83.
83.
Gabriel.
Nous étions revenus à Grenoble vers quinze heures le samedi. Kate rangeait ses affaires. Je désirais encore rester quelques heures à l'appartement. Je voulais retarder un maximum le retour chez mon père. J'étais sur les nerfs. Confronter mon père me rendait déjà colérique et de très mauvaise humeur. Je savais d'avance que j'allais passer un sale quart d'heure. Ma petite amie terminait de vider sa valise et elle annonçait pour elle-même qu'elle irait faire la lessive demain et quelques courses pour remplir le frigo. Pour apaiser le silence pesant qui s'était installé dans la chambre de Kate, j'avais mis de la musique avec la playlist de mon téléphone.
Kate et Lucas avaient commandé des pizzas et le livreur venait de sonner à l'interphone. Je laissais la musique et prévenais les colocataires :
« Je vais ouvrir, ne bougez pas. »
Je traînais les pieds jusqu'à l'entrée et décrochai mollement. J'appuyai rapidement sur le bouton pour que le livreur passe la porte du rez-de-chaussée. Kate me criait de sa chambre :
« Les clés de la porte sont sur la commode. »
Je tournais la tête vers le meuble. Elles étaient posées dans un petit récipient. J'attrapai l'objet en ferraille et ouvris la porte. Le livreur se présenta à la porte. Je reconnus instantanément Jules, un gars de ma promotion. Il me salua vivement :
« Oh salut Gaby, j'ignorais que tu habitais ici.
-C'est chez ma copine, lui avouai-je en haussant les épaules. »
Il avait l'air étonné que je puisse lui avouer être casé. Il me félicita et me tendit les deux pizzas en me demandant la note. J'attrapai la note et lui fis signe que je revenais. J'appelai dans le couloir :
« Kate ? »
Cette dernière accourut vers moi. Je passais ma main dans mes cheveux. J'étais nerveux que Jules puisse voir ma petite amie. J'étais beaucoup trop possessif avec elle et même qu'il la regarde plus d'une dizaine de secondes me déplaisait. Je toussotais et l'informais :
« J'ai la note pour les pizzas.
-Oh, d'accord ! Je vais régler. »
Elle partit quelques instants dans sa chambre et revint avec sa carte bleue. Jules lui tendit le porte-carte à l'entrée. Il l'observait encore. Il avait l'air subjugué par le fait que je puisse avoir une copine comme ça. C'était récent, j'étais avec elle depuis un mois mais j'arrivais à peu près à bien me tenir. J'étais moins colérique avec elle. Kate envoya un grand sourire sympathique à Jules et le remercia pour les pizzas avant de repartir dans sa chambre en me laissant fermer la porte. Avant de claquer la porte, je soufflai à Jules, mécontent :
« La prochaine fois que tu regardes ma copine de cette manière, tu peux dire adieu à ta dentition. »
Autant prévenir directement. Je ne tenais pas à refaire le portrait de tous les mecs de la faculté. Satisfait, je rejoignis ma copine dans sa chambre en bronchant :
« Je ne veux pas rentrer chez moi, je veux rester ici une nuit de plus. »
Je savais que retarder un maximum la confrontation avec mon père, j'empirerai mon cas. Mais je ne voulais pas l'entendre m'insulter. Je me préparais déjà mentalement à subir les pires insultes du monde. Kate m'envoya une moue triste et me répondit avec douceur :
« Je sais Gab mais je ne pense pas que cela soit une bonne idée.
-Je n'ai vraiment pas envie. »
Je m'allongeai dans son lit, les yeux rivés vers le plafond. Kate s'installa à mes côtés en posant sa tête sur mon torse. Elle me proposa :
« Rentre chez toi pour voir comment cela se passe. Si ça se passe mal, reviens immédiatement ici.
-Ca se passera mal, répondis-je brusque et virulent. Je risque d'être en colère.
-J'essaierai de t'apaiser Gab.
-Je ne le sens pas. »
Je déglutis. J'avais un réel mauvais présentiment.
« Plus tu retarderas la chose, plus ça sera pire, m'avoua Kate en caressant lentement mon ventre à travers mon sweat.
-Ouais, peut-être. »
Je soupirai et elle posa un délicat baiser sur ma joue basanée avant de se relever et m'inviter :
« Viens manger, gros lard. »
Je souris comme un abruti et lui cris :
« Tu vas voir ce qu'il te dit le gros lard. »
Une course-poursuite débuta dans son appartement la faisant rire.
