57.
Le match de football durait environ quatre-vingt-dix minutes et c'était quatre-vingt-dix minutes à supporter la présence de Gabriel qui ne m'affichait aucun regard et qui ne m'adressait aucune parole : j'étais vexée d'avoir si peu d'importance. Après tout, je l'avais recalé. Sa réaction était tout à fait normale, mais je ne pouvais m'empêcher d'avoir un pic d'agacement sur le fait qu'il ne m'accordait aucune attention. Il s'était installé derrière nous et il avait rabattu sa capuche sur sa tête, comme s'il se cachait de quelque chose ou de quelqu'un .
Durant le début du match, je pus le voir chuchoter quelques mots à Martin avant de se lever et de quitter les gradins discrètement. Où est-ce qu'il allait ? Je regardai le match de mon meilleur ami lorsque Léa me susurra à l'oreille :
« Je reviens, je vais aux toilettes. »
Je hochai lentement la tête et elle se leva précipitamment pour aller faire ses besoins. Je restais absorbée par le match de football. Arsène était concentré sur le match lorsque Claire me chuchota :
« J'aimerais me réconcilier avec Martin.
-Ah oui ? »
J'étais curieuse. Claire était un peu bizarre et elle avait l'air sincèrement malheureuse. Ils s'étaient bien disputés d'après les rumeurs et Claire refusait de lui parler en faisant comme si ne rien était... Je l'incitai à me parler librement :
« J'aime Martin sincèrement, mais il ne me défend jamais lorsque son meilleur ami me rabaisse. Pour son pote, je suis une putain et il ne m'a jamais défendu. »
J'étais surprise que Martin ne prenne pas le parti de sa copine. Je répondis :
« Je comprends que ça t'affecte, mais de ce que je connais Gabriel, il est vite en colère et dit tous les mots blessants qu'il a en tête pour te réduire à un moins-que-rien. Martin et lui sont des amis depuis des années et je pense que Martin est à court de solutions pour le calmer et il n'a pas su bien s'y prendre.
-Mais, c'est toujours comme ça, se plaignait Claire triste, nous sommes ensemble depuis presque trois mois et je me sens comme son amie. On ne s'embrasse pas vraiment, nous n'avons jamais rien fait de concret. »
Je pinçai mes lèvres. C'est vrai que Martin était plutôt discret comme type. Il montrait parfois un peu d'affection à Claire, mais il restait effacé. Avec Gabriel, j'avais vécu beaucoup plus de choses. Je la conseillai :
« Il faut que tu lui en parles Claire de ce que tu ressens. J'ai déjà pu discuter avec Martin et c'est un garçon raisonnable à l'écoute. Tu as de la chance d'avoir un garçon qui sait prendre le temps de t'écouter. »
Ce n'était pas avec Gabriel que j'aurai pu avoir une conversation comme ça un jour, il était beaucoup trop impulsif. J'ajoutai :
« Dis-lui que tu as besoin qu'il te donne son amour, de l'affection.
-Imagine qu'il s'énerve.
-Je ne pense pas que Martin s'énervera. C'est un type bien.
-Je ne sais pas... »
Claire se frotta les joues et je remarquai que ses yeux baignaient de larmes. Je pris l'initiative de nous isoler et je chuchotai à Arsène :
« On va se dégourdir les jambes. »
Le bouclé rechigna un peu avec Martin :
« Tout le monde nous abandonne. »
Je levai les yeux au ciel et enlaçai Claire avant de quitter les gradins en passant derrière les garçons. Nous passions devant le grillage lorsque j'entendis la voix de Gabriel et de Léa. Claire et moi, nous mettions dans un coin sombre pour les observer. Je les voyais se marrer ensemble. Depuis quand Gabriel rit avec une fille ? Léa partageait sa cigarette avec Gabriel et un sentiment de jalousie et de colère m'envahit le cerveau. Claire n'en croyait pas ses yeux non plus. Elle renifla :
« Je suis désolée, Kate.
