Elle remit son téléphone dans son sac, ignorant alors Declan.

– C'est quoi ton job ?, lança-t-elle.

Nick posa les yeux sur elle et pinça les lèvres, l'air embarrassé, et Robin se demanda si elle ne faisait pas une erreur en posant cette question. Et s'il était réalisateur de films X ?

– Je... J'illustre des livres pour enfants.

– Oh !, laissa échapper Robin, soulagée.

Nick fronça les sourcils, méprenant son soulagement pour de la déception. Elle devait trouver ça ridicule. Les filles trouvaient toujours ça ridicule. Elles préféraient les avocats et les banquiers et les mecs qui devaient porter des costumes trois pièces au travail.

– Attends, t'es sérieux ?, s'écria-t-elle quand elle réalisa ce que venait d'annoncer Nick.

– Euh, oui, bredouilla-t-il.

– Il faut que tu me racontes !

Un petit sourire en coin apparut sur le visage de Nick. Robin semblait sincèrement intéressée par son travail et il s'en sentait toute chose. Bon sang, Nick, reprends-toi, se dit-il, avant de commencer :

– J'ai toujours aimé dessiner. Je passais mon temps à gribouiller, petit. J'ai trouvé un boulot dans une maison d'éditions pour la jeunesse en espérant pouvoir, un jour, leur montrer de quoi j'étais capable. L'occasion s'est présentée, et... mes dessins ont plu. Le livre que j'ai illustré fait partie d'une série, alors j'ai du pain sur la planche.

– Wahou ! C'est pour ça que tu cherches un appart' ?

Nick hocha la tête.

– Je partage un loft avec trois autres coloc', pour l'instant. Callum en fait partie, d'ailleurs. Mon contrat signifie un peu plus d'argent, et avec ce que j'ai déjà mis de côté... je peux me permettre un petit appart' à moi tout seul, où je pourrais travailler tranquillement. Tu trouves pas ça nul ?, grimaça-t-il.

– Non ! C'est génial !, se réjouit Robin.

Nick afficha un petit sourire timide mais flatté qui la fit fondre.

– Ça change. Je côtoie que des avocats et des banquiers et des mecs en costumes trois pièces tous plus barbants et coincés les uns que les autres.

Elle fit une moue dégoûtée et Nick retint un sourire.

– Et toi, tu fais quoi ?

– Je suis l'assistante de l'assistante du boss, grommela Robin. J'amène le café à celle qui amène le café. C'est extrêmement excitant, fit-elle en roulant des yeux.

– Quoi, c'était pas le métier de tes rêves ? Je suis choqué !, s'exclama Nick, sarcastique à son tour.

– Incroyable, hein ?, sourit-elle.

Son téléphone vibra à nouveau. Elle avait un message de Declan.

"J'ai pu me libérer ! Hâte de te voir."

Un léger sourire passa sur son visage, mais elle n'était plus aussi excitée à l'idée de ce rencard (dans un restaurant guindé avec un homme qui avait l'air en tous points parfait) qu'elle l'était en début de soirée.

– C'est quoi, ton métier de rêve ?, s'enquit Nick, alors qu'elle rangeait son téléphone dans son sac sans répondre.

– J'espère pouvoir devenir responsable dans l'entreprise où je suis en ce moment.

– Non, dit Nick en secouant la tête. Ton vrai métier de rêve ?

Robin se mordilla l'intérieur de la joue, alors que Nick l'observait d'un regard pénétrant.

– Honnêtement ?

– Honnêtement, l'encouragea Nick.

– Euhm... Je crois que je l'ai jamais dit à voix haute.

– Il y a une première fois à tout, répliqua Nick en arquant un sourcil, sourire malicieux aux lèvres.

– Tu vas trouver ça bête, marmonna Robin.

– Tu parles à quelqu'un qui a dû dessiner un dragon en tutu qui crachait des paillettes. Plus rien ne m'effraie.

Robin gloussa.

– Il faudra que tu me montres ça.

– Je penserai à prendre mes planches, la prochaine fois qu'on est coincé ici.

– Et moi j'embarquerai des oreillers, déclara Robin en se massant la fesse droite. Le sol n'est pas assez confortable à mon goût.

Nick rit, avant de fixer Robin.

– Je n'ai pas oublié ma question, tu sais.

– Zut, souffla-t-elle en plissant le nez.

Nick trouva son expression extrêmement craquante. Il se demanda s'il se serait retourné sur Robin, s'il l'avait simplement croisée dans la rue, ou s'il la trouvait intéressante et attirante uniquement parce qu'il était bloqué dans un cube d'acier depuis un moment maintenant et il commençait à devenir fou.

Étrangement, à ce moment-là, alors que Nick semblait perdu dans ses pensées, les yeux rivés sur elle, Robin se demandait la même chose. Nick n'était pas le genre d'homme qui l'aurait forcément attirée, habituellement. Elle préférait les hommes inaccessibles pour qui elle était transparente. Que Declan ait retourné une once de l'intérêt qu'elle lui portait l'avait étonnée – elle avait failli en tomber de sa chaise, quand il lui avait adressé la parole la première fois, et pas seulement pour lui commander un café. Nick la mettait à l'aise, même si une petite partie d'elle lui conseillait de rester méfiante, parce qu'elle ne le connaissait pas vraiment.

