13*
13.
Cathy
Il ne m'avait pas fallu plus de temps pour préparer ma valise. Une fois l'appel terminé, de grosses larmes jaillirent et je courrais partout. Gabriel m'aidait à préparer des affaires et nous nous étions rhabillés en vitesse. L'appel avait basculé l'ambiance sensuelle en précipitation. Je n'avais même pas attendu que Lucas revienne des cours pour partir. Gabriel avait bouclé un petit sac pour m'accompagner. Il tenait à être avec moi, il avait aussi ce mauvais présentiment. Gabriel avait roulé bien au-delà au-dessus des vitesses autorisées. Il avait réussi à nous obtenir des billets de train en urgence pour Paris. En attendant le train, j'avais prévenu Lucas d'un bref texto :
Je suis retournée à Villette. Quelque chose est arrivé à ma mère, je te tiens au courant. Gabriel est avec moi.
Je trépignais d'impatience. Le retard du TGV n'arrangeait rien à mon angoisse. Si cela continuait ainsi, j'allais faire une syncope.
Les trois heures avaient semblé très long à mon goût. Heureusement que Gabriel était là. Je lui avais broyé la main durant tout le trajet. Lorsque nous arrivions à Paris, nous avions immédiatement pris un taxi en direction de l'hôpital où ma mère était hospitalisée. J'ignorais encore ce que j'allais découvrir mais je m'attendais au pire. Carmen m'avait tout dicté au fur et à mesure et elle nous avait accueilli au parking de l'hôpital. Son visage était grave. Ses yeux étaient rouges et gonflés, cela annonçait rien de bon. Elle avait à peine fermé le coffre du monospace que je l'agressai presque avec cet ultime question :
« Où est ma mère ? »
Carmen retint un sanglot et Gabriel me colla contre lui, s'attendant à la pire douleur de ma vie. La meilleure amie de ma mère ne savait où commencer :
« Je...Je suis arrivée trop tard. Je suis désolée Kate.
-Mais de quoi est-ce que tu parles Carmen ? »
J'étais paniquée et prête à exploser. Je sentais mes yeux brûler à cause des larmes que je retenais. Tout allait trop vite et c'était loin d'être fini. Carmen crit avec douleur :
« Catherine est en réanimation. »
Et là sans avoir su réellement les circonstances, je compris. Je cris également, les larmes roulant sur les joues et avec souffrance :
« NON ! Non, ce n'est pas vrai ! »
Gabriel m'attira immédiatement dans ses bras, le visage grave. Lui aussi semblait avoir compris. Elle l'avait fait. Ce que je redoutais le plus avec sa maladie était arrivé. Pour confirmer mes soupçons, je demandais tout en m'effondrant un peu plus à chaque mot :
« Est-ce qu'elle a ? »
Carmen savait où je voulais en venir et ses nouveaux sanglots ont suffi pour que je comprenne ce que ma mère avait fait. Elle avait voulu mettre fin à ses jours. Mon petit ami me serrait fort contre lui et je pleurai dans son sweat. Lui aussi était attristé par la nouvelle et il ne me lâcha pas une seule seconde. Il était là pour moi et sa présence suffisait pour que je garde pied. Pendant un long moment, Gabriel sécha mes larmes avant de me chuchoter :
« Est-ce que tu es prête ? »
Il était un peu plus de vingt-et-une heures et je hochais doucement la tête. A trois, nous marchions lentement vers l'accueil de l'hôpital. Les escaliers pour mener à l'accueil semblaient interminables. J'étais effrayée, je ne savais pas à quoi m'attendre en allant dans le service de réanimation. J'avais empoigné fermement la main de mon petit ami et je la serrais fortement, broyant presque ses vaisseaux sanguins à force de les comprimer d'angoisse. Une immense porte vitrée s'ouvrit lorsque nous fumes en face et je pénétrais dans l'enceinte de l'établissement hospitalier. Carmen était restée silencieuse le long de la marche mais elle ouvrit la bouche quelques instants pour nous indiquer :
« La réanimation est près des urgences. Je vais vous montrer. »
C'est dans ce même service que la mère de Carmen, ou bien la grand-mère de Lucas s'est éteinte suite à un AVC massif. Elle ne connaissait que trop bien ce service et une fois de plus elle s'y retrouvait pour sa meilleure amie. Cet hôpital ne regorgeait que de mauvais souvenirs. Mon père nous avait quitté également il y a presque deux ans. Deux étages au-dessus de l'accueil se trouvait le service d'oncologie et la chambre 337. C'est en arrivant dans un long couloir que mon portable se mit à vibrer bruyamment avec le prénom de Lucas. Dans l'impossibilité de décrocher, je rejetais l'appel. Lucas s'empressa d'appeler sa mère puis enfin Gabriel. Aucun de nous trois ne décrocha. Mes yeux se levèrent lourdement vers les grosses lettres au-dessus d'un SAS :
R E A N I M A T I O N – U N I T E S O I N S C O N T I N U S
Carmen appuya longuement sur le bouton d'appel avant que l'équipe de nuit décrocha :
« La réanimation, une infirmière, bonsoir. Je peux vous aider ?