-Ce n'est rien. Je savais qu'il se foutait de ma gueule. »
Elle ne comprenait pas trop. Elle n'était pas au courant de ce soi-disant « Je t'aime » et de notre soi-disant relation. Je baissais la tête et je rageai intérieurement. Maudits sentiments. Je disais à Claire :
« La différence entre Gabriel et Martin, c'est que ton copain est à l'écoute, il te respecte et il te donne de l'importance malgré tout. »
Je paraissais presque cinglante, mais je débordais de jalousie à l'idée de voir Gabriel rire avec Léa et je ne comprenais pas pourquoi Léa plaisantait avec lui. Elle disait que c'était un connard. Je relevais la tête. Je n'arrivais pas à croire qu'ils échangeaient de paroles à s'en péter le bide tout en se partageant une même cigarette. Je ne pouvais pas croire que Léa passait du temps avec Gaby. Elle sait que je l'aime même s'il m'a affreusement déçu. Qu'est-ce qu'elle fabrique avec lui ? Je décidais de passer devant eux pour observer leurs réactions. J'entraînais Claire avec moi, qui n'avait pas ajouté un seul mot depuis mes dernières paroles. J'ouvris la grille grise dans un grincement faisant pivoter les yeux de Gabriel vers moi. Il cessa de rire. Son regard rieur se changea en une mine triste. Il baissa la tête pour détourner le regard. Pris dans la main dans le sac Hood, crachai-je intérieurement. J'emmenai Claire se rafraîchir aux toilettes.
Pendant que Claire se rinçait le visage à l'eau froide, Léa entra dans les toilettes. Je levais les yeux en l'apercevant et je crachai de mauvais goûts :
« Soi-disant, tu devais aller aux toilettes et je te retrouve en train de te bidonner avec Gabriel et de fumer ses clopes ? Tu joues à quoi ?
-On s'est croisé par hasard, on s'est mis à discuter, inventa Léa. »
Est-ce qu'elle me prend pour une conne ? Comme par hasard, il s'en va et elle le suit quelques minutes après ! Elle pense vraiment que je vais gober un mensonge pareil? Je m'énervai :
« Discuter ? Est-ce que tu te moques de moi ? Depuis quand Gabriel a une discussion sympathique avec une fille ? Depuis quand vous riiez ensemble?
-Arrête de l'enfoncer, il est aussi mal que toi d'avoir merdé, me répondit Léa en haussant le ton. Et, je voulais lui annoncer ma façon de penser sur cette histoire.
-Tu déconnes ? Arrête de le défendre, ce n'est pas lui qui s'est fait humilier. Et ça ne m'explique pas pourquoi il rigolait avec toi en partageant sa clope.
-Je n'en sais rien, c'est arrivé sans contexte. Désolé si ça t'a froissé, mais il ne se passera jamais rien avec Gabriel, s'exclama Léa en réduisant les distances qui s'étaient installées entre nous. J'essayais juste de te protéger
-Désolé, je suis juste jalouse et en colère, avouai-je en reniflant. »
Léa n'eut pas le temps de répliquer que Claire sortit des toilettes avec meilleure mine. Elle me remercia pour mes conseils et me promit de parler à Martin rapidement pour qu'ils se réconcilient. Lorsque nous étions sortis des toilettes, Gabriel avait disparu du grillage et lorsque nous nous étions rassis dans les gradins, il n'y était pas non plus. Il s'était volatilisé. Je reportais à nouveau un œil sur le match. L'équipe de Lucas gagnait deux-zéro. J'applaudissais et criais le prénom de mon meilleur ami. Je voulais me changer les idées.
À la fin du match, Lucas enjamba les gradins et me serra fortement dans ses bras en me criant de joie :
« Tu as vu le but de fou que j'ai mis ?
-Oui, je l'ai vu ton but de fou, riais-je de bon cœur en l'enlaçant. »
Petit à petit, je retrouvais mon Lucas. Il avait cessé de parler de ses conquêtes et je ne le voyais plus ramener des filles à la maison. Il redevenait raisonnable avec les filles et j'en étais heureuse. Arsène avait promis de fêter ça à l'appartement en petit comité. Nous étions dans le parking lorsque Lucas prévint durement Martin :
« Gabriel n'est pas le bienvenu chez nous.
-Il est rentré de toute façon, il n'a pas le moral de toute façon, lui assura tristement le grand blond.
-Je ne vais pas le plaindre, il n'a que ce qu'il mérite. »
La rancœur de Lucas était toujours aussi présente. Il lui en veut à mort de m'avoir brisé de cette façon. Je fis signe à Martin que ce n'est pas grave, que la présence de Gabriel ne me dérange pas tant que l'on ne se parle pas. Ce dernier me susurra gentiment :
« Tu es vraiment un ange toi. Je regrette qu'il ait pu te faire autant de mal. »
**
Lundi soir.
