Soudain, un grésillement atroce se fit entendre dehors. Son écho résonna dans toute la ville. Les haut-parleurs s'étaient allumés.

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"Bonsoir à tous, chers habitants d'Ardysia. Je suis Marcus, votre Dirigeant. J'ai aujourd'hui l'honneur de vous annoncer le déclenchement de la 9ème édition d'Elevation, votre jeu préféré. Comme chaque année, des écrans géants seront installés sur les deux rives pour vous permettre de suivre cette aventure palpitante. Je vais à présent appeler les cinquante jeunes sélectionnés pour participer à Elevation. Si votre nom est cité, vous êtes priés de vous rendre à l'embarquement situé sur le quai numéro 3 dans une heure. Inutile de prendre des affaires personnelles, tout vous sera fourni à Elevation, et vous n'y resterez pour la plupart d'entre vous que très peu de temps !"

J'avalai difficilement ma salive lorsque Marcus marqua une pause dans son discours. C'était maintenant.

"Laylah Parker. Rylan Scott. Nida Tyde. Edan Rolly..."

Les noms s'enchaînaient, tandis que mon regard flottait dans le vide, ma main enserrant fermement ma fourchette. Il n'en restait à présent plus qu'une dizaine, et le désespoir me gagnait. Peut-être que ma tricherie n'avait pas été acceptée ?

"... Eleine Spare. Tahlia Dawson. Kley Barish et enfin Kelyo North. Soyez à l'heure."

Je ne pus m'empêcher de soupirer discrètement. J'avais cru un instant que je ne serais pas appelée. Ce que je ressentais en ce moment était indescriptible. C'était un mélange d'appréhension, de soulagement, et d'adrénaline.

Ma mère hoqueta, et amena la main à sa bouche, les larmes ruisselant déjà sur ses joues. Mon regard se voila de tristesse. Je levai les yeux vers mon frère, qui me regardait sans un mot, bouche-bée.

Je déglutis, essayant de paraitre un minimum étonnée. Je me levai, sous le regard toujours ahuri et apeuré de ma famille. Avant que je ne dise un mot, ma mère se leva à son tour avant de me serrer dans ses bras, sanglotante.

Je lui retournai son étreinte, les larmes aux yeux. J'avais l'impression qu'on venait de me planter une lame en plein coeur. Derrière ma mère se tenait Ash, pétrifié.

- Tu t'en vas ? me demanda-t-il, la voix chevrotante.

J'acquiesçai, la tristesse m'assaillant de toute part. J'allais les abandonner. Et ce, probablement pour toujours.

Je reculai doucement, lâchant ma mère, qui semblait à cet instant si fragile.

- Je vais dire au revoir à Tray, murmurai-je, les yeux baissés.

Ma mère reprit ses esprits et hocha la tête, l'air cependant peinée que je ne partage pas mes derniers moments ici avec eux.

- Je reviens ici avant de partir, rajoutai-je pour la rassurer.

Elle se détendit tout à coup. Je contournai la table et déposai un tendre baiser sur le front de mon frère, encore plus pâle que d'habitude. Je fis enfin demi-tour et sortis de la maison.

Mes pensées se dirigèrent alors vers Tray. Il était non seulement mon meilleur ami ici, mais surtout le seul. Je le connaissais depuis mes dix ans. Il était du même âge que moi, et nous avions toujours été proches. Le quitter me dévastait tout autant que quitter ma famille.

Je fis quelques pas dans la rue, et, à ma plus grande surprise, me retrouvai face à celui qui occupait mes pensées l'instant d'avant. Je compris qu'il avait déjà parcouru le chemin qui séparait nos deux maisons pour venir à ma rencontre.

Tray me lança un regard rempli d'une émotion indéfinissable. Il ouvrit ses bras et je m'y jetai sans hésiter. Il me pressa contre son torse, le nez enfoui dans mes longs cheveux blonds.

- Tu vas me manquer, petite tête, souffla-t-il.

- Toi aussi, lui répondis-je, émue.

On se sépara à contre-coeur.

-Tray, si je n'en sors pas vivante... commençai-je, la gorge serrée.

- Tu vas gagner, Lia, m'interrompit-il, en m'appelant par le surnom que me donnait ma mère.

Je souris tristement. Même si savoir qu'il croyait en moi me réchauffait le coeur, je doutais de plus en plus de ma victoire. Je baissai la tête.

- Tu as un mental en acier. Tu es douée au combat, agile, mais, encore plus important, tu es rusée. Et c'est ça qui fera toute la différence, déclara-t-il gravement.

Je rougis inconsciemment. Je ne recevais que très rarement des compliments de sa part.

- Oui, mais vraiment, si je meurs là-bas, prend soin de ma famille, s'il-te-plait, le suppliai-je presque.

Il me sourit d'un air rassurant.

- Je te le promets, acquiesça-t-il.

Je soupirai. Le temps me manquait, j'allais bientôt devoir partir. Tray m'observa et comprit ma pensée.

- Vas-y. Et n'oublie pas, réfléchis avant d'agir et... commença-t-il, mais ce fut à mon tour de l'interrompre.