**
Le moment de retourner dans la maison de mon père était arrivé. Je récupérais ma voiture en bas de l'immeuble. Kate m'avait raccompagné jusqu'à ma BMW. Avant de prendre le volant, j'enlaçais ma copine longuement pour me donner le courage de rentrer chez mon père. Kate me serra fortement contre elle. Elle lisait en moi, elle savait ce dont j'avais besoin. J'embrassais plusieurs fois ses lèvres avant de m'installer au volant et démarrai. Cap chez mon père.
En une vingtaine de minutes, ma voiture arriva dans la rue de la maison de mon enfance. Avec une boule au ventre, j'attrapai ma valise. Mes clés trouvèrent difficilement la serrure. Après deux tours, l'entrée s'ouvrit lentement. Je m'engageai dans le hall. Ca avait l'air silencieux. J'observais rapidement le salon et la salle à manger en entrouvrant la porte. Personne. J'haussai les épaules. Il était sûrement absent. Je grimpai lentement les marches. Je poussai la porte de ma chambre. Déposant ma valise près de l'armoire, je n'avais même pas remarqué la présence de mon géniteur assis sur mon lit dans un état second. Alors que je sortais mon tabac, mes clés de voiture et mon portable de mes poches, mon père se mit à crier :
« Tu étais où putain ? »
Sous l'effet de la surprise, je sursautai. Je plongeais mon regard dans le sien. Il était dur, froid et menaçant tout comme le mien. J'étais réellement son portrait craché physiquement. Je serrais le poing et hors de moi qu'il soit dans ma chambre sans y être convié, je rugis :
« Qu'est-ce que tu fous-là ? »
Mon ton agressif ne le calma pas. Il me cracha avec une nouvelle fureur :
« Arrête de te foutre de ma gueule et dis-moi où tu étais passé ?
-Mais je suis majeur, ça ne te regarde pas, répondis-je en agitant mes bras dans tous les sens.
-Au contraire, tu vis sous mon toit. Tu es mon fils, tu aurais dû être là !
-Je t'arrête tout de suite, le coupai-je pour ne plus le voir déblatérer son monologue pour me rabaisser, c'est provisoire cette chambre le temps que je retrouve quelque chose.
-Avec quel argent ? C'est moi qui te paie tes études, à manger, un toit, ...
-Putain mais je ne veux plus vivre avec toi, c'est pigé ? »
Je gueulais comme un dératé à présent. Il me dégoûtait. Il essayait de me faire culpabiliser d'être parti. Mon père recula d'un pas avant de crier :
« Donc c'est ça alors ? Mon fils unique se barre ? Tu n'iras nulle part !
-Ah oui ? »
Un sourire mauvais apparut et j'avançai d'un pas menaçant vers lui. J'étais plus grand que lui de quelques centimètres et il ne me faisait plus peur. Lorsque j'étais môme, il me terrorisait. Maintenant, c'est à moi de le terroriser et je commençais par avancer vers lui et chopper le col de son pull en parlant fermement :
« Tu ne feras rien du tout.
-Tu es vraiment un petit con. »
Mon père se débattit et avança vers mon bureau pour me prendre mes clés de voiture et de maison. Plus rapide, je le poussai loin du secrétaire. Il manqua presque de tomber et il se rattrapa vivement à une des portes de mon placard. J'hurlai, blessé par cette nouvelle dévalorisation :
« Putain mais c'est de ta faute si je suis comme ça et uniquement de la tienne. Toi, ton éducation de merde. Tu me dégoûtes, je te déteste.
-Putain mais ferme ta gueule Gabriel ! »
Mon père se rapprocha et je savais que bientôt mon poing aller se retrouver en plein dans sa gueule s'il continuait de me chauffer de cette manière. J'avais la rage. Je le poussai à nouveau pour m'empêcher de le frapper. Cet homme restait mon père malgré qu'il soit qu'un déchet à mes yeux. Je vociférai avec fureur :
« Toi et ta putain de famille de merde, vous me sortez par le cul. Vous avez fait ce que je suis aujourd'hui. »
Mon père n'en avait que faire de ma souffrance. Il ne pensait qu'à déchaîner sa colère sur moi :
« Ne parle pas comme ça.