J'étais dans la bibliothèque de la faculté en train de préparer mon partiel de littérature. C'était ce fameux travail avec Gabriel sur le roman de Charlotte Brontë, Jane Eyre. Il était dix-huit heures et la médiathèque fermait à vingt heures trente. J'étais en train de commencer l'analyse d'un de mes passages préférés lorsqu'un sac noir se posa dans un grand fracas sur la table. Je levai les yeux vers l'individu et je tombais nez à nez avec mon binôme : Gabriel Hood. Je me demandais comment est-ce qu'il avait su que je bossais à la médiathèque
« Qu'est-ce que tu veux, soupirai-je avant de reporter mes yeux sur ma copie à moitié remplie. Et comment m'as-tu trouvé?
-Ce n'est pas parce que l'on ne se parle que tu dois faire ce travail toute seule et une meuf de ta promo m'a dit que tu étais ici.»
Sa respiration était assez forte malgré le ton doux qu'il employait. Je haussai les épaules et commençai à écrire une nouvelle phrase lorsqu'il me prit le stylo des mains :
« Je suis sérieux Cathy. Laisse-moi travailler aussi.
-Comme tu veux, mais on parle seulement de boulot. »
Il hocha la tête silencieusement et s'installa en face de moi. Je le toisai discrètement. Cela ne sentait rien de bon, il n'était pas net. Je ne pensais pas qu'il était ce genre de gars à participer aux travaux de groupe. Ses yeux bruns étaient concentrés sur son sac. Il avait coupé ses cheveux la semaine dernière et je devais avouer qu'il était incroyablement beau comme ça. J'avais qu'une envie : passer ma main dans ses cheveux bruns soyeux et doux. Mais je ne fis rien. Il avait un sweat rouge, un jean bleu et ses Air Force 1. Gabriel sortit son MacBook et il me proposa :
« Je peux m'occuper de l'introduction si tu ne l'as pas déjà faite.
-Non, je ne l'ai pas faite, lui annonçai-je d'un ton plutôt sympathique, tu peux recopier mes notes aussi.
-Je peux faire ça. »
Je lui tendis un de mes brouillons et il s'empressa de taper rapidement sur son ordinateur. Il était concentré dans son travail et je manquais cruellement de concentration. Je n'arrivais pas à rester attentive face à cet homme beau. Je lui en voulais, mais je l'aimais et je perdais toujours tous mes moyens devant lui. Il finit par se rendre compte que je l'observais et il me demanda :
« Est-ce que tu as besoin de quelque chose ? »
Quelque chose lui en avait changé. Il n'était plus sur la défensive. Avant, il m'aurait mal regardé et m'aurait crié un « Quoi ? » assez sec. Je secouai la tête et répondis :
« Non, je te surveillais.
-Me surveiller ? »
Il haussa les sourcils, perdu. Je souris et lui bredouillai :
« Oublie. »
Il n'insista pas et reprit son activité. En attendant, j'essayais d'être attentive et j'écris quelques lignes sur cette maudite analyse. Je lui demandai :
« Quel est ton passage préféré dans le livre ?
-Lorsque Jane découvre que son amant héberge sa vieille folle de femme. »
Je levais les yeux au ciel à l'idée qu'il puisse rabaisser les femmes de n'importe quelle manière. Il me retourna la question et je répondis :
« Leur mariage.
-Pas étonnant.
-Pourquoi ?
-C'est un truc de meuf, les mariages, me dit-il avec dédain.
-Tu n'aimerais pas te marier ?
-Perte de temps et d'argent. C'est de la merde, me dit-il un peu froidement avant de s'engager à nouveau dans sa partie de travail. »
Je déglutis un peu. Je ne comprends pas comment il peut rire avec Léa et se montrer un peu froid avec moi. Je me risquais à lui demander :
« Pourquoi est-ce que tu es avec comme ça avec moi ?
-Que je suis quoi ?
-Pourquoi tu rigoles avec Léa et avec moi, tu es froid ? »
Gabriel écarquilla les yeux et se renferma immédiatement en me lâchant durement :
« Tu m'as jeté, n'espère pas trop que j'ai envie de rire après ça. »
Question bête en effet. Je ne préférais pas répondre. Je baissais la tête vers ma copie et évitais de faire une nouvelle fois la conversation. Je voulais parler boulot et j'avais été bête de lui poser une question sur sa manière d'agir. Je continuais d'écrire mon analyse lorsque Gabriel m'informa :
« Bref, j'ai terminé de recopier. Je te laisserai corriger les fautes si tu veux.
-Je te fais confiance. »
Gabriel était assez fort en orthographe et je savais que je n'avais pas besoin de passer après lui. Mon binôme ferma le clapet de son MacBook. Il sortit son iPhone et m'indiqua :
« Il est presque vingt heures. Nous devrions rentrer.