-Bonsoir madame, répondit durement Carmen avec les yeux baignés de larmes, nous... nous sommes de la famille de Catherine Lincoln. Elle a été admise aujourd'hui.
-Oui d'accord, je vous ouvre. J'arrive. »
Une petite alarme retentit et les portes du service s'ouvrirent. L'hôpital avait une odeur perfide. Un mélange de médicaments, de mauvaise nourriture, d'urine et matières fécales et enfin la mort. Je reniflais et Gabriel embrassa ma joue en prononçant discrètement :
« Je ne te lâche pas, tu peux compter sur moi. »
Et heureusement sinon je ne tiendrai pas. Gabriel était le pilier qui m'empêchait de m'effondrer à l'heure actuelle. Une infirmière aux longs cheveux noirs attachés en une queue de cheval nous accueillit avec un petit sourire en se présentant :
« Bonsoir, je suis Mélissa, une infirmière de nuit. Je m'occupe de madame Lincoln pour la nuit, vous êtes ? »
Carmen parla à ma place, j'étais trop mal pour sortir un quelconque mot. Je restais seulement en retrait :
« Je suis Carmen Hermenz, la meilleure amie de madame. Je suis accompagnée de sa fille Catherine et de son gendre Gabriel. »
Gabriel écarquilla légèrement les yeux face à l'entente du mot ''gendre.'' Carmen était déboussolée et elle ne savait pas comment nous présenter. Nous étions tous muets et secoués par la nouvelle. La jeune Mélissa sourit et nous emmena vers la chambre. Elle nous demanda sur la route :
« Est-ce que l'on peut joindre quelqu'un pour donner des nouvelles de madame ? Son mari, une maman ? Ou bien vous, madame ? »
Elle s'adressa à moi pour cette dernière question. Je déglutis et bredouillai tristement :
« Elle est veuve. Sa mère est assez malade et je ne veux pas lui imposer ça. Vous pouvez me joindre en premier s'il y a des nouvelles. Les outils infirmiers de Mélissa harmonisait le reste du chemin. Elle se stoppa quelques instants devant une salle de soins pour prendre un téléphone. Elle nous signala :
« Je vais appeler l'interne de garde pour qu'il puisse vous recevoir avant que vous n'entriez. »
Après quelques minutes d'absence, elle revint et nous fit signe de la suivre de nouveau. Ce service était insupportable. Il y avait des bruits partout : des scopes, pompes à perfusion qui se terminaient et... des respirateurs. Je me concentrais pour évacuer toute cette pression en soufflant un bon coup. Dans le couloir de service, mes yeux se promenèrent sur l'ensemble des portes de chambres. Dans l'une d'elles se trouvait ma mère mais j'ignorais dans quel état elle était réellement. Nous sortions du couloir de soin pour arriver en face d'une porte où il était inscrit : ''Accueil des familles.''
Un médecin et un interne arrivèrent vers nous pour se présenter :
« Bonsoir, je suis docteur Bertrand, commença le plus âgé.
-Et moi, c'est Nicolas, interne de garde. »
Nous hochions tous la tête en silence. Nous étions encore sous le choc de la nouvelle et aucun de nous ne savait sortir ne serait-ce qu'un seul mot. Dr Bertrand pénétra dans la salle et nous invita à y entrer et à nous asseoir. Lorsque nous avions pris place, le médecin se mit en face de nous. L'interne posa un dossier médical sur la table : celui de ma mère sûrement.
« Etant donné les circonstances, j'ai accepté de vous rencontrer pour discuter avec vous. Vous êtes ? »
Carmen prit la parole en premier pour nous présenter un à un :
« Je suis la meilleure amie de madame Lincoln, Catherine est sa fille et Gabriel est son gendre. »
L'interne rajouta ses informations sur le dossier dans « personnes à contacter » avant de sortir l'ensemble des résultats des examens. Lentement, le médecin nous expliqua en nous regardant un à un :
« Madame Lincoln a fait une tentative d'autolyse. En d'autres termes, elle a essayé de mettre fin à ses jours en prenant le recours à la pendaison. A l'arrivée du SAMU, son cœur avait cessé de battre et ils ont réussi à la récupérer. Pour le moment, elle est maintenue en vie artificiellement par une machine. »
C'était beaucoup d'informations à digérer mais j'avais compris l'essentiel : le SAMU l'avait réanimé et elle était dans un état critique, son pronostic vital était peut-être encore engagé. Le médecin poursuivit :
« La machine est reliée à un tuyau dans sa bouche qui descend dans la trachée. »
Je visualisais l'anatomie intérieurement en déglutissant. Quelle merde.