– À mes heures perdues, j'écris, avoua enfin la jeune femme.

– Tu écris ?

Nick fronçait les sourcils et elle regretta d'avoir partagé son hobby. Non, sa passion.

– Tu écris quoi ?

– Euh...

– Dragon en tutu, rappelle-toi, dit Nick pour la forcer à parler.

– Science-fiction, chuchota-t-elle, comme si Nick n'allait pas l'entendre.

Ils partageaient trois mètres carrés, au plus. Pensait-elle vraiment que sa réponse passerait inaperçue ?

– Tu veux dire que tu écris des romans de science-fiction ?

– Erm, hé bien, euh, oui. Je l'avais jamais dit à personne.

– Pourquoi ? C'est cool.

– Je pense pas que les gens veuillent entendre parler d'un alien égaré sur Terre qui demande à une scientifique de l'aider à retourner sur sa planète.

– Euh, si. En tout cas, moi, je veux en savoir plus.

Robin plissa les yeux en le scrutant du regard.

– Tu fais semblant d'être intéressé, pas vrai ?

– Pas du tout !, s'offusqua le jeune homme.

– Oh.

– Ils tombent amoureux ?

Robin gloussa.

– Peut-être. Si mon livre est publié un jour, tu le sauras.

– Ajoute ton manuscrit à la liste de choses à préparer pour la prochaine fois qu'on doit camper dans l'ascenseur, alors.

– Oh, merde, tu crois qu'on va devoir dormir ici ?, s'inquiéta soudainement Robin.

Cette pensée ne lui avait même pas traversé l'esprit. Nick eut l'air gêné d'avoir avancé cette possibilité.

– Non, enfin, je ne crois pas. J'en sais fichtrement rien, en fait. Au pire, on est ensemble, pas vrai ? Je te laisserai te servir de moi comme d'un oreiller s'il le faut.

Robin sourit, avant de désigner son torse du doigt.

– De ce que je devine sous le t-shirt, tu m'as pas l'air très rembourré.

Elle avait remarqué son ventre plat et ses bras musclés. Nick se tapota le ventre de la main avant de relever un regard embêté vers Robin.

– Désolé. Je me suis mis au sport quand j'ai commencé à bosser sur le livre. Ça m'aidait à me concentrer. Et je vais me taire parce que j'ai horreur de ces personnes qui parlent du sport sans arrêt comme si c'était la seule chose pour laquelle elles vivaient. Revenons-en à ton livre : tu l'as fini ?

– Oui. J'ai l'ai relu entièrement une bonne vingtaine de fois depuis. J'ai toujours des corrections à faire parce que je suis jamais satisfaite.

Robin remarqua la lueur malicieuse dans le regard de Nick, se rendit compte du double-sens de sa dernière phrase et se mit à rougir.

– Pardon, parfois j'ai l'esprit mal placé, s'excusa Nick en riant, en voyant la gêne de Robin.

– Et moi je te promets que je suis pas une prude qui rougit à tout-va.

Elle eut envie de sortir de sa peau et partir en courant : pourquoi avait-elle dit ça ? Qu'est ce que ça pouvait bien faire à Nick, qu'elle ne soit pas une prude ?

– Tu devrais tenter le coup, avec ton manuscrit. Relis-le une dernière fois si tu veux et promets-toi que tu n'y toucheras plus, et envoie-le.

Robin lissa sa robe hors de prix sur ses cuisses.

– Je sais pas.

– Ton histoire a l'air de te tenir à cœur. Ce serait dommage de te demander ce qui aurait pu être, sourit Nick.

Robin hocha la tête.

Elle commençait à avoir mal au dos, assise par terre. Elle soupira et s'étira, avant de s'appuyer à nouveau contre la paroi, et croisa le regard de Nick qui venait de détailler peu discrètement sa poitrine. Elle le vit rougir et détourner les yeux, mais bizarrement, elle n'était pas gênée ou furax qu'il l'observe ainsi. Quand elle surprenait le regard de Declan sur elle, soit il avait l'air d'un ado en manque, soit il ressemblait à un pervers qui résiste à ses pulsions. Comme s'il était affamé et qu'elle était le seul morceau de viande à se mettre sous la dent à des kilomètres à la ronde. Nick l'avait regardée comme... comme une femme. Comme s'il appréciait réellement ses formes, et pas seulement parce qu'elles étaient sous son nez.

– Et toi, ton plus grand rêve ?, demanda-t-elle pour penser à autre chose.

– Oh, je croyais qu'on en avait déjà parlé au début. Être coincé dans un ascenseur avec une femme ravissante. Mais clairement je me suis trompé sur la façon dont ça finirait.

Robin gloussa.

– Moi aussi, admit-elle.

Nick eut l'air interloqué.

– Tu veux dire que...

– Oui, ça nous arrive parfois à nous les femmes d'avoir des fantasmes.

Nick feint d'être stupéfait avant de sourire à pleines dents.

– Tu aurais dû le dire dès le début, on aurait passé le temps autrement, plaisanta-t-il.

– Ne me tente pas, rétorqua Robin avec un clin d'œil.

Elle se surprenait elle-même, à flirter ainsi avec cet inconnu.