l' eau à boire dans la cuisine et la petite fille que j' étais paniqua devant la situation. Ma mère fut hospitalisée pendant deux semaines et je devais rester seule à la maison avec lui et puis...
- Continue, je l' encourage.
- Et puis mon anniversaire arriva. Le 11 Avril. J'allais avoir 16 ans. Je me souviens avoir voulu fêter avec ma mère à l' hôpital mais on m' avait refusé de la voir. Alors, pour marquer l' événement, je me suis rendue à une boutique et me suis achetée une mini-jupe et un t-shirt court qui recouvrait à peine mon nombril. C'était la seule folie que je pouvais m' offrir puisque j'allais fêter seule à la maison, mon père ne s'en souvenait même pas. Alors, quand vint le soir, je me suis habillée, me suis prise en photo pour poster sur ma page Facebook et enfin, j'ai mis la musique à fond dans ma chambre pour danser devant le miroir...
- Tu n'es pas obligée de tout me dire aujourd'hui, lui dis-je voyant la difficulté qu'elle a à en parler.
- J'y tiens.
- OK.
- Je n' avais pas entendu la porte s' ouvrir mais la tape que j'ai reçue sur mes fesses me fit me retourner.
- Alors, c'est comme ça qu'on s' habille maintenant. Comme une pute?
- Mon père me terrorisait en ce moment. Il tenait une bouteille d' alcool d'une main et de l' autre, il m' attrapa pour me jeter sur le lit. J'ai essayé de fuir mais son corps imposant me barrait à chaque fois le passage. Quand il me prit par les pieds pour me traîner plus près de lui, j'ai essayé de m' accrocher au mur. Comme tu vois, je n'ai réussi qu'à le tracer de mes ongles.
Mon regard se perd dans le mur pendant que j' essaie d' imaginer la scène. Mes battements de coeur s' accélèrent. Je me sens impuissant.
- Je lui disais :"Papa, c'est moi. Valen" mais il ne voulait rien entendre. Alors, je ne me suis plus débattue...
Je la serre contre moi, enfouissant le nez dans le creux de son cou.
- Le lendemain , quand ma mère rentra de l' hôpital, elle me trouva dans mon lit baignée de mon sang avec cet énergumène endormi près de moi.
- Et après?
- Après? Après, il nous avait quittés. Je n'ai jamais demandé à ma mère où il est parti. Je sais simplement qu'elle continue de lui parler et qu'il téléphone pour parler à Tara.
- Ta mère aurait dû appeler la pol...
- Et ainsi séparer Tara de son père? Je t'en supplie de ne pas la juger. C'est la seule personne que j' excuse dans cette histoire-là.
- Tu n'es pas non plus responsable, Valen. Arrête de te culpabiliser, la supplié-je.
Je sens son diaphragme se soulever sous mes mains. Son corps tremble un peu. Elle pleure.
- Si, je suis responsable. Je ne sais pas ce qui m' a pris d' acheter ces vêtements. Je regrette tellement d'avoir fêté mon anniversaire que je ne le fais plus. Et cette chambre...ma mère m' avait fait suivre un psy pendant deux ans qui m' avait conseillé d'emménager quelque part d'autre. J' aurais pu aller vivre chez ma tante maternelle mais je n'ai jamais voulu. Malgré mes cauchemars, mes crises, ces souvenirs douloureux, je veux rester ici. Ça m' aide à me rappeler ce que j'ai toujours été: une petite p...
Je couvre sa bouche de mes mains pour qu'elle ne prononce pas le mot.
- Que veux-tu que je te dise d' autre? Continue-t-elle quand j'enlève ma main. Je ne me vois que comme un objet sexuel. J' allume les hommes pour avoir l' impression de dominer cette fois. A mes heures perdues, je me livre à la prostitution. Pas parce que j'ai besoin d'argent, loin de là! Comme tu vois, je continue à vivre aux dépens de cet homme malgré moi.
Ses aveux m'empoignent le coeur. La jalousie s' empare de moi mais j' essaie de cacher cela.
- Est-ce que je fais partie de ces hommes-là?
Je ne puis m' empêcher de lui demander cela. Elle se retourne enfin face à moi, je baisse les yeux craignant sa réponse.
- Tu es le seul homme qui a su se faufiler en dessous de ma carapace. J' ai essayé de te fuir parce que je me suis faite à l' idée que tous les hommes sont comme mon connard de géniteur. J'ai voulu te dominer mais c'est toi qui l'as fait, dévoilant ainsi toute ma faiblesse. Tu es la première personne à qui je parle de tout ça. Aucun psy n' a su me faire cracher le morceau, même pas ta mère qui a été si gentille avec moi. Je leur ai tellement menti, je n' arrive pas à y croire.
- Je comprends le fait que tu t'es méfiée de tout le monde depuis. A ce stade, on doute même de son ombre.
- Il n' y a qu'à toi que je fais confiance, me susurre-t-elle. Avec toi, je revis. Je ne suis même pas Valen mais Emy. C'est magique tout ça.
Elle essaie de sourire. Elle se perd dans mes lèvres avant de m'embrasser.
- Je t'aime, John. Tellement que je suis prête à changer pour toi! Me confesse-t-elle dans un souffle.
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