XI - 26 mai 2011, 16h44.

Sath et moi étions en mathématiques depuis déjà deux heures. Qu'est-ce que c'était long ! Sath avait raison : les mathématiques, ce n'était plus ce que ce fut autrefois. Alors que le professeur essayait d'expliquer comment résoudre ce tas de lettres et chiffres, Sath commença à gribouiller sur mon cahier. Si elle avait fait ça deux mois plus tôt, je me serais sûrement plaint, mais là.. je la laissais faire. Ça ne me dérangeait pas trop à vrai dire. Je n'étais plus aussi soigneux qu'avant, je me laissais aller et je faisais des dessins, par-ci par-là. Ceci était quelque chose de normal pour un élève lambda, mais le fait de dessiner sur son cahier durant les cours était quelque chose d'inimaginable pour moi.

« Tu dessines quoi ? chuchotai-je à Sath.

- Une tulipe.

- Une tulipe ?

- Ouai, une tulipe. »

Elle me sourit et continua de dessiner sur le coin de ma page. De là où j'étais, je n'arrivais pas à voir son dessin à cause de sa main qui était devant, alors je décidai de regarder les autres élèves. Certains semblaient s'être endormis, mais ils avaient certainement dû simplement fermer les yeux pour se reposer, ou alors pour faire abstraction des dires de notre professeur. Je devais avouer que j'aurais vendu ciel et terre pour obtenir ne serait-ce qu'une minute de silence. Dès que le professeur ouvrait la bouche, c'était pour dire des choses inintéressantes tel que « Si 4x n'est pas supérieure à 6y, c'est forcément que.. ». C'était évident que son métier ne se résumait qu'à endormir et assourdir les pauvres élèves avec ses opérations rocambolesques. 

« Attendez ! Je donne les devoirs ! s'exclama le prof. »

La sonnerie venait de retentir et la moitié des élèves déjà étaient sur le point de partir. Certains sortirent leur agenda pour écrire ce qu'énonçait le professeur tandis que moi j'eus terriblement la flemme de les écrire. Sath termina son dessin et lorsque mes yeux l'aperçurent, je fus choqué. Je pensais qu'elle dessinait comme les enfants, une fleur faite à l'arrache, mais non ! Sath venait de me faire une magnifique fleur sur le coin de ma page, ainsi que les ombres, l'effet trois-dimensions. C'était magnifique ! 

« Tu ne m'avais pas dit que tu savais dessiner ! 

- Tu ne m'avais pas dit que tu n'écrivais plus les devoirs dans ton agenda, me sourit-elle. »

Je rougis légèrement, chose qu'elle ne remarqua sûrement pas puisque son visage se tourna directement sur le professeur qui venait de l'appeler. Elle était convoquée au bureau du prof', ce qui n'envisageait rien de bon. Je voulus écouter leur conversations, mais le professeur attendit que tout le monde sortît de la pièce pour commencer à parler. 

J'attendais patiemment dans le couloir que Sath finît de parler avec le professeur. Je regardais donc les autres élèves passer devant moi. Certains me sourirent tandis que d'autres ne faisaient même pas attention à moi, ce qui n'était pas plus mal pour quelques cas. Kévin, un ami de Sath, vint me serrer la main et me demander ce que je faisais au beau milieu du couloir, seul. Je lui répondis donc que j'attendais Sath qui discutait avec le prof'. Il fit une grimace, montrant son appréhension puis s'excusa du fait qu'il devait partir à son prochain cours. Sath et moi avions fini notre journée de cours, et heureusement ! Une heure de plus et je me tirais une balle, tant les deux dernières heures de mathématiques du jeudi étaient soporifiques. 

Après une assez longue attente -soit dix minutes-, Sath sortit de la salle de cours. Elle fut surprise que je l'attendisse et je lui demandai ce que lui avait dit le professeur de mathématiques.

« Je suis collée demain, de 17h à 18h, souffla-t-elle.

- Pourquoi ? m'étonnai-je.

- Je ne l'écoutais pas et je dessinais sur ton cahier.

- Désolé..

- Tu n'as pas à l'être, je ne vais pas y aller à son heure de colle. Demain, je fais la fête ! D'ailleurs, tu viens à la soirée de Mehdi ? »

Ah oui, j'avais complètement oublié que Mehdi faisait une soirée le lendemain soir ! La nouvelle avait fait rapidement le tour du lycée, j'étais même convaincu que tous les professeurs étaient au courant. Sath me faisait les yeux doux pour me convaincre de venir et comme toujours, je succombai. Elle sauta de joie et me prit dans ses bras. Elle me sourit à pleines dents puis commença à courir dans les couloirs vers la sortie, suivie de moi-même. C'était notre petit rituel : lorsque nous avions fini les cours, nous sortions du lycée en courant, qu'il y eût du monde ou pas.

Après être sortis du lycée, Sath m'annonça qu'elle devait allez chez sa grand-mère et que, par conséquent, elle prenait le chemin opposé au mien. Nous nous fîmes donc la bise et elle me remercia d'avoir accepté d'aller avec elle à la « soirée du mois », d'après les adolescents. Elle partit donc de son côté et moi du mien.

Après quelques minutes de marche, alors que j'étais à une centaine de mètres de chez moi, j'entendis quelqu'un m'appeler. Je me retournai et aperçus un groupe de trois hommes s'avancer vers moi. Soudain, je sentis une certaine crainte en moi, comme si j'avais un mauvais pressentiment, et malheureusement, j'avais eu raison.

« Alors comme ça, tu connais Sath ? 

- Euh.. ouai.. répondis-je en arquant un sourcil.

- Tu vas faire quelque chose pour nous.

- Pourquoi je ferai ça ? les questionnai-je. »

Les trois gars se mirent à rire puis l'un d'eux me prit la nuque et me fit m'agenouiller au sol. Une fois à cette position, un second vint me donner plusieurs coups de pieds dans le ventre afin que je fusse immobile et incapable de me défendre après ça. Le « chef » vint alors à rapprocher sa bouche de mon oreille tandis que je crachais du sang et me chuchota : 

« Si tu ne veux pas d'embrouilles, obéis-nous, ok ? »

Voyant que je ne répondais pas à cause du sang que j'avais dans la bouche, il répéta :

« OK ?

- Ok.. toussai-je.

- C'est bien. Alors les règles sont simples, si tu nous la mets à l'envers, t'es mort mec. Je te demande de faire une seule chose, et ce n'est pas compliqué : va dire à Sath que les prunes doivent être mangées avant qu'elles ne pourrissent. Ok ?

- Mh.. gémis-je de douleur.

- OK ?

- Oui.. »

Les trois gars me lâchèrent puis m'insultèrent de tous les noms avant de disparaître de mon champ de vision, me laissant souffrant au beau milieu d'une rue. Il n'y avait eu aucun témoin, à croire que la fin du monde avait déjà eu lieu. J'étais seul et j'avais peur, très peur. Je pleurais et sanglotais, à la fois de douleur mais aussi de crainte pour la suite. J'étais mêlé à une histoire qui ne me concernait pas..