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15.
Cathy
COMA. C'était le mot qu'avait employé le réanimateur pour expliquer l'état végétatif de ma mère. Voilà presque vingt-quatre heures qu'elle était hospitalisé dans le service de réanimation. Le premier jour était long, difficile. Son corps était étendu face à moi sur le lit. Les seuls sons que l'on entendait était celui de la ventilation artificielle, les nombreuses seringues envoyant toutes sortes de travers sur la voie centrale de ma mère et le scope. De temps en temps, il m'arrivait de jeter un coup d'œil sur ses battements cardiaques. 73. Sa tension : 135/60. Je ne comprenais pas trop ce qu'était la pression moyenne mais c'était utile pour adapter le dosage de la noradrénaline. Sa saturation était limite d'après les infirmières : entre 91 et 93%. La ventilation est difficile et ils augmentent les sédations pour qu'elle se laisse faire par la machine. Pour eux, il est trop tôt pour qu'elle se réveille.
Jour 2 du coma. Etat stationnaire. Rien de nouveau par rapport à la veille. Le temps me paraît long. Je prie chaque jour pour qu'elle s'en sorte et qu'elle se réveille un jour. Je sais que lors de son réveil, elle présentera diverses séquelles mais j'ai espoir que cela soit minime.
Jour 3. Je reste toute l'après-midi au chevet de ma mère comme les autres jours. Carmen et Gabriel se relaient pour me tenir compagnie. Je conçois que cela est dur pour eux de supporter l'état gravissime de ma mère et mon mal-être. Ma mère était la meilleure amie de Carmen depuis plus de vingt ans et Gabriel gérait comme il pouvait mes sautes d'humeur.
Le quatrième jour était devenu une routine. Je restais là assise sur les vieilles chaises de l'hôpital, sortais prendre l'air quand l'équipe soignante passait pour les soins et je repartais vers 19h chez Carmen pour aller directement me coucher sans prendre le temps de manger un bout. Mes amis m'appelaient mais je n'avais pas le courage de répondre, tout passait par Gabriel.
Le cinquième jour était le plus difficile. J'étais à bout d'attendre. J'ignorais quand est-ce qu'elle allait sortir du coma et j'étais épuisée, à bout de forces. Carmen avait insisté pour que je vienne plus tard dans l'après-midi voir ma mère afin que je puisse me reposer un peu plus. Gabriel était resté à mes côtés et il s'était propose de cuisiner un petit quelque chose. J'acceptais sans grande envie. Mon estomac gargouillait mais je n'avais pas faim. Ma douleur prenait le dessus. J'étais assise à table à la cuisine et regardais Gabriel préparer le déjeuner. Rien qu'à l'odeur, j'en avais des haut-le-cœur. Pas que cela soit mauvais, je n'avais rien mangé ces derniers jours. Gabriel m'amena une petite assiette de pâtes et je la repoussais presque aussitôt. Mon copain me dit, inquiet :
« Ca a l'air si immangeable que ça ?
-Non, je n'ai juste pas faim.
-Tu n'as rien pris ces derniers jours.
-Peu importe, répondis-je sur la défensive, je veux pas manger, je n'ai pas la tête à ça.
-Sauf que ton corps a besoin d'énergie et surtout en ce moment. Prends au moins une bouchée. »
Il posa ma fourchette dans les pâtes et rapprocha mon assiette et je râlai :
« Arrête de me traiter comme une gamine ! »
Mon ton surprit Gabriel et après un soupir bruyant, il souffla le plus calmement possible :
« Je m'inquiète pour toi Kate, j'essaie de t'aider.
-Eh bien, je n'ai pas besoin de toi, le coupai-je avec mauvaise humeur. »
C'en est trop pour Gabriel. Il se leva de table et haussa le ton :
« Par contre, redescends d'un étage. Ne me manque pas de respect. Ca fait des jours que je me plie en quatre pour être à la hauteur face à ce qu'il t'arrive. Oui, c'est tragique ! Je vois bien que ca te met au fond du trou...
-J'ai juste envie d'être seule.
-Ce n'est pas bon. Ne sois pas comme moi, ne rejette pas tes proches. C'est comme ça que j'ai perdu mes amis.