-Tu as raison. »
Je rangeais précipitamment mes feuilles dans mes pochettes. Gabriel avait quitté la pièce puisque je ne le voyais plus dans mon champ de vision. Je me dépêchais de ranger mes affaires pour ne pas trop traîner à rentrer. Je déboulais rapidement dans le couloir. Je traversai à pas rapide le long hall et sortais. Je tombais à nouveau sur Gabriel en train de fumer sur les graviers. Il avait l'air de m'attendre puisqu'il regardait dans ma direction. J'hésitais quelques instants. Je regardais mes pieds arrêts dans les gravats avant de franchir un pas vers lui. Je lui en voulais beaucoup pour ce qu'il m'avait fait, mais j'avais toujours cet aimant qui m'attirait constamment vers lui. J'arrivais près de lui. Ce dernier détourna le regard vers le ciel noir. Il expira une longue fumée grisâtre avant de me proposer :
« Je te raccompagne ? Il fait nuit. »
J'acquiesçai lentement en le remerciant. Il montra son mégot en reprenant :
« Je termine et on se met en route. »
Je hochai une nouvelle fois la tête et jouai avec mes pieds sur les cailloux. Je m'amusai à déplacer un caillou d'un pied à l'autre pendant que Gabriel terminait sa cigarette. Il expira une dernière longue fumée avant de jeter sa clope usagée au sol. Il déverrouilla sa voiture et j'y pris place. Je bouclai ma ceinture et Gabriel s'installa au volant. La radio était coupée et c'était un silence apaisant. Je lui proposais :
« Est-ce que je peux mettre de la musique ? »
Gabriel démarra le moteur de sa BMW et m'autorisa à choisir la musique. Je mis en route une de mes playlists en aléatoire et je tombais sur la chanson : « My Way de Calvin Harris. »
Lentement, Gabriel quitta le parking de l'université. Il prit la route vers l'appartement de moi et Lucas. Le début du trajet se passa en silence, seulement la voix de Calvin était présente dans la longue voiture. Nous étions engagés sur la voie rapide lorsque je décidai de couper ce monstrueux silence :
« J'ai su que tu avais été viré du campus. Tout va bien pour toi ? »
Le basané haussa les épaules et leva les yeux au ciel en même temps, sûrement agacé que j'essaie d'être sympa malgré nos dernières grosses embrouilles. Il finit par répondre :
« Ouais, tout va bien. »
Il n'était pas plus coopérant que ça et je me risquais à quémander à nouveau :
« Où est-ce que tu dors ?
-Depuis quand ça t'intéresse ? »
C'était dit avec tellement d'animosité. Gabriel était loin d'être calmé malgré que cela fasse plus de deux semaines que nous nous étions embrouillés. A vrai dire, rien n'était réglé, nous nous étions seulement ignorés. Je déglutis et répondis :
« Nous sommes amis, non ? »
Gabriel donna un léger coup de frein en passant sur la file de droite pour prendre la sortie et me cracha avec férocité :
« Je ne crois pas non. »
Je pinçai mes lèvres et décidai de ne plus prononcer un seul mot. J'en avais assez de faire les efforts pour lui pardonner et lui montrer que je l'aime. Il se démerdait à présent. Durant le reste du trajet, je restais en retrait à contempler la ville. Les lampadaires se succédaient tout comme les gens. À quoi pensait cette dame avec son sac à main noir et son regard pensif ? Est-ce que ce chat roux est perdu ? Est-ce un couple amoureux ou un couple d'amis ? Je me créais toutes sortes de scénarios pour ces inconnus pour passer le temps. Lorsque le pied de mon immeuble apparut, je sortis rapidement en lâchant à voix basse :
« Merci de m'avoir raccompagné. »
Je claquai la portière derrière et moi et bientôt, j'entendis une deuxième portière claquer également. Le garçon qui faisait subir des tachycardies à mon pauvre cœur, me retenait :
« Désolé, j'ai été un gros con avec toi. »
Je fis un signe de tête que ce n'est pas grave. Je jetai un coup d'œil vers le hall d'entrée de l'immeuble et je fus surprise de voir mon meilleur ami débouler comme un fou vers lui. Quelle coïncidence, quel hasard, quel cliché. Lucas bondit presque sur Gabriel en lui hurlant :
« Dégage Gabriel, tu n'as rien à faire ici !
-Je raccompagnais juste Cathy, calme tes ardeurs Hermenz ou ça va mal finir ! »
**
Bonsoir,
Je vous poste exceptionnellement qu'un seul chapitre ce jour. Je ne me sens pas capable de faire une nouvelle grosse relecture ce soir. Bonne lecture.
-Elo
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro