6*
6.
Cathy.
Je ne rentre pas ce soir.
Gabriel venait de m'envoyer un texto. Je le lis rapidement avant de le reposer au loin sur mon bureau. J'essayais péniblement de me concentrer sur mon TD. Le travail d'analyse était long. Il fallait que je lise un texte d'Emile Zola et que j'en fasse une longue dissertation. Pendant quatre heures, je corrigerai avec l'enseignant en amphithéâtre.
Je n'arrivais pas tellement à me concentrer. Le passé de Gabriel me trottait dans la tête. Ses paroles tournaient en boucle et j'en avais des vertiges. Trop de choses s'étaient passées pendant le développement du caractère de Gabriel. Cela expliquait pas mal de choses sur son comportement. Il avait été élevé dans de mauvaises conditions. Le départ de sa mère le tourmentait, avait cette peur de l'abandon. Les mensonges de ses parents l'avaient fait perdre pied et il se refusait de donner sa confiance à qui que se soit, apeuré d'une nouvelle trahison. Malgré notre superbe escapade à la patinoire hier soir, je n'étais pas tellement rassurée. En nous levant ce matin, c'était tout de même tendu et il ne rentrait pas ce soir. J'avais peur d'avoir fait quelque chose de travers. Il s'était éloigné précipitamment et j'aimerai savoir pourquoi.
Je déposai mon stylo sur le bois et enfonçai ma colonne vertébrale dans le dossier de la chaise. En plus de la disparition brutale de Gabriel ce matin, je m'inquiétais pour Léa. J'avais honte, je l'avais abandonné à la dernière minute à une soirée. J'étais une amie immonde. Je finis par rattraper mon smartphone sur le bureau. Je fouillai mes contact et trouvai Léa. Avec hésitation, je rédigeai le message :
Salut... Je suis désolée pour hier soir.
Trop facile. Je lui avais presque raccroché au nez. Elle était tout le temps là pour moi et je m'étais mal comportée. Cela faisait des jours que je devais parler à Lucas concernant leur différend mais je n'avais rien fait. J'effaçai et je recommençai :
Salut, est-ce que l'on peut parler ? Je sais que je n'ai pas été correcte avec toi hier soir. Laisse-moi me rattraper.
De toute façon peu importe le message, j'étais lâche de le faire par texto. J'effaçai une nouvelle fois et composai son numéro. Trop tard pour faire marche arrière, la première tonalité se fit entendre. Au dernier coup, Léa décrocha en soupirant :
« Kate ? Je suis occupée là. »
Elle m'en voulait : sa voix sonnait froide et elle faisait tout pour en terminer rapidement avec cet appel. Je bredouillai :
« Léa, je sais que j'ai merdé mais laisse-moi t'expliquer. Lucas n'est pas à la maison, viens.
-En effet, tu as merdé. J'ai compris que tu m'avais planté pour passer du temps avec ton mec. Pas la peine de t'expliquer.
-Ce n'est pas du tout ce que tu crois. »
C'était le genre de réponse que je détestais entendre. Je faisais n'importe quoi. Je perdais mes moyens, je ne savais pas quoi dire. Je ne m'étais jamais disputée avec Léa et je n'avais pas besoin de ça maintenant. J'avais besoin d'elle et je lui soufflai :
« Je t'en prie Léa, j'ai besoin de toi.
-Non, stop Cathy. Tu viens me parler que lorsque ça t'arrange. Quand tu voulais faire tes coups en douce avec Gabriel, je te couvrais. J'acceptais parfois de rester seule pour que tu puisses te réconcilier avec lui. Qu'est-ce qu'il s'est passé cette fois pour que tu puisses avoir besoin de moi ? »
Elle insista bien sur sa question avant de poursuivre fermement :
« Et mes soucis à moi dans tout ça ? Est-ce que tu as parlé à Lucas ? Est-ce que tu as cherché à savoir comment j'allais avec le fait que le mec que j'aime me snobe ? »
La vérité était dure à entendre mais elle avait raison. J'étais une mauvaise amie et je me rendais compte de mes erreurs. Je l'avais déçu. Je l'utilisais pour arriver à mon bonheur. Je m'étais comportée comme une égoïste avec elle. Je ne savais même pas quoi répondre. Mon silence répondait à ses questions puisqu'elle reprit avec un certain cynisme :
« Laisse-moi deviner Kate...Evidemment que non car ton Gabriel te prend tout ton temps. Suffit d'un problème avec lui pour que tu viennes me chialer dans les bras. Sauf que ma belle, ce n'est pas ça une amitié. »
Je la laissais terminer son monologue rabaissant en encaissant chaque parole. Il fallait que je me remette en question. Je déglutis et retins une larme en bégayant :
« Je...Tu as raison Léa. Je me suis mal comportée avec toi. Je ne veux pas rompre mon amitié avec toi.