- Et sois forte. Je sais, achevai-je en souriant légèrement, de nouveau déterminée.

Il me sourit en retour. Soudain, son sourire s'effaça, et ses sourcils se froncèrent, comme s'il était en proie à l'hésitation. Il me tira vers lui et sans que j'ai le temps de réagir, déposa doucement ses lèvres sur les miennes.

Tout mon corps s'embrasa à ce contact. Je savais au fond de moi que j'attendais ce moment depuis longtemps. Je répondis instantanément à son baiser et enroulai mes bras autour de son cou. Il pressa son corps un peu plus contre le mien et intensifia le baiser, cherchant à me transmettre toutes ses émotions.

J'essayais d'occulter la petite voix dans ma tête qui me soufflait que ce baiser était un baiser d'adieu. Que c'était la dernière fois, peu importe l'issue du jeu, que je voyais Tray.

Je rassemblai toutes mes forces pour me détacher de lui. Tout mon corps me criait de rester avec lui, de renoncer au jeu, et de me blottir à nouveau dans ses bras rassurants.

Il me tint une dernière fois la main, tandis que je faisais lentement demi-tour, le coeur lourd. Au fur et à mesure que je m'éloignais de lui, je me forçai à regarder droit devant moi, sans me retourner. Je sentais son regard dans mon dos, mais je tins bon et rentrai de nouveau dans la maison.

Je retrouvai alors ma mère et mon frère, blottis l'un contre l'autre. Mon visage s'adoucit lorsque je vis les yeux rougis de mon frère et ma mère lui caressant le dos. Lorsqu'ils me virent, leurs regards s'éclairèrent.

Mon frère se jeta dans mes bras, et ses pleurs redoublèrent. Cette vision m'était insupportable.

- Ne pars pas... réussit-il à articuler entre deux sanglots.

Je fermai les yeux.

- Je le fais pour toi... lui répondis-je simplement.

Après encore quelques minutes d'adieux déchirants, je quittai la maison. J'avais suivi les instructions du Dirigeant, je marchais donc les mains vides.

Je savais parfaitement où se situait le quai numéro 3. De nos jours, plus aucun bateau ne flottait sur les eaux du Fleuve. Ils avaient été interdits par le Dirigeant, qui tenait à ce que les deux rives ne communiquent d'aucune manière. La seule exception était les bateaux d'Elevation, venant une fois par an chercher les participants.

En effet, la particularité du jeu était qu'il avait lieu à l'extérieur, de l'autre côté des remparts d'Ardysia. Le Fleuve était la seule sortie de la ville, et était donc très bien gardé. Seuls les bateaux d'Elevation pouvait le franchir.

Nous savions très peu de l'organisation d'Elevation. Chaque année, les épreuves changeaient de format. La seule commune était la finale, qui consistait à faire s'affronter dans un combat à mort les deux derniers participants. Je n'avais donc presque aucune idée de ce qui m'attendait là-bas, bien que Tray m'avait préparé à tous les scénarios possibles. De plus, je ne savais pas à quoi ressemblait l'endroit dans lequel nous étions emmené. 

Après avoir parcouru presque toute la ville, j'arrivai enfin au niveau du quai. D'après la foule qu'il y avait, je n'étais pas en avance.

Des employés, tous portant la même tenue flambant neuve, étaient occupés à scanner avec des appareils inconnus chaque participant. Après avoir enregistré leur identité, ils leur indiquaient l'un des bateaux amarrés au quai.

Je m'immisçai dans la foule de jeunes de mon âge. Tout ce monde me gênait, je n'étais pas habituée à être autant entourée. Certains semblaient se connaître, papotant tranquillement. D'autres, plus isolés, avaient l'air terrifiés.

Me plaquant une expression fermée sur le visage, je commençai à zigzaguer entre les personnes, tentant d'accélérer le processus. La patience n'était pas mon point fort. Tandis que je dépassais des petits groupes, je tentais de reconnaitre des visages, en vain. De toute manière, je ne connaissais que très peu de jeunes de ma rive. Je restais la plupart du temps avec Tray, ou avec ma famille.

Mon tour arriva au bout de quelques minutes d'attente qui furent pour moi interminables. Je m'étais contentée d'éviter de croiser le regard des gens. Une des premières règles que j'avais établie avec Tray était de ne me lier d'amitié avec personne. Ici, chaque visage que je regardais serait sûrement mort d'ici quelques jours.

Un employé me scanna de haut en bas, attendant que mon nom apparaisse sur son petit appareil, puis je fus dirigée vers un bateau. On m'aida à monter dessus. Il était déjà occupé par une dizaine de participants, qui me toisèrent tous en silence lorsque je montai à bord. Une fois le quai désert, les bateaux démarrèrent.

J'observai avec nostalgie et appréhension la rive sur laquelle j'avais grandi, peu à peu disparaitre à l'horizon.

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Le coeur de l'histoire débute enfin ! Ne vous inquiétez pas, si pour l'instant tout est relativement calme (il faut bien planter le décor), l'action va vite arriver ;) 

Encore une fois, n'oubliez pas de voter si l'histoire vous plaît et je suis ouverte à tous vos commentaires et critiques !