Le quartier n'était pas un de ceux visités par les touristes. Ce n'était pas un quartier résidentiel chic, ni même un quartier où l'on aimait se promener. C'était un quartier sombre, sale. Un quartier rejeté, où les poubelles étaient renversées sur le trottoir, où des filles trop jeunes faisaient claquer leurs talons de femmes sur le bitume froid, où les volets restaient clos du matin jusqu'au soir.

Les immeubles noirs recouverts de tags obscènes étaient collés les uns aux autres, comme pour minimiser leur imposante structure, comme si leur laideur prenait déjà assez de place comme ça dans la Ville Lumière. Entre chacun de ces immeubles, un escalier de métal dénudé partait des ruelles sales et montait jusqu'à atteindre les toits. Et sur l'un de ces escaliers, il y avait lui, et il y avait elle, lui à côté d'elle elle à côté de lui.

-C'est gentil, fit-elle en réponse au jeune homme.

C'était la nuit, ça sentait le soufre, car on avait tué des punaises dans l'après-midi. Lui était mal à l'aise, recroquevillé sur sa marche, et les excroissances du métal traversaient son pantalon jusqu'à atteindre sa peau. Elle semblait comme un poisson dans l'eau, le sourire aux lèvres et les lèvres gercées. Comme un poisson dans l'eau, mais dans l'air, sauf qu'ici y'avait pas d'air. C'était un quartier dans une bulle, une bulle tachée de gras et de poussière. L'hiver comme l'été, c'était toujours l'hiver.

-Désolée de t'avoir emmené là.

Elle se disait désolée, mais elle ne l'était pas vraiment. Elle voulait qu'il voit quelle était sa vie avant qu'il choisisse de l'aimer. Qu'il voit sa réalité.

-Ici, le soleil brille pas. Il a trop à faire dans les quartiers riches.

Elle souffla et de la vapeur s'échappa de ses lèvres.

-Nous, il nous aime pas.