-Je te parle comme je veux, tu es une ordure tout autant que moi. »
Mon père serra son poing et je serrai le mien encore plus, prêt à lui flanquer une. Dans un brusque élan, j'attrapai à nouveau mes clés, mes cigarettes et mon téléphone. J'ouvris mon placard, pris des fringues au pif et fourrai tout dans mon sac de cours. Heureusement, que je n'avais rien bougé avant de partir. J'ouvris ma valise uniquement pour prendre de quoi me nettoyer les dents ou le corps. Mon père avait attrapé mon bras et je l'avais bousculé plusieurs fois pour qu'il me foute la paix. Je me relevai et sortis de ma chambre pour dévaler les escaliers en vitesse. Mon père me menaça :
« Tu sors de cette maison, je te coupe les vivres !
-Pardon ? »
J'ouvris la porte d'entrée et me retournai furieusement vers lui. J'étais tellement en colère. Personne ne saurait me calmer à cet instant. Je n'étais plus moi-même, je devenais incontrôlable. J'étais prêt à le frapper pour qu'il me laisse partir d'ici. J'avais réussi à me barrer une fois, je réussirai une deuxième fois. Je repris, virulent :
« Tu me menaces en plus ? Coupe-moi les vivres si tu veux, j'en ai rien à foutre. »
Je plaçai mon sac à dos sur l'épaule et m'engageai sur le perron. Mon père continuait de me suivre et je me stoppai une nouvelle fois en criant :
« Putain mais arrête de me suivre ou je te jure que je te fous mon poing dans la tronche. »
Il finit par s'arrêter à l'entrée. Je marchai rapidement à la barrière. Avant de claquer le portillon derrière moi, je tranchai sèchement :
« J'étais avec ma copine à Paris pour passer Noël avec elle. Elle m'a fait aimer une fête que je détestais à cause de toi et ta maudite famille. Je comprends pourquoi ma mère s'est barrée. Tu es juste une sale merde et tu ne m'as apporté que des problèmes dans ma vie. Revenir ici était une mauvaise idée. Je préfère être SDF plutôt que voir ta tronche en permanence. »
Après ce monologue sous les yeux effarés de quelques voisins, alertés par nos cris, je quittai le domicile familial en grimpant dans ma BMW. Ce n'était pas la première fois que nos disputes étaient violentes comme ça mais lorsqu'elles étaient particulièrement sur un terrain dangereux, nos voisins avaient déjà essayé d'intervenir en sonnant à notre porte. J'étais vu comme le sale gosse du quartier et petit, tous les enfants avaient peur de moi. Je reniflai bruyamment et démarrai en trombe pour quitter le plus rapidement cette rue. Sur la route, j'envoyai un message à ma copine comme prévu :
Laisse-moi une heure avant de revenir pour me calmer un maximum. Cela s'est mal passé.
Je n'avais pas envie de lui raconter notre embrouille. Elle n'en avait pas besoin. Elle va m'abandonner si je lui conte toute ma vie. Elle verra le mec brisé et incontrôlable que je suis. Ma famille la fera fuir. C'était foutu d'avance mais je voulais essayer le maximum avec elle.
Je restais un moment garé devant l'immeuble de Kate et Lucas. Je tapotai nerveusement mes doigts contre le volant en serrant mes dents. J'étais encore sur les nerfs, à bout de force de me contenir. Je soufflai lentement. Allez Gabriel, m'encourageai-je par le biais de ma pensée, sors de cette camelote et rejoins ta copine au lit. Je tournai les clés de la BMW pour éteindre le moteur complètement et sortir de la voiture avec mon sac à dos. J'avançai d'un pas incertain vers l'immeuble. Mon doigt resta en suspens un instant avant d'appuyer sur le numéro de Kate et Lucas. C'est le blondinet qui décrocha.
« Ouais ? »
Je pris une longue inspiration pour paraître calme alors qu'intérieurement je voulais créer un massacre. Je pris une voix cassée mais élancée :
« C'est Gabriel.
-Gaby ? Ok, je t'ouvre. »
Il avait l'air surpris que je revienne. Kate ne l'avait pas sûrement prévenu que je revenais pour la nuit. Un bip retentit, signe que la porte était ouverte. Je pris l'escalier jusqu'au cinquième pour m'accorder un temps supplémentaire pour paraitre calme. Lorsque j'arrivais à leur entrée, Lucas m'attendait en slip et tee-shirt. Il avait son casque sur les oreilles et mangeait un paquet de chips. La bouche pleine, il prononça :
« Je t'aurai bien salué mais tu risques d'avoir la main grasse de chips au barbecue.
-C'est rien, bredouilla-je. »
Lucas se décala pour me laisser entrer et ferma directement. Je le suppliai vivement :
« Ne pose pas de questions, je veux juste me calmer.
-Oh...Tu as envie de jouer ? J'ai commencé une partie de Call of Duty avec Arsène et Martin. »
J'haussai les épaules et refusai gentiment en bafouillant :
« Peut-être demain. »
Il émit une petite onomatopée avant de m'envoyer une claque sur l'épaule avec un sourire compatissant. Il s'assit sur le divan pour reprendre sa partie de jeu tout en continuant de s'empiffrer de chips au barbecue. Les mains dans les poches, j'entrais dans la chambre de sa meilleure amie. Elle était en pyjama dans son lit en train de lire un bouquin pour la fac. J'étais silencieux. Je piétinai sur son tapis et elle se tourna subitement vers moi, inquiète :
« Gab ? Tu veux t'allonger ? »
Je ne savais pas répondre. Les mots m'échappaient. La haine s'était intensifiée et je ne voulais rien gâcher avec elle. A la place, je soufflai une nouvelle fois. Je me débarrassai de mon sweat et de mon jeans pour la rejoindre au lit. Kate posa son livre sur sa table de nuit et m'attira dans ses bras. Elle posa un délicat baiser sur mon front et caressa tendrement mes cheveux en me chuchotant avec douceur :
« Je suis là bébé. »
Habituellement, qu'elle me balance un surnom m'aurait fait lever les yeux au ciel car je trouverai ça niais mais actuellement, j'étais vide de toutes émotions. J'avais la tête posée contre sa poitrine, les yeux dénués de sentiments. J'étais dans une impasse. Je me laissais aller contre elle et j'essayais de me calmer en me calant sur son rythme cardiaque.
Après une vingtaine de minutes, je me séparais peu à peu de Kate en prenant place contre un de ses oreillers. Ma copine me toisait avec douleur. Il est vrai que je n'avais toujours pas sorti un seul mot depuis que je suis parti de chez mon père. Dans un élan, je me levais et je me dirigeais vers la fenêtre. Les persiennes étaient abaissées. Je m'étais éloignée brutalement de Kate. La brune l'observa rapidement et s'approcha de moi doucement en me demandant :
« Est-ce que tu veux en parler ?
-Je n'ai rien à raconter, la coupai-je brutalement, il m'a traité comme si j'étais une sous-merde. Fin de la discu... »
Je ne sus pas terminer ma phrase. Ma voix rauque se transforma brutalement en un sanglot. Oh non...Vu la tête horrifiée de Kate, je savais très bien ce qui était en train de se produire. Je passais mes mains sur mes joues mouillées. Des larmes de rage avaient tracé de nombreuses lignes le long de mes pommettes. Je n'avais jamais pleuré devant quelqu'un et pourtant aujourd'hui, je lâchais de vrais larmes face à Kate en étant dans une totale incapacité de me retenir. Kate s'avança vers moi et je la repoussai vivement d'un geste puissant en criant les yeux baignés par les larmes :
« Reste loin de moi. Je ne veux pas te faire de mal. »
Elle ne m'écouta pas et tenta une nouvelle fois de m'approcher. J'étais comme un loup sauvage. Si elle continuait de s'aventurer, je risquais de la mordre fortement dans mes mots. Je criais presque :
« Ne t'approche pas de moi... »
Kate repoussa une nouvelle fois la distance et se blottit contre mon torse en me serrant fortement contre elle. Je ne fis rien au départ. Puis, je me laissais apprivoiser et je l'attirais dans mes bras en reniflant. J'entendis ma Kate me murmurer lentement.
« Ne pleure plus Gab.
-J'ai juste la haine, lâchai-je dans ses cheveux.
-Je veux t'aider. »
Et elle m'aidait. En me prenant dans ses bras, elle arrivait à me calmer. Je me sentais en sécurité. Je retrouvais de la stabilité. Alors que nous étions enlacés l'un contre l'autre, je me mis à lui raconter notre dispute en omettant les insultes que j'ai profané. Kate m'écoutait tout en restant contre moi.
Elle était là pour moi et c'était le plus important.
**
Coucou, je vous mets un petit chapitre. Je profite également de cette publication pour vous annoncer un second tome mais qui arrivera dans plusieurs mois. J'ai pris du retard dans l'écriture puisque désormais, je travaille à l'hôpital avec de gros horaires. J'espère ne pas trop vous faire attendre mais dites-vous qu'il ne reste que 7 chapitres à publier.
-Elo
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