« Il existe malgré tout une présence cérébrale avec pas mal de lésions. »
L'interne lui tendit le cliché d'un scanner et nous le présenta en montrant les différentes lésions sur le cerveau de ma mère :
« Malheureusement, par manque d'oxygène, certaines parties du cerveau ont cessé de fonctionner sur la zone frontale ici, puis pariétal. Je veux que vous comprenez qu'il y aura des séquelles, sa vie ne pourra plus redevenir comme avant.
-Qu'est-ce que ça veut dire, le coupai-je brusquée de ce mauvais pronostic.
-Je ne peux pas réellement vous dire. Nous ne pourrons les visualiser que lors de son réveil. Actuellement, elle est dans un coma artificiel, intubée, ventilée et sédatée. L'ensemble de ses fonctions vitales sont gérées par des machines pour favoriser la récupération du cerveau. Etant concentré uniquement sur ses propres lésions, le cerveau saura peut-être diminuer les lésions. »
Je me calmais. Je me sentais raide sur ce siège. Je sentais ma colonne vertébrale se contracter. Gabriel caressait une de mes cuisses en espérant m'apaiser mais cela ne fit qu'empirer mon mal-être. Désormais, je me sentais seule, orpheline. Je n'avais plus personne. Des larmes jaillirent de mes yeux et je criais pour moi-même :
« Qu'est-ce que je vais devenir maintenant sans elle ? »
Carmen me prit dans ses bras et l'interne Nicolas prit la parole :
« Nous trouverons des solutions et nous ferons le maximum pour que votre mère récupère rapidement. »
Lentement je hochais la tête et écoutais les explications sur la prise en charge de ma mère dans le service avant de leur demander :
« Est-ce que je peux passer la voir ? J'ai traversé le pays pour être auprès d'elle. »
Le médecin me répondit positivement et nous nous levions doucement pour le suivre à nouveau vers la chambre où reposait ma mère. L'ambiance était pesante tout comme le silence qui suivit le long du couloir. Arrivé devant la chambre, l'infirmière en charge de ma mère, m'accueillit avec un sourire tout en nous prévenant :
« Seulement deux personnes sont autorisées à entrer. »
Je regardais Carmen et Gabriel. Aucun des deux ne bougea. La meilleure amie de ma mère souffla en reniflant :
« Je te laisse y aller avec Gabriel s'il veut bien t'accompagner. »
Mon petit ami avait l'air intimidé et angoissé à l'idée de rentrer mais il attrapa ma main pour me transmettre son soutien. J'avalais longuement ma salive et ouvrit la porte de la chambre.
J'eus un léger mouvement de recul face à l'état critique de ma mère. Autour d'elle, j'entendais les machines mesurant ses paramètres vitaux. Il y avait aussi cet affreux bruit de respirateur signifiant qu'elle ne pouvait pas respirer d'elle-même pour le moment. Une voie centrale était implantée dans sa jugulaire et de nombreux traitements comme des sédations y passaient. Mes yeux se posèrent sur son cou meurtri et recouvert de traces violettes signifiant une tentative de strangulation. Oh...
« Oh mon dieu... Elle s'est pendue ! »
C'était l'évènement de trop pour moi. Tous mes muscles lâchèrent et mes genoux éclatèrent au sol et je me mis à hurler de douleur. Je ne voulais pas perdre ma mère. Mon père m'avait quitté il y a deux ans et je ne voulais pas revivre ça. Gabriel s'agenouilla à côté de moi pour me prendre dans ses bras. Dans un état second, je m'en pris à lui :
« Laisse-moi. Tu vois où j'en suis aujourd'hui ? Je n'ai plus personne. Mon père est mort, ma grand-mère n'est pas en bonne santé. Ma mère a essayé de se foutre en l'air. Toi tu as une famille alors va lui parler à ton père. »
Gabriel encaissa le coup en silence, ne prenant pas mes mots personnellement. Il savait qu'une dispute à ce moment-là n'était ni judicieux et ni intelligent. Il me laissa seulement l'utiliser comme un punching-ball.
« Je n'ai même pas encore vingt ans merde ! Je devrais avoir mes deux parents. Qu'il aille se faire foutre le bon Dieu. Quel pêché, j'aurai pu commettre pour qu'on me retire mes deux parents ?!
-Hey, ta mère va s'en sortir. Elle est forte.
-On n'en sait rien. »
Gabriel massa tendrement mon dos et je finis par accepter son étreinte. D'un mouvement il me releva et me garda dans ses bras tout en fixant le corps inerte de ma mère.
**
bonsoir
ce n'était pas un chapitre facile à écrire mais j'espère que vous comprendriez l'ensemble. Etant dans le milieu, j'ai peut-être un vocabulaire trop scientifique, trop technique. SI besoin, je reformulerai, n'hésitez pas à commenter.
-Elo
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