-Tu avais des potes de merde, crachai-je en haussant les sourcils.
-Aussi. »
Je n'arrivais pas à voir les efforts de Gabriel pour se contenir de péter un câble et je le repoussais un peu plus le faisant perdre un peu plus pied. Il n'était pas très patient et en une montée de colère, il donna un coup de poing sur la table en criant :
« Tu me fais chier Kate, je vais faire un tour. »
Il quitta la table sans prendre la peine de manger. Il attrapa sa veste sur le divan et vérifia qu'il avait sa boîte à tabac avant de s'approcher de l'entrée. Avec rage, je cris :
« C'est ça, barre-toi ! »
La porte claqua et je sus qu'il était parti. Je me laissai aller et posai mes mains sur mon visage pour pleurer encore une fois.
**
Etant seule pour la journée, je décidais de me réfugier chez ma mère pour y trouver des réponses sur son geste. J'avais toujours le double de chez moi. J'entrepris de me munir de mes écouteurs et de ma musique pour marcher jusque chez moi. Lord Huron berçait mes oreilles et le trajet se fit dans le calme. Une brise d'hiver frôla mon visage mouillé par les larmes. Je pris le temps de regarder à nouveau Villette. C'était banal, les mêmes paysages. Auparavant, je n'aurai jamais pris le temps de le contempler mais depuis mon déménagement, je me rendis compte que cette ville me manquait. Les arbres étaient dégarnis de leurs feuilles. Tout était nu autour de moi. Les routes étaient verglaçantes tout comme le trottoir. Je fis attention à mes pas et en une vingtaine de minutes, j'arrivais devant ma propriété. Ma gorge se noua, j'avais peur de ce que je pouvais y trouver. J'ouvris lentement la porte d'entrée et la fermai immédiatement derrière moi. L'ambiance était glaciale tout comme la température de la maison. On le sentait que c'était inhabitée depuis plusieurs jours. Depuis ma plus tendre enfance, jamais la maison n'avait été dans cet état. L'harmonie était partie. Ca sentait la fin.
J'entrais au salon et je m'écroulais en voyant la scène face à moi. Rien n'avait été remis à sa place depuis l'acte de ma mère. Ma vue se brouilla par les larmes. Une des chaises de la salle à manger était tombé. Au lustre, était suspendu une corde coupé en deux. La seconde était tombée au sol. Quelqu'un l'avait coupé pour détacher ma mère. Le ciseau était posé sur la table en verre du salon et de multiples bouteilles d'alcool jonchaient au sol. Toutes vides, je savais que ma mère s'était soûlée avant de passer à l'acte. Elle avait replongé mais depuis combien de temps ?
Je ne cessais d'avoir toutes sortes de scénarios dans ma tête et tout ce que je retenais c'est ma mère, les pieds dans le vide, suspendue au bout de cette corde pour abréger sa vie et ses multiples souffrances. Je savais que la mort de mon père l'avait bouleversé mais jamais elle n'avait tenté de se suicider. Elle était dépressive mais jamais elle n'avait tenté un acte pareil. J'étais qu'une ignorante, une imbécile. J'aurai du le savoir. J'aurai du rester à Villette. Je n'aurai jamais du partir. Des flots de larmes roulaient sur mon visage et je restais au sol, avec les pensées toutes cauchemardesques de ce qu'il y a pu se passer ici.
Après plusieurs minutes à pleurer, je me relevais pour me servir un verre d'eau. Seulement l'eau pouvait traverser mon œsophage sans être pris par un soubresaut de gerbe. Je me servis un verre à la cuisine et le bus lentement tout en observant la pièce maître de la maison. Mon regard fut attiré par une enveloppe blanche posée sur la table à manger de la cuisine.
Kate.
L'enveloppe était à mon nom et je m'assis sur une des chaises, la prenant en main. En l'ouvrant, une longue lettre m'était adressée. Ma mère m'avait laissé ses dernières paroles.
**
Je ne suis pas trop cruelle, je vais vous envoyer la lettre de la mère de Kate avant de vous faire patienter une nouvelle fois.
-Elo
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