-Ce n'est pas ce que je veux. Je n'ai juste rien à cacher et je dis tout ce que je pense, que ça te plaise ou non, je m'en fiche. Je ne suis pas une hypocrite. »
Elle était directe dans ses mots et semblait se rendre compte que ses mots pouvaient blesser les gens. Elle soupira vivement :
« Par contre, arrête de le prendre comme ça. Je t'ai seulement dit ce que tout le monde pensait.
-Tout le monde ?
-Les filles de l'athlétisme ainsi que Claire te comparent à une petite princesse. Tu sais, celle qui ne fait jamais de conneries, qui pense être parfaite.
-Je ne le suis pas, répondis-je vexée.
-Non, tu ne l'es pas. Mais je te trouve chiante à mourir par moment. J'ai mes torts dans cette histoire mais arrête de défendre les comportements de merde de ton mec. »
Voilà que maintenant, elle se mettait à parler de Gabriel. Je me retins de la remballer. Je ne voulais pas entièrement lui donner raison dans ses paroles.
« Gabriel est sexiste, violent mais ça tu ne le vois pas. Tu penses tout savoir de lui...
-Je sais son passé, oui, criai-je sans me rendre compte que je parlais des lourds secrets de Gabriel.
-J'ai été aveugle Kate. Je regrette certains de mes actes. Je n'ai même pas su te protéger de lui, tu es littéralement sous son emprise.
-N'importe quoi ! Gabriel n'est pas comme ça ! Il est...gentil, attentionné.
-Tu te mens à toi-même. J'en ai discuté avec pas mal de monde. J'ai voulu faire connaissance avec d'autres gars de la fac vu que tu n'étais pas là. »
Son ton était plein de reproches. J'étais abasourdie par la situation. Je ne savais placer aucun mot sauf des bafouillements ridicules.
« Gabriel a déjà eu plusieurs fois des actes cruels envers des femmes.
-Je le sais. »
Je déglutis vivement. Je me répétais intérieurement qu'il changerait, que j'y arriverais, qu'il se calmerait. Je tentais :
« Il va changer. Les gars y croient.
-Ils n'en savent rien. On ne change pas à ce point. Tu acceptes sérieusement que ton mec soit misogyne ? »
Je ressentais une certaine culpabilité. Je repensais à la fois où Gabriel me demandait de témoigner pour lui au commissariat pour ne pas payer cet acte de cruauté, de violence et de son intolérance à la frustration. J'étais complice et aussi coupable que lui dans cet acte. En prenant son parti, j'avais craché sur les femmes entières. J'avais laissé passer cet acte de méchanceté sans me remettre en question. Je reniflai bruyamment :
« Non, je n'aime pas cette phase.
-Pourtant n'oublie jamais qu'un misogyne gardera ses idées sexistes.
-Il a eu une enfance difficile, avouai-je à moitié en baissant les yeux.
-Tu lui cherches des excuses.
-C'est la vérité, je n'ai juste pas le droit d'en parler. »
Je voulais préserver ses secrets. Léa s'était tut quelques instants pour pouvoir argumenter chacun de ses propos. Elle semblait moins froide lorsqu'elle prit la parole :
« Kate, réveille-toi. Il ne te respecte pas. Avant de vous mettre ensemble, combien de fois t'as-t 'il manipulé ? Ca a commencé par des baisers pour satisfaire son égo, des excuses bidons pour te ramener à lui car tu es la princesse chiante facile à avoir. Il t'a plusieurs fois insulté, rabaissé, jeté et il savait que tu reviendrais. Il t'a menti, volé tes secrets. Il est intelligent, il a compris que tu avais un faible pour lui et il s'en servait. »
Je ne voulais pas y croire. Je ne voulais plus rien écouter de ce qu'elle avait à me dire. Elle n'avait pas le droit de lui cracher dessus. Je criais, les yeux baignant de larmes :
« Arrête ! Tais-toi ! Gabriel est ton ami !
-Non. Tu es mon amie. Je m'en veux, je n'aurai jamais du prendre toute votre histoire à la légère.
-Ne dis pas un mot de plus ! »
Je pleurais. Mes joues ruisselaient de larmes salées. Je me frottai violemment les yeux. J'étais en colère, apeuré par toutes ses déclarations et Léa n'en resta pas là.
« Ces gens de la fraternité. La plupart le connaissent. Ils ont vu plusieurs fois Gabriel car c'est un habitué des fêtes mais aussi des bagarres. Il n'était pas rare qu'il soit au cœur des embrouilles de soirée.
-Arrête..., chuchotai-je en serrant les dents.
-Il approchait souvent les femmes mais il ne savait pas s'y prendre. Il était irrespectueux et violent lorsqu'elles le repoussaient. »
C'était la vérité mais elle était difficile à entendre. Léa soupira et termina :
« Si Gabriel est si possessif avec toi, c'est parce qu'il sait que tu lui donneras tout ce qu'il veut. »
Je ne voulais plus rien écouter. Je lui raccrochai au nez et éteignis mon téléphone.
Je jetai mon téléphone sur le lit défait et m'écroulai à genoux. Je fus prise de violents spasmes et d'une crise de larmes. J'en avais trop entendu. J'avais tellement de choses à assimiler et Léa ne m'avait pas ménagé dans ses paroles. En premier lieu, elle avait reproché mon manque de considération envers notre amitié. J'étais égoïste, l'appelais uniquement lorsque ça m'arrangeait. C'était la réalité des choses. J'avais composé son numéro uniquement par intérêt : Passer du temps avec elle car j'étais seule à l'appartement. En second temps, j'étais trop éprise du mauvais garçon. Elle me balançait chaque horreur de la personnalité destructrice de Gabriel. Elle le traitait de sexiste, de manipulateur. Je ne pouvais pas tolérer qu'il puisse se servir de moi et agir par fourberie pour obtenir tout ce qu'il voulait de moi. En dernier lieu, j'étais frustrée. J'étais seule, vulnérable, prise dans mes démons. Suis-je si chiante, si madame parfaite que ça ? J'étais déboussolée...
**
« Je suis rentré. »
Une porte claqua tandis que je reniflais. Il était dix-huit heures et Lucas était de retour. Je ne savais pas où il avait passé son après-midi mais je m'en foutais. J'étais en boule dans mon lit avec la couverture rabattue sur ma tête. J'étais dans ma bulle à réfléchir à toute cette discussion téléphonique avec Léa. Lucas savait que je ne sortais pas aujourd'hui et il s'inquiéta de ne pas m'entendre :
« Kate ? Tu es là ? »
Je fis semblant de dormir lorsqu'il ouvrit la porte de ma chambre, mais il n'était pas dupe. Lucas savait que quelque chose clochait. Il s'agenouilla sur le tapis. Il posa son regard sur moi et j'ouvris difficilement les yeux. En observant mes yeux rouges et bouffis, il passa sa main sur ma joue avec un geste tendre. Il me chuchota :
« Tu me fais de la place ? »
Sans répondre, je me décalai légèrement pour qu'il puisse s'allonger à côté de moi. Il m'attira dans ses bras et je me blottis contre son torse. Lucas faisait quelques cercles au niveau de mon épaule. Je sentis mon nez couler. J'étais hideuse, prête à laisser couler ma morve partout mais cela importait peu Lucas. Mon meilleur ami me berça en me demandant avec une inquiétude dans sa voix :
« Raconte-moi.
-Je me suis disputée.
-Avec Gabriel ? »
Sa question sonnait presque comme une certitude. Gabriel était toujours le principal souci, toujours la cause d'une engueulade ou une tension dans le groupe. Il était le premier à foutre la merde et le premier à péter un câble. C'était un nouveau coup de poignard : dès la première embrouille, Gabriel était celui qu'on accusait tout de suite. Une larme glissa une nouvelle fois et je murmurai :
« Non. »
Lucas parut surpris. Habituellement, Gabriel me faisait chialer. Aujourd'hui, il était innocent. Je repris plus fort :
« Je suis une égoïste !
-Quoi ? »
Mes pleurs redoublèrent. J'étais ridicule, une enfant. Je m'accrochai au tee-shirt bleu de Lucas et il me serra plus fort. Je l'imaginais en train de froncer les sourcils. Il était complètement paumé. Lucas continuait de caresser mon épaule en répliquant :
« Qui t'a dit une connerie pareille ?
-Elle a raison. Je n'ai pensé qu'à moi ces derniers temps. Je n'avais d'yeux que pour lui et j'en ai oublié mes propres amis.
-Tu es amoureuse, soupira Lucas. »
Il avait l'air remonté que « cette personne » me mette dans un état pareil. Je ne lui avais pas encore révélé son identité, mais je connaissais ses réactions. Je chuchotai :
« De la mauvaise personne.
-Est-ce que Gabriel t'a fait quelque chose et que tu ne veuilles pas me le dire ? »
Tellement de vices que mon meilleur ami continuait de s'en méfier comme la peste. Je secouai vivement la tête et changeai de sujet :
« Tu devrais aller parler à Léa. »
Lucas n'était pas dupe. Il s'exclama :
« C'est elle qui t'a fait pleurer ? »
Je secouai la tête. Je ne voulais pas en parler, cela ne regardait que moi. Je culpabilisai et me dévalorisai :
« C'est de ma faute Lucas. Je vous ai tous négligé. Je vous utilise que lorsque j'ai besoin. Je fais la fille parfaite mais j'ai des vices. Je ne veux pas croire tout ça. C'est faux ! Gabriel changera. »
Tout était flou, incompréhensible et sans rapport. Je disais tout ce qu'il me passait par la tête. Lucas me chuchota :
« Arrête de pleurer et de raconter n'importe quoi. »
Mon meilleur ami continuait de me réconforter avec un câlin tout en essayant de trouver les mots appropriés :
« Celui qui t'a dit ça a été très cash. Tu ne méritais pas d'entendre tout ça. C'est vrai que l'on passe moins de temps ensemble. J'y suis aussi pour quelque chose, je passe ma vie à jouer ou picoler mais on va se rattraper.
-Oui, dis-je entre deux phrases.
-Quant à Gabriel, tu connais mon avis. Je n'ai jamais cherché à ce que vous vous mettiez ensemble. Je voulais sûrement que tu te sentes bien avec nous malgré le comportement de Gaby. Maintenant, il faut que je l'accepte mais je resterai méfiant. »
Je ne voulais pas détailler toute cette discussion. Je voulais seulement oublier. Durant quelques instants, nos regards se croisèrent et ce fut suffisant pour qu'un courant électrique nous traverse. Les yeux bleus de Lucas se figèrent. Ses paupières clignèrent puis son regard descendit... Qu'est-ce que ? Je restais stoïque. Je ne comprenais rien de la situation. Nous n'avions jamais été aussi proche. Le visage de mon meilleur ami s'approcha lentement du mien. Ses lèvres allaient braver l'interdit lorsque je me reculai aussitôt, stupéfaite :
« Qu'est-ce que tu fous ? »
Ma question était comme un seau d'eau qu'on lui versait à la figure. Il me poussa et reprit ses esprits en répondant :
« Wow ! J'ai failli faire la plus grosse connerie de ma vie et de me faire trucider par Gabriel. »
Il était gêné désormais. Il se leva rapidement en bégayant :
« Merde ! Je ne voulais pas. Ne crois pas que je suis amoureux de toi ou un bêtise de ce genre, ok ?! Rien d'ambigu hein ?
-Euh non, ne t'inquiète pas. »
J'étais encore déboussolée de ce qu'il venait de se passer. Si cela s'était produit, j'ignorais les évènements qui suivraient pour notre amitié, mon couple et la coloc'. Je fis l'effort pour lui accorder un sourire :
« On oublie, ce n'est rien. »
**
Coucou,
Voilà un petit moment que je n'avais pas posté. J'espère que la lecture va vous plaire.
-Elo
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